Livv
Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. B, 9 mai 2023, n° 21/05777

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Confort Habitat (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Goursaud

Conseillers :

Mme Lemoine, Mme Lecharny

Avocats :

Me Aguiraud, Me Ronchard, Me Biagi

TJ Lyon, du 23 juin 2021, n° 18/08473

23 juin 2021

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

[S] [O] a été salarié de la société Confort habitat (la société) du 4 octobre 2010 au 5 décembre 2012. Il est ensuite devenu agent commercial pour le compte de la société du 28 janvier 2013 au 26 septembre 2016.

A compter du 30 janvier 2016, il a, par divers courriers, reproché à la société une modification unilatérale de ses conditions d'exercice (restriction d'accès aux locaux de la société et au show room, au salon de l'habitat de [Localité 7] et à un ordinateur professionnel pour l'établissement des devis et le suivi des clients, mise à l'écart, notamment pour les journées portes ouvertes).

Par lettre recommandée du 26 septembre 2016, il a notifié à la société la rupture du contrat imputable à cette dernière et lui a indiqué être dans l'impossibilité d'exécuter normalement son préavis.

Il est décédé le 3 décembre 2016.

Par acte d'huissier de justice du 4 septembre 2018, Mmes [B] [M] et [U] [O], sa veuve et sa fille, agissant en qualité de ses ayants droit, (les consorts [O]) ont fait assigner la société en paiement de commissions et en indemnisation des conséquences préjudiciables de la rupture du contrat.

Par jugement du 23 juin 2021, le tribunal judiciaire de Lyon a :

- déclaré recevable l'action des consorts [O], ès qualités d'ayants droit de [S] [O],

- condamné la société à leur payer les sommes de :

1 464,05 euros à titre de rappel de commissions,

6 407,61 euros au titre des commissions dues à [S] [O] pour la période de préavis non exécutée,

51 261 euros à titre d'indemnité consécutive à la rupture du contrat d'agent commercial,

- dit que les intérêts sur ces sommes seront dus à compter du 4 septembre 2018, date de la demande en justice et se capitaliseront par application de l'article 1343-2 du code civil,

- condamné la société à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la société en tous les dépens distraits au profit de Maître Biagi, sur son affirmation de droit.

Par déclaration du 8 juillet 2021, la société a interjeté appel.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 23 décembre 2021, elle demande à la cour de :

- déclarer son appel régulier, justifié et bien fondé,

- réformer le jugement en toutes ses dispositions,

en conséquence,

- juger que les consorts [O] n'ont pas qualité pour agir,

en conséquence,

- les déclarer irrecevables en leurs demandes,

en toute hypothèse,

- sommer les consorts [O] de produire les justificatifs de revenus de [S] [O], à savoir le détail cartes par cartes et ses avis d'imposition sur les revenus 2012 à 2016,

- déclarer les consorts [O] infondées en leurs demandes,

en conséquence,

- les débouter de l'ensemble de leurs demandes,

subsidiairement,

- limiter le montant de l'indemnité compensatrice de préavis sollicitée par les consorts [O] à la somme de 5 721 euros,

- limiter à la somme de 45 568 euros le montant de la demande d'indemnité formée par les consorts [O],

- débouter les consorts [O] de l'ensemble de leurs moyens, fins et conclusions contraires,

- condamner les consorts [O] à lui verser la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 d code de procédure civile,

- condamner les consorts [O] aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP Aguiraud Nouvellet, avocat sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 28 avril 2022, les consorts [O] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré leur action recevable,

- confirmer le jugement en ce que la société a été condamnée à leur verser la somme de 1 464,05 euros à titre de rappel de commissions,

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que la société a modifié unilatéralement, sans information préalable ni concertation, les conditions et modalités d'exécution du contrat d'agent commercial qui la liait à [S] [O] et telles que ces modalités et conditions d'exécution avaient été mises en place contractuellement depuis le début du contrat,

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que les modifications imposées unilatéralement ainsi que les retards de paiement des commissions et la non communication des justificatifs comptables en application de l'article R 134-3 alinéa 2 du code de commerce, procèdent de circonstances imputables au mandant et justifiant l'initiative de résiliation du contrat par l'agent commercial,

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que la société doit assumer les conséquences de la situation qui lui incombe,

- informer le jugement quant au quantum des sommes qui ont été mises à la charge de la société, à savoir :

6 407,61 euros au titre des commissions dues à [S] [O] pour la période de préavis non exécutée,

51 261 euros à titre d'indemnité consécutive à la rupture du contrat d'agent commercial,

statuant à nouveau,

à titre principal,

- fixer la base de calcul des indemnités qui leur sont dues à la somme de 81 926,40 euros HT, soit 2 275,73 euros HT par mois,

en conséquence,

- condamner la société à leur verser les sommes suivantes :

6 827,19 euros HT au titre du préavis,

54 617,52 euros HT à titre d'indemnité consécutive à la rupture,

à titre subsidiaire,

- fixer la base de calcul des indemnités qui leur sont dues à la somme de 53 256,48 euros HT, soit 2 219,02 euros HT par mois,

en conséquence,

- condamner la société à leur verser les sommes suivantes :

6 657,06 euros HT au titre du préavis,

53 256,48 euros HT à titre d'indemnité consécutive à la rupture,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que les intérêts sur ces sommes seront dus à compter du 4 septembre 2018, date de la demande en justice et se capitaliseront par application de l'article 1343-2 du code civil,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société en tous les dépens distraits au profit de Maître Biagi,

En tout état de cause,

- débouter la société de l'ensemble de ses demandes.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 décembre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société

Au visa des articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, la société conclut à l'irrecevabilité des demandes des consorts [O] pour défaut de qualité à agir . Elle fait valoir:

- que l'article L. 134-12 ne prévoit aucun transfert d'un quelconque droit aux ayants-droit de l'agent commercial décédé, hors le cas où la rupture a pour origine le décès de l'agent, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

- que l'article L. 134-13 liste les hypothèses limitatives dans lesquelles les ayants-droit peuvent demander l'indemnisation de la rupture du contrat d'agent commercial, de sorte que si l'agent n'entre pas dans l'une des hypothèses légalement prévues, aucune demande d'indemnité ne peut être formée ;

- que même si le contrat d'agent commercial a un caractère patrimonial, il était rompu à la date du décès de [S] [O] et aucune action en justice n'avait été engagée.

Les consorts [O] répliquent :

- que le droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice né de la rupture du contrat d'un agent commercial et l'action qui en découle sont attachés au patrimoine de l'agent commercial, de sorte que l'action est transmissible aux héritiers ;

- que l'article L. 134-13 du code de commerce est un texte d'ordre public qui dispose que l'indemnisation due à l'agent commercial est transférée à ses ayants-droit ;

- que le contrat d'agent commercial étant cessible, selon l'article L. 134-12 du code de commerce, il est un élément du patrimoine ;

- que ni la lettre du texte ni son esprit ne prévoient d'exclure les ayants-droits du bénéfice du droit de leur auteur au motif que celui-ci n'aurait pas engagé d'action en justice avant son décès ;

- qu'au regard de la lettre du 26 septembre 2016, il ne fait aucun doute que si l'indemnité de rupture ne lui avait pas été versée, [S] [O] aurait tout mis en oeuvre pour en obtenir le paiement.

Réponse de la cour

Selon l'article 724, alinéa 1er, du code civil, les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt.

Et selon l'article L. 134-12, alinéas 1er et 2, du code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.

En l'espèce, [S] [O] a, dès son courrier de notification de la rupture du contrat du 26 septembre 2016, notifié à la société son « intention d'obtenir le respect de l'intégralité de [s]es droits ». Il a réitéré cette intention dans son courrier du 6 octobre 2016 dans lequel il confirme à la société sa « détermination à obtenir le respect de l'intégralité de [s]es droits, y compris [s]on droit à indemnisation », de sorte que le droit à l'indemnisation de la cessation du contrat d'agent commercial figurait dans le patrimoine de [S] [O] à son décès, le 3 décembre 2016, quand bien même ce dernier n'avait pas introduit d'action en justice.

Conformément à l'article 724, alinéa 1er, précité, les consorts [O] ont recueilli ce droit à indemnisation dans la succession de leur auteur, de sorte que leurs demandes sont recevables.

Le moyen soulevé par la société, tiré de ce que l'article L. 134-12 du code de commerce ne prévoit aucun transfert d'un quelconque droit aux ayants-droit de l'agent commercial décédé hors le cas où la rupture a pour origine le décès de l'agent, doit être écarté. En effet, ainsi que l'a justement retenu le tribunal, l'existence d'une disposition spécifique prévoyant un droit à réparation des ayants droits de l'agent commercial lorsque la cessation du contrat est dû au décès de celui-ci (article L. 134-12, alinéa 3, du code de commerce) n'exclut pas que ceux-ci puissent agir sur un autre fondement juridique, en l'espèce sur les dispositions combinées de l'article 724, alinéa 1er, du code civil et L. 134-12, alinéas 1er et 2, du code de commerce.

Au vu de ce qui précède, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable l'action des consorts [O].

2. Sur le rappel des commissions

La société fait valoir :

- que les justificatifs de revenus communiqués au titre des années 2015 et 2016 sont de nature à établir la liste des chantiers signés par l'intervention de [S] [O] ainsi que des factures émises par la société, de sorte qu'il est possible de calculer les commissions dues et le relevé de compte de chaque client pour acter de l'encaissement des factures émises ; qu'elle n'a pas à produire l'ensemble des comptes tiers pour la période 2013/2016, dès lors que ces éléments concernent le chiffre d'affaire généré par les autres salariés ou agents commerciaux ;

- que les demandes en paiement des commissions ne sont pas fondées ; qu'elle a réglé toutes les commissions qu'elle devait payer ; que [S] [O] ne peut prétendre être payé plus que les factures émises ; que si la société n'avait pas réglé les commissions dues au titre de l'année 2015, [S] [O] les aurait réclamées en 2016.

Les consorts [O] sollicitent un rappel de commissions d'un montant de 1 464,05 euros au titre des clients [H] (1 045,45 euros), [D] (291 euros) et [F] (127,60 euros), et font valoir :

- qu'il ne leur appartient pas de produire les justificatifs de revenus de [S] [O] mais à la société de rapporter la preuve des commissions dues à l'agent commercial puisqu'elle est la seule à détenir tous les éléments d'information ;

- que la société n'a pas communiqué l'intégralité des documents en 2016 ; que les éléments produits pour l'année 2015 ne permettent pas de démontrer qu'il s'agit de l'intégralité des factures réalisées par [S] [O] au nom de la société, ni qu'il a été intégralement réglé de ces commissions.

Réponse de la cour

Ainsi que l'ont justement retenu les premiers juges, la demande en paiement de commissions sur la facture client [D] du 3 mars 2016 et celle du client [F] du 2 mai 2016 n'est pas fondée puisqu'il est mentionné dans ces documents que le commercial est M. [K] et non [S] [O].

S'agissant de la commission réclamée au titre du client [H], le tribunal a relevé que la société ne contestait pas que [S] [O] avait fait signer une commande pour un montant de 10'454 euros à ce client et a jugé en conséquence qu'une commission de 10 % lui était due. Or, en cause d'appel, la société qui conteste devoir cette commission, verse aux débats la facture du 16 juillet 2015 d'un montant de 10'454,54 euros établie à l'ordre de M. et Mme [H], dont il ressort que le commercial est M. [K] et non [S] [O]. Au surplus, cette facture et cette commission ne sont pas mentionnées dans le tableau récapitulatif du chiffre d'affaires généré par [S] [O] en 2015 et n'ont fait l'objet d'aucune réclamation de sa part, ni dans son mail du 9 février 2016 dans lequel il reprend ses chiffres d'affaires sur trois ans pour le compte de la société, ainsi que le montant de ses commissions facturées et payées, ni dans les courriers qu'il a adressés à la société entre janvier et septembre 2016, ni à l'occasion de la rupture de son contrat agent commercial.

Aussi convient-il, par infirmation du jugement déféré, de débouter les consorts [O] de leur demande de rappels de commissions.

3. Sur l'indemnité compensatrice

3.1. Sur l'imputabilité de la rupture du contrat d'agent commercial

La société fait valoir :

- que [S] [O] ayant pris l'initiative de rompre le contrat, il appartient aux consorts [O] de prouver que cette cessation était justifiée par des circonstances qui lui sont imputables ;

- qu'or, il n'est nullement démontré que la nouvelle organisation a restreint ses prises de contact ou a été un frein à son activité ; qu'il n'y a eu aucune modification des conditions de travail qui aurait empêché [S] [O] d'avoir accès aux prospects ou d'établir des devis que les infimes modifications imposées à [S] [O] étaient uniquement destinées à mettre les agents commerciaux exerçant en même temps dans une situation similaire ; que les consorts [O] ne peuvent prétendre qu'il y aurait eu discrimination à l'égard de [S] [O] pour l'accès aux locaux, au show-room ou au salon ; qu'un agent commercial n'est pas censé exercer son activité dans les locaux de la société mais prospecter et qu'il doit posséder son propre matériel.

Les consorts [O] soutiennent :

- que l'effondrement des commissions perçues au titre de l'année 2016 correspond aux modifications d'exécution du contrat imposées à [S] [O] et aux problèmes auxquels il a été confronté du fait de la société ;

- que le cadre contractuel et les modalités d'exécution du mandat permettaient à [S] [O] de disposer librement d'un accès aux locaux, notamment au show-room, de traiter les dossiers en accédant aux trois logiciels qui équipaient les ordinateurs de la société mais également de lui faire bénéficier de coupons et parrainages qu'il utilisait dans l'accomplissement de son travail ; que la société n'avait pas la possibilité de modifier unilatéralement les modalités d'exécution du mandat ; que ces modifications unilatérales s'analysent en des circonstances incompatibles avec la poursuite du lien contractuel.

Réponse de la cour

C'est par une exacte analyse des éléments de la cause, des constatations que la cour approuve et des motifs pertinents qui répondent aux moyens d'appel et que la cour adopte, sans qu'il y ait lieu de les paraphraser, que les premiers juges ont retenu, après avoir rappelé les dispositions des articles L. 134-4 et L. 134-13, 2°, du code de commerce, que si l'initiative de la rupture a été prise par [S] [O], les conditions d'exercice de son mandat, telles qu'elles avaient été mises en place en 2013, ont été unilatéralement changées par la société à compter du début de l'année 2016, avec pour conséquence un impact sur l'activité de l'agent commercial, privé soudainement de l'accès au show room, aux locaux de la société et à l'outil informatique, notamment aux logiciels indispensables pour le chiffrage des devis, et limité dans ses jours et ses horaires de présence au salon de l'habitat de [Localité 7].

C'est encore à juste titre que le tribunal a considéré que la société avait manqué à son obligation de loyauté en ne mettant pas l'agent commercial en mesure d'exécuter sa mission.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, les modifications imposées à [S] [O] ne peuvent être qualifiées de minimes. En outre, la justification avancée par la société, tirée de la volonté de placer ses agents commerciaux dans une situation similaire, est inopérante, dès lors qu'en raison du caractère consensuel du contrat d'agent commercial, aucun des contractants ne peut unilatéralement modifier les conditions d'exécution du contrat, peu important à cet égard les motifs allégués.

3.2. Sur les commissions au titre du préavis et l'indemnité compensatrice

La société soutient :

- qu'il convient de tenir compte des commissions versées entre 2013 et 2016 pour calculer le montant de l'indemnité ; que sur les trois dernières années d'exercice, la moyenne du montant des commissions est de 1 746 euros par mois ; que l'année 2016 ne doit pas être exclue du calcul de la moyenne des commissions, de sorte que l'indemnité compensatrice de préavis doit être limitée à la somme de 5 721 euros ;

- que le montant de l'indemnisation des conséquences préjudiciables de la rupture doit être limité à 45 768 euros, soit la moyenne des commissions perçues pendant la durée du contrat (s'élevant à 1 907 euros par mois) multipliée par 24 mois.

Les consorts [O] soutiennent :

- que les commissions versées au titre de l'année 2016 ne doivent pas être prises en compte dans la base de calcul des indemnités puisque l'effondrement du montant des commissions est la conséquence des décisions unilatérales imposées par la société ; que la cour doit ainsi retenir la moyenne des commissions versées pour les années 2013 à 2015, soit un total de 81 926,40 euros HT et une moyenne mensuelle de 2 275,73 euros ;

- qu'en tout état de cause, la cour devra à minima suivre le raisonnement du tribunal en ne retenant que les années 2014 et 2015 mais en réintégrant le solde des commissions impayées, soit un montant total de 53 256,40 euros HT et une moyenne mensuelle de 2 219,02 euros HT ;

- que le préavis de trois mois aurait dû s'achever le 31 décembre 2016, de sorte que la société doit leur verser la somme de 6 827,19 euros correspondant aux trois mois de commissions sur préavis ;

- que le montant de l'indemnisation des conséquences préjudiciables de la rupture, lesquelles résultent de la perte des commissions auxquelles [S] [O] aurait pu prétendre mais également de la disparition du contrat en tant qu'élément de patrimonialité, doit être évalué à deux années de commissions, soit 54 817,52 euros.

Réponse de la cour

Selon l'article L. 134-11 du code de commerce, lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis dont la durée est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes.

Et ainsi qu'il a été rappelé plus avant, selon l'article L. 134-12 du même code, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

En l'espèce, les parties s'accordent pour considérer que le préavis de [S] [O] était une durée de trois mois et pour évaluer l'indemnité compensatrice à deux années de commissions. Elles sont en revanche en désaccord sur la base de calcul.

Compte tenu, d'une part, de la relativement courte durée du mandat (3 ans et 8 mois), d'autre part, du fait que la modification unilatérale des conditions d'exercice du mandat de [S] [O] a entraîné une chute de ses commissions en 2016 dont la société est responsable, il convient, pour calculer la moyenne des commissions, de retenir les commissions perçues pendant toute la durée du mandat, à l'exclusion de l'année 2016, soit :

2013 : 28 670 euros HT

2014 : 18 111 euros HT

2015 : 33 150 euros HT

soit une moyenne mensuelle de 2 220,31 euros.

Au vu de ce qui précède, la société est condamnée à payer aux consorts [O] les sommes de :

6 660,93 euros au titre des commissions dues pour la période de préavis non exécuté,

53 287,44 euros au titre de l'indemnité compensatrice.

Le jugement déféré est confirmé sur le principe de la condamnation mais infirmé sur les sommes allouées.

Le retard pris dans le paiement de ces sommes est imputable au refus de la société de s'acquitter de la créance réclamée par les ayants droits de [S] [O] et n'est pas, contrairement aux allégations de l'appelante, la conséquence de l'allongement des délais imposés par l'état d'urgence sanitaire et par l'encombrement judiciaire. Aussi convient-il de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives au point de départ et à la capitalisation des intérêts moratoires.

4. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement est encore confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

La société, partie perdante, est condamnée aux dépens d'appel et à payer aux consorts [O] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Maître Amandine Biagi, avocate, qui en a fait la demande, est autorisée à recouvrer directement à l'encontre de la société les dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Confort habitat à payer à Mmes [B] [M] et [U] [O] les sommes de :

1 464,05 euros à titre de rappel de commissions,

6 407,61 euros au titre des commissions dues à [S] [O] pour la période de préavis non exécutée,

51 261 euros à titre d'indemnité consécutive à la rupture du contrat d'agent commercial,

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Confort habitat à payer à Mmes [B] [M] et [U] [O] les sommes de :

6 660,93 euros au titre des commissions dues à [S] [O] pour la période de préavis non exécutée,

53 287,44 euros à titre d'indemnité consécutive à la rupture du contrat d'agent commercial,

Déboute Mmes [B] [M] et [U] [O] de leur demande en paiement d'un rappel de commissions,

Condamne la société Confort habitat à payer à Mmes [B] [M] et [U] [O] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Autorise Maître Amandine Biagi, avocate, à recouvrer directement à l'encontre de la société Confort habitat les dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.