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Décisions

CA Versailles, 14e ch., 3 décembre 2020, n° 20/03615

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sealogis Freight Forwarding (SA)

Défendeur :

Hotels At Home (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Guillaume

Conseillers :

Mme Le Bras, Mme Igelman

T. com. Pontoise, du 22 juill. 2020, n° …

22 juillet 2020

EXPOSÉ DU LITIGE :

Dans le cadre de son activité d'achat et de vente de produits liés à l'activité hôtelière, la société Hotels At Home a confié à la société Sealogis Freight Forwarding (la société Sealogis) sur la base d'une lettre d'engagement datée du 18 mars 2019 la réalisation à compter de mars 2019 de prestations logistiques, à savoir la manutention et l'entreposage de ses marchandises.

Reprochant à la société Sealogis de ne pas avoir respecté le cahier des charges, la société Hotels At Home a mis unilatéralement un terme à leurs relations contractuelles, par lettre du 31 juillet 2019 à effet au 31 octobre 2019, ce qui a généré un contentieux entre les deux sociétés.

La société Hotels At Home a notamment refusé de payer des factures d'entreposage émises par la société Sealogis conditionnant leur paiement à la réception d'avoir sur des factures précédemment réglées tandis que la société Sealogis, estimant ces contestations infondées, a mis en demeure la société Hotels At Home de lui régler le 7 octobre 2019 au plus tard la somme totale de 456 585,79 euros puis lui a notifié par lettre recommandée du 8 octobre 2019, qu'en l'absence de règlement, elle entendait exercer son droit de rétention entre les mains de son sous-traitant, la société M. Logistics, qui ne serait levé qu'à réception de ladite somme.

Par courrier du 10 octobre 2019, la société Hotels At Home a contesté l'exercice de ce droit de rétention et par courrier en réponse du 18 octobre 2019, son cocontractant a rejeté à son tour la demande d'avoirs, mettant la première en demeure de lui payer la somme de 751 090,03 euros, créance actualisée à la somme de 841 113,39 euros.

Le 12 novembre 2019, la société Hotels At Home a pour sa part actualisé sa demande d'avoirs à hauteur de 306 741,89 euros et maintenu son opposition au règlement des factures.

C'est dans ce contexte que par actes des 29 novembre et 2 décembre 2019, la société Hotels At Home a fait assigner en référé devant le tribunal de commerce de Marseille la société Sealogis et la société M. Logistics aux fins d'obtenir la restitution des marchandises retenues, en contrepartie du règlement à la société Sealogis de la somme de 539 278,90 euros au titre de la partie non contestée de la facturation arrêtée à la facture n°526626 du 11 décembre 2019 avec consignation du solde contesté de 349 128,48 euros entre les mains d'un séquestre.

Par une ordonnance rendue le 7 janvier 2020, le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille a condamné la société Hotels At Home à payer à la société Sealogis une somme de 539 278,90 euros TTC à valoir sur les sommes dues, et dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes.

La société Hotels At Home a interjeté appel de cette décision le 28 janvier 2020 devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Durant cette procédure, la société Sealogis a continué à facturer à la société Hotels At Home les frais générés par la rétention des marchandises postérieurement au 7 novembre 2019 pour une somme de 253 523,03 euros.

Puis, elle a fait pratiquer le 2 juillet 2020, en vertu d'une autorisation accordée par le président du tribunal de commerce de Pontoise suivant ordonnance sur requête rendue le 4 juin 2020, une saisie conservatoire entre les mains de la banque CIC à hauteur de la somme de 253 523,03 euros, qu'elle a dénoncée à la société Hotels At Home le 3 juillet 2020.

Cette dernière a fait assigner en référé à heure indiquée, par acte du 13 juillet 2020, la société Sealogis aux fins d'obtenir la rétractation de l'ordonnance rendue le 4 juin 2020 ainsi que la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée.

Par ordonnance contradictoire rendue le 22 juillet 2020, le juge des référés du tribunal de commerce de Pontoise a :

- dit la société Hotels At Home recevable et bien fondée,

en conséquence,

- ordonné la rétractation de l'ordonnance rendue le 4 juin 2020 par le président du tribunal de commerce de Pontoise,

en conséquence,

- ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 2 juillet 2020 sur le compte CIC de la société Hotels At Home,

- condamné la société Sealogis à régler à la société Hotels At Home la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour saisie abusive,

- débouté la société Sealogis de toutes ses demandes reconventionnelles, fins et conclusions,

- condamné la société Sealogis à régler à la société Hotels At Home la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Sealogis aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration reçue au greffe le 28 juillet 2020, la société Sealogis a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition à l'exception de ce qu'elle l'a déboutée de toutes ses demandes reconventionnelles.

Par acte du 28 juillet 2020, elle a également fait assigner la société Hotels At Home devant le premier président de cette cour aux fins d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance rendue le 22 juillet 2020 mais a été déboutée de cette demande par ordonnance contradictoire rendue le 18 août 2020.

Autorisée à faire assigner l'intimée à jour fixe par ordonnance rendue le 30 juillet 2020, rectifiée par ordonnance du 19 août 2020, la société Sealogis a fait assigner la société Hotels At Home par acte du 24 août 2020 aux fins de comparution à l'audience du 21 octobre 2020.

Copie de l'assignation a été remise au greffe le 27 août 2020.

En parallèle, la société Hotels At Home a fait signifier à la banque CIC par acte du 7 août 2020 la mainlevée de la saisie conservatoire.

Par ailleurs, en cours de procédure, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, statuant sur le premier litige par un arrêt rendu le 8 octobre 2020 a entre autres dispositions :

- confirmé l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Marseille du 7 janvier 2020

- rejeté l'appel incident de la société Sealogis en retenant dans sa motivation qu'il n'y avait notamment pas lieu à référé sur 'la demande de provision de la société Sealogis d'un montant de 310 266,67 euros TTC au titre des factures émise à compter du 7 novembre 2019 pour les frais de stockage en lien avec l'exercice du droit de rétention pour la période du 13 décembre 2020 au 22 juin 2020 ',

- ordonné à la société Hotels At Home de consigner les sommes de 349 128,48 euros et 310 266,48 euros jusqu'au règlement du contentieux opposant les parties,

- ordonné à la société Sealogis, sous réserve de l'effectivité de la consignation susvisée, de restituer à la première les marchandises retenues dans les locaux de la société M. Logistic.

Le 12 octobre 2020, la société Hotel At Home a procédé à la consignation des sommes susvisées entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris.

Dans ses dernières conclusions déposées le 20 octobre 2020 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Sealogis demande à la cour, au visa des articles 917 et suivants du code de procédure civile, L. 523-1 et R.121-18 du code des procédures civiles d'exécution, de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

- débouter la société Hotels At Home de ses demandes ;

- infirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions ;

- dire et juger régulière la procédure de saisie conservatoire qu'elle a mise en oeuvre ;

- en conséquence, confirmer l'autorisation qu'elle a obtenue d'avoir à faire pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de la société Hotels At Home pour un montant de 253 523,03 euros en principal ;

- confirmer le maintien des effets de la saisie conservatoire sur le compte bancaire CIC situé [...] la consignation des sommes ordonnées par la cour d'appel d'Aix-en-Provence par arrêt du 8 octobre 2020 ;

- l'autoriser en conséquence à réitérer une saisie conservatoire similaire sur les comptes bancaires CIC situé [...] pour un montant de 253 523,03 euros, en principal, au titre de l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Pontoise du 4 juin 2020 jusqu'à la date de la consignation des sommes ordonnées par la cour d'appel d'Aix-en-Provence par arrêt du 8 octobre 2020 ;

en tout état de cause,

- condamner la société Hotels At Home à lui régler la somme de 5 000 euros, sauf à parfaire, par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Hotels At Home au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction à Maître Katell F.-L., avocat au barreau de Versailles.

Dans ses dernières conclusions déposées le 20 octobre 2020 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Hotels At Home demande à la cour, au visa des articles L. 511-1 et L. 512-2 du code des procédures civiles d'exécution, de :

- juger irrecevable la demande de la société Sealogis comme étant sans objet, la mainlevée de la saisie conservatoire ayant été donnée le 10 août 2020 ;

- confirmer l'ordonnance de rétractation rendue le 22 juillet 2020 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'elle a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 2 juillet 2020 sur le compte CIC de sa société ;

y ajoutant,

- condamner la société Sealogis à lui régler la somme supplémentaire de 50 000 euros au titre des dommages et intérêts pour saisie abusive ;

- condamner la société Sealogis au paiement de tous les frais occasionnés par la mesure conservatoire, y compris les frais relatifs à la mainlevée ;

- débouter la société Sealogis de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner également la société Sealogis à lui régler la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction, pour ceux le concernant, au profit de Maître Franck L., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- sur la recevabilité des prétentions de la société Sealogis :

La société Hotels At Home soutient que la demande de la société Sealogis tendant à confirmer la mesure de saisie conservatoire est irrecevable car devenue sans objet dès lors que la saisie a été levée par acte d'huissier de justice du 7 août 2020 à la suite de l'ordonnance du 22 juillet 2020.

La société Sealogis lui répond que cette mainlevée est irrégulière dans la mesure où elle est intervenue malgré la saisine dès le 30 juillet 2020 du premier président de la cour d'appel de Versailles aux fins de suspension des effets de l'exécution provisoire de ladite ordonnance et au mépris de l'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution qui dispose notamment que la demande de sursis à exécution proroge les effets attachés à la saisie jusqu'au prononcé de l'ordonnance du premier président.

Elle considère qu'au vu de ces circonstances, son appel est régulier et recevable.

Sur ce,

L'intérêt au succès d'une prétention s'apprécie au jour de l'introduction de la demande en justice et ne peut dépendre de circonstances postérieures qui l'auraient rendue sans objet.

En l'espèce, au 28 juillet 2020, date de sa déclaration d'appel, la société Sealogis avait à l'évidence un intérêt à agir contre l'ordonnance du 22 juillet 2020 qui a prononcé la mainlevée de la mesure de saisie conservatoire qu'elle avait fait pratiquer sur le compte bancaire de la société Hotels At Home.

Est ainsi indifférent le fait que cette mesure ait été levée en cours de procédure par l'huissier de justice à la demande de l'intimée, sachant que cette mainlevée est de surcroît intervenue sans attendre que le premier président ne statue sur l'arrêt des effets de l'exécution provisoire de l'ordonnance critiquée alors pourtant qu' en application de l'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution, la saisine du premier président, qui était antérieure à ladite mainlevée, entraînait de droit la prorogation des effets attachés à la saisie jusqu'au prononcé de sa décision.

- sur la mesure de saisie conservatoire :

Au soutien de son appel, la société Sealogis prétend que les conditions posées par l'article L.511-1 du code des procédures civiles d'exécution sont réunies dans la mesure où elle justifie d'une créance fondée en son principe et de menaces quant à son recouvrement.

Elle rappelle qu'elle a dû exercer son droit de rétention uniquement parce que la société Hotels At Home a unilatéralement refusé de régler des factures et fait valoir que sa créance d'un montant global de 253 523,03 euros est constituée en principal des frais de stockage des marchandises retenues dont elle justifie par la production de factures.

L'appelante soutient que le simple constat que le stockage des marchandises retenues génère des frais suffit à remplir la première condition de mise en oeuvre de la saisie conservatoire, après avoir fait observer qu'aucune juridiction n'a à ce jour déclaré irrégulier l'exercice de son droit de rétention, le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille puis la cour d'appel d'Aix-en-Provence ayant renvoyé sur ce point les parties devant le juge du fond.

La société Sealogis prétend également que la société Hotels At Home n'a apporté aucun élément pertinent sur sa situation économique permettant d'écarter toute menace quant au recouvrement de ses factures, les attestations du commissaire aux comptes de l'intimée et de l'URSSAF ne permettant pas d'évaluer sa solvabilité financière et sa bonne santé économique.

Elle affirme s'être fondée pour solliciter la mesure de saisie d'une part sur les propres déclarations de la partie adverse qui n'a pas hésité lors des précédentes procédures à se présenter comme étant au bord du dépôt de bilan et d'autre part sur le constat que l'intéressée ne dépose plus ses comptes depuis 2015, faisant ainsi obstacle à la vérification de sa solvabilité financière.

Elle considère que le fait comme l'affirme l'intimée d'avoir un compte bancaire bénéficiaire de 5 millions d'euros au jour de la saisie conservatoire ne permet pas à la juridiction d'apprécier la situation financière de la société Hotels At Home en l'absence d'élément concernant ses charges.

En réponse, la société Hotels At Home conteste que la créance alléguée au titre des frais de rétention soit fondée en son principe, faisant valoir que la société Sealogis a de manière discrétionnaire retenu ses marchandises et qu'elle doit dès lors en assumer les frais et les risques jusqu'à ce qu'il soit statué sur le litige principal les opposant, la question du bien fondé de sa créance principale étant un préalable à celle de la régularité de son droit de rétention.

L'intimée expose par ailleurs qu'il ressort du procès-verbal de saisie conservatoire qu'au 2 juillet 2020, son compte bancaire présentait un solde créditeur de 5 623 443 euros et de 214 453 GBP, ce qui suffit à démontrer l'absence de menace sur le recouvrement de la créance de la société Sealogis. Elle fait également observer que son commissaire aux comptes a attesté d'un chiffre d'affaires pour 2019 de près de 10 millions d'euros.

La société Hotels At Home considère que l'appelante à qui incombe la charge de la preuve échoue à démontrer l'existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance, rappelant également qu'elle vient de procéder à la consignation d'une somme de 659 394, 96 euros dont une partie correspond aux frais de stockage litigieux.

Sur ce,

L'article L.511-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire.

La mesure de saisie-conservatoire sollicitée par la société Sealogis ne peut donc être légitime qu'à la double condition que la créance invoquée par la requérante apparaisse fondée en son principe et qu'il soit en outre établi que son recouvrement est susceptible d'être menacé, étant précisé qu'il incombe au créancier saisissant de démontrer que les conditions posées par l'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution sont réunies.

Il sera relevé qu'aux termes du dispositif de ses conclusions, la société Sealogis sollicite, par voie d'infirmation, le maintien des effets de la saisie conservatoire initiale et l'autorisation de la réitérer à hauteur d'un montant de 253 523,03 euros en principal 'jusqu'à la date de la consignation des sommes ordonnées par la cour d'appel d'Aix-en-Provence par arrêt du 8 octobre 2020 ".

La société Hotels At Home justifie à travers sa pièce 22 qu'elle a procédé le 12 octobre 2020 en exécution de l'arrêt susvisé à la consignation entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris des sommes suivantes :

- 349 128,48 euros,

- 310 266,48 euros.

Il sera observé que cette dernière somme correspond bien selon cet arrêt (page 7) à la provision demandée par la société Sealogis au titre des factures émises à compter du 7 novembre 2019 pour les frais de stockage en lien avec l'exercice du droit de rétention pour la période du 13 décembre 2020 au 22 juin 2020.

Cette consignation étant désormais effective, et à défaut d'élément contraire produit par la société Sealogis, tout risque de recouvrement de sa créance est au jour où la cour statue écarté. L'une des conditions posées par l'article L. 511-1 précité n'étant pas remplie, ce seul motif suffit à confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné la rétractation de la décision du 4 juin 2020 et la mainlevée de la saisie conservatoire, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si la créance de l'appelante est par ailleurs fondée en son principe.

- sur la demande indemnitaire de la société Hotels At Home pour saisie abusive :

La société Sealogis estime que le premier juge a retenu à tort, en l'absence de pièce justificative de la partie adverse, que la saisie conservatoire pratiquée aurait bloqué l'intégralité des comptes bancaires de la société Hotels At Home pour un montant de 5 millions d'euros et terni la réputation et l'honorabilité de celle-ci.

Elle rappelle que la saisie n'a été opérée qu'à hauteur de la somme de 253 523 euros et qu'il n'y a eu aucune publicité autour de la mise en place de cette mesure de nature à porter atteinte à la réputation de l'intimée.

En réponse, la société Hotels At Home conclut au visa de l'article L. 512-2 du code des procédures civiles d'exécution à la confirmation de l'ordonnance en ses dispositions lui allouant 10 000 euros de dommages et intérêts pour saisie abusive, faisant valoir d'une part que cette mesure a eu pour effet de bloquer ses comptes et de créer d'importantes perturbations dans le bon fonctionnement de la société, la mettant dans l'impossibilité de régler ses échéances courantes et d'autre part que l'objectif de la société Sealogis était uniquement de lui nuire alors qu'elle lui avait déjà réglé les causes de l'ordonnance de référé du tribunal de commerce de Marseille et qu'elle n'avait aucun problème de trésorerie pour assumer le reste.

L'intimée sollicite également une indemnité complémentaire de 50 000 euros au même titre, reprochant à la société Sealogis d'avoir persisté dans sa stratégie de harcèlement procédural en saisissant le premier président d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire et en maintenant ses demandes devant la cour malgré la consignation des sommes contestées.

Sur ce,

L'article L.512-2 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution dispose que lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire.

Si cette disposition n'exige pas pour son application la constatation d'une faute, elle implique en revanche que le préjudice allégué soit caractérisé.

C'est à raison que la société Sealogis oppose à la société Hotels At Home que la saisie conservatoire n'a opéré que dans les limites du montant fixé par le juge ayant autorisé la mesure, soit en l'espèce 253 523,03 euros.

Il sera relevé que l'intimée ne produit aucune pièce tendant à établir que l'intégralité des fonds déposés sur ses comptes a été rendue indisponible et que cela aurait généré des difficultés pour régler ses charges courantes, le procès-verbal de saisie se limitant à faire défense au tiers saisi de disposer des sommes réclamées et à rappeler le montant des soldes créditeurs des comptes indiqués par la banque.

Au vu des sommes disponibles sur les comptes au jour de la saisie, à savoir 5 623 443 euros et 214 453 GBP (soit 237 911 euros), il n'est d'ailleurs pas démontré par l'intimée que l'indisponibilité de la somme de 253 523 euros ait réellement fait obstacle au règlement de ses échéances courantes et contribué à la désorganisation de la société.

Enfin, l'intimée ne produit aucune pièce pour justifier d'un préjudice résultant d'une atteinte à sa réputation et à son honorabilité, sachant que l'effet de la mesure de saisie a été limitée dans le temps puisqu'elle n'a été effective que du 2 juillet 2020 au 7 août 2020, date de sa mainlevée par huissier de justice.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la société Hotels At Home échouant à rapporter la preuve de son préjudice, il convient d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a accordé à l'intimée une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L.512-2 précité.

Par ailleurs, ne peut suffire à caractériser un abus de droit le fait pour la société Sealogis d'avoir interjeté appel de l'ordonnance ayant prononcé la mainlevée de la mesure de saisie et d'avoir tenté pour défendre ses intérêts d'obtenir l'arrêt des effets de l'exécution provisoire et une fixation en urgence de l'affaire devant la cour.

En outre, la consignation des sommes litigieuses n'étant intervenue que le 12 octobre 2020, soit quelques jours seulement avant l'examen de l'affaire par cette cour, il ne peut être reproché à la société Sealogis d'avoir abusé de son droit d'agir en ne s'étant pas désistée de ses demandes.

- sur les demandes accessoires :

L'ordonnance sera confirmée en application de l'article L.512-2 alinéa 1 du code des procédure civiles d'exécution en ce qu'elle a laissé les frais occasionnés par la mesure de saisie et sa mainlevée à la charge de la société Sealogis.

L'ordonnance sera également confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, la société Sealogis ne saurait prétendre au remboursement de ses frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens d'appel qui seront recouvrés avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.

Il est en outre inéquitable de laisser à la société Hotels At Home la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. L'appelante sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la société Hotels At Home ;

CONFIRME l'ordonnance entreprise en date du 22 juillet 2020 sauf en ses dispositions condamnant la société Sealogis Freight Forwarding à payer à la société Hotels At Home la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

DÉBOUTE la société Hotels At Home de ses demandes indemnitaires pour saisie abusive ;

CONDAMNE la société Sealogis Freight Forwarding à payer à la société Hotels At Home une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

DIT que la société Sealogis Freight Forwarding supportera les dépens d'appel qui pourront être recouvrés avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.