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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 8 février 2013, n° 11/12044

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

B. DAUTHEREAU, V. DAUTHEREAU, Association KITCHEN

Défendeur :

MVS (SA), MVS MUSIC PUBLISHING (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Monsieur Eugène LACHACINSKI

Conseiller :

Madame Sylvie NEROT

Avocats :

SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, Me Sibylle GAUDICHET

Paris, du 22 mars 2011

22 mars 2011

Messieurs Benoît et Victor Dauthereau se présentent comme auteurs, compositeurs et interprètes au sein du groupe Apple Jelly et l'association Kitchen - qui a pour objet la gestion administrative, financière et artistique de groupes de musique ainsi que l'organisation de manifestations culturelles - comme le titulaire des droits corporels et incorporels attachés aux enregistrements du groupe Apple Jelly et, à ce titre, leur producteur exclusif.

Au cours de l'année 2007, ils sont entrés en relation avec la société MVS, se proposant de commercialiser les albums du groupe et la société MVS Music Publishing, offrant d'éditer les œuvres de Messieurs Dauthereau.

C'est ainsi qu'ont été signés, le 07 novembre 2007, une série de contrats, à savoir : deux pactes de préférence éditoriale au bénéfice de la société MVS Music Publishing, douze contrats de cession et d'édition portant sur douze œuvres musicales, signés par Messieurs Benoît et Victor Dauthereau, onze contrats de cession et d'édition portant sur onze oeuvres musicales, signés par Monsieur Benoît Dauthereau outre un contrat de cession du droit d'adaptation audiovisuelle signé par les deux auteurs, le tout au bénéfice de la société MVS Music Publishing.

Par ailleurs, selon contrat de licence exclusive conclu le 22 avril 2008, l'association Kitchen, en sa qualité de producteur, a confié à la société MVS le droit exclusif d'exploitation dans le monde entier et pour une durée de cinq années, de l'album intitulé Na na na Club ainsi que d'un album studio inédit et d'un album optionnel supplémentaire.

Après l'envoi, le 12 octobre 2009, d'une lettre recommandée par laquelle Messieurs Dauthereau et l'association Kitchen mettaient en demeure les deux sociétés MVS précitées de justifier de ce qu'ils considéraient comme des manquements à leurs obligations contractuelles et de leur adresser l'état et le paiement des redevances dues en exécution des contrats de licence et d'édition, ils les ont assignées devant la juridiction de fond, par acte du 15 février 2010, afin d'obtenir la résiliation de l'ensemble desdits contrats, le paiement des redevances dues et l'indemnisation de leur préjudice.

Par jugement contradictoire rendu le 22 mars 2011, le tribunal de grande instance de Paris , également saisi d'une demande reconventionnelle tendant à voir sanctionner le préjudice causé par l'exploitation, sur un site internet, d'un album et de divers titres en violation des droits exclusifs concédés, a, en substance et disant n'y avoir lieu à exécution provisoire :

- débouté Messieurs Benoît et Victor Dauthereau de leurs demandes de résiliation de l'ensemble des conventions précitées signées le 07 novembre 2007 et l'association Kitchen de sa demande de résiliation du contrat du 22 avril 2008 également précité, ainsi que de leurs demandes subséquentes,

- débouté la société MVS Music Publishing de ses demandes reconventionnelles portant sur la communication des relevés de comptes SACEM afférents à l'exploitation des œuvres faisant l'objet des contrats d'édition à compter du 07 novembre 2008 et de donner acte,

- dit qu'en ayant exploité sur le site http://www.apple-jelly.com l'album Home et des titres de l'album Na na na Club, Messieurs Benoît et Victor Dauthereau ont manqué à leur obligation d'exclusivité au titre des contrats de cession et d'édition d'œuvre musicale signés le 07 novembre 2007 avec la société MVS Music Publishing,

- dit qu'en ayant exploité sur le site http://www.apple-jelly.com des titres de l'album Na na na Club, l'association Kitchen a manqué à son obligation d'exclusivité au titre du contrat de licence signé le 22 avril 2008 avec la société MVS,

- condamné en conséquence :

* Messieurs Benoît et Victor Dauthereau in solidum à verser à la société MVS Music Publishing la somme indemnitaire de 150 euros

* l'association Kitchen à payer à la société MVS la somme indemnitaire de 100 euros,

- interdit en tant que de besoin à Messieurs Benoît et Victor Dauthereau et à l'association Kitchen de poursuivre l'exploitation des oeuvres de Messieurs Dauthereau et objets des contrats de cession et d'édition d'oeuvres musicales signés le 07 novembre 2008 avec la société MVS Music Publishing ainsi que du contrat de licence signé le 22 avril 2008 avec la société MVS,

- débouté les deux sociétés MVS de leurs demandes d'astreinte et de communication du nombre de ventes des enregistrements des oeuvres en cause réalisés sur ce site internet ainsi que de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les requérants aux entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 28 septembre 2011, Monsieur Benoît Dauthereau, Monsieur Victor Dauthereau et l'association Kitchen, appelants, demandent pour l'essentiel à la cour, au visa des articles 1134, 1184 du code civil, L 213-1, L 132-1 et suivants et L 331-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de considérer que les deux sociétés intimées ont manqué à leurs obligations respectives et, en conséquence :

- de prononcer la résiliation de l'ensemble des contrats précités avec effet à compter du 14 octobre 2009, date de réception de la mise en demeure qui leur a été adressée,

- de faire interdiction, sous astreinte, à la société MVS Music Publishing d'exploiter en France à l'étranger et sur tous supports les oeuvres de Messieurs Dauthereau visées aux contrats composant les albums Na na na Club et Home,

- de faire interdiction, sous astreinte, à la société MVS d'exploiter en France et à l'étranger et sur tous supports l'album Na na na Club,

- d'ordonner, sous astreinte, à la société MVS Music Publishing la communication des états de redevances éditoriales et des droits collectés des œuvres composant les albums Na na na Club et Home avec justificatifs comptables certifiés ainsi que la communication des copies certifiées conformes des contrats et tous documents juridiques et comptables propres à déterminer le contenu de l'exploitation des œuvres cédées,

- d'ordonner, sous astreinte, à la société MVS la communication des états de redevances d'exploitation, des droits d'exploitation secondaires et dérivés et des droits voisins de l'album Na na na Club avec justificatifs comptables certifiés ainsi que la remise à l'association Kitchen des masters numériques et tous autres documents lui ayant été communiqués pour les besoins de l'exécution du contrat, outre la remise de l'intégralité du stock de l'album Na na na Club avec état inventorié,

- de se réserver la liquidation de ces astreintes,

- de condamner la société MVS Music Publishing à verser les sommes de :

* 4.000 euros à Messieurs Benoît et Victor Dauthereau au titre de l'article 10 des contrats de préférence,

* 10.000 euros et à chacun d'eux à titre provisionnel,

* 10.000 euros au profit de chacun en réparation du préjudice moral et professionnel subi,

- de condamner la société MVS à verser les sommes de :

* 2.000 euros à l'association Kitchen au titre de la production du clip,

* 2.000 euros à celle-ci au titre du financement du Tour Sport,

* 10.000 euros à celle-ci en réparation du préjudice professionnel subi,

- en tout état de cause, de condamner in solidum les sociétés MVS et MVS Music Publishing à payer à chacun des appelants la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Par acte du 06 mars 2012, les appelants ont assigné les sociétés MVS SA et MVS Music Publishing SARL devant la cour d'appel avec signification de leurs conclusions du 28 septembre 2011.

Par acte du 08 mars 2012, les appelants ont assigné en intervention volontaire avec reprise d'instance Maître Fabien Voinot, ès qualités de mandataire judiciaire au redressement de la société Micro Vidéo Systems et de la société MVS Music Publishing ainsi que la SELARL Krebs Suty, ès qualités d'administrateur judiciaire au redressement de la société Micro Vidéo Systems et de la société MVS Music Publishing.

Aucune des personnes ainsi assignées n'a constitué avocat.

SUR CE,

Sur les manquements de la société MVS Music Publishing aux pactes de préférence éditoriale signés le 07 novembre 2007 :

Sur l'exécution de l'article 10 des deux pactes signés avec chacun des auteurs intitulé 'investissement promotionnel, marketing, tour support' :

Considérant que cet article stipule (pièces 1.1 et 2.1 des appelants) :

'l'éditeur s'engage, sur production de justificatifs et dans le cadre d'une tournée organisée par un tourneur professionnel, à participer d'un commun accord entre l'éditeur et l'auteur, pendant la durée du présent pacte, au financement d'un budget marketing et promotionnel ainsi que d'un budget destiné aux tournées musicales (dit 'tour support') relatives à la promotion des oeuvres objet des présentes, à hauteur de la somme globale et minimale par album et pour le groupe dans son ensemble de 2.000 euros HT pour chaque tournée d'au moins 15 dates déclarées à la SACEM (ou autre société d'auteurs) dans des salles de 300 places dont au moins une à Paris sur une période de quatre mois' ;

Que les appelants font valoir que si le tribunal a justement interprété cette clause en considérant que l'engagement portait, d'une part, sur une participation au financement d'un budget marketing et promotionnel (non chiffrée) et, d'autre part, à celui du financement des tournées musicales (chiffré à une somme globale et minimale de 2.000 euros HT), il a, à tort, suivi l'argumentation adverse en considérant que les conditions contractuelles de paiement n'étaient pas satisfaites ; que rien ne justifie, selon eux, l'absence de paiement de 4.000 euros destiné à financer la tournée, compte tenu d'une convention portant sur deux albums ;

Qu'ils estiment également que, de manière semblablement erronée, le tribunal a jugé que le paiement allégué d'une somme de 2.000 euros HT au tourneur Le Périscope, le 28 décembre 2007, constituait une participation au budget marketing et promotionnel, alors qu'il n'en est pas justifié et qu'en tout état de cause, il s'agit d'une somme dérisoire ;

Considérant, ceci rappelé, que si les appelants intitulent leur pièce  11 'liste des concerts Apple Jelly déclarés SACEM' ce document établi sur papier libre ne se présente que comme une succession de lieux et de dates et qu'en dépit de la motivation du tribunal qui a considéré que sa valeur probante était insuffisante, les appelants ne produisent rien de plus pour attester de la réelle tenue de ces spectacles et de leur déclaration effective à la SACEM (ou autre société d'auteurs) si ce n'est, de manière inopérante pour emporter la conviction de la cour, la 'jauge des salles de concert'(en pièces 34 à 43 ) ;

Que, par ailleurs, alors qu'en première instance, les sociétés MVS soumettaient au tribunal un document attestant d'une participation financière au budget marketing et promotionnel par le paiement à un tiers précisément désigné de la somme de 2.000 euros, ils ne fournissent aucun document permettant de dire que ce paiement ne correspond, comme ils le prétendent, à aucune réalité ;

Que le tribunal qui a rejeté leur demande à ce titre doit donc être confirmé ;

Sur l'exécution de l'article 9 des deux pactes signés avec chacun des auteurs intitulé ' avances récupérables' :

Considérant que cet article stipule :

' 9.1 . A titre d'avance récupérable sur l'ensemble des droits d'auteur revenant à l'auteur à lui verser par la SACEM/SDRM, ainsi que sur l'ensemble des droits générés par les œuvres objet du présent contrat (notamment droit de synchronisation, droit d'utilisation publicitaire, droits de reproduction graphique, droits en provenance de l'étranger, etc...) perçus par l'éditeur pour le compte de l'auteur, l'éditeur versera à l'auteur une somme de 1.000 euros au jour de la signature du présent pacte de préférence.

9.2 . En outre, dans le cas où l'entier montant de l'avance prévue à l'article 9.1 ci-dessus serait récupéré par MVS, MVS s'engage à verser à l'auteur pendant la durée du présent pacte de préférence, une nouvelle avance d'un même montant dans les conditions prévues aux articles 9.1, 9.3 'et 9.4" récupérables sur l'ensemble des droits d'auteur revenant à l'auteur à lui verser par la SACEM/SDRM ou toute autre société d'auteurs, ainsi que sur l'ensemble des droits générés par les œuvres objet du présent contrat (notamment droits de synchronisation, droit d'utilisation publicitaire, etc...) perçus par l'éditeur pour le compte de l'auteur.

MVS s'engage à verser chaque fois une nouvelle avance dans les conditions précitées qui se renouvellera dès récupération totale des avances précédentes par MVS et ce dans la limite du dernier jour de l'avant-dernière année d'exécution du présent pacte de préférence.

9.3 . L'auteur s'engage, en conséquence, à signer au profit de MVS, pour le versement de chacune des avances prévues au présent contrat une délégation de créance sur la SACEM/SDRM d'un montant égal à celui de chacune desdites avances, MVS étant autorisée dès à présent à effectuer une compensation sur les sommes qu'elle pourrait être amenée à devoir à l'auteur au titre des droits de synchronisation et de l'ensemble des droits générés par les œuvres de l'auteur' ;

Considérant que pour se voir accorder une provision de 10.000 euros au profit de chacun et voir ordonner la production de documents comptables certifiés, les appelants font valoir que si la première avance de 1.000 euros a bien été payée à chacun d'eux, il n'en ont reçu aucune autre depuis la signature du contrat ; qu'ils estiment que le tribunal s'est prononcé de manière par trop lapidaire en tenant pour acquise la sincérité de relevés de comptes pourtant tardivement produits par les sociétés défenderesses au cours des débats, non conformes, par ailleurs, aux dispositions légales et sans justificatifs pour les étayer ;

Considérant, ceci rappelé, que les appelants se livrent à une lecture hâtive de la motivation du tribunal qui a, certes, accordé foi aux relevés qui lui étaient présentés et qui révélaient la faiblesse des revenus générés, mais qui a surtout énoncé qu'aux termes de l'article 9.2 repris ci-dessus in extenso le paiement d'avances susceptibles d'être versées au cours de l'exécution de ces conventions 'était conditionné au fait que la société MVS Music Publishing ait récupéré l'entier montant de la première avance' et que tel n'était pas le cas ;

Que si les appelants dressent une liste d'exploitations possibles de leurs oeuvres musicales et évoquent un contrat signé avec une société Budde Music ou la synchronisation du titre Radio, ils ne produisent aucune pièce venant en attester qui permettrait de suspecter la sincérité desdits états, produits comme 'pièces adverses' par les appelants ;

Qu'ils échouent, par conséquent, dans leur démonstration de manquements contractuels de nature à justifier la résiliation dont ils poursuivent le prononcé, de sorte que le jugement rejetant leur demande à ce titre doit être confirmé ;

Sur les contrats de cession et d'édition signés le 07 novembre 2007 :

Considérant que les pactes de préférence éditoriale exclusifs précités prévoyaient en leur article 4 la conclusion de contrats d'édition particuliers ; que Messieurs Benoît et Victor Dauthereau, auteurs et compositeurs, ont ainsi signé 12 contrats d'édition musicale correspondant à 12 oeuvres par lesquels ils cédaient leurs droits de propriété intellectuelle, à l'exception des attributs d'ordre intellectuel et moral attachés à leur personne ; que Monsieur Benoît Dauthereau, auteur et interprète en a, quant à lui, signé 11 correspondant à 11 autres oeuvres musicales ;

Considérant qu'au visa des articles L 132-12 et L 132-13 du code de la propriété intellectuelle, les appelants reprennent les griefs développés en première instance tenant à un défaut d'exploitation et à un manquement à l'obligation de rendre compte ;

Sur l'obligation d'exploitation :

Considérant que les appelants reprochent au tribunal de n'avoir retenu aucun manquement à ce titre aux motifs, selon eux erronés, qu'ils n'établissaient pas avoir remis à l'éditeur leurs partitions graphiques, que celui-ci avait effectué des recherches suffisantes en vue de la promotion et de l'édition, à la sortie de l'album Na na na Club, et qu'il ne pouvait être reproché à l'éditeur une absence d'exploitation du premier album, Home, alors que lors de la signature des contrats, c'est le second album, Na na na Club, qui bénéficiait de l'attractivité liée à sa sortie ;

Qu'affirmant que l'éditeur s'est purement et simplement approprié les oeuvres et le travail des artistes sans exécuter les obligations lui incombant au titre du contrat d'édition, ils portent une appréciation critique sur les pièces versées en première instance par les sociétés défenderesses pour en conclure que l'éditeur a manqué à son obligation d'exploitation suffisante, permanente et suivie des oeuvres contenues dans les albums Home et Na na na Club ;

Considérant, ceci rappelé, que selon l'article VIII de ces contrats d'édition, il était convenu entre les parties que :

'L'auteur s'engage à remettre à l'éditeur dans un délai de quinze jours le manuscrit complet de l'œuvre dans une forme complètement achevée qui en permette la reproduction graphique normale telle que prévue à l'article X ci-après, faute de quoi le présent contrat sera purement et simplement résilié si l'éditeur le désire' ;

Qu'eu égard aux termes de cette clause qui soumet l'auteur à une obligation de livraison de son œuvre dans le bref délai de quinzaine, ceci à peine de résiliation du contrat laissée à la discrétion de l'éditeur, les appelants ne peuvent soutenir, comme ils le font, qu'il appartenait à la société MVS Music Publishing de leur réclamer leurs œuvres et lui reprocher de ne l'avoir jamais fait en se dispensant, ce faisant, de justifier de la satisfaction à l'obligation qui leur incombait ;

Que l'obligation d'exploitation subséquente mise à la charge de l'éditeur n'a pu qu'être affectée par ce manquement des auteurs à leur obligation première ; qu'est, en particulier, mis à mal le grief tiré du défaut d'exploitation de l'album Home ;

Considérant, par ailleurs, que l'article X de ces contrats stipulait :

' L'éditeur s'engage envers l'auteur à assurer à l'œuvre une exploitation permanente et suivie ainsi qu'une diffusion commerciale conforme aux usages de l'édition de musique en France.

La première reproduction graphique de l'oeuvre sera effectuée à un minimum de cent exemplaires' ;

Que les appelants ne peuvent qu'être suivis lorsqu'ils présentent le contrat d'édition comme un contrat conclu dans l'intérêt commun obligeant l'éditeur, dépositaire de l'art de l'auteur, à prendre en considération, avec altruisme, les intérêts de ce dernier ;

Que l'obligation d'exploitation prévue par cet article X qui ne fait que reprendre les termes de l'article L 132-12 du code de la propriété intellectuelle n'en reste pas moins une obligation de moyens soumise aux usages de l'édition musicale en France ;

Qu'à cet égard, il y a lieu de considérer que le tribunal a procédé à une analyse précise et circonstanciée des pièces produites par les sociétés MVS - et que la cour fait sienne - pour considérer que l'éditeur a pris des initiatives adaptées pour faire connaître les oeuvres litigieuses depuis 2008, effectuant de nombreuses recherches en vue de leur promotion et de leur édition ; qu'étant, par ailleurs, ajouté que ne peuvent être éludés les usages de la profession, ni occultés le contexte économique ou encore le fait qu'il s'agissait de musiques de variété soumises aux aléas de l'engouement du public, il convient de considérer que les appelants ne sont pas fondés en leur grief ;

Sur l'obligation de reddition de compte :

Considérant que les appelants soutiennent, sur ce point, que le manquement à l'obligation essentielle d'envoi des états de redevances que le tribunal constatait et la tardive communication de comptes à leur sens succincts et imprécis auraient dû le conduire à s'interroger sur leur sincérité et, en tout cas, à faire droit à leur demande de résiliation des contrats ;

Considérant, ceci précisé, que selon l'article XVII de ces contrats d'édition

'Les comptes seront arrêtés le 31 décembre de chaque année, et le règlement aura lieu dans le courant du trimestre qui suivra cette date, étant précisé que les états de royautés rendus à l'auteur ne comporteront que le nombre d'exemplaires effectivement vendus, l'éditeur étant expressément dispensé par l'auteur de fournir un état comportant le nombre d'exemplaires fabriqués en cours d'exercice, la date et l'importance des tirages, le nombre des exemplaires en stock, ainsi que le nombre des exemplaires inutilisables ou détruits par cas fortuit ou force majeure' ;

Qu'il convient de relever qu'ayant expressément dispensé l'éditeur de détailler les états qui leur étaient adressés, les appelants ne peuvent raisonnablement lui faire grief de ne fournir que des états succincts et imprécis ;

Qu'il n'est pas contesté que l'éditeur s'est abstenu de leur adresser des comptes arrêtés au 31 décembre de chaque année, comme il le devait, et qu'il s'agit là d'un manquement à ses obligations contractuelles ; que celui-ci doit toutefois être replacé dans le contexte factuel de l'espèce puisqu'il apparaît, pour reprendre les termes du tribunal, que ceci reflète la réalité d'une exploitation n'ayant pas généré de revenus, étant incidemment relevé que les appelants ont attendu le 12 octobre 2009 pour mettre en demeure leur éditeur de les produire, ceci par le truchement de leur conseil ;

Qu'à bon droit, par conséquent, le tribunal a considéré que ce seul manquement ne saurait suffire à entraîner la résiliation des contrats de cession et d'édition et contrats de cession du droit d'adaptation au profit des auteurs ;

Sur les manquements de la société MVS au contrat de licence exclusive signé le 22 avril 2008 avec l'association Kitchen :

Considérant que, comme en première instance, l'association appelante soutient que la société MVS, chargée de la commercialisation de l'album, a failli à cinq obligations contractuelles auxquelles elle était tenue (pièce 9) ;

Sur l'obligation de reddition de comptes :

Considérant que l'association Kitchen reproche au tribunal qui avait pourtant reconnu le caractère tardif de l'envoi des états de ventes fournis en cours de procédure en énonçant que la société MVS ne rapportait pas la preuve de l'envoi qu'elle prétendait avoir effectué à bonne date de ces états, de les avoir considérés comme sincères alors qu'ils comportent de nombreuses anomalies ; qu'elle ajoute qu'aucune redevance ne lui a jamais été payée ;

Que l'examen (en pièces 90 et 91 des sociétés MVS) du tableau récapitulatif du nombre d'albums distribués et les états semestriels fournis qui détaillent les 'mises en place' et les 'retours/invendus' en reportant de semestre en semestre le montant de l'avance de 2.000 euros consentie pas plus qu'il n'a permis au tribunal de retenir des incohérences ne permet à la cour d'y relever les anomalies alléguées en cause d'appel ; qu'il en ressort, également, que le montant de l'avance sur redevances n'a pas été compensé par celui des redevances acquises ;

Que le tribunal a pu en conclure que seul devait être imputé à faute à la société MVS l'envoi tardif de ces documents comptables ;

Sur l'absence de production du vidéo clip :

Considérant que le tribunal a fait droit à la demande de l'association Kitchen qui, invoquant l'article 7.4 du contrat de licence aux termes duquel la société MVS s'engageait à produire un vidéo clip et à en assurer la production exécutive, faisait valoir qu'elle n'en a rien fait mais accepté un vidéo clip dont le coût de production a été avancé par elle-même ;

Qu'en l'absence de demande d'infirmation du jugement en cette disposition, celle-ci sera confirmée, ainsi que requis ; que la demande en paiement formée pour la première fois en cause d'appel à l'encontre d'une société désormais placée en liquidation judiciaire doit être considérée comme irrecevable ;

Sur l'exploitation de l'album Na na na Club :

Considérant que l'association appelante ne conteste pas les preuves d'exploitation versées aux débats devant les premiers juges par les sociétés MVS ;

Qu'elle estime, toutefois, que la somme de 11.000 euros consacrée à la promotion de 'jeunes artistes inconnus' est dérisoire, que les diffusions radiophoniques n'ont été réalisées que sur des radios locales ou associatives, que certaines actions de l'éditeur MVS Music Publishing et du licencié MVS se confondent, que la société MVS s'attribue indûment des opérations promotionnelles et qu'elle a même nui aux intérêts du groupe Apple Jelly à l'occasion de l'organisation d'un jeu-concours en n'attribuant pas leurs lots aux gagnants ;

Mais considérant qu'il ne suffit pas de qualifier de dérisoires les sommes investies pour la promotion de ce jeune groupe de musiciens ou d'affirmer que la diffusion radiophonique des oeuvres ne l'a été que sur des médias à faible audience pour démontrer que la société MVS s'est montrée défaillante dans son obligation d'exploitation ; que force est de relever qu'aucun élément n'est produit aux débats pour établir que l'exploitation réalisée n'était pas conforme aux usages de l'édition musicale dans le cadre du lancement d'un jeune groupe de musiciens ;

Que si, pour démontrer le caractère mensonger des affirmations de la société MVS selon lesquelles elle aurait fourni gratuitement des CD pour une entreprise de prêt-à-porter, la société MVS indique que cette action promotionnelle est le fait de Monsieur Benoît Dauthereau (ce que ne niait pas la société MVS en première instance), que la société MVS n'est intervenue que tardivement et que les CD fournis ont été fabriqués grâce à des sponsors, elle n'en fait aucunement la démonstration ;

Qu'enfin, nul ne plaidant par procureur, l'association Kitchen ne peut utilement se prévaloir d'un préjudice subi par les personnes composant le groupe de musiciens Apple Jelly ;

Que le tribunal en a donc justement déduit qu'aucun manquement ne pouvait être reproché à la société MVS à ce titre ;

Sur le financement de la tournée de concerts du groupe :

Considérant que l'article 8 ter du contrat de licence intitulé 'Tour Licence' prévoyait, certes, que 'Pour chacun des albums (en l'espèce Na na na Club) ... et sous réserve que la société (MVS) ait levé les options correspondantes, cette dernière affectera un montant minimum de 2.000 euros HT à titre de soutien de la tournée musicale (dit 'tour support') ... pour une tournée musicale d'au moins quinze dates dans des salles de concert reconnues comme telles d'une capacité minimum de 200 places' ;

Mais considérant que l'association Kitchen produit pour justifier de la réalisation de ces 15 concerts selon les termes du contrat les mêmes pièces que les appelants dont il a été dit précédemment qu'elles étaient insuffisantes pour rapporter la preuve de la satisfaction aux conditions du contrat ; que ce grief ne peut donc être retenu ;

Sur le défaut de remise de cent albums :

Considérant qu'à l'article 8 sous b du contrat de licence, les parties sont convenues que la société MVS 'prendra à sa charge les frais de fabrication des phonogrammes (pressage ou duplication). Il est d'ores et déjà convenu que la société fournira au producteur 100 albums. Tout album supplémentaire que la société souhaitera obtenir lui sera facturé par le producteur directement, le prix étant égal à la redevance nette perçue par le producteur sur chaque album, soit environ 6 euros TTC par album' ;

Que l'association Kitchen conteste l'argumentation du tribunal qui l'a conduit à considérer qu'il se déduisait de la facturation (prouvée par la société MVS) de 20 CD supplémentaires au prix unitaire de 5,02 euros, en novembre 2008, que les 100 albums convenus avaient été livrés ; qu'elle fait valoir que les sociétés MVS ne rapportent pas la preuve qui leur incombe de la livraison des 100 CD litigieux, que les 20 CD dont il est fait état lui ont, certes, été livrés mais à titre gratuit et qu'elle n'a d'ailleurs jamais reçu cette facture pas plus qu'elle ne l'a payée ;

Mais considérant qu'à suivre le raisonnement de l'appelante, les 20 CD dont elle reconnaît la livraison en novembre 2008 devraient être considérés, puisqu'ils étaient selon elle gratuits, comme une partie des 100 CD que la société MVS devait lui fournir gratuitement, de sorte qu'elle restait débitrice de la livraison de 80 autres CD gratuits ; qu'il y a donc lieu de s'interroger sur la raison pour laquelle, le 12 octobre 2009, soit bien tardivement, et par le truchement de son conseil, elle a mis en demeure la société MVS de lui fournir non point 80 mais 100 CD gratuits ;

Que la facturation de 20 CD supplémentaires selon les modalités contractuelles et sept mois après la signature du contrat est de nature à démontrer, même si la société MVS ne rapporte pas la preuve de leur remise, que ces 100 CD gratuits ont bien été fournis au producteur, ainsi qu'en a jugé le tribunal ;

Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que seul les manquements à l'obligation de reddition de comptes et à celle de produire un vidéo clip peuvent être reprochés à la société MVS et qu'ils sont insuffisants pour justifier une résiliation des contrats aux torts de la société MVS, comme le demande l'association Kitchen ;

Que, par voie de conséquence, le jugement mérite, sur cet autre point, confirmation ;

Sur les demandes reconventionnelles de la société MVS :

Considérant que sans contester les faits d'exploitation en ligne de l'album Na na na Club et du titre Radio en violation des contrats de licence et d'édition, les appelants font valoir que, confrontés au défaut d'exploitation de leurs oeuvres ainsi qu'à la mauvaise foi de l'éditeur et du licencié, ils n'ont fait que mettre en oeuvre l'exception d'inexécution ;

Mais considérant que la solution donnée au présent litige conduit à considérer que ce comportement ne saurait être justifié ; que c'est donc par motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a retenu la faute des appelants à ce titre et a indemnisé comme il l'a fait le préjudice subi, si bien que la demande d'infirmation à ce titre ne peut prospérer ;

Sur les demandes accessoires :

Considérant que les appelants qui succombent ne peuvent prétendre à l'allocation d'une somme venant indemniser les frais qu'ils ont exposés non compris dans les dépens ; qu'ils seront, en outre, condamnés aux dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement entrepris ;

Déclare la société Kitchen irrecevable en sa demande en paiement au titre du financement d'un vidéo clip ;

Déboute Monsieur Benoît Dauthereau, Monsieur Victor Dauthereau et l'association Kitchen en leurs entières prétentions ainsi qu'en leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum Monsieur Benoît Dauthereau, Monsieur Victor Dauthereau et l'association Kitchen aux dépens d'appel.