CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 15 avril 2021, n° 20/11040
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Société RTE (SA)
Défendeur :
Société Web Grid (SASU), Commission de Régulation de l'Énergie
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Schmidt
Conseillers :
Mme Brun-Lallemand, Mme Tréard
Avocats :
Me Baechlin, Me Vogel, Me Boccon Gibod, Me Guiheux
Vu la décision no 02-38-20 du Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du 22 juin 2020 sur le différend qui oppose la société WEB Grid à la société RTE relatif aux conditions de raccordement d'une installation de production au réseau public de transport d'électricité ;
Vu la déclaration de recours à I 'encontre de cette décision, déposée au greffe par la société RTE Réseau de transport d'électricité le 7 août 2020 ;
Vu l'exposé complet des moyens déposé au greffe par la société RTE Réseau de transport d'électricité le 7 septembre 2020 ;
Vu les conclusions en défense n0 1 déposées au greffe par la société Web Grid le 15 décembre 2020 ;
Vu les observations déposées au greffe par la Commission de régulation de l'énergie le 15 décembre 2020 ;
Vu les conclusions en réplique déposés au greffe de la Cour par la société RTE Réseau de transport d'électricité le 16 février 2021 ;
Vu l'avis du ministère public en date du 23 mars 2021 communiqué le même jour aux parties et à la Commission de régulation de l'énergie ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 8 avril 2021, en leurs observations orales les conseils de la société RTE Réseau de transport d'électricité, de la société Web Grid, de la Commission de régulation de I ' énergie et le ministère public, les parties ayant été mises en mesure de répliquer.
FAITS ET PROCEDURE :
1. Le différend qui oppose la société Réseau de transport d'électricité (ci-après la société « RTE ») à la société Web Grid porte sur les conditions financières du raccordement des installations de production d'électricité photovoltaïque de cette dernière au réseau de transport d'électricité dans la région Hauts-de-France. Le différend porte plus précisément sur l'obligation de la société Web Grid au paiement de la quote-part prévue par le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR) de cette région.
2. Par une décision no 02-38-20 du 22 juin 2020, le Comité de règlement des différends et des sanctions (le CoRDIS) de la Commission de régulation de l'énergie (la CRE) a dit que :
- la société WEB Grid n'est pas redevable de la contribution au titre des ouvrages propres et de la quote-part des ouvrages mutualisés en application du deuxième alinéa de l'article L.342-I et de l'article L.342-12 du code de l'énergie ;
- la société RTE communiquera à la société WEB Grid, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision, une version corrigée et modificative de la convention de raccordement, établie en application du premier alinéa de I 'article L.342-I du code de l'énergie.
3. Parso recours, la société RTE demande à la Cour :
À titre principal,
- annuler et en tout état de cause « infirmer » les articles 1 er, 2 et 3 de la décision attaquée ;
- dire que la société Web Grid est redevable envers RTE de la quote-part prévue par le S3RENR de la région anciennement dénommée Nord-Pas-de-Calais ;
- dire que la société Web Grid sollicite le raccordement d'un groupement d'installations de production à partir de sources d'énergie renouvelable en un point unique du RPT, considéré dans le cadre du raccordement au RPT comme une seule installation de production ;
- dire que la loi n° 2019-1147 est interprétative et en conséquence applicable au raccordement de l'installation de Web Grid et qu'en vertu de cette loi, cette société est redevable de la quote-part ;
- dire que le décret no 2018-544 du 28 juin 2018 s'applique au raccordement de l'installation de production de la société Web Grid ;
- dire que l'inscription d'une installation de production EnR dans le S3REnR est en tout état de cause de principe quel que soit le droit applicable, antérieur ou postérieur à la loi no 2019-1147 ;
- dire que l'installation de production de la société Web Grid s'inscrit dans le S3REnR de la région anciennement dénommée Nord-Pas-de-Calais ;
- dire que la société Web Grid est redevable de la quote-part au titre du S3REnR de la région anciennement dénommée Nord-Pas-de-Calais pour l'intégralité de la somme des puissances actives maximales de chaque installation du groupement de producteurs et qu'elle bénéficie en contrepartie de capacités réservées ;
- dire que la décision attaquée viole les textes applicables et prive de tout son sens le dispositif S3REnR ;
À titre subsidiaire,
- dire que la nouvelle convention de raccordement adressée à la société Web Grid doit être établie en application de la version amendée de l'article L.342-1 alinéa 2 du code de l'énergie telle qu'elle résulte de la loi no 2019-1147, applicable à la présente instance, et qu'en conséquence, la société Web Grid est redevable de la quote-part prévue par le S3REnR de la région anciennement dénommée Nord-Pas-de-Calais ;
- en conséquence, annuler et en tout état de cause « infirmer » les articles F, 2 et 3 de la décision no 02-38-20 rendue par le CoRDiS le 22 juin 2020 et juger que la société Web Grid est redevable de la quote-part prévue par le S3REnR de la région anciennement dénommée Nord-Pas-de-Calais ;
En tout état de cause,
- faire droit aux demandes de RTE ;
- débouter la société Web Grid de tous ses moyens, fins et demandes ;
- condamner la société Web Grid au paiement de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, sous le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
4. La CRE invite la Cour à rejeter ce recours et à confirmer la décision attaquée.
5. La société Web Grid demande à la Cour :
À titre principal :
- surseoir à statuer dans l’attente de l'arrêt de la Cour de cassation devant intervenir dans l'affaire « société PMS7 c/ RTE » ;
À titre subsidiaire :
- rejeter l'ensemble des demandes de la société RTE ;
- constater que les ouvrages propres de la société Web Grid n'ont pas vocation à être mutualisés et ne s'inscrivent pas dans le périmètre du S3REnR Picardie et que, par suite, cette dernière n'est pas redevable de la quote-part au titre du S3REnR ;
- en conséquence, confirmer en toutes ses dispositions la décision attaquée.
6. Le ministère public invite également la Cour à surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de cassation se soit prononcée sur les pourvois formés contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 novembre 2020, RG 19/21656.
7. Aux termes de ses dernières écritures, la société RTE demande à la Cour de déclarer la demande de sursis irrecevable comme tardive, subsidiairement la rejeter, notamment, en ce que d'une part, l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 (RG no 20/03133) par la cour d'appel de Paris sur la même question est pour sa part définitif et d'autre part, qu'il résulterait d'un sursis un retard dans le paiement de la quote-part de l'ordre de 30 mois, sans garantie pour RTE.
MOTIVATION
8. Par une décision n° 02-38-19 du 29 octobre 2019 (pièce no 9 de la société Web Grid), le CoRDiS a retenu que :
- la société Pays de Montmédy Solaire 7 (ci-après la « société PMS7 ») n'était pas redevable de la contribution au titre des ouvrages propres et de la quote-part des ouvrages mutualisés en application du schéma S3REnR de la région Lorraine article I er) ;
- la société RTE communiquera à la société PMS7, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision, une version corrigée et modificative de la proposition technique et financière établie en application du premier alinéa de 'article L.342-1 du code de l'énergie (article 2).
9. Par un arrêt du 19 novembre 2020, RG no 19/21656, (pièce n° 10 de la société Web Grid), la cour d'appel de Paris, a :
- réformé la décision no 02-38-19 précitée ;
Statuant à nouveau :
- dit que le raccordement de l'installation de production d'énergie renouvelable de la société PMS7 s'inscrit dans le S3REnR de Lorraine ;
- dit que la société PMS7est redevable de la quote-part au titre du S3REnR de Lorraine pour l'intégralité de la somme des puissances actives maximales de chaque installation du groupement de producteurs, en application des articles [„342-1 et L.342-12 du code de l'énergie ;
10. La société PMS7 et la CRE ont formé un pourvoi, respectivement enregistré sous les n° 20-23.163 et 20-23.339, les 17 et 22 décembre 2020.
11. La décision du CoRDiS no 02-38-20, objet du présent recours, soulève des questions juridiques similaires à celles qui ont été tranchées dans la décision du CoRDiS n° 02-38-19, concernant les conditions d'inscription d'une installation de production d'énergie renouvelable dans un S3REnR et, notamment, l'interprétation des articles L.342-I, L.342- 2 et L.321-7 du code de l'énergie.
12. Ces questions devant être examinées par la Cour de cassation, il apparaît de bonne justice, afin d'éviter d'éventuelles contradictions dans l'interprétation des mêmes dispositions légales et réglementaires, de surseoir à statuer dans la présente affaire jusqu'à ce que la Cour de cassation se soit prononcée sur ces pourvois. Cette situation est d'autant plus nécessaire que ce contentieux présente un caractère sériel. Ainsi est il nécessaire, dans un souci de sécurité juridique, d'y procéder d'office, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur le caractère tardif de la demande de sursis relayée par la société Web Grid.
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PAR CES MOTIF
SURSOIT À STATUER dans la présente affaire jusqu' à ce que la Cour de cassation se soit prononcée sur les pourvois formés par la société Pays de Montmédy Solaire 7 et la Commission de régulation de l'énergie, enregistrés sous les n°20-23.163 et 20-23.339, les 17 et 22 décembre 2020 ;
RENVOIE l'affaire à l'audience de procédure du 28 juin 2022 afin qu'un nouveau calendrier de procédure soit établi entre les parties à la suite de l'arrêt rendu par la Cour de cassation ;
RÉSERVE les dépens.