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Décisions

CRE, cordis, 10 février 2005, n° 04-38-11

COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉNERGIE

Arrêt

se prononçant sur un différend qui oppose Réseau de Transport d’Electricité (RTE) à la Compagnie Parisienne de Chauffage Urbain (CPCU) relatif à l’application du tarif d’utilisation du réseau public de transport

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Syrota

Rapporteur :

Mme George

Avocats :

Me Vogel, Me Fornacciari, Me Loubières

Commissaires :

Mme Benassayag, M. Dyevre, M. Lapeyre, M. Lechevin, M. Lorot

CRE n° 04-38-11

9 février 2005

La Commission de régulation de l’énergie,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 22 décembre 2004 sous le numéro 04-38-11, présentée par Réseau de Transport d’Electricité (RTE), gestionnaire du réseau public de transport d’électricité, domicilié Tour Initiale, 1, terrasse Bellini, TSA 41000, 92919 Paris La Défense Cedex, service d’Electricité de France (EDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 552 081 317, dont le siège social est situé 22-30, avenue de Wagram, 75008 Paris, pris en la personne de son directeur, Monsieur André MERLIN, ayant pour avocat Maître Joseph VOGEL, 30, avenue d’Iéna, 75016 Paris.

RTE a saisi la Commission de régulation de l’énergie du différend qui l’oppose à la Compagnie Parisienne de Chauffage Urbain (CPCU) sur l’application du tarif d’utilisation du réseau public de transport à ses installations de cogénération de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) et de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne).

Il soutient que la Commission de régulation de l’énergie est compétente pour connaître du différend qui l’oppose à la CPCU, au motif d’une part, que celle-ci, en tant que producteur titulaire d’un contrat d’achat raccordé au réseau public de transport d’électricité sur lequel il injecte sa production, a la qualité d’utilisateur du réseau au sens de l’article 38 de la loi du 10 février 2000 et, d’autre part, qu’en tant qu’il porte sur les conditions tarifaires de l’accès au réseau public de transport, ce différend est lié à l’accès au réseau.

RTE considère que le fait que la CPCU ne dispose pas d’un contrat d’accès au réseau public de transport est normal, puisque les seuls contrats qu’il conclut avec les producteurs liés à EDF par un contrat d’achat sont une convention de raccordement et une convention d’exploitation, ce qui est le cas en l’espèce. Il soutient que la qualité d’utilisateur de réseau est indépendante de la conclusion d’un contrat d’accès au réseau.

RTE rappelle que ni le II de l’article 4 de la loi du 10 février 2000, ni aucune autre disposition de cette loi ne subordonne l’application du tarif d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité à l’existence d’un contrat d’accès avec le producteur. Il rappelle que seule la conclusion d’un contrat d’accès entre RTE et les clients éligibles qui ont exercé leur éligibilité est prévue par le II de l’article 22 de la loi du 10 février 2000 et en déduit qu’a contrario, une telle mesure n’est pas nécessaire s’agissant d’un producteur, notamment lorsque celui-ci est lié à EDF par un contrat d’obligation d’achat.

RTE souligne que, conformément à l’article 3 du décret du 26 avril 2001, les tarifs d’utilisation des réseaux publics permettent de répartir les coûts, notamment entre les consommateurs et les producteurs qui sont raccordés et qui injectent de l’électricité sur ces réseaux. Il soutient que le décret du 19 juillet 2002, qui est d’ordre public, a institué, à la charge des producteurs, un tarif d’injection qui s’applique automatiquement, dès lors qu’une installation de production est raccordée au réseau public.

RTE en conclut que la circonstance que la CPCU soit ou non titulaire d’un contrat d’accès au réseau public de transport d’électricité est sans incidence sur l’applicabilité du tarif d’injection à son égard.

RTE rappelle qu’en vertu de l’article 1er du décret du 26 avril 2001, les tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité s’appliquent, nonobstant toute stipulation contraire des contrats et protocoles. Il considère que, par conséquent, les tarifs s’appliquent à tous les utilisateurs concernés, même en l’absence de contrat et quelles que soient les stipulations pouvant, par ailleurs, les lier à EDF. Dans ces conditions, RTE soutient que la CPCU, en sa qualité de producteur qui injecte de l’électricité sur le réseau public de transport, est redevable du tarif d’utilisation fixé par le décret du 19 juillet 2002.

RTE demande, donc, à la Commission de régulation de l’énergie de dire :

- que le décret du 19 juillet 2002 fixant les tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité s’applique aux injections faites par la CPCU ;

- que la CPCU lui est redevable de la somme de 463 738,25 euro au titre des injections réalisées du 1er novembre 2002 au 30 octobre 2004 et de 49 318 euro au titre des pénalités de retard ;

- que la CPCU lui réglera ces sommes dans un délai de dix jours, à défaut de quoi il pourra en tirer les conséquences de droit et suspendre l’accès au réseau.

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Vu les observations en défense, enregistrées le 14 janvier 2005, présentées par la Compagnie Parisienne de Chauffage Urbain (CPCU), société anonyme, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 542 097 324, dont le siège social est situé 185, rue de Bercy, 75012 Paris, représentée par son président directeur général, Monsieur François DUPOUX.

rLa CPCU ne conteste pas la compétence de la Commission de régulation de l’énergie. Elle soutient ne pas être redevable du tarif d’utilisation du réseau public de transport d’électricité, dès lors qu’elle ne l’utilise pas et qu’elle n’a pas la responsabilité de cette utilisation. Elle ajoute que l’application de ce tarif ne peut, en tout état de cause, résulter que d’un contrat d’accès conclu entre RTE et l’utilisateur, qui n’existe pas en l’espèce.

La CPCU précise qu’elle a conclu avec EDF un contrat d’achat de type 97-01, une convention d’exploitation et une convention de raccordement pour chacun de ses sites, ces conventions étant sans rapport avec l’utilisation éventuelle du réseau public de transport.

Elle soutient que seul EDF peut être regardé comme ayant accès au réseau public de transport, dès lors qu’il est prévu au paragraphe 5.1 du contrat d’achat qu’il assure lui-même l’évacuation de l’énergie produite par les centrales de cogénération. La CPCU considère qu’elle n’emprunte pas le réseau public de transport, dans la mesure où le transfert de propriété de l’énergie produite s’effectue au point de livraison.

Elle observe que la convention d’exploitation ne contient aucune disposition sur l’utilisation du réseau public de transport par le producteur.

La CPCU relève qu’en application de l’article 4 de la convention de raccordement, la limite de propriété se situe au point de livraison. Elle soutient que ces stipulations sont cohérentes avec celles du contrat d’achat, en vertu desquelles le transfert de propriété de l’énergie produite s’effectue au point de livraison. 

Elle indique que l’article 6 de la convention de raccordement, qui détaille les frais d’exploitation, d’entretien et de renouvellement du réseau, constitue le fondement contractuel des factures qui lui sont adressées par EDF, qu’elle n’a jamais contestées et dont elle s’est toujours régulièrement acquittée. La CPCU soutient que la demande de RTE n’est pas compatible avec les dispositions de l’article 6 de la convention de raccordement, puisque soumettre la production d’énergie à d’autres redevances reviendrait à lui faire payer deux fois le même service.

La CPCU rappelle qu’elle na pas conclu avec RTE de contrat d’accès au réseau public en application de la loi du 10 février 2000. Elle soutient que le décret du 19 juillet 2002 ne s’applique qu’aux seuls utilisateurs des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité qui ont signé un tel contrat. Elle ajoute que, dès lors que RTE reconnaît qu’elle n’est pas titulaire d’un contrat d’accès, elle ne saurait être regardée comme utilisateur du réseau au sens de la loi du 10 février 2000.

La CPCU demande, donc, à la Commission de régulation de l’énergie :

- de dire qu’elle n’est pas redevable envers RTE des redevances réclamées ;

- de débouter RTE des fins de sa requête introductive.

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Vu les observations en réplique, enregistrées le 24 janvier 2005, présentées par RTE, qui persiste dans ses précédentes conclusions.

RTE relève, en outre, que la CPCU n’a pas respecté le délai qui lui était imparti pour produire ses observations en défense. Il observe que ce retard a probablement conduit la Commission de régulation de l’énergie à ne lui accorder qu’un délai limité pour répliquer.

RTE considère que tout producteur directement raccordé au réseau public de transport qui injecte de l’énergie au point de livraison situé en limite de propriété est un utilisateur du réseau et, à ce titre, est redevable du tarif fixé par le chapitre 1er de l’annexe du décret du 19 juillet 2002.

Il soutient que le modèle de contrat type 97-01 a été établi et approuvé par les pouvoirs publics avant la mise en place des nouvelles règles du marché de l’électricité issues de la directive du 19 décembre 1996, alors qu’EDF était une entreprise verticalement intégrée. Il en conclut que les stipulations du contrat selon lesquelles l’énergie produite est délivrée au point de livraison sur le réseau d’EDF, qui en assure physiquement l’évacuation, doivent désormais être regardées comme visant le service gestionnaire du réseau public de transport, à savoir RTE. Si ces clauses devaient être interprétées comme signifiant que le producteur n’utilise pas le réseau public, RTE observe qu’aucun producteur injectant sur le réseau, fût-il titulaire d’un contrat d’accès, n’aurait la qualité d’utilisateur. De surcroît, ces clauses étant assimilables à celles d’un contrat d’accès au réseau, RTE soutient que la CPCU ne saurait prétendre ne pas avoir la qualité d’utilisateur.

RTE rappelle que les dispositions de la section 5 du chapitre 2 de l’annexe du décret du 19 juillet 2002 prévoient que le gestionnaire du réseau percevra des frais d’entretien, d’exploitation et de renouvellement, en sus des recettes tarifaires. Il en déduit que les frais d’entretien, d’exploitation et de renouvellement ne font pas double emploi avec le tarif, mais s’y ajoutent.

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Vu les observations en réplique, enregistrées le 27 janvier 2005, présentées par la CPCU, ayant pour avocat Maître Marc FORNACCIARI, cabinet Jeantet Associés, 87, avenue Kléber, 75784 Paris cedex 16.

La CPCU persiste dans ses précédentes conclusions. Elle remarque, en outre, que les seuls contrats régissant ses rapports avec RTE, à savoir une convention de raccordement et une convention d’exploitation pour chaque site de production, ne prévoient pas le paiement de l’utilisation du réseau.

La CPCU soutient que le décret du 19 juillet 2002, sur lequel RTE entend fonder ses factures, lui est inapplicable dans son principe, au motif que le décret-cadre du 26 avril 2001 et le décret du 19 juillet 2002 ont pour objet de fixer les tarifs d’utilisation des réseaux, alors que ses installations de cogénération n’utilisent pas le réseau.

Elle considère que le système mis en place, en application des directives communautaires par la loi du 10 février 2000 et le décret du 26 avril 2001, repose sur des principes qui ne lui sont pas applicables, tels que celui de la répartition, dans des conditions non discriminatoires, des coûts de transport entre les fournisseurs et les clients éligibles, dès lors qu’elle se trouve dans une situation particulière. La CPCU considère qu’elle se borne à vendre de l’électricité à EDF dans le cadre de l’obligation légale d’achat. Elle soutient que le système de financement prévu par le décret du 26 avril 2001 n’est pas applicable aux cogénérateurs, qui ne sont pas fournisseurs au sens de la loi, mais créanciers de l’obligation d’achat pesant sur EDF. Elle précise que les cogénérateurs relèvent exclusivement de l’article 10 de la loi du 10 février 2000, en vertu duquel les obligations des cogénérateurs sont fixées par décret. Or, la CPCU rappelle que le décret du 10 mai 2001, relatif aux conditions d’achat de l’électricité produite par des producteurs bénéficiant de l’obligation d’achat, ne prévoit aucune participation des cogénérateurs aux frais d’entretien du réseau. Elle en conclut que ni le législateur, ni l’autorité réglementaire, n’ont entendu mettre à la charge des cogénérateurs des frais d’utilisation du réseau dans le cadre du régime de l’obligation d’achat.

La CPCU soutient qu’il appartient à RTE de demander à EDF le paiement des factures afférentes à l’utilisation du réseau public de transport, dès lors que celui-ci prend possession au point de livraison de l’énergie électrique produite par ses installations de cogénération. Elle soutient que les contrats d’achat de type 97-01 ne sauraient être interprétés comme désignant RTE en lieu et place d’EDF, dans la mesure où ils ont été conclus en 2001, après l’entrée en vigueur de la loi du 10 février 2000, qui consacre la séparation des deux entités, et celle du décret du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité.

La CPCU soutient que, même si la Commission de régulation de l’énergie estimait que les cogénérateurs bénéficiant de l’obligation d’achat doivent, en principe, s’acquitter du tarif d’utilisation du réseau, elle devrait, toutefois, en l’espèce rejeter les prétentions de RTE.

Elle considère, en effet, qu’il ressort de l’application combinée des dispositions de l’article 4 de la loi du 10 février 2000, du décret du 26 avril 2001 et du décret du 19 juillet 2002 que les tarifs d’utilisation des réseaux ne sont ni une taxe, ni une redevance, mais un prix, quand bien même celui-ci ferait l’objet d’un encadrement réglementaire et ne serait pas fixé librement par le jeu de l’offre et de la demande. L’obligation de payer ce prix ne peut, donc, trouver sa cause juridique que dans des relations contractuelles entre les parties, alors que les conventions conclues avec RTE ne comportent aucunement l’obligation de payer les prix facturés.

La CPCU soutient que l’obligation de payer n’est pas d’ordre public. Elle considère que les dispositions de l’article 1er du décret du 26 avril 2001 ont eu pour effet de modifier les tarifs payés en vertu des contrats en cours entre RTE et les opérateurs, mais qu’elles n’ont pu avoir d’incidence sur ses relations contractuelles avec EDF, ni mettre à sa charge une nouvelle obligation à l’égard de RTE. Elle ajoute que le décret du 19 juillet 2002 ne saurait s’appliquer à ses installations de cogénération, dès lors qu’elle n’a pas signé de contrat d’accès avec RTE.

La CPCU rappelle qu’en application des deux conventions précitées, elle acquitte déjà à RTE l’ensemble des frais d’entretien, d’exploitation et de renouvellement mentionnés à l’article 4 du décret du 26 avril 2001, et qu’elle ne saurait, donc, être tenue de payer une seconde fois. Elle soutient que RTE a probablement inclus dans le contrat en 2001 une grande partie des sommes qu’il recouvre désormais par le biais du tarif et qu’il serait, par conséquent, injuste d’additionner le nouveau tarif avec les frais d’entretien, d’exploitation et de renouvellement qu’elle acquitte.

La CPCU fait valoir que la publication du décret du 19 juillet 2002 n’a pas eu pour effet d’interrompre les situations contractuelles en cours, et en particulier les contrats qu’elle a signés pour chacune des installations de cogénération en cause. Elle précise que seule la signature d’un contrat d’accès de type CART aurait pu servir de cause juridique à une obligation de payer les factures et qu’en l’absence d’un tel contrat, elle n’a pas d’autres obligations à l’égard de RTE que celles découlant des conventions de 2001.

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Vu les nouvelles observations, enregistrées le 2 février 2005, présentées par RTE, qui persiste dans ses précédentes conclusions.

RTE indique, en outre, que, contrairement à ce que prétend la CPCU, les frais d’entretien, d’exploitation et de renouvellement mentionnés dans les conventions de raccordement, qui s’élèvent à 341 661 francs pour le site de Saint-Ouen et à 526 400 francs pour le site de Vitry-sur-Seine, correspondent à des montants annuels et non mensuels.

RTE soutient que l’affirmation selon laquelle les coûts des réseaux publics doivent être répartis entre les fournisseurs et les clients éligibles est contraire à la lettre de l’article 3 du décret du 26 avril 2001, qui fait peser ces coûts sur les consommateurs et les producteurs, au nombre desquels se trouve la CPCU.

Il soutient que l’application de l’article 10 de la loi du 10 février 2000, relatif à l’obligation d’achat, n’exclut pas celle des autres dispositions de la même loi, notamment de son article 4 relatif aux tarifs d’utilisation des réseaux publics. RTE ajoute que le décret du 10 mai 2001, fixant le régime de l’obligation d’achat, n’est pas censé traiter du tarif d’utilisation des réseaux, dès lors que ce n’est pas son objet. Il en déduit que, même si la CPCU bénéficie des dispositions de l’article 10 de la loi du 10 février 2000 relatives à l’obligation d’achat, elle n’en demeure pas moins redevable, en sa qualité de producteur directement raccordé au réseau public de transport, du tarif établi sur le fondement de l’article 4 de la même loi.

RTE rappelle que tout producteur ou consommateur directement raccordé au réseau public de transport est un utilisateur, dès lors qu’il injecte ou soutire de l’énergie électrique sur ce réseau. RTE indique que, conformément aux dispositions de l’annexe du décret du 19 juillet 2002, le tarif d’injection s’applique au point d’injection défini dans les conventions de raccordement et d’exploitation, qui correspond à la limite de propriété entre le réseau public de transport et les installations de la CPCU.

Il remarque que, contrairement à ce qui est allégué par la CPCU, l’article 5.1 des conditions générales des contrats d’achat ne précise pas que la propriété de l’énergie serait transférée du producteur à EDF au point de livraison. Il ajoute que les références à EDF dans les contrats d’achat dits intégrés, qui traitent à la fois de l’achat de l’électricité produite et des conditions d’accès au réseau en vue de l’injection, visent selon les cas, soit EDF en tant qu’acheteur, soit EDF en tant que gestionnaire du réseau public de transport, c’est-à-dire RTE.

RTE considère que les frais d’entretien, d’exploitation et de renouvellement sont perçus indépendamment des recettes tarifaires et n’ont pas leur fondement dans le décret du 19 juillet 2002. Il s’estime, par conséquent, fondé à réclamer à la CPCU le paiement du tarif d’injection. RTE indique que la totalité des coûts du réseau français sont supportés par les consommateurs finals raccordés au réseau public de transport par le biais du tarif de soutirage. En revanche, les producteurs relevant du tarif d’injection ne sont pas amenés à financer les charges du réseau public de transport, dès lors que le timbre d’injection a pour seul objet de couvrir les charges que RTE supporte au titre du financement du réseau horizontal de grand transport européen.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 modifiée, relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité ;

Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié, relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l’énergie ;

Vu la décision du 15 février 2001 de la Commission de régulation de l’énergie, relative au règlement intérieur de la commission ;

Vu la décision du 5 janvier 2005 du président de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la désignation d’un rapporteur et de rapporteurs adjoints pour l’instruction d’une demande de règlement de différend ;

Vu la directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité ;

Vu la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 96/92/CE ;

Vu le code de commerce ;

Vu le décret du 23 décembre 1994 approuvant le cahier des charges type de la concession à Electricité de France du réseau d’alimentation générale en énergie électrique (RAG) ;

Vu le décret n°2001-365 du 26 avril 2001, relatif aux tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité ;

Vu le décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 modifié, relatif aux conditions d’achat de l’électricité produite par les producteurs bénéficiant de l’obligation d’achat ;

Vu le décret n° 2002-1014 du 19 juillet 2002 fixant les tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité en application de l’article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité ;

Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique de la Commission de régulation de l’énergie, qui s’est tenue le 10 février 2005, en présence de :

Monsieur Jean SYROTA, président, Madame Jacqueline BENASSAYAG et Messieurs Eric DYEVRE, Michel LAPEYRE, Bruno LECHEVIN, Pascal LOROT, commissaires,

Monsieur Olivier CHALLAN BELVAL, directeur général, Madame Gisèle AVOIE, directrice juridique,

Madame Cécile GEORGE, rapporteur, Messieurs Arnaud TOURNIER et Laurent SCHWEBEL, rapporteurs adjoints,

Maître Joseph VOGEL et Maître François LOUBIERES, Monsieur Olivier LAVOINE et Monsieur Philippe CLAVEL pour RTE,

Maître Marc FORNACCIARI pour la CPCU ;

Après avoir entendu :

- le rapport de Madame Cécile GEORGE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;

- les observations de Maître Joseph VOGEL, de Monsieur Olivier LAVOINE et de Monsieur Philippe CLAVEL, pour RTE : RTE persiste dans ses moyens et conclusions ; il soutient que le contrat d’achat tient lieu de contrat d’accès au réseau, tant que la séparation juridique entre EDF et RTE n’est pas effective ; RTE ajoute que sans injection au point de raccordement des installations de cogénération, il ne pourrait y avoir de transaction entre EDF et la CPCU ; il indique que les frais d’entretien, d’exploitation et de renouvellement ne font pas double emploi avec le tarif d’injection, dès lors que ce dernier a vocation à couvrir les charges du grand réseau de transport liées aux échanges internationaux d’électricité ; RTE précise que les frais d’entretien, d’exploitation et de renouvellement trouvent leur fondement dans l’article 8.3 du cahier des charges de la concession à EDF du réseau d’alimentation générale en énergie électrique (RAG) et qu’ils n’ont fait l’objet d’aucune demande de la part de la CPCU dans le cadre du présent différend ; il soutient qu’en invoquant l’incompétence de la Commission de régulation de l’énergie, la CPCU présente une demande nouvelle, qui ne peut qu’être déclarée irrecevable ; RTE reconnaît que la séparation juridique avec EDF lui imposera de signer des contrats d’accès avec les producteurs bénéficiant de l’obligation d’achat raccordés au réseau public de transport ; 

- les observations de Maître Marc FORNACCIARI, pour la CPCU : la CPCU persiste dans ses moyens et conclusions ; elle soutient que les producteurs titulaires d’un contrat d’achat de type 97-01 ne sont pas des utilisateurs du réseau et ne bénéficient pas d’un droit d’accès en application de l’article 23 de la loi du 10 février 2000, qui réserve ce droit aux seuls acteurs du marché ; la CPCU s’interroge, par conséquent, sur la compétence de la Commission de régulation de l’énergie pour connaître du présent différend ; elle soutient qu’avant l’adoption des nouveaux modèles de contrats, qui ont succédé aux contrats de type 97-01, l’administration n’avait pas entendu soumettre les bénéficiaires de l’obligation d’achat au tarif d’injection ; la CPCU rappelle qu’elle n’a conclu aucun contrat avec RTE prévoyant l’application du tarif, le comptage, les modalités de paiement et les pénalités de retard ; elle considère que, compte tenu de leur montant élevé, les frais d’entretien, d’exploitation et de renouvellement dont elle s’acquitte recouvrent nécessairement des charges liées à l’utilisation du réseau ; elle indique que ces frais ne lui sont plus facturés depuis le mois de janvier 2004 ; la CPCU soutient que les producteurs bénéficiant de l’obligation d’achat ne sont pas des utilisateurs du réseau au sens de l’article 2.18 de la directive du 26 juin 2003, puisqu’ils n’alimentent pas le réseau, mais sont créanciers d’une obligation légale d’achat ;

La Commission de régulation de l’énergie en ayant délibéré le 10 février 2005, après que les parties, le rapporteur, les rapporteurs adjoints, le public et les agents de la Commission de régulation de l’énergie se sont retirés.

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Les faits :

La Compagnie Parisienne de Chauffage Urbain (CPCU) exploite deux centrales de cogénération à Saint-Ouen et à Vitry-sur-Seine, raccordées au réseau public de transport au niveau de tension de 225 kV.

La CPCU a signé, pour chacun de ses sites, les 17 août 2000 et 7 juin 2001, une convention de raccordement, puis les 28 mars et 28 août 2001, une convention d’exploitation avec Réseau de Transport d’Electricité (RTE). Ces conventions ont été signées en vue de la conclusion avec Electricité de France (EDF), les 15 juin et 21 décembre 2001, de contrats d’achat de type 97-01, auxquels elles sont annexées.

Estimant que la CPCU est redevable du tarif d’injection sur le réseau public de transport, RTE émet depuis le mois de novembre 2002 des factures pour ces deux unités de cogénération, sur le fondement des dispositions des décrets du 26 avril 2001 et du 19 juillet 2002 relatifs aux tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité.

La CPCU a refusé de payer les factures couvrant la période du 1er novembre 2002 au 30 octobre 2004.

Le 22 décembre 2004, RTE a saisi la Commission de régulation de l’énergie de ce différend portant sur la facturation à la CPCU du tarif d’utilisation du réseau public de transport.

Sur le respect du contradictoire : 

Conformément aux dispositions de l’article 3 du décret du 11 septembre 2000, « la Commission de régulation de l’énergie assure la communication à chacune des parties des observations et pièces déposées par les autres parties et fixe le délai dans lequel il devra y être répondu ».

En l’espèce, les observations en défense de la CPCU ont été déposées le 14 janvier 2005 à la Commission de régulation de l’énergie, soit avec quatre jours de retard par rapport au délai initialement imparti. Cependant, RTE, qui a reçu notification de ces observations le 17 janvier 2005 et y a répondu le 24 janvier 2005, a bénéficié d’un délai d’une semaine pour répliquer. De surcroît, RTE a été en mesure de produire, le 2 février 2005, de nouvelles observations sur le mémoire ampliatif et en réplique de la CPCU.

Enfin, conformément au principe du contradictoire, RTE a pu présenter des observations orales devant la Commission de régulation de l’énergie, lors de sa séance publique du 10 février 2005.

Dans ces conditions, RTE n’est pas fondé à soutenir qu’il aurait bénéficié d’un temps limité pour répondre aux observations en défense de la CPCU et que le principe du contradictoire n’aurait pas été respecté.

Sur la qualité d’utilisateur du réseau : 

Aux termes de l’article 2.18 de la directive du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité, reprenant, dans des termes identiques, les dispositions de l’article 2.15 de la directive du 19 décembre 1996 qu’elle abroge, sont des « utilisateurs de réseau, les personnes physiques ou morales alimentant un réseau de transport ou de distribution ou desservies par un de ces réseaux ». Les producteurs qui sont raccordés aux réseaux de transport ou de distribution sur lesquels ils injectent de l’énergie électrique doivent, donc, être regardés comme des « utilisateurs de réseau » au sens de la loi du 10 février 2000, qui a pour objet de transposer les directives précitées.

En ce qui concerne le raccordement des installations de la CPCU au réseau public de transport 

Il ressort des pièces du dossier, que la CPCU a conclu avec RTE, gestionnaire du réseau public de transport d’électricité, respectivement les 17 août 2000 et 7 juin 2001, deux conventions qui précisent les modalités techniques et financières du raccordement au réseau public de transport de ses installations de cogénération de Saint-Ouen et de Vitry-sur-Seine. Des conventions d’exploitation ont, ensuite, été signées entre la CPCU et RTE, les 28 mars et 28 août 2001.

Il résulte des articles 2, 5-2 et 6-4 de la convention de raccordement relative au site de Saint-Ouen et des articles 3, 5 et 7 de celle relative au site de Vitry-sur-Seine que les installations de cogénération de la CPCU sont raccordées au réseau public de transport d’électricité en vue de son alimentation. C’est, donc, à tort que la CPCU se prévaut de l’absence de contrat d’accès au réseau, conclu avec RTE, pour écarter sa qualité d’utilisateur au sens de la loi du 10 février 2000.

En ce qui concerne l’alimentation par la CPCU du réseau public de transport 

En vertu des stipulations de l’article 5.1 des contrats d’achat conclus par la CPCU, le 15 juin 2001 pour son site de Saint-Ouen, et le 21 décembre 2001 pour celui de Vitry-sur-Seine, la livraison est définie comme « l’énergie produite et délivrée, au point de livraison, sur le réseau d’EDF qui en assure physiquement l’évacuation ».

La CPCU soutient que ces dispositions concernent EDF en tant qu’acheteur de l’énergie et que, dès lors qu’il en assure l’évacuation, c’est lui qui utilise le réseau.

Or, ces stipulations, qui sont relatives au transport de l’énergie, visent le gestionnaire du réseau public de transport, à savoir RTE, qui, lorsqu’il intervient dans le cadre de sa mission, ne saurait être considéré comme utilisateur de ce réseau.

En l’espèce, il résulte des articles précités des conventions de raccordement des 17 août 2000 et 7 juin 2001 que la CPCU injecte physiquement sur le réseau public de transport l’énergie qu’elle produit et que RTE, en tant que gestionnaire du réseau, en assure physiquement l’évacuation.

Le contenu de ces stipulations démontre que l’article 5.1 des contrats d’achat concerne la relation entre la CPCU et EDF-RTE, gestionnaire du réseau public de transport d’électricité, et non la relation entre CPCU et EDF-Producteur, débiteur de l’obligation d’achat.

La circonstance invoquée par la CPCU qu’EDF soit, en vertu des contrats d’achat, reconnu propriétaire de l’énergie livrée est sans influence sur la qualité d’utilisateur du réseau de la CPCU.

Enfin, le fait que les articles 2 et 4 des conventions de raccordement conclues avec RTE fixent la limite de propriété des ouvrages électriques au point de livraison ne fait pas non plus obstacle à ce que la qualité d’utilisateur soit reconnue à la CPCU, dès lors qu’il est constant que l’énergie injectée sur le réseau public de transport d’électricité provient de ses installations de cogénération.

Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la CPCU, en tant que producteur directement raccordé au réseau public de transport d’électricité sur lequel il injecte de l’énergie, doit être regardée comme utilisateur du réseau au sens de la loi du 10 février 2000. Dès lors, contrairement à ce que soutient la CPCU, la Commission de régulation de l’énergie est compétente, au sens de l’article 38 de la loi du 10 février 2000, pour connaître de la présente demande de règlement de différend.

Sur l’application du tarif d’injection : 

Sur les conséquences de l’absence de signature d’un contrat d’accès au réseau public de transport de type CART 

La CPCU soutient que les tarifs ne peuvent lui être appliqués qu’en vertu d’un contrat d’accès au réseau et qu’elle n’a pas conclu un tel contrat de type CART. Au soutien de son argumentation, elle fait valoir que l’article 23 de la loi du 10 février 2000 ne garantit pas de droit d’accès aux producteurs d’électricité bénéficiant de contrats d’achat et ne prévoit pas d’obligation de signer un contrat d’accès de type CART.

Toutefois, l’application des tarifs d’utilisation des réseaux n’est pas subordonnée à la conclusion d’un contrat d’accès prévu à l’article 23 de la loi du 10 février 2000.

En tout état de cause, bien qu’elle n’ait pas conclu avec RTE de contrat de type CART, en signant les contrats d’achat auxquels sont annexées les conventions de raccordement et d’exploitation de ses installations de cogénération, la CPCU s’est nécessairement placée dans une situation contractuelle avec le gestionnaire de réseau.

En effet, il ressort des contrats d’achat conclus entre EDF et la CPCU, versés au dossier, qu’ils comportent des stipulations relatives à l’accès du producteur au réseau public de transport d’électricité, qui concernent notamment le raccordement, le comptage, les engagements d’enlèvement de l’énergie et les perturbations dans l’enlèvement d’énergie garantie. Ces stipulations doivent être regardées comme engageant RTE, en tant que gestionnaire du réseau public de transport.

Dans ces conditions, la CPCU ne saurait utilement se prévaloir de l’absence de contrat de type CART pour contester l’application à son égard du tarif d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité.

Sur le caractère d’ordre public des tarifs d’utilisation des réseaux publics

Aux termes des dispositions du 2ème alinéa de l’article 1er de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, reprises à l’article L. 410-2 du code de commerce, « dans les secteurs ou les zones où la concurrence par les prix est limitée en raison soit de situations de monopole ou de difficultés durables d’approvisionnement, soit de dispositions législatives ou réglementaires, un décret en Conseil d’Etat peut réglementer les prix après consultation du Conseil de la concurrence ».

En vertu de l’article 4 de la loi du 10 février 2000, « les dispositions du deuxième alinéa de l’article 1er de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence s’appliquent […] aux tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution. […] Les tarifs d’utilisation du réseau public de transport et des réseaux publics de distribution applicables aux utilisateurs sont calculés de manière non discriminatoire. […] Les décisions sur les tarifs […] sont prises conjointement par les ministres chargés de l’économie et de l’énergie, sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie pour les tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution ».

Aux termes de l’article 1er du décret du 26 avril 2001, « les tarifs hors taxes d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité sont fixés conformément aux dispositions qui suivent, nonobstant toute disposition contraire des cahiers des charges des concessions, des règlements de service des régies, des contrats et des protocoles ».

Les premiers tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité ont été fixés par le décret du 19 juillet 2002, qui prévoit, en son article 1er,  que « les tarifs hors taxes d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité sont fixés conformément aux dispositions annexées au présent décret qui entrera en vigueur le 1er novembre 2002 ».

Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que l’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité est soumise à une réglementation tarifaire qui est d’ordre public et s’applique, nonobstant toute clause contractuelle contraire, à compter du 1er novembre 2002.

Il suit de là que la CPCU, dont les contrats d’achat et les conventions de raccordement et d’exploitation qui leur sont annexées déterminent le cadre contractuel relatif à l’accès au réseau public qui lui est applicable et dont les installations de cogénération sont raccordées au réseau public de transport qu’elles utilisent, n’est pas fondée à soutenir que la réglementation tarifaire, qui est d’ordre public, ne lui serait pas applicable.

Sur l’application du tarif d’injection 

En application de l’article 2 du décret du 26 avril 2001, « les tarifs d’utilisation des réseaux publics sont calculés à partir de l’ensemble des coûts de ces réseaux […] ». En vertu de l’article 3 du même décret, « les tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution permettent de répartir de façon non discriminatoire les coûts mentionnés à l’article 2 du présent décret entre : 1° les consommateurs d’électricité qui sont raccordés aux réseaux publics et qui prélèvent de l’électricité sur ces réseaux ; 2° les producteurs qui sont raccordés aux réseaux publics et qui injectent de l’électricité sur ces réseaux […] ».

L’article 4 du même décret du 26 avril 2001 prévoit que « I. – Les tarifs comprennent une composante fonction de la puissance souscrite et une composante fonction de l’énergie injectée ou prélevée […]».

Le chapitre 1er de l’annexe du décret du 19 juillet 2002 prévoit l’application aux producteurs raccordés au réseau public de transport dans les domaines de tension HTB 2 et HTB 3, correspondant à une tension de raccordement comprise entre 130 kV et 500 kV, d’un tarif de 0,18 euro par mégawattheure.

Dans ces conditions, les installations de cogénération de la CPCU, qui sont directement raccordées au réseau public de transport, à la tension de 225 kV, dans le domaine de tension HTB 2, sont soumises au tarif d’injection de 0,18 euro par mégawattheure.

Pour se soustraire à la réglementation tarifaire issue de l’article 4 de la loi du 10 février 2000 et de ses décrets d’application du 26 avril 2001 et du 19 juillet 2002, la CPCU invoque le caractère dérogatoire du régime de l’obligation d’achat, prévu par les dispositions de l’article 10 de la loi du 10 février 2000 et du décret du 10 mai 2001. Toutefois, les dispositions relatives à l’obligation d’achat ne comportent aucune dérogation expresse en ce qui concerne la tarification de l’utilisation des réseaux. Dès lors, la CPCU ne peut utilement soutenir qu’elle n’est pas soumise à cette réglementation.

Si la CPCU soutient qu’elle paye déjà des frais liés à l’utilisation du réseau, cette circonstance est sans incidence sur son obligation de s’acquitter du tarif d’injection prévu par le décret du 19 juillet 2002. Dans le cas contraire, il en résulterait une violation du principe de non discrimination prévu à l’article 20 de la directive 2003/54/CE du 26 juin 2003. Si la CPCU estime avoir indûment payé de tels frais en vertu des contrats qu’elle a conclus avec RTE et avec EDF, il lui appartient, si elle s’y croit recevable et fondée, d’en demander le remboursement, soit directement auprès de ces derniers, soit en saisissant le juge compétent.

Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que RTE demande le paiement des factures émises au titre des injections réalisées du 1er novembre 2002 au 30 octobre 2004 par les installations de cogénération de la CPCU de Saint-Ouen et de Vitry-sur-Seine.

Sur les conclusions tendant à ce qu’à défaut de paiement dans un délai de dix jours, RTE soit autorisé à suspendre l’accès au réseau de la CPCU : 

Aucune disposition de la loi du 10 février 2000, ni aucun autre texte législatif ne donne compétence à la Commission de régulation de l’énergie pour autoriser RTE à suspendre l’accès au réseau d’un utilisateur, en cas de défaut de paiement des factures afférentes à cette utilisation.

Par suite, la Commission de régulation de l’énergie ne peut que rejeter ces conclusions présentées par RTE.

Sur la demande de pénalités de retard : 

RTE demande le paiement de la somme de 49 318 euros au titre des pénalités de retard, sans toutefois préciser le fondement juridique de ses prétentions.

Si RTE entend se fonder sur l’article L. 441-6 du code de commerce, il n’appartient pas à la Commission de régulation de l’énergie de se prononcer sur les pénalités dues en application du code de commerce.

Si RTE entend fonder sa demande sur les clauses des contrats d’achat conclus par la CPCU avec EDF les 15 juin et 21 décembre 2001, la Commission de régulation de l’énergie est compétente pour connaître uniquement de celles relatives à l’accès au réseau. Il résulte de l’examen de ces contrats d’achat qu’aucune des clauses relatives à l’accès au réseau ne prévoit le paiement de pénalités en cas de retard de paiement.

Par suite, les conclusions de RTE tendant au paiement de pénalités de retard ne peuvent qu’être rejetées.

DECIDE :

Article 1er. – La Compagnie Parisienne de Chauffage Urbain (CPCU) est redevable envers Réseau de Transport d’Electricité (RTE), en application du décret n° 2002-1014 du 19 juillet 2002, de la somme de 463 738,25 euros au titre des injections réalisées par ses installations de cogénération de Saint-Ouen et de Vitry-sur-Seine du 1er novembre 2002 au 30 octobre 2004.

Article 2. – Le surplus des conclusions de Réseau de Transport d’Electricité (RTE) est rejeté.

Article 3. –  La présente décision sera notifiée à Réseau de Transport d’Electricité (RTE) et à la Compagnie Parisienne de Chauffage Urbain (CPCU) ; elle sera publiée au Journal officiel de la République française.