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Décisions

CRE, cordis, 23 janvier 2009, n° 08-38-09

COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉNERGIE

Arrêt

sur le différend qui oppose la société COUFFRAU ENERGIE à la société RTE EDF Transport (RTE), relatif aux conditions de raccordement au réseau public de transport d'électricité

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Racine

Rapporteur :

M. Laffaille

Avocat :

Me Vogel

CRE n° 08-38-09

22 janvier 2009

Le comité de règlement des différends et des sanctions,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 25 novembre 2008 sous le numéro 08-38-09, présentée par la société COUFFRAU ENERGIE, société à responsabilité limitée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Montpellier sous le numéro B 492 175 245, dont le siège social est situé 31, rue des Bouissettes, 34070 Montpellier, représentée par son gérant, Monsieur Erick GAY.

La société COUFFRAU ENERGIE a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à la société RTE EDF Transport (ciaprès désignée « RTE »), gestionnaire du réseau public de transport d'électricité, sur les conditions de raccordement d'un parc éolien au réseau public de transport.

Elle soutient que les procédures actuelles de RTE, pour le raccordement d'un poste privé au réseau public de transport d'électricité, comportent deux modalités techniques. Un premier « branchement » dit en « antenne » ou en « piquage » qui nécessite peu de travaux et dont le coût est modéré. Un second dit en « coupure d'artère » sécurisant le réseau qui nécessite plus de travaux et dont le coût est 5 à 6 fois supérieur.

La société COUFFRAU ENERGIE soutient, également, que, selon la procédure de RTE, le premier demandeur se voit attribuer un branchement en « antenne », tandis que le second se voit attribuer un branchement en « coupure d'artère » beaucoup plus onéreux. La société COUFFRAU ENERGIE ajoute que si une troisième demande de raccordement intervient et que ce raccordement est géographiquement situé entre la « coupure d'artère » existante et celle engagée par le deuxième demandeur, ce raccordement se fera en « antenne ».

Elle rappelle que, si toutes ces demandes ne sont que des « projets virtuels », les propositions techniques et financières de raccordement (PTF) établies par RTE en réponse à ces demandes ont pour conséquence de mettre ces projets sur une liste d'attente et ce indépendamment de toute justification de faisabilité ou d'avancement du projet. Ainsi, ajoute la société COUFFRAU ENERGIE, la PTF du poste électrique de Couffrau prescrit un raccordement en « coupure d'artère », car un autre projet enregistré avant le sien bénéficie déjà d'un raccordement en « antenne ».

La société COUFFRAU ENERGIE soutient, en outre, que ce projet, qui a fait l'objet d'une validation antérieure par RTE, est retardé et que la société COUFFRAU ENERGIE est en train de réaliser un poste électrique en « coupure d'artère » qui n'est pas justifié sans la réalisation antérieure d'un raccordement en « antenne ».

Elle soutient avoir soulevé ce problème auprès de RTE qui n'a pas donné de réponse, ce cas n'étant pas prévu par la procédure relative aux raccordements.

La société COUFFRAU ENERGIE estime que la position de RTE est inacceptable au regard de l'égalité de traitement entre producteurs d'électricité.

La société COUFFRAU ENERGIE demande, donc, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie de trouver une solution équitable, techniquement et financièrement, au problème de raccordement sur la zone de son projet.

Vu les observations en défense, enregistrées le 10 décembre 2008, présentées par la société RTE EDF Transport (RTE), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 619 258, dont le siège social est situé Tour initiale, l, terrasse Bellini, TSA 41000, 92919, Paris La Défense, représentée par le président du Directoire, Monsieur Dominique MAILLARD, et ayant pour avocat, Maître Joseph VOGEL, cabinet VOGEL & VOGEL, 30, avenue d'Iéna, 75116 Paris.

RTE rappelle, tout d'abord, qu'aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 4 juillet 2003, relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement au réseau public de transport d'une installation de production d'énergie électrique, « chaque liaison de raccordement doit comporter deux cellules disjoncteurs [...] Le raccordement avec une seule cellule disjoncteur n 'est possible que I lorsque le raccordement proposé par le gestionnaire du réseau est un raccordement en piquage [et que ] ce mode de raccordement est soumis à des conditions restrictives liées à I 'exploitation du réseau et à la puissance des installations. Il n 'est pas applicable en HTB 3 [...]"

Elle ajoute que la décision de la Commission de régulation de l'énergie du 7 avril 2004, relative à la mise en place des référentiels techniques des gestionnaires de réseaux publics d'électricité, prévoit en son article 4.2 qu'il appartient à RTE de déterminer les conditions restrictives auxquelles est soumis le raccordement en « piquage ». Elle soutient qu'en application de cet article 4.2, son référentiel technique précise que le " raccordement en piquage sur une liaison existante sera exclu [...] " notamment lorsque la " liaison existante comporte déjà un piquage ".

RTE soutient que si elle « prend en considération les ouvrages décidés, résultant des demandes de raccordement reçues antérieurement à la demande étudiée, la date de réception des demandes ne constitue en aucun cas le critère essentiel de choix dans la détermination de la solution proposée » contrairement à ce que soulève la société COUFFRAU ENERGIE.

Elle relève que la capacité d'accueil du réseau n'étant pas illimitée, elle a mis en place une procédure dite de file d'attente qui est publiée sur son site internet et à laquelle renvoie le référentiel technique.

RTE ajoute que pour chaque demande de raccordement au réseau public de transport, elle conduit une étude de raccordement sur la base des informations transmises par le demandeur et étudie les différentes stratégies de raccordement possibles, et qu'il est légitime que le projet précédemment enregistré soit pris en compte dans les études de raccordement au regard des principes mentionnés cidessus.

Elle soutient également qu'elle propose dans tous les cas la solution techniquement réalisable de moindre coût pour satisfaire la demande du client.

RTE demande au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie de constater :

- que le raccordement en coupure proposé par RTE et accepté par la société COUFFRAU ENERGIE était le mieux à même de répondre à sa demande ,

- que la remise en cause du raccordement en coupure est infondée, dès lors que le retard pris dans le projet précédemment enregistré est sans incidence sur le choix du schéma de raccordement proposé par RTE et accepté par la société COUFFRAU ENERGIE.

RTE demande, en conséquence, de rejeter la demande de la société COUFFRAU ENERGIE.

Vu les observations en réplique, enregistrées le 29 décembre 2008, présentées par la société COUFFRAU ENERGIE.

La société COUFFRAU ENERGIE estime que la procédure de traitement des demandes de raccordement au réseau public de transport d'électricité de RTE est inégalitaire en ce que, notamment, la « signature d'une PTF n 'est soumise à aucun délai d'exécution ni justificatif de faisabilité du projet » comme c'est le cas dans la procédure mise en place par la société Electricité Réseau Distribution France (ci-après désignée « ERDF »), gestionnaire de réseaux publics de distribution d 'électricité.

Elle ajoute avoir apporté des éléments démontrant que le projet de précédemment enregistré dans la file d'attente de RTE n'est plus réalisable puisqu'aucune démarche administrative n'a abouti et que certains élus locaux s'opposent au projet comme en atteste la délibération du conseil municipal de la commune de Mounes-Prohencoux du 19 mai 2008, qui est l'une des communes concernée par le projet.

Elle soutient que, dans la procédure mise en place par ERDF, un tel projet n'aurait pas pu recevoir de PTF car « dans cette procédure, il est considéré préjudiciable de faire entrer en file d'attente des projets dont I 'exécution aléatoire est susceptible de bloquer le bon déroulement des projets des autres demandeurs ».

Enfin, la société COUFFRAU ENERGIE estime que la différence de coût entre un raccordement en « piquage » et un raccordement en « coupure d'artère », six fois plus onéreux, est disproportionnée et révèle un traitement inéquitable.

La société COUFFRAU ENERGIE maintient, par conséquent, sa demande afin de trouver une solution équitable, technique et financièrement, au raccordement des parcs éoliens de la zone de développement de l'éolien des Monts de Lacaune.

Vu les observations en duplique, enregistrées le 09 janvier 2009, présentées par RTE.

RTE persiste dans ses précédentes conclusions. Elle indique que les accusations de la société COUFFRAU ENERGIE portant sur une « inégalité de traitement » sont dénuées de tout fondement, dès lors qu'elle a démontré dans ses précédentes observations que la « demande de raccordement de Couffrau Energie a été instruite dans le cadre des règles publiées qui sont appliquées par RTE à tous les utilisateurs du réseau de Transport et [qu'elle] a apporté les éléments montrant que ces procédures ont été respectées et appliquées de manière non discriminatoire à l'ensemble des Propositions Techniques et Financières de la zone du raccordement ».

RTE soutient que l'argument de la société COUFFRAU ENERGIE, selon lequel les inégalités précitées auraient été « corrigées » dans la procédure de raccordement d'ERDF, est sans objet.

En premier lieu, elle rappelle que la procédure de raccordement au réseau public de transport, comme celle mise en place par ERDF, permet aux projets bénéficiant d'un permis de construire d'entrer directement en file d'attente. Pour RTE, la procédure de raccordement au réseau public de transport prend en compte également la spécificité des projets de production, qui nécessitent souvent de longs délais d'instruction pour l'obtention de l'ensemble des permis de construire nécessaires, en offrant la possibilité de faire entrer dans la file d'attente les projets pour lesquels une PTF a été signée et un acompte de 10 % versé.

RTE soutient que les facilités supplémentaires ainsi offertes par sa procédure permettent aux producteurs d'obtenir au plus tôt des données relatives, notamment, au coût du raccordement et de leur donner ainsi une visibilité leur permettant de mieux appréhender l'équilibre économique de leur projet.

Elle rappelle que la société COUFFRAU ENERGIE a souhaité bénéficier de cette possibilité pour entrer dans la file d'attente. Pour RTE, cette possibilité lui permet d'anticiper les procédures d'instruction administratives des ouvrages de raccordement afin qu'ils puissent être mis à disposition dans les meilleurs délais.

RTE rappelle qu'elle est soucieuse d'instruire les demandes de raccordement selon une procédure qui concilie au mieux les contraintes légitimes des producteurs, la transparence et la non-discrimination requises et une meilleure fluidité des files d'attente.

Elle a souhaité, dans ce but, engager au plus tôt avec les utilisateurs un retour d'expérience de la procédure actuelle après l'entrée en vigueur le 30 octobre 2008 du cahier des charges du réseau public de transport. Ainsi, la concertation au sein du « Groupe de Travail Producteurs » du « Comité des Utilisateurs du Réseau de Transport d'Electricité » a été relancée le 16 décembre 2008 afin de proposer, dans les meilleurs délais, les évolutions nécessaires de cette procédure.

RTE soutient qu'il ne lui appartient pas dans le cadre de la procédure actuelle de se prononcer sur le caractère réalisable du projet précédemment inscrit dans la file d'attente ou de tout autre projet.

Enfin, RTE rappelle qu'elle a déjà répondu sur l'application des règles conduisant au choix entre un raccordement en « piquage » et un raccordement en « coupure d'artère » et que ses propositions, relatives à la participation financière du producteur au raccordement, sont conformes aux dispositions transitoires retenues et publiées par RTE en novembre 2002 en application du décret no 2001-365 du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisations des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité.

RTE maintient, par conséquent, sa demande initiale et demande, en outre, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie de •

- constater que la remise en cause du raccordement en tant qu'il relève d'une inégalité de traitement est infondée.

Vu la mesure d'instruction du 19 décembre 2008 par laquelle le rapporteur, chargé de l'instruction du dossier, a demandé à RTE de lui communiquer tous les éléments justifiant le financement par la société COUFFRAU ENERGIE des travaux de renforcement des ouvrages existant et les propositions techniques et financières des projets, antérieurs à celui de la société COUFFRAU ENERGIE, contenus dans la file d'attente des demandes de raccordement ;

Vu la lettre, enregistrée le 31 décembre 2008, par laquelle RTE a communiqué, d'une part, une version « non confidentielle » des propositions techniques et financières antérieures en les expurgeant de tous les éléments dont RTE doit conserver la confidentialité et, d'autre part, un état de la file d'attente à la date d'établissement de la PTF du projet de COUFFRAU ENERGIE ;

Vu la nouvelle mesure d'instruction du 6 janvier 2009 par laquelle le rapporteur, chargé de l'instruction du dossier, a demandé à RTE de lui communiquer les éléments permettant de justifier le financement par la société COUFFRAU ENERGIE des « travaux de renforcement » en vue d'éliminer les contraintes d'évacuation, notamment sur la ligne 225 kV Montahut — Saint-Vincent suite à une « aggravation des contraintes existantes » ;

Vu la mesure d'instruction du 6 janvier 2009 par laquelle le rapporteur, chargé de l'instruction du dossier, a demandé à la société COUFFRAU ENERGIE de lui communiquer une copie complète de la délibération du conseil municipal de la commune de Mounes-Prohencoux en date du 19 mai 2008 ;

Vu la lettre, enregistrée le 7 janvier 2009, par laquelle la société COUFFRAU ENERGIE a communiqué une copie de la délibération de la mairie de Mounes-Prohencoux en date du 19 mai 2008 •

Vu la lettre, enregistrée le 8 janvier 2009, par laquelle RTE indique que, conformément aux stipulations de l'annexe 3 de la PTF signée par la société COUFFRAU ENERGIE, les études en matière de renforcement ont été menées par RTE et ont conduit au remplacement de conducteurs. Elle rajoute que le renforcement en question a été pris en charge financièrement par RTE et a donné lieu à une mise en service en juillet 2008.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi no 2000-108 du 10 février 2000 modifiée, relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, notamment son article 38 ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le décret no 2000-894 du I I septembre 2000, relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;

Vu le décret no 2003-588 du 27 juin 2003, relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les installations en vue de leur raccordement au réseau public de transport de l'électricité ;

Vu l'arrêté du 4 juillet 2003, relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement direct au réseau public de transport d'une installation de consommation d'énergie électrique ;

Vu la décision du 15 février 2001, relative au règlement intérieur de la Commission de régulation de l'énergie ;

Vu la décision du 7 avril 2004, sur la mise en place des référentiels techniques des gestionnaires de réseaux publics d'électricité ;

Vu la décision du 28 février 2007, relative au règlement intérieur transitoire du comité de règlement des différends et des sanctions ;

Vu la décision du 27 novembre 2008 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur et de rapporteurs adjoints pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 08-38-09.

Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, qui s'est tenue le 23 janvier 2009, en présence de :

Monsieur Pierre-François RACNE, président du comité de règlement des différends et des sanctions, Madame Dominique GUIRIMAND, Monsieur Jean-Claude HASSAN et Madame Jacqueline

RIFFAULT-SILK, membres du comité de règlement des différends et des sanctions,

Madame Christine LE BIHAN-GRAF, directeur général, Monsieur Rémy COIN, directeur juridique,

Monsieur Didier LAFFAILLE, rapporteur, et Messieurs Antoine GICQUEL et Jérémie ASTIER rapporteurs adjoints,

Monsieur Matthieu MONNIER pour la société COUFFRAU ENERGIE,

Madame Brigitte PEYRON pour la société RTE, assistée de Maître Joseph VOGEL.

Après avoir entendu :

- le rapport de Monsieur Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;

- les observations de Monsieur Matthieu MONNIER pour la société COUFFRAU ENERGIE : la société COUFFRAU ENERGIE persiste dans ses moyens et conclusions ; elle indique que le permis de construire relatif à son projet a été délivré ce jour ;

- les observations de Madame Brigitte PEYRON et de Maître Joseph VOGEL, pour la société RTE ; RTE persiste dans ses moyens et conclusions ; elle rappelle le caractère confidentiel de certaines informations fournies au comité.

Aucun report de séance n 'ayant été sollicité ;

Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré les 23 janvier 2009, après que les parties, le rapporteur, les rapporteurs adjoints, le public et les agents des services se sont retirés.

Les faits :

Il ressort des pièces du dossier que la société VALECO EOLE, aux droits de laquelle vient la société COUFFRAU ENERGIE, a souhaité développer un projet de centrale éolienne dénommé « Couffrau », constitué de 5 parcs éoliens raccordés à un même poste 20 kV située sur le territoire de la commune de Moulin Mage (81). Ce projet comporte 34 éoliennes, pour une puissance de production totale de 80 MW.

Le 30 janvier 2006, la société VALECO EOLE a demandé à RTE le raccordement de son projet au réseau public de transport.

Le 2 mai 2006, RTE a adressé à la société VALECO EOLE une proposition technique et financière, prévoyant un raccordement en coupure sur la ligne 225 kV Mounes — Saint Victor. Il ressortait de cette proposition que le raccordement entraînerait des contraintes sur le réseau public de transport, nécessitant des travaux de renforcement, notamment sur les files 225 kV Montahut — Saint-Vincent et Mounes — Saint-Victor. Dans l'attente de ces renforcements, des effacements préventifs ou curatifs de la production étaient prévus.

Le 27 juillet 2006, la société VALECO EOLE a accepté cette proposition technique et financière.

Le 11 septembre 2006, le projet de VALECO EOLE a été mis dans la file d'attente suite au paiement de l'acompte prévu par la proposition technique et financière du 27 juillet 2006.

Le 13 novembre 2006, les parties ont conclu un avenant à la proposition technique et financière du 27 juillet 2006 prévoyant la cession de cette proposition au profit de la société COUFFRAU ENERGIE, filiale de VALECO EOLE, désormais porteuse du projet.

Le 4 février 2008, un second avenant a été conclu entre les parties pour, d'une part, repousser la date de mise en service du raccordement à fin juin 2010 en raison du retard subi par le projet de centrale éolienne et, d'autre part, prendre en compte contractuellement les choix réalisés par la société COUFFRAU ENERGIE pour l'aménagement du poste électrique. A la suite de ces modifications, le montant de la participation à la charge du demandeur a été réévalué.

Ayant eu connaissance de l'avis défavorable du conseil municipal de la commune de MounesProhencoux, en date du 19 mai 2008, sur le projet de production éolien de la société EOLIENNES DE MOUNES antérieur au sien, la société COUFFRAU ENERGIE a demandé à RTE de modifier son rang dans la liste d'attente.

Face au refus de RTE, elle a décidé de saisir, le 25 novembre 2008, le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie d'une demande de règlement du différend qui l'oppose à RTE sur les conditions de raccordement de ses parcs éoliens au réseau public de transport.

La société COUFFRAU ENERGIE conteste le bien fondé du type de raccordement que lui a proposé RTE et considère que, compte tenu de l'état d'avancement de son projet, RTE doit lui proposer le raccordement en piquage initialement prévu pour le projet inscrit immédiatement avant le sien sur la file d'attente.

Elle demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie de trouver une solution équitable, techniquement et financièrement, pour le raccordement de son projet d'installation d'unités de production éolienne d'électricité.

Sur le bienfondé du raccordement en coupure d'artère proposé par RTE à la société COUFFRAU ENERGIE

La société COUFFRAU ENERGIE conteste le bien fondé du raccordement en coupure d'artère que lui a proposé RTE qui est plus onéreux qu'un raccordement en piquage.

Aux termes de l'article I er de la loi du 10 février 2000, relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, le « service public de l'électricité est géré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité, et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique ».

Aux termes de l'article 2 de la loi du 10 février 2000,  "selon les principes et conditions énoncés à l'article Ier, le service public de l'électricité assure [ . . .l le développement et l'exploitation des réseau publics de transport et de distribution d'électricité ainsi que la fourniture d'électricité, dans les conditions définies ci-après. [.. .l La mission de développement et d'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité consiste à assurer : [ . . . ] le raccordement et l'accès, dans des conditions non discriminatoires, aux réseaux publics de transport et de distribution".

Il résulte de ces dispositions que le gestionnaire de réseau public de transport, saisi d'une demande de raccordement, est soumis à une obligation de traitement transparent et non-discriminatoire afin d'assurer un accès efficace au réseau.

L'article 14 de la loi du 10 février 2000 précitée dispose, dans son 5 ème alinéa, que afin d'assurer la sécurité et la sûreté du réseau et la qualité de son fonctionnement, un décret pris après avis du comité technique de l'électricité institué par la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie fixe les prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement pour le raccordement au réseau public de transport auxquelles doivent satisfaire les installations des producteurs [..

L'article 5 du décret du 27 juin 2003, relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les installations en vue de leur raccordement au réseau de transport d'électricité, pris en application de l'article 14 de la loi du 10 février 2000, prévoit que le « gestionnaire du réseau effectue une étude pour déterminer le schéma de raccordement. Il prend en compte les caractéristiques de l'installation à raccorder, les caractéristiques des ouvrages existants ou décidés ainsi que celles des installations déjà raccordées. Il examine les divers scénarios de fonctionnement du système et les aléas qui peuvent le perturber. L 'étude de raccordement est menée dans un cadre transparent et non discriminatoire. Les méthodes et hypothèses générales utilisées et la liste des données àfournir par l'utilisateur sont publiées dans le référentiel technique ».

La décision du 7 avril 2004 de la Commission de régulation de l'énergie prise sur le fondement de l'article 2 de ce décret, relative à la mise en place des référentiels techniques des gestionnaires de réseaux publics d'électricité, précise que les « gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité doivent publier, chacun pour ce qui le concerne, des référentiels techniques accessibles à tous leurs utilisateurs. Ils doivent engager sans délai I 'élaboration et la publication des référentiels techniques, même partiellement, pour permettre à tous les utilisateurs de bénéficier pleinement des droits que leur confère le nouveau cadre institutionnel du secteur électrique en matière d'accès et d'utilisation des réseaux publics d'électricité ».

L'article 4.2 du guide d'élaboration des référentiels techniques des gestionnaires de réseaux publics d'électricité, annexé à la décision du 7 avril 2004 précitée, précise que les gestionnaires de réseaux publics d'électricité décriront dans chacun de leurs référentiels techniques, au minimum ceux des thèmes suivants qui les concernent [...] :

A. 1.2.3.3. Tension de raccordement et schéma de raccordement

- Description du processus aboutissant au choix de la tension de raccordement

- Méthodes générales et hypothèses permettant la détermination du schéma de raccordement proposé

- Conditions restrictives auxquelles est soumis le raccordement par une seule cellule disjoncteur

- Définition des paramètres de l'installation à prendre en compte pour la détermination de la tension et du schéma de raccordement ».

En application de la décision de la Commission de régulation de l'énergie en date du 7 avril 2004 précitée, RTE a élaboré un référentiel technique, publié sur son site internet, qui décrit notamment les études et schémas de raccordement au réseau de transport d'électricité.

Ce référentiel technique précise que le raccordement en piquage, qui ne nécessite qu'une seule cellule disjoncteur, « sera exclu [lorsque] la liaison existante comporte déjà un piquage ».

Or, sur la liaison existante concernée, la ligne Montahut — Saint-Victor, était inscrit antérieurement à la demande de raccordement de la société COUFFRAU ENERGIE, le projet de raccordement en piquage de la société X. Par suite, RTE était fondée à proposer à la société COUFFRAU ENERGIE un raccordement en coupure d'artère.

La société COUFFRAU ENERGIE ne saurait donc contester le bien fondé du raccordement qui lui a été proposé par RTE.

Sur le bien-fondé du maintien dans lafile d'attente de la société X

La société COUFFRAU ENERGIE soutient que, compte tenu de l'état d'avancement de son projet et du retard pris par celui de la société X, RTE devrait proposer à la société COUFFRAU ENERGIE le raccordement en piquage initialement prévu pour la société X, dont le projet est inscrit immédiatement avant celui de la société COUFFRAU ENERGIE.

Compte tenu de la capacité d'accueil limitée du réseau de transport, RTE a mis en place une procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d'électricité, visée explicitement dans son référentiel technique et publiée sur son site Internet, qui prévoit un système dit de « file d'attente » dans lequel se trouvent les projets de raccordement dont la probabilité de réalisation est forte.

Le paragraphe 3.2 de cette procédure précise, dans son dernier alinéa, que RTE, pour l'établissement de ses propositions techniques et financières, prend en compte notamment la consistance du réseau de transport au moment de la demande en y intégrant les projets qui sont inscrits sur une file d'attente.

Le paragraphe 3.8 de cette procédure détaille les conditions d'entrée en file d'attente des projets faisant l'objet d'une demande de raccordement. Trois possibilités sont considérées : la production d'un document administratif démontrant l'avancement du projet, la sélection du projet dans le cadre d'un appel d'offre tel que prévu à l'article 8 de la loi du 10 février 2000 précitée ou, enfin, l'acceptation de la proposition technique et financière accompagnée du versement de l'acompte qu'elle prévoit.

Cette procédure, qui a été appliquée pour l'étude de la demande de raccordement de la société COUFFRAU ENERGIE et pour celle de la société X, est conforme aux dispositions de l'article 5 du décret du 27 juin 2003 précité et à la décision du 7 avril 2004 de la Commission de régulation de l'énergie.

Le retrait d'un projet de la file d'attente, prévu dans la procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d'électricité, ne peut intervenir qu'à l'initiative du demandeur ou de RTE lorsque le « demandeur n'a pas donné son accord pour la proposition technique et financière et versé l'acompte [prévu] » ou lorsque 1'« installation n 'est pas mise en service deux ans après la mise à disposition des ouvrages de raccordement nécessaire à I 'évacuation de sa production électrique ».

Or, il ressort des pièces du dossier que la société X a accepté une proposition technique et financière antérieurement à la société COUFFRAU ENERGIE, versé un acompte à RTE et, depuis lors, n'a pas manifesté son intention d'abandonner son projet.

Par suite, RTE ne pouvait de sa propre initiative retirer de la file d'attente le projet de la société X antérieur à celui de la société COUFFRAU ENERGIE.

La seule circonstance que le conseil municipal de la commune de Mounes-Prohencoux du 19 mai 2008 a émis un avis défavorable sur le projet de la société X ne permet pas d'établir que la réalisation de ce projet serait définitivement compromise. Un tel avis, qui n'est pas un avis conforme, ne lie pas le préfet, seul compétent pour délivrer le permis de construire pour les ouvrages de production d'énergie en application des dispositions des articles L.42 1-1, L.422-2 et R.422-2 du code de l'urbanisme.

En l'état, les conclusions de la société COUFFRAU ENERGIE relatives à la place de son projet dans la file d'attente ne peuvent donc qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er. - La demande de la société COUFFRAU ENERGIE est rejetée.

Article 2. - La présente décision sera notifiée aux sociétés COUFFRAU ENERGIE et RTE EDF Transport. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.