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Décisions

CA Paris, 1re ch. G, 15 mai 2002, n° 1999/17008

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

M. Delbary

Défendeur :

BNP Paribas (SA), Total (SA), Me Guillemonat

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Albertini

Conseillers :

M. Bouche, Mme Le Jan

Avoués :

Me Bolling, Me Thévenier, Me Teytaud

Avocats :

Mme Civilise, Me Martel, Me Pham-Ba, Me Farthouat

TGI Paris, 9e ch. 2e sect., 23 juin 1994

23 juin 1994

Par suite de la décision de principe arrêtée lors d’une séance du conseil d’administration du 19 juillet 1983, I ‘assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la société AMREP a autorisé le 5 septembre 1983 ledit conseil d’administration à émettre en une ou plusieurs fois et sur ses seules décisions, pour un montant nominal de F 150.000.000 des obligations convertibles en actions d tout moment au gré des porteurs, à raison de 10 actions pour 9 obligations pendant une périodes qui s 'achèvera d la clôture de I ’exercice au cours duquel les obligations auront été émises et d’une action pour une obligation après cette période.

Lors de sa séance du 26 octobre 1983, faisant usage de cette autorisation, le conseil d’administration a décidé de procéder à rémission d’un emprunt d’un montant nominal de 115.000.000 francs, représenté par 115.000 obligations de 1.000 F convertibles en actions, à tout moment, a raison de dix actions pour neuf obligations du 12 décembre au 31 décembre 1983, une action pour une obligation à partir du 1er janvier 1984. La notice d’information a été visée par la commission des opérations de bourse le 6 septembre 1983. La souscription a été ouverte le 3 novembre 1983.

Alors que l’emprunt était entièrement placé et que commençait pour les souscripteurs la période de conversion, la society AMREP a annoncé, le 14 décembre 1983, (la souscription était close depuis le 8 décembre) la suppression de l’acompte sur dividende, puis, le 6 mars 1984, la forte dégradation de ses résultats et une perte de 400.000.000 francs. Déclarée en règlement judiciaire le 30 mai 1984, la société AMREP a été placée en liquidation des biens le 17 décembre 1984, Me GUILLEMONAT étant désigné en qualité de syndic.

Dans ce contexte, MM. Delbary et Dufiet, agissant en qualité de représentants de la masse des obligataires de la société AMREP, ont assigne la banque Paribas, la compagnie Financière Paribas, la société Total et le mandataire liquidateur de la société AMREP, devant le tribunal de grande instance de Paris, pour voir condamner les trois premières à réparer le préjudice cause a la masse des obligataires, grief leur étant fait d’avoir, par leurs agissements directement concouru à l’émission de l’emprunt obligataire, en connaissance de la fausseté des informations communiquées au public.

Par jugement en date du 23 juin 1994, le tribunal de grande instance a déclaré les demandes irrecevables.

L’ arrêt confirmatif rendu le 3 septembre 1996, par la cour d’appel de ce siège, retient que le préjudice allégué, ne d’une faute délictuelle, ne peut etre apprécié au montant nominal de I ’emprunt paye par les seuls souscripteurs et qui constitue une dette contractuelle de la société mais doit correspondre au préjudice réellement subi ; que le prix effectivement reçue par chaque porteur et sa date, qui l’a déterminé, constitue un élément essentiel de l’appréciation du préjudice, spécifique à chaque obligataire qui n’ont pas tous une situation identique au regard de l’allégation de tromperie imputée aux sociétés Paribas et Total qui ne peut s’apprécier qu’en fonction de la connaissance qu’ils ont pu avoir de la situation de la société AMREP suivant la date de leur achat, puisque des communiques alertant sur la situation obérée de la société ont été publiés quelques jours après le placement de I ‘emprunt et que la mise en règlement judiciaire puis en liquidation des biens de la société ont été publiées postérieurement, alors que les titres continuaient à changer de titulaires.

Cette décision a été cassée par arrêt en date du 15 juin 1999, motif pris de la violation de l’article 301 de la loi du 24 juillet 1966, des lors que les représentants de la masse autorises par I ‘assemblée générale des obligataires ont seuls qualité pour engager, au nom de ceux-ci, toutes actions ayant pour objet la défense des intérêts communs des obligataires et alors que la faute invoquée à I ’appui de l’action en responsabilité ayant été commise au moment de rémission des obligations, concernait l’ensemble des souscripteurs et de leurs ayants droit.

MM. Delbary et Dufiet, es qualités, ont saisi la cour suivant déclaration en date du 16 aout 1999.

SUR CE, LA COUR

Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 4 janvier 2002 pour MM. Delbary et Dufiet, agissant ès qualités de représentant de la masse des créanciers de la société AMREP, appelants, qui prient la cour de :

- dire que les représentants de la masse, es qualités, sont recevables à agir contre les sociétés B.N.P. - Paribas et Total pour la défense des intérêts communs des obligataires,

-             juger que le fait générateur du préjudice, la faute commise par Paribas et Total, réside dans le rôle prépondérant joue par la société B.N.P. - Paribas et Total lors de la décision de l’émission de l’emprunt obligataire d’AMREP, dans des conditions telles qu’elles rendaient son exécution impossible,

-             juger que les sociétés B.N.P. - Paribas et Total ont engagé leur responsabilité du fait de leur décision d’émission d’un emprunt obligataire, alors qu’elles ne pouvaient ignorer que le paiement du remboursement du nominal des intérêts et de la prime d’émission était compromis en raison de la situation financière de la société AMREP qui a été dissimulée,

-juger que cède faute concerne l’ensemble des souscripteurs et de leurs ayants droit composant la masse des obligataires,

-juger que les fautes de Paribas et Total n’ont été découvertes qu’après l’Election des nouveaux représentants MM. Delbary et Dufiet le 10 octobre 1991,

-             condamner in solidum la society B.N.P. - Paribas et la société Total, au paiement de la somme de 36.463.175,18 euros avec intérêts de droit à compter du 1er janvier 1994, en réparation du préjudice financier de la masse du fait des agissements fautifs et application de l’article 1154 du code civil sur les mêmes intérêts débuts,

~ juger que la demande présentée au titre de la prime d’émission est recevable et bien fondée sur le fondement de l’article 566 du nouveau code de procédure civile,

-             a tout le moins, prononcer dans les mêmes conditions la condamnation solidaire des sociétés B.N.P, - Paribas et Total sur le fondement de I ’article 1383 du code civil,

-             donner acte aux représentants de la masse de ce qu’ils ne s’opposent pas à ce que les dommages intérêts qui seront alloues soient verses entre les mains de Me Guillemonat ou de tout administrateur ad hoc désigné à l’effet de les recevoir et de procéder à la répartition des sommes au profit de chaque obligataire compte tenu du nombre d’obligations,

-             donner acte aux représentants de la masse de ce qu’ils ne s’opposent pas à ce que le montant du nouveau dividende annonce par Me Guillemonat soit séquestre dans l’attente du versement qui sera fait par le syndic,

-             juger que les intimes seront privés de tous droits éventuels à percevoir quelque somme que ce soit directement ou indirectement du fait des opérations de liquidation de la société AMREP,

-             juger en outre que les sociétés B.N.P. - Paribas et Total ont causé un préjudice moral à la masse des obligataires, dans la mesure où ces sociétés se sont notamment désintéressées de l’emprunt obligataire après avoir émis ne vérifiant pas entre autres la régularité de la production de créance qu’ils avaient demandé a leurs mandataires, MM Lerognon et de Fraguier, d’effectuer et où ils ont revendu leurs titres en toute connaissance de cause,

- juger que ce préjudice moral résulte de l’absence d’informations données aux obligataires par Paribas qui avait confisque la gestion de la masse des obligataires, l’assemblée générale constitutive n’intervenant que tardivement et n’étant plus par la suite jamais réunie, ni tenue informée,

-             juger que l’alliance entre Paribas et les représentants initiaux de la masse, MM Lerognon et de Fraguier, est constitutive d’une faute supplémentaire au préjudice de la masse,

-             condamner les défendeurs à payer une somme de 1.753.163,70 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

-             condamner des sociétés B.N.P. - Paribas et Total en raison de leurs manoeuvres pour retarder le moment ou les arguments sur le fond seraient contradictoirement débattus à payer une somme de 30.489,80 euros à titre de dommages et intérêts,

-             les condamner au paiement d’une somme de 76.224,51 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Vu les conclusions aux fins de rapport a justice déposées au greffe le 13 septembre 2001 pour Me Guillemonat, es qualités de mandataire liquidateur a la liquidation des biens de la société AMREP, qui prie la cour de lui donner acte de ce qu’il considéré que la question de la recevabilité de Faction a été clairement résolue par l’arrêt de la Cour de cassation et de ce qu’il estime qu’en induisant en erreur le public, les initiateurs de l’emprunt obligataire ont occasionne aux porteurs d’obligations un préjudice propre correspondant au montant de l’emprunt qui n’a pu etre rembourse du fait de l’ouverture de la procédure collective et qui ne pourra être que très partiellement et au détriment des autres créanciers lors des opérations de la liquidation des biens ;

Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 31 décembre 2001 pour la société B.N.P. Paribas, intimée, qui prie la cour de :

1 °) titre principal sur la recevabilité :

(i)          - juger que :

-             les informations trompeuses sur la situation d’AMREP, qui constituent le seul grief des appelants, n’ont existés, à les supposer établies, qu’au moment de l’émission des obligations et n’ont pas perdure, ayant été aussitôt corrigées, lors des transferts ultérieurs des titres,

-             seuls les souscripteurs d’origine qui n’étaient pas actionnaires et les porteurs qui auraient acquis leurs titres avant le 14 décembre 1983 (date du premier communique sur les difficultés financières du groupe AMREP) pourraient donc pretendre avoir été induits en erreur sur la capacité d’AMREP à rembourser l’emprunt,

 -            tons les obligataires qui ont acquis leurs titres après le 14 décembre 1983 ne peuvent en revanche se prévaloir d’aucun lien direct et certain de causait entre la faute reprochée aux intimes (à la supposer établie) et le dommage allégué par les appelants,

-             ces derniers obligataires ne peuvent se prévaloir d’un préjudice réparable sur le fondement des dispositions de l’article 1382 du code civil et qu’ils n’ont donc aucun droit agir en réparation à l’encontre du tiers au contrat d’émission qu’est B.N.P. Paribas,

(ii)         - juger que :

-             le droit éventuel des souscripteurs d’origine d’agir en réparation contre des tiers sur un fondement délictuel est un droit personnel qui ne se transmet pas de plein droit comme un accessoire du titre,

-             en l’absence de dispositions légales spécifiques ou de conventions expresses, ce droit éventuel n’a pas été transféré aux porteurs successifs des obligations,

(iii)        ~ juger que :

-             tous les obligataires, places dans des situations différentes, n’ont pas les mêmes intérêts à engager et poursuivre l’action ; en conséquence :

-             juger que l’action exercée par les représentants de la masse des obligataires de la société AMREP n’a pas pour objet la défense des intérêts communs de ces derniers,

-             confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit irrecevable l’action des représentants de la masse des obligataires,

(iv)        - constater enfin, à titre subsidiaire sur la recevabilité, que la prétention des représentants de la masse des obligataires tend à l’indemnisation d’un préjudice équivalent a la perte de leurs créances déclarées au passif d’AMREP, lequel préjudice est commun à l’ensemble des créanciers d’AMREP,

-             juger qu’en vertu de l’article 13 de la loi du 13 juillet 1967 applicable en l’espèce, une telle action ne peut etre exercée que par le syndic de la liquidation des biens, seule labilité à agir au nom de la masse des créanciers,

en conséquence :

- juger encore irrecevable de ce chef l’action exercée par les représentants de la masse des obligataires ;

2°) à titre subsidiaire, au fond :

-             juger que les représentants de la masse des obligataires ne rapportent pas la preuve d’une faute commise par B.N.P. Paribas vis à vis des obligataires,

-juger qu’ils ne démontrent pas davantage l’existence d’un lien de causalité entre les faits allégués et le préjudice qu’ils revendiquent pour tous les obligataires indistinctement,

-             juger qu’ils ne démontrent pas davantage l’existence pour chaque obligataire d’un préjudice réparable sur le fondement de l’article 1382 du code civil,

en conséquence :

-             juger que l’action en responsabilité délictuelle engagée par les représentants de la masse des obligataires est dépourvue de tout fondement,

-             les débouter de toutes leurs demandes dirigées contre B.N.P. Paribas ;

3°) En tout état de cause

-             débouter les appelants, es qualités, de toutes leurs demandes,

-             condamner MM. Delbary et Dufiet, en qualité de représentants de la masse des obligataires de la société AMREP, à payer à B.N.P. Paribas la somme de 76.224,51 euros en application des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions disposées au greffe le 7 janvier 2002 pour la société Total-Fina-Elf, intimée, qui prie la cour, de déclarer irrecevable l’action en responsabilité de la masse des obligataires d’AMREP rencontre de Total, à titre subsidiaire, de débouter les représentants de la masse des obligataires d’AMREP de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l’encontre de Total, en toute hypothèse, condamner chacun des représentants de la masse des obligataires d’AMREP à payer a Total, la somme de 50.000 € chacun au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

SUR LA RECEVABILITE

Considérant que la société Total et la société B.N.P. Paribas soutiennent que l’action des représentants de la masse des obligataires est irrecevable tant au regard des dispositions de I ‘article L.228-54 du code de commerce qu’au regard de celles de I ‘article 13 de la loi du 13 juillet 1967, applicables aux faits de l’espèce ;

Considérant qu’aux termes de I ‘article 301 de la loi du 24 juillet 1966, devenu I ‘article L.228-54 du code de commerce, les représentants de la masse [des obligataires] dument autorisés par I ’assembles générale des obligataires, ont seules qualités pour engager, au nom de ceux-ci, .... toutes actions ayant pour objet la défense des intérêts communs des obligataires ;

Considérant que les représentants de la masse des obligataires poursuivent non pas la divulgation de fausses informations qui a été sanctionnée au plan pénal centre M. Miller et diverses autres parties, mais la faute qui a selon eux consiste à décider d’émettre des obligations en faisant appel public à l’épargne alors que les instigateurs de cette décision, Total et Paribas, détenaient les éléments qui auraient dû les empêcher de la prendre car le contrat qu’ils allaient faire naitre ne pourrait jamais etre exécuté ;

Considérant que la faute invoquée, a l’appui de l’action en responsabilité tendant à la réparation du gain manque, identique pour tous les obligataires, ayant été commise au moment de l’émission des obligations, concerne l’ensemble des souscripteurs et de leurs ayant droits ; que Faction est recevable au regard des dispositions ci-dessus reproduites ;

Considérant que la société Total et la société B.N.P. Paribas soutiennent en outre que seul le syndic représentant de la masse des créanciers est recevable à agir, le préjudice invoque n’étant pas distinct de celui souffert par l’ensemble des créanciers d’AMREP ;

Mais considérant que le préjudices invoqué n’est pas inhérent a l’ouverture de la procédure collective de la society AMREP, a l’immobilisation ou à la dépréciation de la créance qui en est le corollaire, des lors que Faction introduite tend à la réparation d’un préjudice propre aux souscripteurs et leurs ayants droit en raison de l’émission, fautive selon eux, d’un emprunt obligataire dont le remboursement était impossible eu égard aux circonstances mêmes dans lesquelles celle-ci est intervenue ;

Considérant des lors, que l’action “individuelle” des représentants de la masse des obligataires est recevable, en dépit de la production de créance effectuée au passif de la procédure collective d’AMREP ;

SUR LE FOND

Sur les demandes d’indemnisation du préjudice matériel

Considérant qu’il est reproche à la société Total, venant aux droits et obligations de la société O.F.P., et a la société B.N.P. Paribas, venant aux droits et obligations de la société SO.G.E.D.I.P. et de la banque Paribas, d’avoir joué un rôle fautif prépondérant dans la décision de la société AMREP d’émettre I ‘emprunt obligataire litigieux, dans des conditions telles que ces sociétés ne pouvaient ignorer que les intérêts et le remboursement du nominal étaient compromis et d’avoir participé à la dissimulation de la situation financière réelle de la société AMREP ;

Mais considérant que les sociétés Total et Paribas n’ont pas conseillé le recours à I ‘emprunt obligataire ;

Considérant en effet qu’en.1983, le capital d’AMREP était détenu de la manière suivante :

-             24% par AUXIREP elle-même détenue à 50% par M. Miller, a 30% par l’O.F.P. (filiale de Total) et a 20% par- SOGEDIP (filiale de Paribas),

-18,8% par la famille Miller,

-             10% par OMNIREX elle-même détenue à 60% par 1’O.F.P. et 40 % par SOGEDIP (Paribas),

-             le solde aux autres actionnaires ;

Considérant ainsi que Paribas ne détenait quant à elle qu’une participation indirecte et minoritaire (8,8%), inférieure à celle de la famille Miller (30%) et de I’O.F.P. (13,2 %) ; que comme le fait, à juste titre, L’observer BNP Paribas, M. Miller et ses proches contrôlaient la société AMREP » par le biais de ses participations directe et indirecte ;

Considérant qu’il n’est pas sans intérêt de situer la décision dans le contexte dans lequel elle est intervenue ;

Considérant que le secteur d’activité d’AMREP a connu un retournement au cours de l’année 1983, se traduisant par une forte baisse des prix, une pression de la concurrence et une dégradation financière des entreprises ;

Considérant qu’il partir du mois de février 1983, alors que les comptes d’U.I.E., sa filiale, accusaient une perte de 20 millions de francs, AMREP a envisagé un renforcement des fonds propres du groupe ; que le projet d’émettre un emprunt obligataire a été soumis au conseil d’admiration d’AMREP du 20 juin 1983 puis du 19 juillet suivant, au cours duquel il a été approuvé pour etre soumis à l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires ; que celle-ci, réunie le 5 septembre 1983, prenait la résolution de renforcer les capitaux propres du groupe par I ’émission d’un emprunt obligataire d’un montant nominal maximum de 150.000.000 francs ; que, lors de sa stance du 26 octobre 1983, le conseil d’administration a fixé à 115 millions de francs le montant de cette émission; 

Considérant qu’il apparait que le recours à l’emprunt obligataire avec appel public à l’épargne a été décidé par le conseil d’administration d’AMREP dument autorise par l’assemblée générale extraordinaire ; que le tribunal de commerce de Paris par jugement en date du 8 avril 1991 désormais irrévocable, statuant sur le fondement de l’article 99 de la loi du 13 juillet 1967 a mis hors de cause les représentants de Paribas, MM. De Baecque-Beau et Fabre, estimant que ceux-ci avaient “manifeste des diligences normales et régulières dans I ‘exercice de leurs mandats et n’avaient pas de raison de suspecter les comptes et les projets qui leur avaient été soumis par le P.D. G. ” ;

Considérant que rien ne vient démontrer que Total et Paribas se sent comportes en dirigeants de fait de la société AMREP alors que tout démontre que leurs représentants au conseil avaient été mis en possession d’éléments tronques et que la situation d’AMREP leur avait été cachée ;

Considérant qu’il ne ressort d’aucune pièce versée aux débats la preuve de ce que Total et Paribas ou les sociétés aux droits et obligations desquelles elles viennent, connaissaient la situation réelle de la société AMREP ;

Considérant qu’il a été établi que M. Miller et ses collaborateurs ont dissimule aux administrateurs et aux commissaires aux comptes d’AMREP les informations qu’ils détenaient sur la situation du groupe et dont il est ensuite apparu qu’elles n’étaient pas 1’exact reflet des pertes réelles ;

Considérant qu’en effet selon le “rapport Bondoux” (n°2), établi par les experts désignes à l’occasion de l’instance en comblement de I ’insuffisance d’actif, Ton constate une discordance entre les procès-verbaux de conseil d’administration d’U.I.E. et ceux d’AMREP dans la présentation de l’activité d’U.LE. et de la conjoncture de marche ; qu’ainsi tandis que lors du conseil d’U.I.E. du 12 janvier 1983 et du 7 juin 1983 il est question de “conjoncture économique mauvaise”, “d’une dégradation de la rentabilité", et “d’une situation de trésorerie sérieusement détériorée”, il est fait état au conseil d’administration d’AMREP du 14 février 1983 de “faibles rentabilités" et à celui du 19 juillet 1983 de “conjoncture maussade” ;

Considérant qu’il ressort du même rapport Bondoux” (page 239) que M André Miller, outre les charges lui incombant en sa qualité de président d’AMREP et d’U.I.E. au regard des insuffisances notables de I ’entreprise en matière d’organisation et de comptabilité, appris sur lui de taire des évènements et des faits qui se sont révélés lourds de conséquence pour le groupe ; que M. Gabriel Langlois est I ’artisan de comptes consolides erronés présentés au conseil d’administration d’AMREP ; que M. Maurice Thireau s’est abstenu d’informer le conseil d'administration d’AMREP de graves déficits dont il avait connaissance chez U.LE.;

Considérant qu’en conclusion de leur rapport les experts réinvente que M. Miller a pris la responsabilité de ne pas faire état des difficultés d son conseil d’administration ni aux commissaires aux comptes ce qui, eu égard d son autorité, a entrainé le silence des collaborateurs qui, par leurs fonctions, étaient susceptibles de communiquer I ‘information ; que cède attitude à faussé le fonctionnement des organes sociaux jusqu'à permettre I 'émission dans le public d’un emprunt obligataire juste avant que ne se manifeste I ’effondrement de la société ; que les experts ajoutent que M. Gabriel Langlois, directeur général d’AMREP jusqu’à la fin de l’année 1982, a présenté, analyse et comment# aux organes sociaux de cette société des comptes sociaux et consolides qui n’étaient pas le reflet de la situation financière de I ‘entreprise et de l’évolution de ses résultats; qu’il s’est également abstenu de communiquer les informations dont il disposait sur l’évolution déficitaire des contrats Pétrobas, aux conseils d’administration d’AMREP auxquels il a assisté à partir du 19 juillet 1983 en qualité de “directeur financier”, titre il est vrai non défini dans les procédures du groupe, ainsi qu’au “comité restreint" crée par le conseil d’administration du 20 juin 1983 auquel il était charge de répondre ;

Considérant en outre que contrairement à ce qu’affirment les représentants de la masse des obligataires, les rapports de gestion sur les contrats Pétrobas n’avaient pas été portes à la connaissance de Paribas ; que le dénommé Mathieu qui figure en effet parmi les destinataires d’un des rapports budgétaires du mois d’aout 1993 sur les catamarans Pétrobas, mentionne a la page 27 du rapport Bondoux comme ingénieur de la division “Equipements Petroliers” d’U.I.E., n’est pas Jean-Noël Mathieu PDG de SOGEDIP ;

Considérant qu’il n’est pas inutile de se souvenir que la société Omnirex a exercé intégralement ses droits préférentiels et souscrits à l’emprunt obligataire ; qu’en outre l’O.F.P. (Total) comme SOGEDIP (Paribas), en qualité d’actionnaires d’AUXIREP, ont accepté que celle-ci reprenne à leur valeur nominale (soit plus de 20 millions de francs) les obligations que les époux Miller ne souhaitaient pas souscrire personnellement, ce afin d’éviter la dilution de la participation d’AUXIREP au moment de la conversion des obligations en actions;

Considérant que la société AUXIREP a souscrit 44.901 actions dont 24080 souscrites immédiatement, puis 14.675 et 6146 reprises aux époux Miller suivant accord préalable du 24 octobre 1983, soit 39% du total de I ’Emission ; que la société OMNIREX en a souscrit 11.064 soit 9,6% du total ; que Paribas en a souscrit 14.035 soit 12,2 % ;

Considérant qu’il en est résulté un accroissement significatif dès l’engagements et des risques de Total sur AMREP (Total a subi des pertes de 47 ' millions de francs) ;

Considérant que dans ces conditions la confiance manifestée par les sociétés du groupe Total et par Paribas dans l’avenir d’AMREP suffit à exclure qu’elles aient agi en connaissance de ce que la situation de cette dernière était irrémédiablement compromise ;

Considérant que les représentants de la masse des obligataires font aussi grief à Total de n’avoir pas cherché à savoir quelle était la véritable situation d’AMREP ; que selon eux, M. Bothuan en qualité de représentant qualifie de la société OMNIREX au comité restreint instaure par le conseil d’administration d’AMREP du 20 juin 1983 a fait preuve d’un manque de curiosité total, d’une carence gravement fautive ;

Considérant que lors du conseil d’administration d’AMREP du 20 juin 1983 les administrateurs ont interrogé la direction financière sur :

-             l’accroissement du montant des provisions et leur nature,

-             l’accroissement du montant des travaux en cours, leur méthode d’évaluation et leur évolution possible en 1983,

-             la diminution du bénéfice d’exploitation,

-             le détail des comptes de pertes et profits,

-             la ventilation de la différence de consolidation ;

Considérant que pour pallier l’impossibilité pratique d’éclairer complètement les administrateurs, sans prolonger exagérément la durée de la réunion, il est décidé de soumettre le détail des comptes à un comité restreint rassemblant le directeur financier d’AMREP (M. Langlois), le secrétaire général d’AMREP et des représentants qualifies d’AUXLREP et d'OMNIREX, principaux actionnaires d’AMREP ;

Considérant qu’il n’apparait pas de la lecture du procès-verbal du conseil d’administration que le comité restreint ait reçu mandat d’éclairer ce dernier sur la faisabilité d’une émission d’un emprunt obligataire et moins encore de préconiser une solution aux difficultés rencontrées par la société AMREP ou sa filiale U.I.E. ; qu’il n’était pas, en toute hypothèse, investi d’une mission d’audit qui aurait seule permis de faire la lumière sur les comptes et d’en révéler les éventuelles altérations ;

Considérant aussi que Total et Paribas ne sont pas les rédacteurs de la note d’information ; que les informations frauduleuses contenues dans cette note et la dissimulation de la situation ont conduit à la condamnation pénale des seuls MM Miller et Langlois en tant qu’auteurs de ces fausses informations et h celles des commissaires aux comptes, la situation réelle d’AMREP n’ayant et£ révélée à Paribas qu’après rémission de l’emprunt ;

Considérant qu’il est enfin reproche à BNP Paribas d’avoir manqué à I ’obligation d’information, de vérification, de vigilance, de conseil et de mise en garde et de loyauté qui pesait sur elle en sa qualité de banquier charge du placement de l’emprunt ;

Mais considérant que Paribas réplique à juste titre qu’elle n’a été ni l’auteur ni le complice des informations diffusés au public sur la situation d’AMREP, dont les responsables ont été sanctionnés par la juridiction pénale et dont elle a elle-même été la victime ; qu’en effet la note succincte  d’information visée par la C.O.B. le 6 septembre 1983 indiquait que les informations financières étaient données sous la responsabilité de M. Miller et, pour celles qu’ils avaient vérifiées, sous celle des commissaires aux comptes ; qu’enfin aucun grief précis n’est articule quant aux diligences que Paribas se serait abstenue d’accomplir alors qu’elle n’avait aucune raison de douter des informations extraites de comptes certifies par les commissaires aux comptes ou de documents qui avaient reçu le visa de la COB ; d’où il suit que le moyen est, en sa globalité, inopérant;

Considérant qu’en l’absence de faute caractérisée a la charge des intimées, les représentants de la masse des obligataires doivent etre déboutées de leurs demandes de réparation pour préjudice matériel ;

Sur la demande de réparation pour préjudice moral

Considérant que les représentants de la masse des obligataires soutiennent que les sociétés B.N.P. - Paribas et Total ont causé à celle-ci un préjudice moral, dans la mesure où ces sociétés se sont notamment désintéressées de l’emprunt obligataire après l’avoir émis, ne vérifiant pas entre autre la régularité de la production de créance qu’ils avaient demandé à leurs mandataires, MM Lerognon et de Fraguier, d’effectuer et où ils ont revendu leurs titres en toute connaissance de cause ; qu’ils ajoutent que ce préjudice moral résulte de l’absence d’informations données aux obligataires par Paribas qui avait confisque la gestion de la masse des obligataires, I ‘assemblée générale constitutive n’intervenant que tardivement et n’étant plus par la suite réunie, ni tenue informé; qu’ils estiment que l’alliance entre Paribas et les représentants initiaux de la masse, MM Lerognon et de Fraguier, est constitutive d’une faute supplémentaire au préjudice de la masse ;

Mais considérant qu’aucune preuve d’une quelconque collusion entre les sociétés BNP Paribas et Total ou celles aux droits et obligations desquelles elles viennent n’est apportée ; qu’il n’est pas établi qu’elles se sont immiscées dans le fonctionnement de la masse ; qu’il n’est pas démontré qu’elles ont commis un abus de droit en cédant leurs titres ; d’où il suit que les représentants de la masse des obligataires doivent etre déboutes de ce chef ;

Considérant qu’il ne saurait etre reproche aux sociétés Total et BNP Paribas d’avoir retarde le débat sur le fond, des lors que les précédentes juridictions ont entendu ne statuer que sur la recevabilité ; qu’aucune indemnité n’est due de ce chef ;

Sur les frais non taxables

Considérant que l’équité commande de rejeter les demandes formées par les sociétés Total et BNP Paribas en application des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Considérant que celles présentées au même titre par les représentants de la masse des obligataires ne peuvent qu’etre rejetées ;

 PAR CES MOTIFS

Reformant le jugement déféré et statuant à nouveau déclare l’action recevable, Y ajoutant et statuant sur le fond par voie d’évocation,

Déboute MM. Delbary et Dufiet, agissant ès qualités de représentant de la masse des créanciers de la société AMREP, de routes leurs demandes ; Rejette toute autre demande ;

Dit que chaque partie conservera la charge des dépens par elle exposes tant en première instance qu’en appel, y compris ceux afférents à l’arrêt cassé.