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Décisions

CA Chambéry, 2e ch., 5 janvier 2017, n° 16/00237

CHAMBÉRY

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Société Civile Immobilière Proval

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Thomassin

Conseillers :

M. Madinier, M. Balay

JEX d’Albertville, du 26 janv. 2016, n° …

26 janvier 2016

EXPOSE DU LITIGE

Par acte d'huissier du 10 novembre 2015, la SCI Proval a fait assigner madame Christina A.-R. devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Albertville poursuivant la mainlevée d'une inscription d'hypothèque prise le 28 août 2015, sur autorisation de ce même juge donnée par ordonnance du 24 août 2015, sur un local commercial au rez-de-chaussée d'un immeuble en copropriété dénommé [...].

Rejetant l'exception d'incompétence territoriale soulevée et retenant l'existence de circonstances menaçant le recouvrement de la créance de madame Christina A.-R., le juge de l'exécution a, par jugement du 26 janvier 2016, rejeté la demande de la SCI Proval et celle, reconventionnelle, de dommages et intérêts de madame Christina A.-R. et a alloué à cette dernière la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI Proval a fait appel de ce jugement par déclaration au greffe de la cour du 10 février 2016.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 septembre 2016, la SCI Proval demande à la cour de :

- ordonner la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire prise sur ses droits immobiliers sur l'immeuble en copropriété dénommé le Valsnow sis à Val d'Isère, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de huitaine à compter de la notification de l'arrêt à intervenir,

- débouter madame Christina A.-R. de l'intégralité de ses prétentions,

- la condamner à lui payer les sommes de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour mesure conservatoire abusive et sans fondement et de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens avec distraction.

La SCI Proval conteste la compétence territoriale du juge de l'exécution d'Albertville qui a autorisé l'inscription au profit de celui de Grasse (06) dans le ressort duquel elle a son siège social depuis 2013, en application des dispositions d'ordre public de l'article L 511-14 du code des procédures civiles d'exécution.

Si l'adresse de Val d'Isère devait être retenue, la mesure conservatoire serait caduque faute de sa dénonciation à la bonne adresse.

La SCI Proval conteste non seulement l'existence d'une créance paraissant fondée dans son principe, madame Christina A.-R. ayant été réglée de toutes ses créances, mais aussi celle d'un risque en menaçant le recouvrement, la SCI Proval ayant trouvé un locataire pour son local, étant rappelé que le juge de l'exécution doit apprécier ces critères à la date à laquelle il statue.

Elle souligne la mauvaise foi de madame Christina A.-R. et son intention de lui nuire par les différentes procédures engagées à son encontre, justifiant sa demande de dommages et intérêts.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 septembre 2016, madame Christina A.-R. demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de la SCI Proval et reconventionnellement, de condamner cette dernière à lui payer les sommes de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens avec distraction.

Madame Christina A.-R. souligne que si la SCI Proval a son siège social dans les Alpes Maritimes, le lieu de son principal établissement, critère de compétence à retenir, est l'immeuble en copropriété dénommé [...], qui constitue d'ailleurs son seul bien immobilier et que la SCI Proval a, elle-même, porté sa demande de mainlevée devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Albertville.

Elle indique n'avoir été réglée qu'après de multiples procédures, en septembre et octobre 2015, des sommes allouées par deux arrêts de la cour d'appel de Grenoble du 27 octobre 2014, d'un montant de 55 888,83 euros.

L'hypothèque provisoire litigieuse, d'ailleurs inscrite avant le réglement sus évoqué, viserait à garantir le paiement d'un préjudice locatif de 78 268 euros dont elle poursuit l'allocation dans le cadre d'une procédure pendante devant le tribunal de grande instance d'Albertville.

La SCI Proval aurait, en outre, consenti à son nouveau locataire, une promesse de vente de l'immeuble grevé, constituant son seul patrimoine.

La clôture de la procédure est intervenue le 10 octobre 2016.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'incompétence territoriale du juge de l'exécution d'Albertville

Il résulte des dispositions des articles L 511-2 et L 511-3 du code des procédures civiles d'exécution que le juge compétent pour autoriser une mesure conservatoire est celui du lieu où demeure le débiteur et que le juge doit relever d'office son incompétence.

Il ne peut être dérogé à ces règles de compétence, l'article R 121-4 du code des procédures civiles d'exécution disposant que les règles de compétence prévues au présent code sont d'ordre public.

Il est constant qu'en application des dispositions de l'article 43 du code de procédure civile, le lieu où demeure une personne morale est celui où elle est établie, qui est, en principe, son siège social.

Le siège social de la SCI Proval est sis, depuis 2013, [...] et madame Christina A.-R. ne peut prétendre l'ignorer dans la mesure où :

- l'ordonnance du 24 août 2015 rendue à sa requête par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Albertville ayant autorisé l'inscription de l'hypothèque provisoire, domicilie la SCI Proval à son siège social à Villeneuve Loubet,

- la dénonciation du dépôt de l'inscription de l'hypothèque judiciaire provisoire a été signifiée par voie d'huissier à la SCI Proval à son siège social à Villeneuve Loubet,

- l'inscription même de l'hypothèque auprès du Service de publicité foncière a été requise en domiciliant le débiteur saisi à son siège social à Villeneuve Loubet,

- le jugement déféré domicilie la SCI Proval à l'adresse de son siège social à Villeneuve Loubet,

- madame Christina A.-R. a fait assigner la SCI Proval par acte d'huissier du 17 décembre 2014 devant le tribunal de grande instance d'Albertville, poursuivant l'indemnisation de préjudices locatif et corporel, à l'adresse de son siège social à Villeneuve Loubet,

- par acte d'huissier du 18 mai 2015, madame Christina A.-R. a fait assigner la SCI Proval en redressement judiciaire devant le tribunal de grande instance de Grasse, dans le ressort duquel est situé le siège social de cette dernière.

Il ne peut pas être opposé à la SCI Proval d'avoir elle-même porté sa demande de mainlevée de l'hypothèque devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Albertville dans la mesure où les dispositions de l'article R 512-2 du code des procédures civiles d'exécution l'y contraignaient.

La SCI Proval souligne qu'elle est propriétaire d'un local commercial à Val d'Isère, mais qu'elle n'y dispose pas de locaux lui permettant de s'y établir.

Madame Christina A.-R. fait valoir que la cour d'appel de Grenoble, aux termes de son arrêt rendu le 27 octobre 2014 fixe le siège social de la SCI Proval à Val d'Isère, mais la SCI Proval expose avec pertinence qu'il s'agit d'une erreur dans la mesure où les conclusions prises tant par madame Christina A.-R. que par elle-même domicilient toutes la SCI Proval à son siège social sis [...]; il n'est en outre pas anodin de relever que l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble expose en sa page 6 'qu'en l'espèce, l'établissement de la SCI Proval s'entend de son siège social'.

L'article R 512-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que si les conditions prévues notamment par l'article R 511-2 ne sont pas réunies, le juge peut ordonner la mainlevée de cette mesure à tout moment.

Il sera en conséquence ordonné à madame Christina A.-R. de faire procéder à la mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire et ce, sous astreinte de 50 euros par jour pendant trois mois, à l'issue d'un délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt.

Sur des dommages et intérêts

La SCI Proval ne démontre pas que madame Christina A.-R. a commis un abus de droit en faisant inscrire l'hypothèque judiciaire provisoire litigieuse autorisée par le juge de l'exécution et notamment pas que cette mesure a constitué un obstacle dans le cadre des négociations qu'elle mène aux fins de vente de son local commercial.

Elle sera, en conséquence, déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Madame Christina A.-R. qui succombe sera, quant à elle, déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les demandes annexes

Madame Christina A.-R. sera condamnée à payer à la SCI Proval la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de celle d'appel.

Elle sera déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.

Elle supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la Loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Réforme partiellement le jugement déféré,

Mais statuant à nouveau sur l'ensemble des demandes,

Ordonne à madame Christina A.-R. de faire procéder à la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire prise le 28 août 2015 au service de la publicité foncière de Chambéry 1, dénoncée le 2 septembre 2015 par la SCP H. ' M. ' F., huissiers de justice associés à Cagnes sur Mer, portant sur les droits et biens immobiliers appartenant à la SCI Proval suivant acte reçu par Maître Jean-Philippe S. notaire à Bordeaux (Gironde) le 9 octobre 1989, publié au service de la publicité foncière de Chambéry (Savoie) 1er bureau le 5 décembre 1989, volume 1989P, numéro 17350, sis à Val d'Isère (73150), cadastré section AD 3 Lot 217 se trouvant dans un ensemble immobilier dénommé le Val Snow ayant fait l'objet d'un état descriptif de division et règlement de copropriété établi aux termes d'un acte reçu par Maître Raymond T., notaire à Moutiers, le 8 août 1974 publié au service de la publicité foncière de Chambéry 1er, le 13 septembre 1974 volume 1692 numéro 4.

Dit que madame Christina A.-R. devra faire procéder à cette mainlevée dans les deux mois suivant la signification du présent arrêt, sous astreinte, passé ce délai, de 50 euros par jour de retard pendant trois mois.

Déboute madame Christina A.-R. de l'ensemble de ses demandes.

Déboute la SCI Proval de sa demande de dommages et intérêts.

Condamne madame Christina A.-R. à payer à la SCI Proval la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne madame Christina A.-R. à supporter les dépens de première instance et d'appel, avec distraction, pour ceux d'appel, au profit de la SCP B. A. B., avocats, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.