CRE, cordis, 15 décembre 2008, n° 08-38-08
COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉNERGIE
Arrêt
sur le différend qui oppose la société CONDAT à la société RTE EDF Transport (RTE), relatif à l’exécution du contrat d’accès au réseau public de transport d’électricité
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Racine
Rapporteur :
M. Laffaille
Avocats :
Me Lahami, Me Vogel, Me Henry
Le comité de règlement des différends et des sanctions,
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 16 septembre 2008 sous le numéro 08-38-08, présentée par la société CONDAT, société par actions simplifiée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 622 037 513, dont le siège social est situé 2, place des Vosges, 92400 Courbevoie, représentée par le président du conseil d’administration de la société, Monsieur Andréa MINGUZZI, et ayant pour avocats Maître Christian Lahami, cabinet DEPINAY LAHAMI, 52, avenue de la Bourdonnais, 75007 Paris.
La société CONDAT a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie du différend qui l’oppose à la société RTE EDF Transport (ci-après désignée « RTE »), gestionnaire du réseau public de transport d’électricité, sur l’exécution du contrat d’accès au réseau public de transport (ci-après désigné « contrat CART »).
La société CONDAT est producteur de papier. Elle soutient subir chaque année un préjudice financier « récurrent, déraisonnable et non indemnisé », en raison des creux de tensions sur le réseau de transport géré par RTE, qui occasionnent en particulier des pertes de production liées à l’arrêt des machines à papier.
Elle estime avoir été diligente en réalisant plusieurs investissements pour protéger et isoler ses installations de production des creux de tensions, en prévoyant notamment la possibilité de s’îloter par déconnexion du réseau de RTE et connexion à une installation de cogénération.
La société CONDAT soutient que le contrat CART, qu’elle a signé le 14 avril 2006, ne contient aucun engagement de qualité en matière de creux de tension, en dehors du service optionnel payant dénommé « Qualité de la Tension Plus Niveau 1», lequel ne comporte aucun engagement significatif. Elle indique qu’en réponse à la demande préalable dont elle a saisi RTE en application du contrat CART le 3 juillet 2008, cette dernière s’est bornée à proposer une nouvelle réunion à des fins dilatoires.
Elle indique que RTE ne s’engage que sur les creux de tension dont la profondeur est supérieure à 30 % pendant une durée supérieure à 600 msec, alors que ses installations sont sensibles à des creux de tension d’une profondeur comprise entre 10 % et 30 %.
La société CONDAT soutient qu’il résulte des textes, notamment des articles 1er et 15 de la loi du 10 février 2000, que les investissements nécessaires pour pallier les dysfonctionnements du réseau sont intégrés dans les tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité (ci-après désignés « TURPE ») et ne peuvent, par suite, être regardés comme une prestation complémentaire rémunérée par le consommateur.
Elle estime payer deux fois la même prestation à RTE en payant le service optionnel « Qualité de la Tension Plus Niveau 1 » et le TURPE également. Elle en déduit que ce service optionnel méconnait les dispositions combinées du III de l’article 19 de la loi du 10 février 2000, de l’article 1er du décret du 26 avril 2001 ainsi que du 2ème et du 4ème alinéa de la décision ministérielle du 23 septembre 2005 approuvant le TURPE.
La société CONDAT soutient qu’en confiant, par l’article 21-1 de la loi du 10 février 2000, au pouvoir réglementaire le soin de fixer toutes les normes de qualité de l’électricité devant être satisfaites par le gestionnaire de l’infrastructure de transport, le législateur a implicitement mais nécessairement entendu interdire à RTE de fixer lui-même de telles normes par voie contractuelle. Elle estime, en conséquence, que les stipulations des articles 7.2.1.1 et 7.2.2.2 des conditions générales du contrat CART sont entachées d’une nullité d’ordre public et que le décret du 24 décembre 2007 relatif aux niveaux de qualité et aux prescriptions techniques en matière de qualité des réseaux publics de distribution et de transport d’électricité et l’arrêté de la même date pris pour son application sont entachés d’erreur de droit et d’incompétence négative en tant qu’ils ne fixent pas de contraintes à RTE en matière de creux de tension.
Elle soutient qu’en l’absence de dispositions particulières sur le gabarit de creux de tension, RTE est tenue à l’égard de ses clients d’une obligation de résultat consistant à fournir une prestation exclusive de tout préjudice, sauf à ce que RTE justifie d’un cas de force majeure.
La société CONDAT considère, néanmoins, que l’engagement de RTE en matière de creux de tension ne doit pas nécessairement être uniforme sur l’ensemble du territoire et observe que le gouvernement n’a prévu aucune protection particulière dans ce domaine pour les usagers tels que la société CONDAT, situés dans les zones de fragilité électrique.
Elle reproche à RTE de refuser de communiquer les informations relatives aux défaillances sur le réseau, contrairement à ce qu’exigent la loi du 17 juillet 1978 et le cahier des charges type de concession du réseau public de transport d’électricité, de ne prendre aucun engagement quant au délai de rétablissement du service après un creux de tension et de s’exonérer du versement de toute pénalité pour les coupures brèves.
La société CONDAT demande, donc, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie :
- d’ordonner à RTE d’étudier, de soumettre à la CRE puis de prendre, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision, les mesures de renforcement ou de sécurisation du réseau de RTE de nature à faire disparaitre le préjudice non indemnisé de la société CONDAT en raison des creux de tension, et ceci sans facturation spécifique à la charge du demandeur ;
- de dire que si RTE estime que les mesures de renforcement ou de sécurisation du réseau ne peuvent être prises, RTE devra proposer à la société CONDAT, dans le même délai de deux mois que ci-dessus, des stipulations contractuelles relatives à l’indemnisation de la société CONDAT en raison du préjudice subi lorsque RTE ne respecte pas son obligation de résultat en matière de transport de l’électricité et de délivrance de la prestation sans préjudice pour son client ;
- de dire que RTE devra communiquer sans frais à son client, dans les deux jours qui suivent la résolution d’un incident, la liste des ouvrages à l’origine d’un creux de tension chaque fois qu’un tel creux se produit ;
- de dire que l’information prévue aux articles 7.1.2.7 et 7.2.1.1 des conditions générales du contrat CART devra être donnée dans un délai de deux jours ouvrés après résolution des incidents et gratuitement ;
- de dire que RTE doit proposer des stipulations claires et complètes en ce qui concerne le temps de rétablissement du service et les pénalités applicables en cas de coupures brèves et longues ;
- de dire que RTE devra, lors de l’établissement de chaque facture, opérer une compensation entre la somme due par la société CONDAT à RTE en rémunération de ses prestations et les pénalités, certaines, liquides et exigibles dues à la société CONDAT par RTE en raison de ses défaillances contractuelles.
*
Vu les observations en défense, enregistrées le 2 octobre 2008, présentées par la société RTE EDF Transport (RTE), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 619 258, dont le siège social est situé Tour initiale, 1, terrasse Bellini, TSA 41000, 92919, Paris La Défense, représentée par le président du Directoire, Monsieur Dominique MAILLARD, et ayant pour avocat, Maître Joseph rappo, cabinet VOGEL & VOGEL, 30, avenue d’Iéna, 75116 Paris.
RTE soutient que les creux de tension sont consubstantiels aux mesures mises en place pour assurer la protection du réseau et la sûreté du système électrique et que leur élimination est techniquement impossible.
Elle rappelle qu’aucune obligation légale ou réglementaire ne lui impose de prendre un quelconque engagement en matière de creux de tension et que le cahier des charges du réseau d’alimentation générale en énergie électrique prévoit expressément que de tels engagements sont facultatifs.
RTE indique qu’elle a volontairement mis en place le service « Qualité de tension plus », défini à l’article 7.2 des conditions générales du contrat CART, dans le cadre duquel elle s’engage à indemniser les clients s’agissant des creux de tension dont la profondeur est d’au moins 30 % pendant une durée supérieure à 600 ms, au-delà d’un seuil variant de trois à cinq creux de tension par an et que la société CONDAT a souscrit.
Elle soutient que, depuis la publication au Journal officiel du décret du 28 août 2008, relatif à la vente directe à un consommateur industriel de l’électricité produite par une installation utilisant des techniques énergétiques performantes et faisant l’objet d’un contrat d’obligation d’achat, la société CONDAT dispose de la faculté de s’îloter pendant les périodes d’orages par le fonctionnement des installations de cogénération, sans surcoût.
A titre principal, RTE soutient que les demandes de la société CONDAT sont irrecevables dès lors que cette dernière n’a pas respecté la procédure précontentieuse prévue à l’article 12.6 des conditions générales du contrat CART avant la saisine du comité de règlement des différends et des sanctions. Elle estime que les demandes de la société CONDAT sont devenues sans objet depuis la mise en œuvre du décret du 28 août 2008 et que de telles demandes tendent à la réalisation par RTE d’une obligation impossible à mettre en œuvre techniquement. RTE considère, en outre, que le comité de règlement des différends et des sanctions n’est pas compétent au regard de l’article 38 de la loi du 10 février 2000 pour réécrire certaines stipulations du contrat CART, ni suppléer les prétendues carences du pouvoir réglementaire.
A titre subsidiaire, RTE estime que les demandes de la société CONDAT sont mal fondées dès lors que RTE satisfait entièrement à ses obligations légales et réglementaires en matière de continuité et de qualité de l’électricité, lesquelles ne lui imposent aucune obligation de résultat en matière de creux de tension exclusive de tout préjudice. Elle soutient que la résolution des difficultés afférentes au site de la société CONDAT n’a pas à être prise en charge financièrement par RTE dès lors qu’elle n’entre pas dans le cadre de la sûreté du réseau électrique ou de l’accroissement des capacités, tels que visés à l’article 2 du décret du 26 avril 2001, relatif aux tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité. RTE affirme remplir d’ores et déjà toutes ses obligations d’information. Elle estime que le contrat CART comporte des stipulations claires et complètes sur les pénalités applicables en cas de coupures brèves et longues et de creux de tension et que la demande de la société CONDAT relative aux engagements de RTE sur les délais de rétablissement du service est techniquement impossible à mettre en œuvre. RTE estime, en dernier lieu, que la demande de la société CONDAT relative à la compensation de la somme rémunérant les prestations de RTE avec les pénalités, certaines, liquides et exigibles dues par à la société CONDAT par RTE en raison des manquements contractuels est sans objet dès lors qu’un tel mécanisme existe déjà avec les pénalités dites « 2 % – 6 heures ».
RTE demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie de :
- à titre principal, déclarer irrecevable toutes les demandes formulées par la société CONDAT dès lors que :
. la procédure précontentieuse prévue par le contrat CART n’a pas été respectée par la société CONDAT avant la saisine du comité de règlement des différends et des sanctions ;
. les demandes formulées par la société CONDAT sont devenues sans objet depuis la mise en œuvre du décret du 28 août 2008 ;
. le comité de règlement des différends et des sanctions n’est pas compétent pour suppléer les prétendues carences du pouvoir réglementaire ;
. le comité de règlement des différends et des sanctions n’est pas compétent pour modifier l’objet du contrat CART ;
. les demandes de Condat tendent à la réalisation par RTE d’une obligation impossible.
- à tire subsidiaire, rejeter toutes les demandes la société CONDAT dès lors que :
. RTE satisfait entièrement à ses obligations légales et réglementaires en matière de continuité et de qualité de l’électricité ;
. RTE remplit d’ores et déjà toutes ses obligations d’information ;
. le contrat CART comporte d’ores et déjà des stipulations claires et complètes en ce qui concerne les pénalités applicables en cas de coupure brèves et longues et de creux de tension ;
. la demande de la société CONDAT portant sur un engagement en termes de délais de rétablissement du service est techniquement impossible à mettre en œuvre ;
. les conditions de la compensation réclamée par la société CONDAT ne sont pas remplies.
*
Vu les observations en réplique, enregistré le 13 octobre 2008, présentées par la société CONDAT.
La société CONDAT estime avoir respecté la procédure précontentieuse fixée par le contrat CART dès lors, notamment, qu’aucun accord amiable n’a pu être trouvé dans les trente jours suivant sa lettre du 3 juillet 2008 et qu’elle a préalablement saisi RTE des mêmes demandes que celles soumises au comité de règlement des différends et des sanctions.
Elle soutient que la simple existence du décret du 28 août 2008 n’a ni pour effet, ni pour objet d’exonérer RTE de ses obligations contractuelles, le contrat CART n’étant suspendu que si le mécanisme de l’îlotage est mis en place. Elle estime que ce mécanisme n’est financièrement neutre que pour la durée du tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché (TaRTAM), soit jusqu’au 1er juillet 2010.
La société CONDAT soutient qu’il résulte des directives 2003/54/CE du 26 juin 2003 et 2004/108/CE du 15 décembre 2004, du 4ème alinéa de l’article 1er et du I de l’article 21-1 de la loi du 10 février 2000 et des articles 1134 et 1135 du code civil que RTE est débiteur d’une obligation contractuelle en matière de creux de tension, « quand bien même le décret sur la qualité de l’électricité serait muet sur la question ».
Elle estime que le contrat CART contient le fondement d’une obligation de RTE en matière de creux de tension dès lors que RTE s’engage, dans le cadre du service de référence, « à faire bénéficier le client des améliorations qui pourront être apportées dans la performance du RPT ». La société CONDAT soutient que de telles améliorations peuvent être apportées dans des conditions économiquement raisonnables ainsi que le démontre une étude de la société SCHNEIDER ELECTRIC. Elle s’estime, en conséquence, fondée à demander, sur le fondement de l’article 7.4 et du 3ème alinéa de l’article 7 des conditions générales du contrat CART, la compensation dynamique des creux de tension ou tout autre solution dès lors que cette solution est économiquement raisonnable et techniquement envisageable.
S’agissant de la compensation demandée par la société CONDAT, celle-ci rappelle que le contrat conclu entre RTE et son assureur ne saurait lui être opposé.
La société CONDAT maintient l’ensemble de ses conclusions et demande en outre au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie :
- de dire que RTE doit proposer à la société CONDAT des stipulations contractuelles précises rendant explicite l’engagement de qualité que RTE prend en matière de creux de tension dans le cadre de l’offre de référence et ce sans surcoût financier à la charge de la société CONDAT ;
- de constater que RTE ne démontre pas que les creux de tension sont entièrement insurmontables ;
- d’enjoindre à RTE d’étudier et de mettre en œuvre toute solution pertinente et raisonnable d’un point de vue technique et financier pour satisfaire à ses engagements contractuels en matière de creux de tension, dans la stricte mesure où ces creux sont surmontables, et ce afin de faire disparaître le préjudice non indemnisé que la société CONDAT subit en raisons des creux de tension surmontables.
*
Vu les observations en duplique, enregistrées le 30 octobre 2008, présentée par RTE.
RTE persiste dans ses précédentes conclusions. Elle indique être le seul gestionnaire de réseau de transport d’électricité en Europe à proposer à ses clients des engagements en matières de creux de tension comme en matière de coupures.
Elle indique mettre tout en œuvre pour assurer la meilleure qualité possible à ses clients, à des conditions économiques acceptables par l’ensemble des utilisateurs du réseau et émet des réserves sur l’étude réalisée par la société SCHNEIDER ELECTRIC. RTE souligne que cette étude confirme l’absence de solutions « réseau » véritablement satisfaisantes au regard de la sensibilité des installations de la société CONDAT et que les seules solutions qui semblent apporter une amélioration notable sont des solutions « qui s’apparentent à de la désensibilisation locale du site industriel ». Elle soutient que le financement des solutions présentées par cette étude revient à la société CONDAT.
RTE soutient que la société CONDAT n’a pas respecté la procédure précontentieuse prévue à l’article 12.6 du contrat CART avant la saisine du comité de règlement des différends et des sanctions et estime que certaines demandes n’étaient pas visées dans sa mise en demeure du 3 juillet 2008, notamment celles « afférentes aux délais de communication de l’information, aux délais de rétablissement du service et aux pénalités applicables en cas de coupures brèves et longues ».
Elle affirme que la sensibilité des machines à papier de la société CONDAT est telle que la diminution des creux de tension sur le réseau public de transport d’électricité à un « niveau acceptable » est impossible à atteindre en l’état actuel de la technique.
RTE indique respecter ses obligations légales et réglementaires en matière de continuité et de qualité de l’électricité et que les dispositions des directives 2003/54/CE du 26 juin 2003 et 2004/108/CE du 15 décembre 2004 ne concernent pas la question des creux de tension.
Elle affirme que les conditions de la compensation réclamée par la société CONDAT ne sont pas remplies car les seules pénalités qui répondent aux critères de la compensation sont les pénalités dites « 2 % – 6 heures » et que le mécanisme de la compensation est alors automatiquement appliqué.
*
Vu la mesure d’instruction du 7 novembre 2008 par laquelle le rapporteur, chargé de l’instruction du dossier, a demandé à RTE de lui indiquer si, en application de l’article 3 du décret du 28 août 2008, RTE a donné son accord préalable à la conclusion du contrat d’îlotage dont fait état la société Condat dans son courrier du 23 septembre 2008 et, dans le cas contraire, de lui communiquer les raisons de son refus ;
Vu la lettre, enregistrée le 17 novembre 2008, par laquelle RTE a communiqué son accord préalable à la conclusion d’un contrat d’îlotage entre la société CONDAT et la société PERIGORD ENERGIES.
*
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 modifiée, relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, notamment son article 38 ;
Vu le décret du 23 décembre 1994, approuvant le cahier des charges type de la concession à Electricité de France du réseau d’alimentation générale en énergie électrique, ensemble l’avenant du 10 avril 1995 à la convention du 27 novembre 1958 pour la concession à Electricité de France, service national, du réseau d’alimentation générale en énergie électrique ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000, relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l’énergie ;
Vu le décret n° 2003-588 du 27 juin 2003, relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les installations en vue de leur raccordement au réseau public de transport de l'électricité ;
Vu le décret n° 2006-1731 du 23 décembre 2006, approuvant le cahier des charges type de concession du réseau public de transport d’électricité ;
Vu le décret n° 2007-1826 du 24 décembre 2007, relatif aux niveaux de qualité et aux prescriptions techniques en matière de qualité des réseaux publics de distribution et de transport d’électricité ;
Vu le décret n° 2008-865 du 28 août 2008, relatif à la vente directe à un consommateur industriel de l’électricité produite par une installation utilisant des techniques énergétiques performantes et faisant l’objet d’un contrat d’obligation d’achat ;
Vu l’arrêté du 4 juillet 2003, relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement direct au réseau public de transport d’une installation de consommation d’énergie électrique ;
Vu la décision du 15 février 2001, relative au règlement intérieur de la Commission de régulation de l’énergie ;
Vu la décision du 28 février 2007, relative au règlement intérieur transitoire du comité de règlement des différends et des sanctions ;
Vu la décision du 19 septembre 2008 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la désignation d’un rapporteur et d’un rapporteur adjoint pour l’instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 08-38-08 ;
Vu la décision du 14 novembre 2008 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la prorogation du délai d’instruction de la demande de règlement de différend introduite par la société CONDAT.
*
Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, qui s’est tenue le 25 novembre 2008, en présence de :
Monsieur Pierre-François RACINE, président du comité de règlement des différends et des sanctions,
Madame Dominique GUIRIMAND, Monsieur Jean-Claude HASSAN et Madame Jacqueline
RIFFAULT-SILK, membres du comité de règlement des différends et des sanctions,
Madame Christine LE BIHAN-GRAF, directeur général, Monsieur Rémy COIN, directeur juridique,
Monsieur Didier Laffaille, rapporteur, et Monsieur Mathieu CACCIALI rapporteur adjoint,
Monsieur Frédéric de AGOSTINI pour la société CONDAT, assistée de Maître Christian LAHAMI,
Madame Brigitte PEYRON et Monsieur Alain FIQUET pour la société RTE, assistée de Maître Xavier Henry.
Après avoir entendu :
- le rapport de Monsieur Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de Monsieur Frédéric de AGOSTINI et de Maître Christian LAHAMI pour la société CONDAT : la société CONDAT persiste dans ses moyens et conclusions ; elle indique que le taux d’indisponibilité des machines à papier est de 5 à 6 % par et que 1,5 % de cette indisponibilité est due aux creux de tension, soit six jours par ans ; la société CONDAT rappelle que plusieurs adhérents de la Confédération française de l’industrie des papiers, cartons et celluloses sont dans des situations identiques, qu’ils subissent les mêmes perturbations ; elle rappelle que la solution de l’îlotage n’est pas pérenne après 2010 et coûte environ un million d’euros par an compensé par la CSPE ; la société CONDAT soutient que le II de l’article 17 du cahier des charges du réseau public de transport d’électricité impose à RTE une obligation en matière de creux de tension ;
- les observations de Madame Brigitte PEYRON, de Monsieur Alain FIQUET et de Maître Xavier HENRY, pour la société RTE ; RTE persiste dans ses moyens et conclusions ; elle rappelle que le gestionnaire du réseau public de transport n’est soumis à aucune obligation législative ou règlementaire en matière de creux de tension ; RTE indique que la société CONDAT demande un niveau de qualité de l’électricité identique à celui d’une « électricité de laboratoire » et qu’un tel niveau de qualité n’est pas possible au vu du réseau de transport actuel ; elle soutient que le III de l’article 17 du cahier des charges du réseau public de transport d’électricité et la norme européenne EN 50-160 sur la qualité de l’électricité n’imposent à RTE aucune obligation en matière de creux de tension ; RTE indique qu’à partir
- du 1er janvier 2009 elle proposera un gabarit de creux de tension de 400 msec de durée, au lieu de 600 msec ;
- les observations de Monsieur Francis JUDONG pour la société AHLSTROM ; la société AHLSTROM indique que toutes les usines du groupe ne sont pas équipées de centrale de cogénération et que les creux de tension n’ont pas tous le même niveau d’impact sur le fonctionnement des installations ;
- les observations de Monsieur Jean-François SERRE pour la société NORSKE SKOG GOLBEY ; la société NORSKE SKOG GOLBEY indique que le gabarit de creux de tension proposé par RTE n’est pas adapté à son installation ; elle précise qu’elle a subi depuis le début de l’année 109 perturbations, dont 6 qui ont provoqué des arrêts de production, et que la qualité de l’électricité s’est dégradée ces dernières années.
Aucun report de séance n’ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré les 25 novembre et 15 décembre 2008, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.
*
Les faits :
Il ressort des pièces du dossier que la société CONDAT est directement raccordée au réseau public de transport d’électricité de RTE en 90 kV par l’intermédiaire du poste électrique de Condat – Le Lardin desservi par deux lignes électriques Condat – Pont de l’Elle (alimentation principale) et Condat – Montignac – Pont de l’Elle (alimentation de secours).
L’usine de Condat est située en plein cœur du Périgord, sur les communes du Lardin Saint Lazare et de Condat sur Vézère en Dordogne (24). Les papeteries de Condat sont spécialisées dans la fabrication de papier couché sans bois. Elles sont dotées de trois machines à papier d’une capacité de 560.000 tonnes de papier par an.
Une centrale de cogénération exploitée par la société PERIGORD ENERGIES, d’une puissance électrique de 90 MW, est implantée sur le site de la société CONDAT et raccordée sur le jeu de barres 90 kV du poste électrique de Condat – Le Lardin.
Le procédé industriel étant très sensible à la qualité d’alimentation électrique, les creux de tension ont donné lieu à des actions suivies depuis 2001. Les sociétés CONDAT et RTE ont cherché à réduire l’impact des creux de tension sur les arrêts de production des machines à papier.
Pour tenter de limiter son préjudice, la société CONDAT a réalisé plusieurs investissements en protection et isolement de ses installations afin de se protéger des creux de tension. Le montant des investissements de protection réalisés par la société CONDAT est supérieur à quatre millions d’euros.
Le 14 avril 2006, la société CONDAT a conclu avec la société RTE un contrat CART, avec une date d’entrée en vigueur au 1er janvier 2006, et a souscrit le service optionnel relatif à la surveillance de la tension et à l’analyse des perturbations « Qualité de la Tension Plus Niveau 1 ».
En 2006, les sociétés CONDAT et RTE ont cofinancé un audit confié à la société SECHAUD INGENIERIE sur la sensibilité des installations de l’usine de CONDAT aux creux de tension et sur un diagnostic du réseau électrique de RTE alimentant cette usine. Le rapport d’audit souligne que les perturbations dues à la qualité de l’électricité entraînent une indisponibilité de l’outil industriel évaluée à 1,5 %, soit six jours par an.
Le 4 avril 2008, la société CONDAT a demandé à RTE, notamment, en complément des bilans annuels des perturbations de 2006 et 2007, la liste des lignes électriques sur lesquelles un défaut a été générateur de perturbations électriques sur son processus de production.
Le 30 avril 2008, RTE a indiqué à la société CONDAT que le contrat CART ne prévoit pas la communication de la liste des ouvrages à l’origine des perturbations électriques.
Le 3 juillet 2008, la société CONDAT a saisi la société RTE pour se plaindre de la qualité insuffisante de l’énergie en recensant, précisément, l’ensemble des creux de tension subis par l’entreprise entre 2000 et 2007. Dans son courrier, la société CONDAT fait état du refus systématique de RTE de réaliser les investissements nécessaires à la résorption des creux de tension affectant son processus de production. Elle indique que RTE n’exécute pas ses obligations légales et contractuelles et lui reproche de ne pas répondre à sa demande d’information relative à la liste des ouvrages à l’origine d’un creux de tension. La société CONDAT indique, enfin, qu’elle est disponible pour toute réunion amiable préalable telle que prévue au contrat CART.
En réponse, le 31 juillet 2008, RTE souligne son engagement à délivrer la puissance souscrite en permanence à la disposition de ses clients dans la limite de ses engagements en termes de continuité et de qualité de l’onde de la tension. RTE indique n’avoir toutefois « aucune obligation légale ni réglementaire » en matière de creux de tension. Elle précise également la liste des actions qu’elle a réalisées pour la société CONDAT et la liste des échanges d’informations relatives à la qualité de l’électricité entre les parties depuis 2006.
Les réponses apportées, notamment sur les engagements en matière de qualité de l’électricité, ne l’ayant pas satisfaite, la société CONDAT a décidé de saisir, le 16 septembre 2008, le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie d’une demande de règlement du différend qui l’oppose à RTE sur l’exécution du contrat CART en vigueur depuis le 1er janvier 2006.
Le 23 septembre 2008, la société CONDAT a demandé à RTE son accord, en application de l’article 3 du décret n° 2008-865 du 28 août 2008, sur la conclusion d’un contrat d’îlotage avec la société PERIGORD ENERGIES.
Le 13 octobre 2008, RTE a donné son accord préalable à la conclusion d’un contrat d’îlotage entre la société CONDAT et la société PERIGORD ENERGIES.
*
Sur la recevabilité des demandes de la société CONDAT
Sur le respect des stipulations de l’article 12.6 des conditions générales du contrat CART
L’article 12.6 des conditions générales du contrat CART prévoit qu’« en cas de contestation relative à l’interprétation ou l’exécution du Contrat, les Parties se rencontrent en vue de rechercher une solution amiable. A cet effet, la Partie demanderesse adresse à l’autre Partie une Notification précisant :
- La référence du Contrat (titre et date de signature) ;
- L’objet de contestation ;
- La proposition d’une rencontre en vue de régler à l’amiable le litige.
A défaut d’accord à l’issue d’un délai de 30 Jours à compter de la Notification susvisée, conformément à l’article 38 de la Loi n° 2000-108, « en cas de différend entre les gestionnaires et utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution lié à l’accès aux dits réseaux ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d’accès […] ou de désaccord sur la conclusion, l’interprétation ou l’exécution des contrats, la Commission de Régulation de l’Energie peut être saisie par l’une ou l’autre des parties » ».
La société RTE soutient que la procédure amiable prévue à l’article 12.6 des conditions générales du contrat CART n’ayant pas été respectée par la société Condat, ses demandes sont irrecevables.
Il ressort des pièces du dossier que la société CONDAT a adressé à la société RTE, le 3 juillet 2008, un courrier précisant l’objet de sa réclamation et proposant la tenue d’une réunion amiable préalable telle que prévue au contrat CART. Aucun accord n’étant intervenu dans les 30 jours suivant cette notification, la saisine du comité de règlement des différends et des sanctions par ladite société en date du 16 septembre 2008 est recevable.
Sur l’existence d’un différend depuis la publication du décret du 28 août 2008
La société RTE soutient que les demandes de la société CONDAT sont devenues sans objet depuis la mise en œuvre des dispositions du décret du 28 août 2008, qui permet à la société CONDAT de ne plus subir de creux de tension en période orageuse.
Il ressort des pièces versées au dossier que la société CONDAT bénéficie, depuis le 31 août 2008, de la faculté de suspendre son accès au réseau, « en cas de risques de perturbation profonde de tension sur le réseau public de transport d’électricité », en procédant à l’îlotage de ses installations avec celles de la société PERIGORD ENERGIES, dans la limite de 1.920 heures par année civile.
De telles circonstances n’impliquent pas pour autant que la société CONDAT ait renoncé au bénéfice, comme tout utilisateur des réseaux publics d’électricité, d’un accès efficace au réseau, notamment en dehors des heures d’îlotage. Par suite, les demandes de la société CONDAT relatives au renforcement et à la sécurisation du réseau public de transport d’électricité conservent leur objet.
Sur les demandes de la société CONDAT
Sur les demandes relatives aux mesures de renforcement ou de sécurisation du réseau public de transport d’électricité
La société CONDAT demande au comité de règlement des différends et des sanctions d’enjoindre à RTE de prendre, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, les mesures de renforcement ou de sécurisation du réseau de transport d’électricité de nature à faire disparaître le préjudice non indemnisé de la société CONDAT en raison des creux de tension.
En application des articles 1er et 2 de la loi du 10 février 2000, le service public de l’électricité, dont RTE a la charge pour le réseau public de transport d’électricité, doit être assuré « dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d’efficacité économique, sociale et énergétique ».
En vertu de l’article 21-1 de cette même loi, le « gestionnaire du réseau public de transport et […] les gestionnaires des réseaux publics de distribution d’électricité conçoivent et exploitent ces réseaux de façon à assurer une desserte en électricité d’une qualité régulière, définie et compatible avec les utilisations usuelles de l’énergie électrique ».
Le décret du 24 décembre 2007, pris en application de ces dispositions, qui définit les niveaux de qualité et les prescriptions techniques en matière de qualité devant être respectés par les gestionnaires des réseaux publics de transport d’électricité, ne contient aucune disposition relative aux creux de tensions.
Pour autant, l’insuffisance de la réglementation n’a pas pour effet d’atténuer l’obligation, pour RTE, de mettre en œuvre tous les moyens techniques à sa disposition permettant d’assurer, dans des conditions conformes aux utilisations usuelles de l’énergie électrique, une desserte en électricité d’une qualité régulière, conforme aux principes définis dans la loi du 10 février 2000 et mis en œuvre dans le décret du 24 décembre 2007.
RTE, gestionnaire du réseau public de transport d’électricité, est, à ce titre, soumise à une obligation de moyen renforcée. Elle doit effectuer toutes les diligences requises pour rechercher les solutions permettant d’assurer une desserte en électricité d’une qualité régulière de l’ensemble des utilisateurs du réseau placés dans des situations identiques. Cette obligation se justifie d’autant plus que le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité se trouve en situation de monopole vis-à-vis des utilisateurs de ce réseau public.
Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, malgré les efforts techniques et financiers qu’elle a consentis le procédé industriel utilisé par la société CONDAT demeure très sensible à la qualité d’alimentation électrique et que seul l’îlotage complet de ses installations permet une insensibilisation totale à ceux des creux de tension pouvant provoquer l’arrêt des machines et la perte d’une production en cours. Le niveau de qualité souhaité par la société CONDAT excède ainsi ce qui est requis pour des « utilisations usuelles » de l’énergie électrique au sens de l’article 21-1 de la loi du 10 février 2000.
En outre, il résulte de l’instruction que RTE a, depuis 2001, réalisé spécifiquement pour la société CONDAT des actions de nature à améliorer la qualité de la desserte en électricité et a diligenté plusieurs études ; qu’elle a en particulier cofinancé avec la société CONDAT une étude dont les conclusions sont reprises dans un rapport d’audit réalisé par la société SECHAUD INGENIERIE.
Par suite, le comité de règlement des différends et des sanctions ne saurait enjoindre à RTE de prendre les engagements demandés en matière de creux de tension, sans substituer à l’obligation de moyen renforcée résultant des dispositions législatives précitées, une obligation de résultat, qui ne s’effacerait que devant les seuls cas de force majeure.
Les demandes de la société CONDAT tendant à ce que le comité de règlement des différends et des sanctions enjoigne à RTE de prendre les mesures de renforcement ou de sécurisation du réseau de transport d’électricité de nature à faire disparaître les causes du préjudice, non indemnisé en l’état des stipulations contractuelles, que la société CONDAT subit en raison des creux de tension, doivent, par suite, être rejetées.
Sur les conclusions tendant à ce que RTE prenne des engagements en matière de creux de tension de nature à assurer l’indemnisation de son préjudice
Dans son mémoire en réponse, la société CONDAT demande au comité de règlement des différends et des sanctions d’enjoindre à RTE de proposer des « stipulations contractuelles précises rendant explicite l’engagement de qualité que RTE prend en matière de creux de tension dans le cadre de l’offre de référence et ce sans surcoût financier à la charge de CONDAT ».
Il y a lieu pour statuer sur ce point de comparer les obligations en matière de creux de tension faites à RTE à la situation contractuelle des clients qui, comme la société CONDAT, bénéficient pour leurs installations d’un raccordement direct au réseau public de transport.
Aucune disposition législative ou réglementaire n’impose d’obligation à RTE en cette matière. En vertu de l’article 4 du cahier des charges de la concession à Electricité de France du réseau d’alimentation générale en énergie électrique, le gestionnaire du réseau public de transport « en fonction de l’évolution de la technique […] pourra prendre des engagements sur les creux de tension ».
En outre, l’entrée en vigueur prochaine d’un nouveau cahier des charges du réseau public de transport d’électricité, dont se prévaut la société CONDAT, n’aura pas pour effet de modifier ces principes, puisque le III de l’article 17 dudit cahier prévoit que le « concessionnaire répond aux éventuelles demandes d’engagements quantitatifs spécifiques des utilisateurs et des gestionnaires de réseaux publics de distribution portant sur la qualité de l’électricité qu’ils soutirent, notamment en matière de creux de tension et d’harmoniques. Il leur notifie soit un refus motivé, soit une proposition d’engagement. Dans ce cas, les surcoûts occasionnés pour le concessionnaire sont à la charge du demandeur ».
Il en résulte que dans tous les cas les engagements en matière de creux de tension sont laissés à l’initiative du gestionnaire du réseau public de transport et constituent nécessairement des prestations techniques complémentaires non rémunérées par les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité.
Toutefois, le comité de règlement des différends et des sanctions observe que l’arrêté du 4 juillet 2003 relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement direct au réseau public de transport d’une installation de consommation d’énergie électrique, fixe des « gabarits des creux de tension constatés en exploitation » auxquels les installations de consommation peuvent être soumises. Cet arrêté invite les utilisateurs à protéger, à leurs frais, leurs installations contre les perturbations électriques lors des régimes exceptionnels du réseau, et notamment lors des creux de tension.
Il résulte donc clairement de cet arrêté que les obligations imposées aux utilisateurs le sont pour « accepter les régimes exceptionnels » en tension.
Or, il ressort, à l’évidence, des pièces du dossier qu’en raison de leur fréquence et de leur profondeur, les creux de tension dont se plaint la société CONDAT et qui entraînent l’arrêt des machines, bien loin d’être exceptionnels, présentent, au contraire, un caractère récurrent et, par suite, ne peuvent être qualifiés de régimes exceptionnels du réseau et qu’en proposant, dans les conditions générales du contrat CART, un gabarit de creux de tension d’une durée de 600 msec et d’au moins 30 % de profondeur, RTE ne s’astreint à aucune obligation qui serait la contrepartie équivalente des obligations réglementaires pesant sur ses clients placés dans la situation de la société CONDAT.
Par suite, il appartient à RTE, en vertu de son obligation de moyens renforcée, de proposer à ses clients, en fonction de leurs caractéristiques propres, des engagements en matière de creux de tension, exprimés en profondeur et en durée, de nature à assurer une meilleure indemnisation des préjudices résultant des creux de tension lorsque ceux-ci présentent un caractère récurrent.
Sur les conclusions tendant à la communication par RTE de la liste des ouvrages à l’origine d’un creux de tension
La société CONDAT demande au comité de règlement des différends et des sanctions de dire que « RTE devrait communiquer sans frais à son client, dans les deux mois qui suivent la résolution d’un incident, la liste des ouvrages à l’origine d’un creux de tension chaque fois qu’un tel creux se produit ».
Dans une lettre du 31 juillet 2008 versée au dossier, RTE affirme, sans être contredite sur ce point, qu’une telle liste a déjà été communiquée à la société CONDAT et qu’elle est disposée à revoir avec la société CONDAT la forme et la fréquence de cette information.
La demande de la société CONDAT est, donc, sans objet.
Sur les conclusions relatives au délai dans lequel l’information prévue aux articles 7.1.2.7 et 7.2.1.1 des conditions générales du contrat CART doit être donnée
La société CONDAT demande au comité de règlement des différends et des sanctions d’enjoindre à RTE de communiquer gratuitement les informations relatives aux creux de tension et aux coupures longues visées aux articles 7.1.2.7 et 7.2.1.1 des conditions générales du contrat CART dans un délai de deux jours ouvrés après résolution des incidents. Elle soutient que ces articles qui prévoient la communication des informations relatives aux coupures longues dans un délai de trois jours et aux creux de tension dans un délai de cinq jours sont contraires à l’article 31 du cahier des charges type du réseau public de transport.
L’article 31 du cahier des charges type du réseau public de transport d’électricité tel qu’approuvé par le décret du 23 décembre 2006 prévoit que le « concessionnaire établit une classification des incidents affectant le réseau public de transport en fonction de leur niveau de gravité et la rend publique. Le concessionnaire alerte sans délai le ministre chargé de l’énergie, le ministre chargé de la sécurité civile et les préfets de tout incident affectant le réseau public de transport et susceptible d’avoir des conséquences graves sur la sécurité des personnes et des biens. Il les informe également des mesures envisagées pour remédier aux conséquences et, le cas échéant, des mesures prises pour parer à une situation d’urgence, sans préjudice des mesures conservatoires prises en application de l’article 21 de la loi du 10 février 2000 précitée par le ministre chargé de l’énergie. Il informe dans les meilleurs délais les gestionnaires de réseaux publics de distribution. Dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la résolution d’un incident, le concessionnaire transmet aux utilisateurs et aux gestionnaires des réseaux publics de distribution un rapport d’analyse mentionnant la cause présumée, l’heure, la durée et éventuellement la localisation de l’incident ».
Les dispositions de l’article 31 du cahier des charges type du réseau public ne s’appliquant qu’à compter de la date d’entrée en vigueur dudit cahier des charges type, la société CONDAT sera en situation, si elle s’y croit fondée, de s’en prévaloir à ladite date.
Sur les conclusions relatives aux délais de rétablissement du service et aux pénalités applicables en cas de coupures brèves et longues
La société CONDAT demande au comité de règlement des différends et des sanctions d’enjoindre à RTE de proposer des stipulations claires et complètes en ce qui concerne le temps de rétablissement du service et les pénalités applicables en cas de coupures brèves et longues.
En application de l’article 11 du cahier des charges de la concession à Electricité de France précité, il appartient à la société RTE, en régime d’exploitation perturbé, de prendre les «mesures appropriées pour rétablir le plus rapidement possible le régime normal d’exploitation ».
Il n’a pas été contesté, d’une part, que RTE a mis tout en œuvre pour intervenir dans les meilleurs délais et réduire au maximum les gênes subies. D’autre part, la variété des causes de coupure de la fourniture électrique et des creux de tension ne permet pas qu’il soit imposé à RTE de s’engager vis-àvis d’un client sur un délai maximum de rétablissement du service.
Sur les conclusions tendant à la compensation de la somme due par la société CONDAT à RTE en rémunération de ses prestations et pénalités
La société CONDAT demande, en dernier lieu, au comité de règlement des différends et sanctions de « dire que RTE devra, lors de l’établissement de chaque facture, opérer une compensation entre la somme due par CONDAT à RTE en rémunération de ses prestations et les pénalités, certaines, liquides et exigibles dues à CONDAT par RTE en raison de ses défaillances contractuelles ».
Rien ne s’oppose à ce qu’une telle compensation s’opère dès lors que les conditions d’une telle compensation sont réunies.
DÉCIDE :
Article 1er. – La société RTE EDF Transport devra proposer à la société CONDAT des engagements en matière de creux de tension, exprimés en profondeur et en durée, de nature à assurer une meilleure indemnisation des préjudices résultant des creux de tension lorsque ceux-ci présentent un caractère récurrent.
Article 2. – La société RTE EDF Transport devra opérer, lors de l’établissement de chaque facture, une compensation entre les sommes que lui doit la société CONDAT en rémunération de ses prestations et les pénalités certaines, liquides et exigibles que la société RTE EDF Transport doit à la société CONDAT en raison de l’inexécution des ses obligations contractuelles.
Article 3. – Le surplus des conclusions de la société CONDAT et les conclusions de la société RTE EDF Transport sont rejetés.
Article 4. – La présente décision sera notifiée aux sociétés CONDAT et RTE EDF Transport. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.