CA Montpellier, 2e ch. civ., 20 janvier 2022, n° 19/08314
MONTPELLIER
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Senna
Conseillers :
Mme Gregori, Mme Carlier
EXPOSE DU LITIGE :
Saisi de deux requêtes déposées le 29 mai 2019 par Madame Marie-Thérèse B. et Monsieur Bernard D. D., le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Béziers a, par deux ordonnances distinctes en date des 3 et 4 juin 2019, autorisé les requérants à pratiquer une saisie conservatoire sur les biens et avoirs de Monsieur Bruno G. et de Monsieur Joël G. pour sûreté et conservation de la somme de 300 000 €.
Ces saisies conservatoires ont été pratiquées sur plusieurs comptes ouverts au nom de Monsieur Bruno G. et de Monsieur Joël G. pour le premier suivant deux procès-verbaux d'huissier en date du 25 juin 2019 entre les mains de la Banque Postale et de la Banque Populaire du Midi et pour le second suivant deux procès-verbaux d'huissier en date des 25 et 26 juin 2019, entre les mains de la Banque Postale et de la Banque Populaire du Sud, saisies qui leur ont été dénoncées le 27 juin 2019.
Par actes d'huissier en date des12 et 22 août 2019, Monsieur Bruno G. a fait assigner Madame Marie-Thérèse D. née B. et Monsieur Bernard D. D. devant le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Béziers aux fins de voir rétracter l'ordonnance du 3 juin 2019 et d'obtenir mainlevée des saisie conservatoires pratiquées à son encontre. Cette procédure a été enregistrée sous le n° de RG 19-1932.
Monsieur Joël G. a également fait assigner Madame Marie-Thérèse D. née B. et Monsieur Bernard D. D. devant le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Béziers aux mêmes fins. Cette procédure parallèle et distincte a été enregistrée sous le n° de RG 19-1933.
Par jugement en date du 10 décembre 2019, le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Béziers, dans le cadre de la procédure enregistrée sous le n° de RG 19-1932, a :
- débouté Monsieur Bruno G. de ses demandes,
- condamné Monsieur Bruno G. à payer à Mme Marie-Thérèse B. et Monsieur Bernard D. la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Ce jugement a été notifié à Monsieur Bruno G. par les soins du greffe du juge de l'exécution par lettre recommandée avec demande d'avis de réception revenu signé le 11 décembre 2019.
Monsieur Bruno G. a interjeté appel de cette décision par déclaration signifiée par la voie électronique le 25 décembre 2019.
L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 8 juin 2020, date à laquelle elle a été renvoyée aux audiences successives des 16 novembre 2020, 3 mai et 8 novembre 2021.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiée par la voie électronique le 2 novembre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Monsieur Bruno G. demande à la cour de :
* d'ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture
* d'infirmer le jugement RG n°19/01932 du Juge de l'Exécution du Tribunal de Grande Instance de BÉZIERS du 10 décembre 2019 en ce qu'il :
- déboute Monsieur Bruno G. de ses demandes,
- condamne Monsieur Bruno G. à payer à Madame Marie-Thérèse B. et Monsieur Bernard D. la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamne Monsieur Bruno G. aux dépens.
* Et statuant, à titre principal :
- ordonner la rétractation de l'ordonnance du 03 juin 2019 disant que Monsieur Bernard D. et Madame Marie-Thérèse B. justifient d'une créance paraissant fondée en son principe et menacée dans son recouvrement, autorisant Monsieur Bernard D. et Madame Marie-Thérèse B. à pratiquer une saisie conservatoire sur les biens et avoirs, outre créances détenues contre des tiers de Monsieur Bruno G., pour avoir sûreté et conservation de leur créance à hauteur de 300.000 € et autorisant l'huissier chargé de l'exécution à effectuer une recherche sur le fichier FICOBA et à pratiquer une saisie conservatoire sur créance entre les mains de tout organisme bancaire détenant dans ses livres des capitaux pour le compte de Monsieur Bruno G.,
- ordonner en conséquence la mainlevée de la saisie conservatoire réalisée par Monsieur Bernard D. et Madame Marie-Thérèse B. sur les comptes bancaires détenus par Monsieur Bruno G. auprès de la BANQUE POSTALE et de la BANQUE POPULAIRE DU SUD en application de l'ordonnance du 03 juin 2019,
* Subsidiairement :
- dire et juger caduque l'ordonnance du 03 juin 2019,
- ordonner en conséquence la mainlevée de la saisie conservatoire réalisée par Monsieur Bernard D. et Madame Marie-Thérèse B. sur les comptes bancaires détenus par Monsieur Bruno G. auprès de la BANQUE POSTALE et de la BANQUE POPULAIRE DU SUD en application de l'ordonnance du 03 juin 2019.
* Très subsidiairement, ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire réalisée par Monsieur Bernard D. et Madame Marie-Thérèse B. sur les comptes bancaires détenus par Monsieur Bruno G. auprès de la BANQUE POSTALE et de la BANQUE POPULAIRE DU SUD en application de l'ordonnance du 03 juin 2019.
* A titre infiniment subsidiaire :
- dire et juger caduque l'ordonnance du 03 juin 2019 en ce qu'elle retient que Monsieur Bernard D. et Madame Marie-Thérèse B. justifient d'une créance paraissant fondée en son principe et menacée dans son recouvrement pour un montant de 119.000 € au titre des dispositions du testament de Monsieur Yves D. de septembre 2017,
- dire et juger prescrite et donc non fondée en son principe la créance dont se prévaut Monsieur Bernard D. au titre du versement d'un montant de 25.000 € effectué par Monsieur Yves D. au bénéfice de Monsieur Bruno G. en février 2013,
- dire et juger en conséquence que Monsieur Bernard D. et Madame Marie-Thérèse B. ne peuvent se prévaloir d'une créance alléguée excédant 73.000 € à l'encontre de Monsieur Bruno G.,
- ordonner en conséquence la mainlevée de la saisie conservatoire des sommes excédant 73.000 € réalisée par Monsieur Bernard D. et Madame Marie-Thérèse B. sur les comptes bancaires détenus par Monsieur Bruno G. auprès de la BANQUE POSTALE et de la BANQUE POPULAIRE DU SUD en application de l'ordonnance du 03 juin 2019.
* Dans tous les cas :
- condamner in solidum Bernard D. et Madame Marie-Thérèse B. à payer à Monsieur Bruno G. la somme de 3.000 € au titre de la procédure vexatoire et abusive, celle de 2.000 € au titre du préjudice résultant du blocage injustifié des fonds appartenant à Monsieur Bruno G. et de la privation de ses ressources financières, celle de 2.000 € au titre du préjudice moral et celle de 100 € au titre des frais prélevés par les établissements bancaires du fait des saisies conservatoires,
- condamner in solidum Bernard D. et Madame Marie-Thérèse B. à payer à Monsieur Bruno G. la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de leurs dernières écritures signifiées par la voie électronique le 4 novembre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, Monsieur Bernard D. D. et Madame Marie-Thérèse B. demandent à la cour de :
- recevoir Monsieur Bruno G. en son appel et d'y déclarer mal fondé.
- en conséquence, confirmer en tous points le jugement déféré
- condamner Monsieur Bruno G. à payer à Monsieur Bernard D. D. et Madame Marie-Thérèse B. Veuve D. la somme de 5000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture initiale rendue le 26 avril 2021 a fait l'objet d'une ordonnance de révocation de clôture du 8 novembre 2021 prononçant une nouvelle clôture à cette date.
MOTIVATION
Sur la demande de rétractation de l'ordonnance autorisant la saisie conservatoire tirée de l'indétermination du montant sollicité
Il ressort du dispositif de la requête aux fins d'autorisation de saisie conservatoire déposée le 29 mai 2019 que celle- ci est sollicitée pour avoir sûreté et conservation de la créance alléguée 'à hauteur de DEUX CENT MILLE EUROS (300 000 €)'. L'ordonnance du 3 juin 2019 faisant droit à la requête autorise la mesure conservatoire à hauteur de 300 000 €, par mention écrite en chiffres.
Il convient de relever d'une part que le montant figurant dans le dispositif de la requête ne saurait être considéré comme indéterminé, comme le soutient l'appelant, du seul fait que son libellé en lettres est différent de celui mentionné en chiffres, puisque la requête précise que ce soit en lettres ou en chiffre le montant sollicité. Le fait qu'il y ait une divergence entre ces sommes ne saurait justifier la rétractation pure et simple de l'ordonnance en cause.
Par ailleurs, aux termes de l'article R 511-4 du code de procédure civile d'exécution, à peine de nullité de son ordonnance, le juge détermine notamment le montant des sommes pour la garantie desquelles la mesure conservatoire est autorisée. Il découle de ce texte qu'il doit déterminer lui-même le montant de ces sommes au vu des motifs exposés dans la requête et des pièces qui y sont jointes.
En l'espèce, il résulte des motifs contenus dans la requête que les réquérants évaluent provisoirement leurs différentes créances à l'égard de Bruno et Joël G. de la manière suivante :
- 205 000 € au titre de prélèvements indus sur le compte bancaire personnel de Monsieur Yves D. et sur les comptes bancaires des deux sociétés dont il était associé avec Bruno et Joël G.,
- 359 000 € au titre du bénéfice de testaments ou libéralités contestés par les requérants,
- 25 000 € au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral d'Yves D.,
- 25 000 € au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral de l'épouse de Monsieur Yves D., Marie-Thérèse D. par ricochet,
Soit à un total de 614 000 €.
Il ressort également des motifs de cette requête que les requérants souhaitent être autorisés à pratiquer une saisie conservatoire à l'encontre de Monsieur Bruno G. pour garantir le paiement de cette créance qu'ils prient le juge d'évalue provisoirement 'à la somme de TROIS CENT MILLE EUROS (300 000 €) '.
Il résulte de ces motifs que c'est en exerçant son pouvoir souverain d'appréciation en fonction des éléments qui lui étaient soumis aux termes de cette requête et des pièces annexées que le juge a déterminé ce montant de 300 000 € pour la garantie de laquelle la mesure conservatoire devait être autorisée, ce montant correspondant bien à l'évaluation de la créance alléguée à l'encontre de Bruno G. et que la divergence entre le montant en chiffres et en lettres figurant dans le dispositif de la requête ne résulte que d'une erreur purement matérielle, la motivation de la requête ne pouvant avoir eu pour effet de laisser planer un doute sur l'évaluation provisoire de cette créance.
Il convient donc de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance du 3 juin 2019 formée par l'appelant pour ce motif.
Sur la caducité de la mesure conservatoire
Aux termes de l'article L 511-4 du code de procédure civile d'exécution, à peine de caducité de la mesure conservatoire, le créancier engage ou poursuit dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d'Etat, une procédure permettant d'obtenir un titre exécutoire s'il n'en possède pas. A cet égard, l'article R 511-7 du même code prévoit que si ce n'est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire.
L'appelant soulève la caducité de l'ordonnance du 3 juin 2019 en faisant valoir que les requérants n'ont pas engagé une procédure au fond aux fins d'obtention d'un titre exécutoire dans le délai d'un mois à compter de l'exécution de la mesure alors que si une assignation au fond a bien été délivrée dans le délai précité le 15 février 2019, cette assignation n'a été délivrée que par Madame Marie-Thérèse D. et Monsieur Yves D. et non par Monsieur Bernard D. D. dont l'intervention volontaire à cette procédure est datée du 24 septembre 2019, soit plus d'un mois après l'exécution de la mesure, et que cette assignation ne tend pas davantage à l'obtention d'un titre exécutoire concernant la prétendue créance alléguée fondée sur les dispositions des testaments.
Les intimés font valoir que le juge du fond ayant été saisi par les deux requérants préalablement à la requête, le délai d'un mois prévu à l'article R 511-7 du code de procédure civile d'exécution n'avait pas lieu de s'appliquer. Ils ajoutent que Monsieur Bernard D. D. agissant en sa qualité d'héritier lors du dépôt de sa requête est intervenu volontairement dans la procédure au fond du fait de son père décédé et sollicitent à ce titre la confirmation du jugement entrepris.
Il ressort des pièces produites qu'une assignation au fond a été délivrée le 15 février 2019, soit antérieurement au dépôt de la requête litgieuse le 29 mai 2019 et antérieurement à l'exécution de la saisie conservatoire en date du 25 juin 2019.
S'il est de jurisprudence constante que le créancier est dispensé de respecter le délai d'un mois prévu à l'article R 511-7 précité lorsque l'instance est déjà en cours au moment de l'exécution de la mesure conservatoire, encore faut-il cependant que cette instance au fond en cours soit engagée par le même créancier que celui ayant déposé la requête et qu'elle tende à l'obtention d'un titre exécutoire tendant condamnation à paiement de la créance allèguée.
En l'espèce, il ressort des termes de la requête que Monsieur D. D. se prévaut de sa qualité d'ayant-droit de Monsieur Yves D. pour solliciter l'autorisation de pratiquer la saisie conservatoire en cause. Il n'est pas contesté que l'assignation au fond a été délivrée par Monsieur Yves D. le 15 février 2019 avant son décès intervenu le 22 février suivant, et non par Monsieur D. D. , qui ne disposait pas encore de sa qualité d'ayant-droit et il est constant que ce dernier n'est intervenu volontairement à la procédure au fond que le 24 septembre 2019, soit plus d'un mois après l'exécution de la mesure conservatoire le 25 juin 2019. La qualité d'ayant-droit de Monsieur D. ne le dispensait cependant pas de respecter le délai d'un mois imparti par l'article R 511-7 du code de procédure civile d'exécution pour introduire une procédure au fond ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire en vue de paiement de la créance alléguée à son égard, dés lors que dans le cadre de la procédure au fond pendante, il ne figurait pas comme partie à la procédure et qu'il n'a pas manifesté son intention de reprendre ou de poursuivre l'action de Monsieur Yves D. en sa qualité d'ayant-droit avant le 24 septembre 2019. En déposant une requête aux fins de saisie conservatoire en alléguant sa qualité de créancier, fût-ce en qualité d'ayant-droit de Monsieur Yves D., et en faisant exécuter l'ordonnance l'ayant autorisée à pratiquer cette mesure, il lui appartenait d'effectuer les formalités nécessaires à la reconnaissance de sa qualité de créancier et à l'obtention d'un titre exécutoire à son égard, la procédure au fond pendante engagée antérieurement par les époux D. ne lui permettant pas d'obtenir le bénéfice de cette obtention pour le recouvrement de sa créance alléguée. Il était donc soumis au respect du délai d'un mois pour introduire une procédure au fond aux fins d'obtention d'un titre exécutoire, formalité qu'il n'a pas respectée. C'est donc à tort que le premier juge tenant compte de sa qualité d'ayant-droit d'Yves D. a considéré que l'assignation au fond du 15 février 2019 le dispensait de cette formalité. La mesure exécutoire doit, en conséquence, être considérée comme caduque à l'égard de Monsieur Bernard D. D..
En ce qui concerne Madame Marie-Thérèse D., il ressort des termes de la requête aux fins de saisie conservatoire que celle-ci prétend être créancière de l'ensemble des sommes pour lesquelles la saisie conservatoire a été autorisée, aucune distinction n'étant faite entre les deux requérants quant à la nature de ces créances, à l'exception de la créance de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral de Madame D. à hauteur de 25 000 €.
L'assignation au fond du 15 février 2019 engagée par Madame Marie-Thérèse D. tend à l'obtention d'un titre exécutoire aux fins de paiement de sa seule créance personnelle de dommages et intérêts de 25 000 €, le paiement des autres sommes étant sollicité par Monsieur Yves D.. Il convient de considérer que Madame D. a satisfait à son obligation d'engager une action au fond tendant à obtenir un titre exécutoire pour le paiement, à tous le moins, de cette créance.
Cette procédure au fond ayant été engagée antérieurement à l'exécution de la mesure d'exécution, Madame D. était donc dispensée de respecter le délai imparti d'un mois pour engager son action au fond et le fait que l'assignation au fond ne tende pas à l'obtention d'un titre exécutoire pour le paiement des autres créances alléguées ne saurait entraîner la caducité de la mesure d'exécution à l'égard de Madame D..
Par ailleurs, quand bien même le litige au fond aurait évolué et a donné lieu à un jugement rendu le 13 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Béziers qui a déclaré irrecevables les demandes présentées par Monsieur Bernard D. D. et Madame Marie-Thérése D., cette irrecevabilité, résultant au surplus d'une décision non définitive puisque les intimés justifient avoir formé appel à son encontre, ne saurait avoir un effet quelconque sur le débat relatif à la caducité de la mesure conservatoire.
C'est donc à juste titre que le premier juge a rejeté cette demande de caducité soulevée par Monsieur Bruno G. à l'égard de Madame D..
Il convient, en conséquence de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Monsieur Bruno G. de sa demande de caducité de la mesure conservatoire à l'égard de Madame Marie-Thérèse D. mais de l'infirmer en ce qu'elle a rejeté cette demande à l'égard de Monsieur Bernard D. D..
Statuant à nouveau de ce chef d'infirmation, il y a lieu de prononcer la caducité de la saisie conservatoire exécutée le 25 juin 2019 à l'égard de Bernard D. D..
Sur la demande de mainlevée de la mesure conservatoire
L'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose en son premier alinéa que : 'Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.'
Le juge, auquel est déférée une mesure conservatoire, se place dans la même position que le juge qui a autorisé la mesure. Il examine au jour où il statue d'une part l'apparence du principe de créance - et non la certitude, la liquidité, l'exigibilité ou le montant de la créance - et évalue d'autre part la menace qui pèse sur le recouvrement.
En l'espèce, Madame D. soutient en premier lieu qu'elle détient une créance de dommages et intérêts d'un montant évalué à 205 000 € au titre de prélèvements indûs intervenus soit sur le compte personnel de Monsieur Yves D., soit sur les comptes des sociétés dont ce dernier était associé avec les consorts G., au profit de Bruno G. (à hauteur de 98000 €) et de Joël G. ( à hauteur de 107 000 €).
Or, Madame D. ne produit aucun relevé bancaire du compte personnel de Monsieur Yves D. et des comptes des SCI en cause de nature à démontrer l'existence des prélèvements invoqués sur ces comptes au profit de Bruno et Joël G.. Il n'est produit que des relevés de compte manuscrits aux noms de la 'SCI VEND'( SCI VENDARGUES) et de la 'SCI 7 MED' (SCI 7 Méditerrannée) au titre pour la première des dépenses comptabilisées entre 2013 et 2018, (pièce 4 des intimés), pour la seconde de 'recettes' comptabilisées entre 2014 et 2017 (pièce 5 des intimés). Ces relevés manuscrits apparaissent comme ayant été remplis de son vivant par le défunt lui- même et font mention d'un certain nombre de sommes qui auraient fait l'objet de chèques au profit de Bruno G. ou à Joël G.. Néanmoins, ces mentions mauscrites ne sont confirmées par aucun relevé du compte bancaire personnel de Monsieur Yves D. ou des comptes des SCI en cause, le seul fait que Monsieur Yves D. ait porté son nom et le numéro des chèques aux côtés de certaines de ces sommes ne pouvant apporter la preuve de la réalité de ces versements au profit de Bruno et Joël G..
Dés lors, c'est à tort que le premier juge a considéré comme acquis le principe d'une créance au titre des prélèvements indus allégués en se référant uniquement à la liste des mouvements des fonds, telle que détaillés par les intimés dans le cadre de leur requête, cette liste n'étant étayée par aucune pièce probante versée tant au soutien de cette requête que devant lui, les intimés ne produisant pas davantage en cause d'appel la justification de la matérialité de ces prélévements.
Madame D. se prétend également créancière d'une somme de 359 000 € au titre de la réparation de son préjudice financier résultant du bénéfice au profit de Bruno G. et de Joël G. de testaments ou libéralités dont elle entend demander la nullité.
Cependant, il convient de constater à la lecture de l'assignation au fond du 15 février 2019 qu'elle ne sollicitait le paiement d'aucune somme au titre de cette créance, les demandes des époux D. étant limitée aux prélévements indus précités effectués sur les comptes bancaires. Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives signifiées pour l'audience du 2 juillet 2020 dans le cadre de la procédure au fond, versées aux débats par l'appelant et reprises dans l'exposé du litige du jugement du tribunal judiciaire de Béziers du 13 septembre 2021, si Madame D. sollicite la nullité des testaments et libéralités en cause , elle ne demande le paiement d'aucune somme au titre de la réparation du préjudice financier résultant de cette demande de nullité. Elle ne saurait donc aujourd'hui faire valoir que sa créance paraît fondée en son principe alors même qu'elle n'a jamais fait valoir ni le principe ni le montant de cette créance devant le juge du fond, la demande de nullité des actes en cause ne pouvant s'analyser en une demande de condamnation au paiement d'une créance.
Ainsi, et sans qu'il soit besoin de s'interroger sur l'altération des facultés mentales de Monsieur Yves D. au jour des prélévements indûs et des actes invoqués comme ayant bénéfié aux consorts G., l'apparence des créances ayant fondé la mesure conservatoire n'est pas démontrée.
Enfin, la preuve n'étant pas rapportée de l'apparence de l'ensemble de ces créances, la créance de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi à la suite des fautes alléguées en lien avec les prélèvements bancaires et les testaments et libéralités invoqués ne peut davantage être considérée comme une créance fondée en son principe.
En conséquence, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la preuve de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance, il convient d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Monsieur Bruno G. de sa demande de mainlevée des saisies conservatoires pratiquées le 25 juin 2019 et statuant à nouveau, il convient d'ordonner la mainlevée de cette saisie qui n'est fondée sur aucun principe de créance.
Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive, pour blocage injustifié des fonds et privation de toute ressource financière, pour préjudice moral et pour frais bancaire
En application de l'article L 121-2 du code de procédure civile d'exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d'abus de saisie.
Par ailleurs, aux termes de l'article L 512-2 du code de procédure civile d'exécution, lorsque la mainlevée d'une mesure conservatoire a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure en cause. Il est de jurisprudence constante que ces dispositions n'exigent pas pour leur application la constatation d'une faute du créancier.
La demande de dommages et intérêt formée par Monsieur Bruno G. pour procédure abusive a pour fondement le caractère abusif de la mesure de saisie conservatoire qu'il estime vexatoire et destinée à le priver des ressources nécessaires pour assurer sa défense. Cette demande tend à la réparation des mêmes préjudices que ceux invoqués à l'appui de ses autres demandes de dommages et intérêts.
Néanmoins, il n'est pas établi par l'appelant que les intimés ont fait pratiquer abusivement la saisie conservatoire en cause. En effet, le seul fait pour Monsieur D. D. de n'avoir pas justifié de l'accomplissement de la formalité prévue à l'article R 511-7 du code de procédure civile d'exécution et pour Madame D. d'échouer dans la preuve de l'apparence de sa créance, constituant les motifs de la mainlevée de la mesure conservatoire n'étant pas suffisant pour considérer qu'ils ont eu l'intention particulière de nuire à Monsieur Bruno G. en pratiquant cette saisie et en la maintenant.
L'appelant est, en revanche, fondé à solliciter la condamnation des intimés à la réparation des préjudices causés par la mesure en cause en application de l'article L 512-2 précité et ce sans qu'il soit besoin d'établir l'existence d'un abus ou d'une faute de leur part.
S'agissant du préjudice résultant de la privation de ressources, Monsieur G. ne produit cependant aucune pièce de nature à en établir l'existence, le seul fait que la saisie conservatoire ait bloqué des comptes bancaires ne démontrant pas qu'il ne disposait comme sources de revenus que les seules sommes déposées sur les comptes faisant l'objet de la mesure et qu'il a été privé des ressources nécessaires pour assurer sa défense, laquelle a été effective.
Il n'est pas contestable, en revanche, que les saisies conservatoires pratiquées le 25 juin 2021 et fructueuse partiellement à hauteur de 99 758, 28 € a causé à l'appelant un préjudice de jouissance résultant de l'immobilisation de ces fonds pendant une durée de 6 mois. Il convient d'évaluer ce préjudice à hauteur de 1500 €.
L'appelant ne justifie pas de l'existence d'un préjudice moral distinct de celui résultant de cette immobilisation des fonds.
Il ne justifie pas davantage des frais bancaires qu'il a dû supporter du fait de cette saisie.
Il convient donc de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Monsieur Bruno G. de ses demandes de dommages et intérêts pour mesure abusive, privation de toute ressource financière, pour préjudice moral et pour frais bancaires mais par substitution de motifs et de l'infirmer en ce qu'elle a rejeté sa demande de dommages et intérêts au titre de l'immobilisation des fonds saisis (intitulé blocage injustifié des fonds par l'appelant). Statuant à nouveau, il convient de condamner solidairement les intimés à payer à l'appelant la somme de 1500 € au titre du préjudice résultant de l'immobilisation des fonds.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il est inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Bruno G. les sommes non comprises dans les dépens. Les intimés seront condamnés à lui verser la somme de 2000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
La demande formée sur le fondement des mêmes dispositions par les intimés, qui succombent en leurs prétentions, sera rejetée.
Pour les mêmes motifs, ils seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme la décision entreprise, sauf en ce qu'elle a rejeté les demandes formées par Monsieur Bruno G. :
- aux fins de rétractation de l'ordonnance du 3 juin 2019 ayant autorisé la saisie conservatoire pour le motif tiré de l'indétermination du montant de la créance.
- aux fins de caducité de la mesure conservatoire pratiquée à l'égard de Madame Marie-Thérèse D. née B.,
- aux fins de dommages et intérêts pour mesure abusive, privation de toute ressource financière, pour préjudice moral et pour frais bancaires,
Statuant à nouveau, sur les chefs d'infirmation,
Prononce la caducité de la saisie conservatoire exécutée le 25 juin 2019 à l'égard de Monsieur Bernard D. D. entre les mains de la Banque Postale et de la Banque Populaire du Midi.
Ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire exécutée le 25 juin 2019 entre les mains de la Banque Postale et de la Banque Populaire du Midi à l'égard de Madame Marie-Thérèse D. née B. pour absence d'apparence de créance
Condamne solidairement Monsieur Bernard D. D. et Madame Marie-Thérèse D. née B. à payer à Monsieur Bruno G. la somme de 1500 € en réparation du préjudice résultant de l'immobilisation des fonds.
Et y ajoutant,
- condamne solidairement Monsieur Bernard D. D. et Madame Marie-Thérèse D. née B. à payer à Monsieur Bruno G. la somme de 2000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejette la demande formée par Monsieur Bernard D. D. et Madame Marie-Thérèse D. née B. au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne Monsieur Bernard D. D. et Madame Marie-Thérèse D. née B. aux dépens de première instance et d'appel.