Livv
Décisions

CA Toulouse, 3e ch., 30 janvier 2018, n° 17/03228

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Mecamidi (SA)

Défendeur :

Egide (Selas), URSSAF, FPCI France Investissement Croissance (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Belières

Conseillers :

M. Beauclair, M. Blanque-Jean

T. com. Toulouse, du 8 juin 2017, n° 201…

8 juin 2017

Exposé des faits et procédure

Par jugement du 13 juin 2017, rendu sur assignation de l'Union pour le Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de Midi Pyrénées (Urssaf) en date du 30 mars 2017, créancière en principal de la somme de 212.360,40 € au titre de cotisations impayées de janvier 2014 à décembre 2016, pour le recouvrement desquelles trois contraintes en date du 30/04/2015, 3/03/2016, 16/03/2017 ont été délivrés et plusieurs saisies attributions infructueuses, le tribunal de commerce de Toulouse a

- constaté l'état de cessation des paiements de la Sa Mécamidi qui exerce une activité industrielle dans l'équipement des centrales hydroélectriques de petite et moyenne puissance comprenant notamment la fabrication, la commercialisation et le service d'équipements de centrales

- ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire

- fixé au 8 décembre 2017 la fin de la période d'observation

- fixé au 23 mars 2017 la date de cessation des paiements

- désigné M. C. comme juge commissaire

- désigné la Selarlu Egide prise en la personne de Me Stéphane H. en tant que mandataire judiciaire

- désigné la Scp C., B., F. prise en la personne de Me C. en qualité d'administrateur judiciaire

- invité les salariés à désigner un représentant parmi eux et à en communiquer sans délai les noms et adresse au greffe

- fixé au 11 juillet 2017 la date à laquelle le gérant devra se présenter devant le juge commissaire et au 25 juillet 2017 celle à laquelle il devra se présenter devant le tribunal afin de statuer sur la poursuite de la période d'observation ou le prononcé de la liquidation judiciaire et invité le représentant des salariés à comparaître à cette date

- invité le comité d'entreprise, les délégués du personnel ou, à défaut, les salariés à désigner un représentant parmi eux et à en communiquer sans délai les noms et adresses au greffe

- dit que préalablement à cette comparution le débiteur devra déposer au greffe un rapport justifiant qu'il dispose des capacités financières suffisantes pour poursuivre la période d'observation

- désigné Me V., commissaire priseur, aux fins de procéder contradictoirement à un inventaire et de réaliser une prisée du patrimoine du débiteur ainsi que des garanties qui le grèvent, aux frais de ce dernier, qu'il déposera au greffe, dans un délai de 15 jours, et communiquera copie de l'inventaire au débiteur, à l'administrateur et au mandataire judiciaire

- dit que, s'il y a lieu, le mandataire judiciaire déposera au greffe la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente dans le délai de 8 mois qui suit l'insertion au Bodacc du présent jugement

- fixé à deux ans le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée

- ordonné la publication du jugement

- dit que les dépens seront passés par frais privilégiés de la procédure collective.

Par déclaration du 13 juin 2017, dont la recevabilité et la régularité ne sont pas contestées, la Sa Mecamidi a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 4 juillet 2017 le premier président statuant dans le cadre de l'article R 661-1 du code de commerce a arrêté l'exécution provisoire de droit du jugement.

Par acte d'huissier du 16 août 2017 la Sa Mecamidi a appelé en intervention forcée la Selarl Egide en la personne de Me H. et Me C..

Par voie de conclusions du 27 septembre 2017 la Scp C., B., F. est intervenue volontairement à l'instance.

Par voie de conclusions du 4 octobre 2017 la FPCI France Investissement Croissance (FPIC FIC) est intervenue volontairement à l'instance en sa qualité de créancier obligataire de la Sa Mécamidi.

Moyens des parties

La Sa Mecamidi dans ses dernières conclusions du 13 octobre 2017 demande de

Vu les articles L.661-1 1°, R.66l-6 et suivant du Code de commerce, 1240 du Code civil

- déclarer l'appel recevable

- dire nul le jugement du tribunal de commerce

- dire qu'elle n'est pas en cessation des paiements

- réformer le jugement

- ordonner au greffe de lever toute notion de redressement judiciaire sur son Kbis

A l'égard de l'Urssaf

- débouter l'Urssaf de ses demandes et la condamner à lui payer les sommes de

* 4.340.000 € au titre du préjudice subis par l'annulation de trois commandes signées

* 18.870 € au titre de remboursement des honoraires du mandataire judiciaire et de l'administrateur judiciaire

* 33.500 € au titre du remboursement des indemnités de licenciement pour motif économique versées

* 100.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de préjudice résultant de l'atteinte à son image

* 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

* 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

A l'égard de la Selarl Egide et de la Scp C.B.F.

- les débouter de leurs demandes

A l'égard de la FPCI FIC

- déclarer irrecevable son intervention volontaire

- déclarer sa créance irrecevable.

Elle soutient que son appel est recevable au regard des articles R 661-6 1 du code de commerce et 121 du code de procédure civile puisqu'elle a assigné les organes de la procédure collective en intervention forcée par acte d'huissier du 16 août 2017 soit avant l'ordonnance de clôture.

Elle soulève la nullité du jugement au visa des articles 456 et 458 du code de procédure civile au motif que l'exemplaire adressé par le greffe par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 juin 2017 ne comportait aucune signature, ni du magistrat ni du greffier.

Elle conteste être en état de cessation des paiements.

Elle fait tout d'abord remarquer que la créance de l'Urssaf qui dans l'assignation était de 212.360, 40 €, majoration de retard comprises, a été ramenée au 23 juin 2017 à 202.352,24 €.

Elle indique que d'une part, par acte du 28 février 2017, elle a cédé sa branche d'activité 'Maintenance' à hauteur de 300.000 € et justifie de la mise sous séquestre du prix de cession sur lequel seule la société Malakoff Mederic a formé opposition pour un montant de 23.229 € et que d'autre part, elle a encaissé le 14 juin 2017 une somme de 480.181 € correspondant au règlement de sa facture n° 12170028 couvrant le second acompte pour la centrale de Selambam ; elle affirme que ces deux créances d'un montant total de 780.181 € couvrent très largement ses dettes d'autant que la créance de l'Urssaf s'est à nouveau réduite au 20 septembre 2017 à la somme de 146.292,97 € et qu'un courrier du service des impôts des entreprises du 4 avril 2017 atteste qu'elle était à jour de ses déclarations fiscales et de ses paiements.

Elle souligne qu'un déséquilibre momentané ou accidentel entre actif disponible et passif exigible ne caractérise pas un état de cessation des paiements.

Elle fait remarquer que le tableau faisant état d'un passif de 2.617.944 € a été dressé par les organes de la procédure collective en dehors de toute procédure de vérification des créances et que certaines d'entre elles se révèlent fantaisistes, soit pour avoir été écartées par arrêt de la cour d'appel de Toulouse en date du 16 mars 2016 (Malichar et Dalension), soit ne repose sur aucun justificatif (Sas Saliens) soit a fait l'objet d'une cession (Sarl Alphapipe à la Banque Populaire Factorem) soit est en litige devant la cour d'appel de Toulouse (SDEL Sud Ouest Industrie).

Elle fait valoir que l'ouverture injustifiée de cette procédure collective a engendré un préjudice financier et commercial colossal puisqu'elle s'est vue signifier par un important client l'annulation de trois commandes signées (affaires J., Aryo B., Paye P.) qui devaient générer un montant de chiffre d'affaires total de 12.400.000 € et un gain correspondant à sa marge brute de 30 % soit une perte de 3.720.000 €, outre les honoraires facturés par les organes de la procédure collective et le coût global des licenciements pour motif économique mis en oeuvre en raison la perte de commande susvisée ; elle ajoute que la procédure de redressement judiciaire et les mesures de publicité attachées, qui perdurent abusivement, ont interrompu de très nombreuses affaires en cours de négociations avancées d'un montant total de 140.000.000 € soit un manque à gagner de l'ordre de 49.000 € au titre de sa marge ainsi qu'un préjudice attaché à la dégradation de son image auprès de ses clients, fournisseurs banques, investisseurs, actionnaires obligataires et salariés qui voient en elle une entreprise peu fiable financièrement et susceptible de ne pas honorer ses engagements commerciaux, financiers et industriels, ce qui a conduit certains clients à repousser sine die le paiement de leur acompte et factures et des fournisseurs à reporter la livraison de leurs marchandises ou à exiger de nouvelles conditions de paiement et favorise les agissements de ses concurrents portant gravement atteinte aux valeurs de qualité, de sérieux et de précision qu'elle incarne.

Elle estime irrecevable au visa de l'article 554 du code de procédure civile l'intervention volontaire du FPCI FIC se prévalant d'une créance de 2.933.163,75 € dès lors qu'elle ne procède pas directement des prétentions de première instance et soumet à la cour un litige nouveau en requérant une date différente de la cessation des paiement soit le 30 novembre 2016.

Elle la considère, en toute hypothèse infondée, et s'étonne que cet organisme n'en ait jamais sollicité le règlement alors qu'elle serait prétendument exigible depuis le 30 novembre 2016, de sorte qu'elle ne constitue pas un passif exigible et exigé, seul de nature à caractériser un état de cessation des paiements, d'autant que cette créance a été cédée la Sas Quadran le 27 octobre 2006, soit avant que cette dernière société ne refuse abusivement d'exécuter ses autres obligations prises au termes d'un protocole d'accord de conciliation du 26 août 2016 et d'un acte de cession de parts sociales en sa faveur daté du 24 août 2016, le litige entre eux étant porté actuellement devant le tribunal de commerce de Paris, à son initiative, étant souligné que l'un des actionnaires importants de la Sas Quadran est la Sas BPI, représentant de la FPCI FIC.

Elle affirme que la Sas Quadran oeuvre depuis plusieurs mois à multiplier les agissements destinés à lui nuire puisqu'elle n'a pas exécuté ceux pris en sa faveur, a entamé des négociations exclusives avec la société Direct Energie, son concurrent pour le rachat de ses actifs en France et a passé commande de 4 turbines à la société HPP, son concurrent dans son activité industrielle.

Elle ajoute que non seulement la FPCI FIC n'a pas exigé le règlement de sa soit-disant créance mais ne l'a pas déclarée à la procédure collective.

Elle précise, au sujet de la tenue de ses comptes annuels, qu'elle a obtenu le 3 juillet 2017 du président du tribunal de commerce la prolongation du délai attaché à ces formalités.

L'Urssaf dans ses dernières conclusions du 13 octobre 2017 demande de

A titre principal et in limine litis,

- déclarer irrecevable et irrégulier et en tout cas tardif l'appel interjeté par la Sa Mécamidi le 13 juin 2017 à son encontre, le jugement étant définitif à l'égard des organes de la procédure collective

- débouter la Sa Mecamidi de sa demande de nullité du jugement

En tout état de cause et au fond,

- débouter la Sa Mecamidi de toutes ses demandes

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions

- condamner la Sa Mecamidi à lui payer les sommes de

* 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

* 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

Elle soutient que l'appel n'ayant pas été dirigé contre les organes de la procédure collective et n'ayant pas été régularisé à leur égard dans le délai de 10 jours de la notification du jugement doit être considéré comme nul, ce qui le rend définitif.

Elle indique que le jugement est parfaitement régulier puisqu'il comporte la signature du magistrat et du greffier.

Elle fait valoir que l'état de cessation des paiements de la Sa Mecamidi était caractérisé à la date du jugement le 2 juin 2017, ce qui ressort des propres déclarations de cette société à l'audience, puisqu'elle avait produit les soldes débiteurs de ses différents comptes bancaires et un état de ses dettes sociales au 30 mai 2017 faisant ressortir un débit global de 271.000 € (Urssaf, Malakoff, Klesia), lequel était incomplet et auquel devait être rajouté un supplément de 69.421 € qui portait les seules dettes sociales de cette société à la somme de 340.412 € ; elle ajoute que cette société n'avait nullement fait état d'une réserve de crédit disponible ou d'un prix de cession à encaisser ou de fonds qu'elle serait à même d'encaisser sur ses commandes en cours ou livrées.

Elle prétend que la réserve de crédit opposée par la Sa Mécamidi au titre de la vente de son fonds de commerce pour 300.000 € ne peut être considérée comme un actif disponible puisque le prix est non disponible pendant le délai fiscal pour être affecté au paiement des créanciers, que l'on était dans l'ignorance des oppositions effectuées, qu'aucun projet de répartition n'avait été réalisé, que ce fonds était grevé de plusieurs inscriptions de privilèges et nantissements (le 28/07/2011 de 127.200 € au profit de la Banque Populaire Occitane, de 862.500 € au profit de la Société Générale, de 900.000 € au profit de la Caisse d'Epargne), qu'en outre étaient inscrites de nombreuses inscriptions du privilège général de la sécurité sociale et de différentes caisses de retraite, Malakoff, Mederik et Klesia depuis le mois de mars 2015.

Elle rappelle que la Sa Mecamidi s'est vue accorder le 8 septembre 2015 un échelonnement de ses dettes sociales et fiscales à hauteur de 476.544,25 €, plan de règlement échelonné sur 12 mois conditionné au dépôt des déclarations et paiements des dettes courantes et à la constitution d'une garantie par la caution personnelle du dirigeant pour 119.136 €, qu'à la suite d'un manquement à sa bonne exécution un nouveau plan lui a été accordé le 16 septembre 2016 sous les mêmes conditions et la constitution en garantie de la caution personnelle de son dirigeant à hauteur de 30 % du montant de la dette soit 163.115,52 €, que ce plan a été résolu le 23 mars 2017 (date retenue pour la cessation des paiements), dès lors que les cotisations courantes de février 2017 n'ont pas été intégralement réglées et la caution non mise en place.

Elle souligne qu'il ne saurait être reproché de n'avoir pas pris en considération une réserve de crédit constituée par le règlement le 14 juin 2017, soit après le jugement d'ouverture du 8 juin 2017, d'une créance client sur les comptes bancaires de la Sa Mecamidi et qu'en toute hypothèse, rien n'indique qu'avec cette trésorerie de 480.181 € cette société était susceptible de faire face à ses dettes exigibles et exigées par ses créanciers ainsi qu'à ses dettes courantes.

Elle fait remarquer que la Sa Mécamidi n'a pas publié ses comptes au 31 décembre 2016 et que le rapport du commissaire au compte émet de sérieuses réserves sur la sincérité de ceux de 2015 (primes de non-conversion non comptabilisées en provision pour risques et charges mais figurant en engagement hors bilan pour 7.754.000 €), les comptes consolidés révélant un résultat net négatif, lesquels ne permettent pas de rassurer les tiers et les créanciers sur la pérennité financière de la société.

Elle estime qu'à ce jour la cour ne peut vérifier réellement la situation ou non de cessation des paiements de la Sa Mecamidi en l'absence des comptes clos au 31 décembre 2016, d'une situation de trésorerie, d'un bilan et d'un compte de résultats provisoirement arrêtés au 30 septembre 2017, d'un état des comptes bancaires au 30 septembre 2017, de la production des créances clients, échues et à régler, dûment justifié par son expert comptable et son commissaire aux comptes et d'un état identique du passif échu et à échoir, de l'assurance que ses créanciers et obligataires ont trouvé un accord avec les dirigeants de la société et ses actionnaires pour pérenniser les accords objets du protocole du 26 août 20016.

Elle conclut au rejet de la demande indemnitaire en faisant notamment valoir qu'elle a introduit l'instance devant le premier juge dans des conditions de régularité parfaites et que, lorsque le tribunal a statué, elle a bien caractérisé l'état de cessation des paiements de son débiteur et que la Sa Mecamidi ne rapporte pas la preuve, à sa charge, d'une faute quasi délictuelle au sens de l'article 1240 du code civil en relation de causalité directe avec le préjudice prétendument subi.

La Selas Egide et la Scp C.-B.-F. dans leurs dernières conclusions du 29 septembre 2017 demandent de

A titre principal

- déclarer irrecevable l'appel interjeté par la SA Mecamidi

A titre subsidiaire

- confirmer le jugement

- passer les dépens en frais privilégiés de procédure collective.

Ils font valoir qu'ils n'ont pas été intimés par la déclaration d'appel et que la tentative de régularisation ultérieure par acte d'huissier du 16 août 2017 n'a pas pour effet de rendre l'appel recevable puisqu'elle aurait dû intervenir dans le délai d'appel de dix jours.

Ils soutiennent que, compte tenu du montant du passif échu qui s'élève pour l'instant à la somme de 2.617.994 €, la Sa Mecamidi est en état de cessation des paiements puisqu'elle ne dispose pas d'un actif disponible suffisant pour y faire face de sorte que le jugement doit être confirmé.

FPCI FIC dans ses conclusions d'intervention volontaire du 4 octobre 2017 demande de

Vu les dispositions des articles L. 631-1, L. 631-5 et R. 631-2 du Code de commerce, 328, 329 et 554 du Code de procédure civile,

- dire qu'elle est recevable en son intervention volontaire et ses demandes

- constater l'état de cessation des paiements de la Sa Mécamidi

- ordonner l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son égard

- fixer au 30 novembre 2016 la date de cessation des paiements

- débouter la Sa Mécamidi de l'ensemble de ses demandes

- la condamner à lui verser la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- dire que les sommes dues au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront inscrites au passif de la procédure de redressement judiciaire

- condamner la Sa Mecamidi aux entiers dépens et dire qu'ils seront passés par frais privilégiés de la procédure de redressement judiciaire.

Elle fait valoir qu'en vue de financer le plan de développement du groupe Mecamidi et notamment le développement de projets de centrales hydroélectriques, elle a souscrit à des actions de préférence de catégorie A (APA) et à des obligations convertibles en actions (OC avec un taux d'intérêt de 5 % payable semestriellement outre une prime de non conversion) de la Sa Mécamidi pour un montant de 9 millions d'euros (2,5 millions en décembre 2008 et 2 millions d'euros en juillet 2009) avec pour échéance par moitié le 31 décembre 2012 ou le 31 décembre 2013 qui a fait l'objet de plusieurs reports avant de faire l'objet d'une procédure de conciliation alors que le montant de la dette obligataire s'élevait à son profit à 11,2 millions d'euros.

Elle précise qu'aux termes de trois protocoles signés avec la Sa Mecamidi, tous les obligataires, dont elle-même, ont accepté de reporter l'échéance des deux tranches d'OC en principal et intérêts jusqu'au 31 mars 2015 puis au 30 septembre 2015, ce qui a conduit à une procédure de conciliation ordonnée par le président du tribunal de commerce le 30 mars 2016, confiée à Me V. et un protocole de conciliation signé le 26 août 2016 sous conditions suspensives homologué le 5 octobre 2016 (cession par les obligataires des actions détenues dans Mecamidi à la société Ficoz, souscription par compensation d'une émission obligataire de 250.000 € dite les obligations résiduelles et d'une émission obligataire de 4.000.000 dite obligations Quadran devant être cédées à une entité lui appartenant, cession par les obligataires à la société Ficoz du solde des OC détenues par eux après la souscription des obligations résiduelles et des obligations Quadran pour 1 € ramenant le montant total de la créance détenue par les obligataires à 250.000 €, conversion en capital de Mecamidi par Ficoz du solde des obligations cédées par les obligataires immédiatement après leur acquisition) ; elle explique que ce protocole n'a été que partiellement exécuté, que si les obligataires ont souscrit aux obligations résiduelles et aux obligations Quadran, la société Quadran a pris acte que certaines conditions suspensives (réalisation des opérations de cession des actions Hydroneo et de cession des parts de Son Giang 2) n'avaient pas été levées à la date prévue et a rétrocédé aux obligataires les obligations Quadran de sorte que les obligations résiduelles et les obligations Quadran sont, en application des articles 4.4 et 4.5 du protocole, devenues exigibles au 30 novembre 2016 et que le président du tribunal de commerce a mis fin à la mission de Me V. de mandataire à l'exécution de l'accord de conciliation.

Elle expose qu'une nouvelle procédure de conciliation était envisagée mais n'a pu être mise en oeuvre à la suite du non respect du plan de règlement des dettes fiscales et sociales qui a conduit l'Urssaf à agir en ouverture d'un redressement judiciaire.

Elle indique intervenir volontairement à la procédure, étant elle-même titulaire d'une créance certaine, liquide et exigible depuis le 30 novembre 2016 à hauteur de 2.933.163,75 € au 28 septembre 2017 dont 2.652.971 € en principal, 127.855,52 € d'intérêts capitalisés et 152.337,23 € de pénalités de retard, aux fins de solliciter aux côtés de l'Urssaf de Midi Pyrenées l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la Sa Mecamidi qui, manifestement, ne dispose pas des ressources nécessaires à son paiement.

Elle estime être recevable à agir en vertu des articles 554 du code de procédure civile puisqu'elle n'était pas partie en première instance, que L 631-5 du code de commerce lui confère ce droit et qu'elle y a intérêt au sens de l'article 328 du code de procédure civile.

Elle soutient que l'état de cessation des paiements de la société Mecamidi résulte d'une part, de l'inexécution des engagements pris aux termes du protocole de conciliation du 26/08/2016 qui, ayant été judiciairement homologué a force exécutoire et est toujours en vigueur faute pour les parties d'en avoir demandé la résolution, soit une créance d'un montant total au 28 septembre 2017 de 4.698.873,75 € dont 2.933.163,75 € à son profit et de son incapacité à produire les éléments comptables de nature à démontrer qu'elle n'est pas dans cet état et qu'elle dispose d'un actif disponible suffisant pour désintéresser la dette l'Urssaf et la dette obligataire

Le Ministère Public à qui l'affaire a été communiquée le 5 juillet 2017 a, dans un avis du 29 septembre 2017 qui a été transmis aux parties, conclu à l'irrecevabilité de l'appel non dirigé à l'encontre des organes de la procédure collective et régularisé tardivement ; il estime que l'état de cessation des paiements est caractérisé, l'actif disponible étant insuffisant compte tenu du passif exigible de 340.412 € pour un actif disponible de 300.000 €.

Motifs de la décision

Sur la procédure

L'appel interjeté par la Sa Mécamidi est parfaitement recevable ; si elle a omis d'intimer les organes de la procédure collective elle a, conformément aux exigences de l'article R 661-6 1° du code de commerce, appelé en intervention forcée la Selas Egide prise en la personne de Me H. en sa qualité de mandataire judiciaire et Me C. en sa qualité d'administrateur judiciaire, par actes d'huissier du 17 août 2017, ce qui

vaut régularisation avant que la cour ne statue, étant souligné que sur cette assignation la Scp C., B., F. elle-même s'est constituée.

*

Aucune irrégularité du jugement n'est démontrée ; la copie simple versée aux débats mentionne que 'suivent les signatures de Norbert R., un juge en ayant délibéré et Michel P., greffier ; l'extrait des minutes avec le cachet 'pour copie certifiée conforme' versé aux débats par l'Urssaf (pièce 7) comporte leurs signatures ainsi que leur paraphe à chaque page et ceux-ci figurent effectivement sur la photocopie de la minute de la décision versée au dossier du tribunal.

*

L'intervention volontaire de FPCI FIC par voie de conclusions doit être déclarée irrecevable.

L'article L 631-5 du code de commerce disposant que le redressement judiciaire peut être ouvert sur l'assignation d'un créancier, tout autre mode de saisine est exclu, aucune dérogation à cette règle n'étant prévue dans la loi.

Par ailleurs, si tous les créanciers peuvent assigner individuellement leur débiteur, il n'en va pas de même des obligataires qui doivent passer par l'intermédiaire du représentant de leur masse, laquelle jouit de la personnalité civile ; l'article L 228-83 du code de commerce prévoit, en effet, qu'en cas de redressement ou de liquidation judiciaire de la société émettrice, les représentants de la masse des obligataires sont seuls habilités à agir au nom de celle-ci.

Sur l'ouverture de la procédure collective

Aux termes de l'article L 631-1 du code de commerce une procédure de redressement judiciaire est ouverte pour tout débiteur en état de cessation des paiements, sauf s'il établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie lui permettent de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la situation du débiteur devant être appréciée au jour où la cour statue.

Il résulte des explications reçues et des pièces justificatives produites que la Sa Mécamidi était débitrice envers l'Urssaf, lors de l'assignation en ouverture d'une procédure collective délivrée le 30 mars 2017 par ce créancier de la somme de 212.360,40 € au titre des cotisations de juin 2014 à décembre 2016 en ce inclus les majorations de retard.

Cette somme a été actualisée par 'modification de la dette suite à annulation' à 202.352,40 € suivant notification du 29 juin 2017 et à 146.292,97 € suivant notification du 20 septembre 2017.

Elle a été réglée le 12 octobre 2017, postérieurement à l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement d'ouverture, par répartition du prix de 300.000 € de la cession en date du 28 février 2017 de la branche d'activité 'maintenance' faite par le séquestre à cette date à hauteur de 139.167,03 €, le complément de 7.125,94 € ayant fait l'objet d'un ordre de virement par la Sa Mecamidi elle-même dont copie a été jointe à son courrier du même jour.

Le solde du prix de cession soit 153.082,48 € a été affecté par le sequestre au paiement des caisses de retraite Klesia (39.035,17 €) et Malakoff Medéric (114.047,31 €).

Ainsi, à la date où la cour statue, l'intégralité de la créance de l'Urssaf, créancier poursuivant au visa de l'article L 631-5 du code de commerce, a été soldée.

Cette dette qui a provoqué l'ouverture de la procédure collective ayant été réglée totalement au cours de l'instance d'appel, la Sa Mécamidi ne peut plus être considérée comme se trouvant dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, alors que la charge de la preuve de l'état de cessation des paiements pèse sur le créancier auteur de la demande.

Le jugement prononçant le règlement judiciaire sera donc infirmé.

Sur les demandes indemnitaires

L'exercice d'une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages et intérêts que si le demandeur a agi avec intention de nuire, légèreté blâmable ou a commis une erreur équivalente au dol, tous faits insuffisamment caractérisés.

Sauf circonstances particulières, qui font défaut en l'espèce, le droit d'agir en justice ne peut constituer un abus lorsque sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré, malgré l'infirmation dont sa décision a été l'objet.

L'Urssaf a fait assigner la Sa Mécamidi en ouverture d'un redressement judiciaire après mises en demeure et tentatives préalables de recouvrement des contraintes émises, notamment par voie de saisie attribution sur les comptes bancaires du 12 mai 2015, 8 avril 2016 restées partiellement infructueuses ; le plan de règlement en date du 16 septembre 2016 accordé par la commission des chefs des services financiers, des organismes de sécurité sociale et d'assurance chômage sur les dettes fiscales et sociales, étalé sur 8 mois, a été résolu le 23 mars 2017 pour versement partiel de l'échéance de mars 2017 et absence de paiement des cotisations Urssaf de février 2017.

A la date de l'assignation du 30 mars 2017 et à celle du 2 juin 2017 où le tribunal a examiné l'affaire contradictoirement, la Sa Mécamidi n'a pas contesté sa dette envers l'Urssaf et ne disposait d'aucun actif réalisable immédiatement pour s'en acquitter ; ses comptes bancaires présentaient des soldes débiteurs ou légèrement créditeurs mais insuffisants ; le prix de cession du fonds de commerce de 300.000 € était consigné depuis le 15 avril 2017 sur un compte séquestre et donc non disponible et cette société n'avait, d'ailleurs, donné aucun renseignement sur les éventuelles oppositions régularisées entre les mains du séquestre pour le compte de ses créanciers ; elle n'avait ni fait état ni justifié d'importants et prochains encaissements de trésorerie.

La demande d'ouverture d'une procédure collective présentée par ce créancier n'était, dans ces conditions, ni intempestive ni abusive ; seule l'évolution de la situation dans les mois qui ont suivi la décision du premier juge a conduit la cour à statuer différemment.

La demande en dommages et intérêts présentée par la Sa Mécamidi au visa des articles 1382 et 1383 devenus 1240 et 1241 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, tant au titre du préjudice financier et commercial prétendument subi que pour procédure abusive doit, dès lors, être rejetée.

Sur les demandes annexes

L'Urssaf qui succombe verra sa demande en dommages et intérêts rejetée et supportera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel ; elle doit, également, être déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles exposés.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Sa Mecamidi ou de FPCI FIC.

Par ces motifs

La Cour,

- Déclare recevable l'appel de la Sa Mecamidi.

- Déclare irrecevable l'intervention volontaire de FPCI France Investissement Croissance.

- Dit n'y avoir lieu à nullité du jugement.

- Infirme le jugement.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la Sa Mecamidi.

- Déboute l'Union pour le Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de Midi Pyrénées de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive.

- Déboute la Sa Mecamidi de ses propres demandes indemnitaires.

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

- Condamne l'Union pour le Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de Midi Pyrénées aux entiers dépens de première instance et d'appel.