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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 10, 17 février 2022, n° 21/14320

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Caisse de Retraite et de Prevoyance des Clercs et Employés de Notaires

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pruvost

Conseillers :

Mme Lefort, M. Trarieux

JEX Paris, du 12 juill. 2021, n° 21/0809…

12 juillet 2021

Par acte d'huissier du 30 mars 2021, la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (ci-après dénommée la C.R.P.C.E.N), se prévalant d'un contrat de bail sous seing privé en date du 22 juin 1998, a fait pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de la banque HSBC pour un montant de 39 893,04 euros en principal, au titre de loyers et accessoires dus au 1er mars 2021, au préjudice de Mme B. ; cette saisie conservatoire sera dénoncée à la débitrice le 7 avril 2021.

Mme B. ayant donné assignation à la C.R.P.C.E.N. à comparaître devant le juge de l' exécution du Tribunal judiciaire de Paris afin de voir ordonner la mainlevée de cette saisie conservatoire, par jugement en date du 12 juillet 2021 le juge de l' exécution a rejeté cette demande, mais a cantonné les effets de la saisie conservatoire à hauteur de 35 931,86 euros, après avoir relevé que certaines sommes figurant sur le compte provenaient d'aides financières versées par l'Etat dans le cadre de l'épidémie de Covid 19 et n'étaient donc pas saisissables. En outre, Mme B. a été condamnée au paiement de la somme de 2 500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclarations en date des 22 et 23 juillet 2021, Mme B.. a relevé appel de ce jugement. Les instances enrôlées sous les n° 21/14320 et 21/14425 ont été jointes, le dossier portant désormais le premier de ces numéros.

Selon conclusions notifiées le 17 janvier 2022, Mme B. a invoqué l'article 11.1 1° g) de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 en vertu duquel un locataire pouvait solliciter un report ou un étalement du loyer, soulignant que la demande y relative avait été acceptée par le bailleur, et l'article 4 de l'ordonnance du 25 mars 2020 selon lequel les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l'article 1er (c'est à dire celle allant du 12 mars 2020 au 10 septembre 2020, soit deux mois après la cessation de l'état d'urgence sanitaire). Mme B. a invoqué également l'article 14 I et IV de la loi du 14 novembre 2020 et le décret du 30 décembre 2020 qui prévoyaient qu'un professionnel ne pouvait pas faire l'objet d'une saisie conservatoire ni encourir la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers. Elle a également mis en exergue la mauvaise foi de la partie adverse, qui l'avait placée en grande difficulté en régularisant la saisie conservatoire querellée, ce qui l'avait mise dans l'impossibilité de régler ses dettes courantes, et qui bien qu'ayant donné mainlevée d'une précédente saisie conservatoire au titre de l' exécution provisoire d'un précédent jugement, avait cru devoir dresser un second procès-verbal de saisie conservatoire à son encontre le 30 mars 2021, manifestant ainsi la volonté de ne pas respecter les décisions de justice rendues. Mme B. a soulevé la nullité du procès-verbal de saisie conservatoire qui ne comportait pas de décompte de créance, et a fait valoir en outre que les sommes saisies ne pouvaient l'être, s'agissant du fonds de solidarité dont elle avait bénéficié à hauteur de 13 500 soit 9 x 1 500 euros (en vertu de l'article 3-1 de l'ordonnance du 25 mars 2020), de la somme de 1 500 euros versée par le service social de l'ordre des avocats, de la somme de 1 500 euros versée par l'URSSAF, et de celle de 1 500 euros versée par le CNBF, lesdites sommes n'étant pas non plus saisissables conformément à l'article L 112-2 du code des procédures civiles d' exécution .

Mme B. a mis en exergue une disproportion entre la saisie conservatoire et la dette qu'elle devait régler, et a prétendu qu'il n'existait ni de principe de créance apparemment fondé ni de péril sur le recouvrement de celle-ci, dans la mesure où elle ne se trouvait pas en état de cessation des paiements et encore moins en liquidation judiciaire, et ce d'autant plus que la créancière se trouvait, quant à elle, dans une situation financière particulièrement florissante. Enfin elle a reproché à la C.R.P.C.E.N. de s'être livrée à un véritable harcèlement. Mme B. a demandé à la Cour d'infirmer le jugement du 12 juillet 2021, d'annuler la saisie conservatoire datée du 30 mars 2021, et subsidiairement d'ordonner sa mainlevée sous astreinte journalière de 100 euros à concurrence de 24 816,09 euros ; subsidiairement elle en a réclamé la mainlevée partielle à concurrence de 13 500 euros + 4 000 euros. Enfin Mme B. a sollicité la condamnation de la C.R.P.C.E.N. au paiement de la somme de 200 euros au titre des frais bancaires générés par la saisie conservatoire, outre 15 000 euros de dommages et intérêts pour abus de saisie, et 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En ses conclusions notifiées le 12 janvier 2022, la C.R.P.C.E.N. a demandé à la Cour de rejeter des débats un certain nombre de pièces qui avaient été communiquées tardivement par l'appelante, peu avant la clôture de la procédure. Elle a exposé que des impayés de loyers s'étaient produits à plusieurs reprises à un point tel qu'elle avait dû délivrer à Mme B. de nombreux commandements de payer, le dernier en date le 20 février 2018, et que la dette de loyers s'élevait au 7 janvier 2022 à 46 066,49 euros. Elle a expliqué que deux saisies conservatoires avaient été diligentées, seule la deuxième étant en litige dans le cadre de la présente procédure. La C.R.P.C.E.N. a soutenu que le second procès-verbal de saisie conservatoire n'était pas atteint de nullité car il comportait bien un décompte de créance.

S'agissant des loyers dus sur la période allant du 12 mars 2020 au 10 septembre 2020 (soit deux mois après la cessation de l'état d'urgence sanitaire), la C.R.P.C.E.N. a prétendu que l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 ne suspendait pas le paiement des loyers ni n'interdisait la prise de mesures conservatoires, alors que l'article 1er de ladite ordonnance n'était pas applicable, s'agissant d'un bail mixte. La C.R.P.C.E.N. a ajouté que l'article 3 de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ne pouvait pas être invoqué, non plus que le décret du 30 mars 2020 puisque Mme B. ne justifiait pas avoir bénéficié du fonds de solidarité.

S'agissant des loyers dus sur la période allant du 10 septembre 2020 au 17 octobre 2020 (date à laquelle le décret du 14 octobre 2020 avait fixé le début de la nouvelle période d'urgence sanitaire),la C.R.P.C.E.N. a prétendu que ce texte ne pouvait être utilement invoqué car l'activité de Mme B. n'avait pas été impactée par l'épidémie de Covid et les mesures de police prises en conséquence, et que l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020 était inapplicable dans la mesure où la débitrice ne justifiait pas satisfaire aux conditions de seuil posées par cette loi.

S'agissant du procès verbal de saisie conservatoire, la C.R.P.C.E.N. a fait plaider que cet acte était régulier comme comportant le montant du principal de la dette, et que des menaces pesaient sur son recouvrement puisque Mme B. demeurait taisante, et était restée inactive suite à la délivrance des divers commandements de payer. Elle a ajouté que les sommes saisies étaient bien saisissables. La C.R.P.C.E.N. a demandé à la Cour d'infirmer le jugement uniquement en ce qu'il avait cantonné la saisie conservatoire, de le confirmer pour le surplus, de rejeter les prétentions de Mme B., et de la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée à l'audience du 19 janvier 2022.

MOTIFS

La C.R.P.C.E.N. a demandé à la Cour de rejeter des débats un certain nombre de pièces qui avaient été communiquées tardivement par l'appelante, peu avant la clôture de la procédure mais en définitive celle-ci a été prononcée à l'audience du 19 janvier 2022. La dernière pièce communiquée par Mme B., celle portant le n° 47, a été communiquée au conseil adverse deux jours avant l'audience mais il s'agit d'un simple article de presse qui ne méritait pas de réponse, alors que les autres pièces portant les n° 13 bis, 19, 33, 18, 42 et 46, si elles sont plus consistantes, ont été communiquées, de l'aveu même de la C.R.P.C.E.N., le 10 janvier 2022 soit neuf jours avant la clôture. Celle-ci a eu le temps matériel de les consulter, et en outre n'a pas demandé à reconclure. Toutes ces pièces sont donc recevables et il n'y a pas lieu de les écarter des débats.

Mme B. a invoqué l'article 11.1 1° g) de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 en vertu duquel un locataire pouvait solliciter un report ou un étalement du loyer, soulignant que la demande y relative avait été acceptée par le bailleur. Si la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 habilitait le gouvernement à prendre par ordonnance diverses mesures permettant de reporter ou d'étaler le paiement des loyers de locaux à usage professionnel, elle ne contient aucune disposition contraignant les bailleurs à accéder à de telles demandes. En outre la C.R.P.C.E.N. n'a jamais accepté de suspendre ou de reporter les loyers dus.

En application de l'article 4 de l'ordonnance 2020-316 du 25 mars 2020, les personnes mentionnées à l'article 1er (c'est à dire les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020, à savoir celles exerçant une activité économique particulièrement touchée par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation.) ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d'astreinte, d' exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L 622-14 et L 641-12 du code de commerce.

Les dispositions ci-dessus s'appliquent aux loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée, c'est à dire jusqu'au 10 septembre 2020 car la cessation de l'état d'urgence sanitaire est intervenue le 10 juillet 2020.

Le bail signé par Mme B. porte sur des locaux dans lesquels elle exerce son activité d'avocate.

L'ordonnance du 25 mars 2020, si elle prohibe le constat du jeu de la clause résolutoire insérée au bail pour cause de défaut de paiement du loyer, ne dispense aucunement le locataire de payer ledit loyer ni n'interdit au bailleur de diligenter des mesures d' exécution pour en obtenir le recouvrement ou de régulariser une mesure conservatoire. En outre, la saisie conservatoire querellée a été régularisée le 30 mars 2021, soit après l'expiration du délai susvisé. Cette ordonnance n'est donc pas applicable.

L'appelante a invoqué également l'article 14 I et IV de la loi du 14 novembre 2020 et le décret du 30 décembre 2020, qui prévoyaient qu'un professionnel ne pouvait pas faire l'objet d'une saisie conservatoire ni encourir la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers.

Selon l'article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020,

I.-Le présent article est applicable aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l'article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire, du 2° du I de l'article 1er de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire ou du 5° du I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, y compris lorsqu'elle est prise par le représentant de l'Etat dans le département en application des deux premiers alinéas du III de l'article 1er de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 précitée ou du second alinéa du I de l'article L. 3131-17 du code de la santé publique. Les critères d'éligibilité sont précisés par décret, lequel détermine les seuils d'effectifs et de chiffre d'affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d'affaires constatée du fait de la mesure de police administrative.

II.-Jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d'être affectée par une mesure de police mentionnée au I, les personnes mentionnées au même I ne peuvent encourir d'intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d' exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée.

Pendant cette même période, les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en œuvre et le bailleur ne peut pratiquer de mesures conservatoires qu'avec l'autorisation du juge, par dérogation à l'article L. 511-2 du code des procédures civiles d' exécution .

Toute stipulation contraire, notamment toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée non écrite.

III.-Le II ne fait pas obstacle à la compensation au sens de l'article 1347 du code civil.

IV.-Le II s'applique aux loyers et charges locatives dus pour la période au cours de laquelle l'activité de l'entreprise est affectée par une mesure de police mentionnée au I.

Les intérêts ou pénalités financières ne peuvent être dus et calculés qu'à compter de l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du II.

En outre, les procédures d' exécution qui auraient été engagées par le bailleur à l'encontre du locataire pour non-paiement de loyers ou de charges locatives exigibles sont suspendues jusqu'à la date mentionnée au même premier alinéa.

V.-Jusqu'à l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du II, ne peuvent procéder à la suspension, à l'interruption ou à la réduction, y compris par résiliation de contrat, de la fourniture d'électricité, de gaz ou d'eau aux personnes mentionnées au I pour non-paiement par ces dernières de leurs factures :

1° Les fournisseurs d'électricité titulaires de l'autorisation mentionnée à l'article L. 333-1 du code de l'énergie ;

2° Les fournisseurs de gaz titulaires de l'autorisation mentionnée à l'article L. 443-1 du même code ;

3° Les fournisseurs et services distribuant l'eau potable pour le compte des communes compétentes au titre de l'article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales.

En outre, les fournisseurs d'électricité ne peuvent procéder au cours de la même période à une réduction de la puissance distribuée aux personnes concernées.

Le présent V s'applique aux contrats afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où l'activité des personnes concernées est affectée par une mesure de police administrative mentionnée au I.

Les personnes mentionnées au même I attestent qu'elles remplissent les conditions pour bénéficier du présent V, selon des modalités précisées par décret.

VI.-Les fournisseurs d'électricité titulaires de l'autorisation mentionnée à l'article L. 333-1 du code de l'énergie et les fournisseurs de gaz titulaires de l'autorisation mentionnée à l'article L. 443-1 du même code alimentant plus de 100 000 clients, les fournisseurs d'électricité qui interviennent dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental, les entreprises locales de distribution définies à l'article L. 111-54 dudit code ainsi que les fournisseurs et services distribuant l'eau potable pour le compte des communes compétentes au titre de l'article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales sont tenus, à la demande des personnes mentionnées au I du présent article, de leur accorder le report des échéances de paiement des factures exigibles entre le 17 octobre 2020 et l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du II et non encore acquittées. Ce report ne peut donner lieu à des pénalités financières, frais ou indemnités à la charge des personnes précitées.

Le paiement des échéances ainsi reportées est réparti de manière égale sur les échéances de paiement des factures postérieures, sur une durée ne pouvant être inférieure à six mois.

Le présent VI s'applique aux contrats afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où l'activité des personnes concernées est affectée par une mesure de police administrative mentionnée au I.

Lorsqu'elles demandent à leur fournisseur le rééchelonnement du paiement des factures, les personnes mentionnées au même I attestent qu'elles remplissent les conditions pour bénéficier du présent VI, selon des modalités précisées par décret.

VII.-Le présent article s'applique à compter du 17 octobre 2020.

VIII.-Le présent article est applicable à Wallis-et-Futuna, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire.

Le premier juge a fondé sa décision sur le fait que l'appelante ne démontrait pas que son cabinet d'avocat avait fait l'objet d'une fermeture administrative, ou que son accès au public avait été réglementé par l'une des mesures visées par cette loi, ni qu'elle répondait au triple seuil d'éligibilité prévu au décret du 30 mars 2020, en particulier celui relatif aux chiffre d'affaires. Il s'avère que le décret n° 2020-757 du 20 juin 2020 a modifié le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020, et a supprimé les conditions relatives aux seuils du nombre de salarié et de chiffre d'affaires. Pour prospérer en sa demande, Mme B. doit donc uniquement démontrer que la saisie conservatoire du 30 mars 2021 a été opérée avant l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle son activité a cessé d'être affectée par une mesure de police.

S'il est exact que du fait de la crise sanitaire consécutive à l'épidémie de Covid 19, diverses mesures ont été prises par le gouvernement qui ont supprimé ou restreint la liberté d'aller et venir (confinement durant deux mois, couvre-feu, encore que l'ordonnance de référé rendue par le Conseil d'Etat le 3 mars 2021 ait jugé que la nécessité de se rendre chez son avocat constituait un motif légitime de déroger à cette mesure instituée par l'article 4 I du décret du 29 octobre 2020, sous certaines conditions), l'appelante ne démontre pas en quoi son activité a été entravée ou réduite, et ne produit notamment aucun justificatif relatif à ses revenus avant et après l'épidémie de Covid 19. Mme B. n'établit donc pas la réalité de pertes financières consécutives à ladite épidémie avec les retentissements qu'elles auraient eu sur sa capacité à régler le loyer, et ce alors même qu'ainsi qu'il sera indiqué infra, les impayés ont été récurrents depuis des années.

Le moyen tiré de l'article 14 la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 n'est donc pas fondé.

Mme B. reproche à la C.R.P.C.E.N. d'avoir régularisé une seconde saisie conservatoire le jour même de la mainlevée de la première ordonnée par le juge de l' exécution en sa précédente décision. Si dans le cadre de l' exécution provisoire du jugement du 29 mars 2021, dont elle avait relevé appel, la créancière a effectivement opérée une mainlevée de la première saisie, en diligenter une seconde était le seul moyen dont elle disposait pour sauvegarder ses droits en vue d'éviter que la débitrice ne vide ses comptes bancaires dans l'intervalle ce qui aurait amené la C.R.P.C.E.N., en cas d'infirmation dudit jugement, à ne pas pouvoir exécuter l'arrêt rendu. Il n'y a donc pas eu abus de saisie de ce chef.

Mme B. soulève la nullité du procès-verbal de saisie conservatoire daté du30 mars 2021.

L'article R 523-1 du code des procédures civiles d' exécution dispose que le créancier procède à la saisie conservatoire par acte d'huissier de justice signifié au tiers, et que c et acte contient à peine de nullité :

1° L'énonciation des nom et domicile du débiteur ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;

2° L'indication de l'autorisation ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ;

3° Le décompte des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée ;

4° La défense faite au tiers de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu'il doit au débiteur ;

5° La reproduction du troisième alinéa de l'article L. 141-2 et de l'article L. 211-3.

Si la débitrice reste libre de contester la créance paraissant apparemment fondée en son principe, seule une absence de décompte peut avoir pour conséquence l'annulation de l'acte. Tel n'est pas le cas en l'espèce puisque le procès-verbal de saisie conservatoire querellé mentionnait 'loyers et accessoires dus au 1er mars 2021 : 39 893,04 euros '.

S'agissant du péril sur le recouvrement de la créance, il convient de déterminer si les craintes que la C.R.P.C.E.N. entretient à ce sujet sont légitimes, sans qu'il soit besoin de démontrer que Mme B. se trouve nécessairement en cessation des paiements ou dans une situation financière irrémédiablement compromise.

Il résulte des pièces produites que le contrat de bail a été conclu le 22 juin 1998 ; indépendammment des litiges qui ont pu voir le jour à propos de la destination des locaux, cette Cour ayant rendu un arrêt le 16 octobre 2003 à ce sujet, il appert que l' exécution du bail a été émaillée d'incidents. En effet des commandements de payer visant les clauses résolutoires ont dû être délivrés à Mme B. les 13 décembre 2006, 12 juin 2007, 3 juin 2008, 25 août 2008, 21 décembre 2008, 6 mai 2009, 28 octobre 2009, et 2 juin 2010 ; une instance a été introduite par la C.R.P.C.E.N. devant le Tribunal d'instance de Paris lequel par jugement en date du 7 juin 2011 a finalement rejeté la demande de résiliation du bail ; un autre commandement de payer sera délivré le 24 octobre 2012 à la locataire, puis le 20 janvier 2014, et le 25 août 2014. Le 16 mai 2018 la C.R.P.C.E.N. adressait à Mme B. une lettre dans laquelle elle la mettait en demeure de payer après avoir constaté que sa dette locatives ne cessait d'augmenter 'vertigineusement'. Les impayés ont donc été chroniques et il sera observé que dans ses écritures déposées devant la Cour, Mme B. n'a eu de cesse d'invoquer ses difficultés financières et sa situation désastreuse. Par ailleurs, il importe peu que la créancière soit elle même dans une situation financière florissante, les difficultés du créancier ne constituant pas l'une des conditions de mise en place d'une saisie conservatoire.

Il existe donc un péril sur le recouvrement de la créance invoquée par la C.R.P.C.E.N., notamment au vu de son montant (39 893,04 euros), de sorte que la saisie conservatoire en cause se justifie pleinement.

Mme B. soulève l'irrégularité de cette mesure, motif pris de ce que partie des fonds saisis (6 000 euros versés par le fonds de solidarité et 4 000 euros versés par l'URSSAF et la CNBF) sont insaisissables. Il est justifié du versement de ces sommes à Mme B.. L'article 3-1 I alinéa 2 de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 prévoit que les aides versées au titre du fonds de solidarité ne sont pas saisissables. Sur la période antérieure à la saisie conservatoire (30 mars 2021), l'appelante a perçu à neuf reprises la somme de 1 500 euros, les 7 avril, 5 mai, 9 juin, 28 juillet, 27 novembre et 15 décembre 2020 et 19 janvier, 1er et 19 mars 2021. Il s'est écoulé plus de 11 mois entre le premier versement et la saisie conservatoire, et douze jours entre celle-ci et le dernier versement. La débitrice, qui n'a pas produit devant la Cour ses relevés bancaires sur l'ensemble de la période considérée, ne démontre pas que ce sont bien ces sommes qui ont été saisies puisque ses comptes bancaires continuaient d'être abondés par d'autres sources. Et s'agissant des aides et secours qui ont été versés par l'URSSAF et la CNBF (soit 4 000 euros), ils ne sont pas insaisissables. La saisie conservatoire est donc en tous points régulière.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la saisie conservatoire, mais de l'infirmer en ce qu'il a cantonné les effets de celle-ci à hauteur de 35 931,86 euros. Par suite ledit jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme B. ainsi que sa demande à fin de remboursement des frais bancaires générés par la saisie conservatoire.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la C.R.P.C.E.N..

Mme B., qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Statuant dans les limites de l'appel,

- REJETTE la demande de la C.R.P.C.E.N. à fin de voir écarter des débats un certain nombre de pièces produites par Mme B. ;

- INFIRME le jugement en date du 12 juillet 2021 en ce qu'il a cantonné les effets de la saisie conservatoire du 30 mars 2021 à hauteur de 35 931,86 euros ;

et statuant à nouveau :

- DEBOUTE Mme B. de sa demande à fin de mainlevée partielle de ladite saisie conservatoire ;

- CONFIRME le jugement du 12 juillet 2021 pour le surplus ;

- REJETTE la demande de la C.R.P.C.E.N. en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE Mme B. aux dépens.