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Décisions

CA Douai, 8e ch. sect. 3, 10 septembre 2020, n° 19/06535

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Cic Nord-Ouest (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collière

Conseillers :

Mme Royer, Mme Convain

JEX Douai, 23 oct. 2019, n° 19/92

23 octobre 2019

Par acte sous seing privé du 28 novembre 2018, la SA CIC Nord-Ouest a consenti à la société Cordonnier SA un crédit de trésorerie 'préfinancement export' d'un montant de 850 000 euros destiné à lui 'permettre de financer les besoins résultant de son activité exportatrice, notamment pour faciliter l'exécution d'une commande importante, se rapportant à un marché déterminé pendant la période de fabrication des produits faisant l'objet de ce marché.'

Ce prêt dont l'échéance initiale était au 31 mai 2019 était utilisable par billets de trésorerie et portait intérêts au taux Euribor 1 mois majoré de 1,5%.

Les fonds ont été mis à disposition sur le compte courant de la société Cordonnier SA ouvert dans les livres de la SA CIC Nord-Ouest.

L'échéance initiale de la convention de crédit trésorerie du 28 novembre 2018 a été reportée au 31 août 2019 par un avenant conclu sous seing-privé le 24 avril 2019.

Le 1er août 2019, la société Cordonnier SA a émis un billet de trésorerie de 850 000 euros.

A l'échéance soit le 31 août 2019, le solde du compte courant de la société Cordonnier SA n'avait pas de provision suffisante pour permettre le remboursement du crédit de trésorerie accordé par la SA CIC Nord-Ouest de sorte que par courriers recommandés en date du 3 septembre, 9 octobre et 16 octobre 2019, la SA CIC Nord-Ouest a mis en demeure la société Cordonnier SA de lui rembourser la somme de 873 247,78 euros. Ces mises en demeure sont restées sans effet.

Le 23 octobre 2019, la SA CIC Nord-Ouest saisi le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Douai d'une requête aux fins d'être autorisée, à titre conservatoire, à nantir les parts et droits détenus par la société Cordonnier SA au sein de la SCI Cordobat numérotés de 1 à 13 825, de la SCI Loirga numérotés de 1 à 4 100 et de la SCI Ster numérotés de 1 à 4 300.

Par ordonnance du 30 octobre 2019, le juge de l'exécution a rejeté la requête présentée par la SA CIC Nord-Ouest, faute pour cette dernière de justifier de circonstances de nature à menacer le recouvrement de sa créance.

La SA CIC Nord-Ouest a interjeté appel de cette ordonnance le 14 novembre 2019.

Le 3 décembre 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Douai a informé la SA CIC Nord-Ouest qu’il n'entendait pas rétracter sa décision de sorte que le dossier a été transmis au greffe de la cour.

Au soutien de son appel, la SA CIC Nord-Ouest fait valoir que les mises en demeures qu'elle a adressées à la société Cordonnier SA et qui sont restées infructueuses démontrent que sa créance est menacée au sens de l'article R. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution. Elle précise que les comptes annuels de la débitrice ne sont plus déposés depuis décembre 2017 au greffe du tribunal de commerce de Nanterre et qu'elle ne détient aucun élément permettant de juger de sa situation financière.

Dans ses réquisitions écrites du 8 janvier 2020, le Procureur général de Douai s'en est rapporté à la sagesse de la cour.

Par une note adressée le 4 juin 2020 à l'avocat de la SA CIC Nord-Ouest, la cour a sollicité les observations de la SA Cic Nord-Ouest sur l'éventuelle incompétence territoriale du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Douai en raison de l'adresse du siège social de la débitrice et ce au regard des dispositions des articles R.511-2 et R.511-3 du code des procédures civiles d'exécution.

Par courrier électronique du 11 juin 2020, la SA CIC Nord-Ouest, par la voie de son conseil, a répondu que si le siège social de la société Cordonnier SA était établi à Boulogne Billancourt, cette dernière disposait également d'un établissement secondaire situé dans le ressort du tribunal de grande instance de Douai de sorte que le juge de l'exécution de ce tribunal était bien territorialement compétent, étant observé au surplus que ce dernier n'a pas lui-même soulevé son incompétence.

MOTIFS

Aux termes de l'article R. 511-2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution compétent pour autoriser une mesure conservatoire est celui du lieu où demeure le débiteur.

Selon l'article R.511-3 du même code, toute clause contraire aux articles L. 511-3 ou R.511-2 est réputée non avenue. Le juge saisi doit relever d'office son incompétence.

Enfin, l'article R.121-4 du code des procédures civiles d'exécution dispose que les règles de compétence prévues au présent code sont d'ordre public.

En l'espèce, il résulte tant de l'extrait Kbis de la société Cordonnier SA que des renseignements obtenus sur le site 'société.com' par la SA CIC Nord-Ouest que la société débitrice a son siège social sis [...] et qu'elle dispose également d'un établissement secondaire sis [...], qui pour ce dernier relèverait de la compétence territoriale du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Douai. Toutefois, l'appelante n'établit pas que cet établissement secondaire est concerné par la convention de crédit trésorerie, cause de la demande de saisie conservatoire, et en particulier qu'il disposait d'une autonomie de décision pour la négociation, la signature et l'exécution de cette convention, et ce alors que cette convention ainsi que son avenant ont été conclus par l'établissement principal sis [...]. Il n'est pas non plus démontré par la SA CIC Nord-Ouest que l'établissement secondaire de la société Cordonnier SA a le pouvoir de représenter l'établissement principal à l'égard des tiers.

Le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Douai n'était donc pas territorialement compétent pour statuer sur la requête qui a été déposée par la SA CIC Nord-Ouest aux fins d'être autorisée à procéder à une saisie conservatoire à l'encontre de la société Cordonnier SA de sorte qu'il convient de la renvoyer à mieux se pourvoir.

Il convient de laisser les dépens d'appel à la charge de la SA CIC Nord-Ouest.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance querellée ;

Statuant à nouveau et y ajoutant

Déclare le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Douai territorialement incompétent pour statuer sur la requête de la SA CIC Nord-Ouest de Lille du 23 octobre 2019 visant à être autorisée à procéder à une saisie conservatoire à l'encontre de la société Cordonnier SA ;

Renvoie la SA CIC Nord-Ouest de Lille à mieux se pourvoir ;

Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de la SA CIC Nord-Ouest.