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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 6 mars 2020, n° 19/05969

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Azimut 56 (SAS)

Défendeur :

Actah (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Christien

Conseillers :

Mme Gelot-Barbier, Mme Barthe-Nari

JEX Narbonne, 20 août 2019

20 août 2019

EXPOSÉ DU LITIGE

Se prétendant créancière d'honoraires de résultat taxés par le bâtonnier de Béziers à la somme de 36 628,21 euros TTC, la SELARL d'avocats Actah (la SELARL) a, par requête du 1er octobre 2018, saisi le juge de l'exécution de Narbonne qui a, par ordonnance du 18 octobre 2018, autorisé la saisie conservatoire, à due concurrence de ce montant, des fonds détenus à la CARPA par Mme M., avocate au barreau de Paris, pour le compte de la société Azimut 56 ayant son siège social à Saint-Allouestre (56).

La saisie a été réalisée le 26 octobre 2018 à Paris et a été dénoncée à la société débitrice le 30 octobre suivant.

Contestant cette saisie conservatoire, principalement au motif de l'incompétence territoriale du juge de l'exécution de Narbonne l'ayant autorisée, subsidiairement au motif de l'irrégularité du procès-verbal de dénonciation de la mesure, et très subsidiairement au motif de l'absence d'un principe de créance, la SELARL a, par acte du 6 décembre 2018, fait assigner la société Azimut 56 devant le juge de l'exécution de Vannes en nullité, caducité et mainlevée de la saisie et en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 20 août 2019, le juge de l'exécution :

•            s'est déclaré incompétent au profit du juge de l'exécution de Narbonne,

•            ordonné, à défaut de recours, la transmission du dossier au greffe de ce juge de l'exécution,

•            condamné la société Azimut 56 aux dépens.

La société Azimut 56 a relevé appel de cette décision par déclaration du 5 septembre 2019 à laquelle étaient jointes ses conclusions.

Elle a en outre, par requête du même jour, saisi le premier président qui, par ordonnance du 9 septembre 2019, l'a, en application de l'article 84 du code de procédure civile, autorisée à assigner à jour fixe à l'audience du 6 février 2020.

La société Azimut 56 demande à la cour de :

•            à titre liminaire, rejeter la demande de caducité de la déclaration d'appel et les demandes de la SELARL au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

•            à titre principal, se déclarer compétente pour se prononcer sur la nullité de la saisie,

•            dire que le juge de l'exécution de Narbonne était incompétent pour rendre l'ordonnance du 18 octobre 2018 et, en conséquence, constater la nullité de ladite ordonnance,

•            juger nulles et non avenues la mesure de saisie conservatoire pratiquées le 26 octobre 2018 sur le compte CARPA de Mme M. et ordonner la restitution immédiate de la somme de 36 939,76 euros à la société Azimut 56 aux frais de la SELARL,

•            à titre subsidiaire, se déclarer compétente pour se prononcer sur la caducité de la saisie conservatoire,

•            dire que l'acte de dénonciation de saisie conservatoire du 30 octobre 2018 est entaché de nullité,

•            déclarer en conséquence caduques la mesure de saisie conservatoire du 26 octobre 2018 et ordonner la restitution immédiate de la somme de 36 939,76 euros à la société Azimut 56 aux frais de la SELARL,

•            à titre plus subsidiaire, se déclarer compétente pour prononcer la mainlevée de la mesure conservatoire,

•            constater que la condition relative à l'existence d'une apparence de créance fondée en son principe n'est pas satisfaite,

•            ordonner la mainlevée de la mesure conservatoire et la restitution immédiate à la société Azimut 56 de la somme de 36 939,76 euros aux frais de la SELARL,

•            en tout état de cause, condamner la SELARL au paiement du préjudice engendré par la saisie abusive,

•            condamner en conséquence la SELARL au paiement, à titre de dommages-intérêts, des sommes de 5 540,96 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel et de 10 000 euros en réparation du préjudice moral,

•            condamner la SELARL au paiement d'une indemnité de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La SELARL demande quant à elle à la cour de :

•            constater la caducité de la déclaration d'appel en application de l'article 905-2 du code de procédure civile,

•            à défaut, confirmer la décision attaquée,

•            rejeter les prétentions de la société Azimut 56,

•            condamner la société Azimut 56 au paiement d'une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la société Azimut 56 le 5 septembre 2019 et pour la SELARL le 3 février 2020 .

EXPOSÉ DES MOTIFS

Pour conclure à la caducité de la déclaration d'appel du 5 septembre 2019, la SELARL soutient que la société Azimut 56 aurait, en violation de l'article 905-2 du code de procédure civile, omis de conclure dans le mois de cette déclaration.

Il résulte des articles 84 et 85 du code de procédure civile qu'en cas d'appel d'un jugement ne statuant que sur la compétence, l'appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d'appel qui doit être motivée dans l'acte lui-même ou par conclusions jointes, saisir, dans le délai d'appel, le premier président en vue d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire, cet appel étant, nonobstant toute disposition contraire, instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables sont celles de la procédure avec représentation obligatoire.

La société Azimut 56 a effectivement saisi le premier président d'une requête en autorisation d'assigner à jour fixe dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement attaqué, et a même joint ses conclusions à sa déclaration d'appel, de sorte que les dispositions de l'article 905-2 du code de procédure civile sont inapplicables à la cause.

La demande de caducité de la déclaration d'appel sera donc rejetée.

Pour critiquer la décision du juge de l'exécution de Vannes s'étant déclaré incompétent au profit de celui de Narbonne ayant autorisé la saisie conservatoire, la société Azimut 56 fait valoir que cette mesure a été pratiquée sur la base de l'autorisation d'un juge de l'exécution territorialement incompétent, seul celui du domicile du débiteur étant seul compétent en application de l'article R. 511-2 du code des procédures civiles d'exécution, que cette violation d'une règle d'ordre public entacherait la saisie d'une irrégularité si grave que sa nullité pourrait en être prononcée par le juge de l'exécution du domicile du débiteur en application de l'article R. 522-5 § 2° du même code, et qu'en toute hypothèse, renvoyer l'affaire au juge de l'exécution de Narbonne, notoirement incompétent, reviendrait à valider la stratégie de contournement par la SELARL d'une disposition d'ordre public qu'elle aurait sciemment bafouée.

Il résulte cependant de l'article R. 511-2 du code des procédures civiles d'exécution que le juge de l'exécution compétent pour autoriser une mesure conservatoire est celui du lieu où demeure le débiteur, mais il résulte aussi des articles R. 512-1 et R. 512-2 que, si les conditions d'application de l'article R. 511-2 ne sont pas réunies, il peut être demandé mainlevée de la saisie au juge de l'exécution qui l'a autorisée.

La circonstance que la société Azimut 56 sollicite l'annulation de la saisie et non sa mainlevée est inopérante, dès lors que la contestation porte en toute hypothèse sur l'incompétence du juge ayant autorisé la mesure conservatoire, laquelle constitue, au sens de l'article R. 312-2 du code des procédures civiles d'exécution, l'une des conditions d'application de cette mesure dont le contrôle revient nécessairement au juge de l'exécution l'ayant autorisée.

En outre, l'allégation de fraude délibérée à la compétence territoriale du juge de l'exécution n'est pas prouvée, et la société Azimut 56 n'invoque au surplus aucun moyen de droit opérant pour justifier en quoi cette circonstance rendrait le juge de l'exécution de Vannes compétent pour la sanctionner.

Au soutien de son appel, la société Azimut 56 fait d'autre part valoir qu'elle avait aussi saisi le juge de l'exécution de Vannes d'une demande de caducité de la saisie conservatoire faute de lui avoir été dénoncée par un acte valable portant mention en caractère très apparent de ce que le juge compétent pour contester les conditions de validité de la saisie était le juge de l'exécution du lieu de son propre domicile.

Cependant, lorsqu'une saisie conservatoire a été judiciairement autorisée, les contestations ne peuvent être portées, selon les articles R. 511-2 et R. 512-3 du code des procédures civiles d'exécution, que devant le juge de l'exécution ayant autorisée la saisie lorsqu'elle sont de nature à en emporter, directement ou subséquemment, la mainlevée, ou, dans les autres cas, devant le juge de l'exécution du lieu d'exécution de la mesure qui, en l'espèce, a été réalisée à Paris.

Il en résulte que le juge de l'exécution de Vannes n'est en aucun cas territorialement compétent pour connaître de cette contestation.

La prétendue nullité du procès-verbal de dénonciation et la caducité de la saisie susceptible d'en résulter étant en toute hypothèse sous l'influence du réexamen préalable par le juge de l'exécution de Narbonne de son pouvoir juridictionnel pour autoriser la mesure conservatoire, c'est à juste titre que le juge de l'exécution de Vannes s'est déclaré incompétent à son profit et a ordonné le renvoi de l'affaire devant ce juge.

Le jugement attaqué sera donc confirmé.

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de la SELARL l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Rejette la demande de caducité de la déclaration d'appel ;

Confirme le jugement rendu le 20 août 2019 par le juge de l'exécution de Vannes en toutes ses dispositions ;

Condamne la SELARL Actah à payer à la société Azimut 56 la somme de1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SELARL Actah aux dépens d'appel.