CA Paris, 1re ch. B, 28 novembre 2008, n° 06/19376
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Gan Assurances Vie (SA), Gan Eurocourtage Vie (SA), Gan Prévoyance (SA), Assu Vie (SA), Gan Pacifique Vie (SA), Gan Foncier (SCS)
Défendeur :
Le Directeur des Services Fiscaux de Paris
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bichard
Conseillers :
Mme Gaber, Mme Duval-Arnould
Avoués :
SCP Blin, SCP Naboudet-Vogel, Me Hatet-Sauval
Avocat :
Me Laurent
Vu le jugement contradictoire du 12 octobre 2006, par lequel le tribunal de grande instance de Paris, statuant sur une demande de dégrèvement de 1.463.400 euros du droit de partage appliqué aux sommes remboursées par la société GAN FONCIER à ses associées par prélèvement sur la prime d'apport, a débouté les sociétés GAN ASSURANCES VIE, GAN EUROCOURTAGE VIE, GAN PREVOYANCE, ASSU VIE, GAN PACIFIQUE VIE et GAN FONCIER de l'intégralité de leurs demandes estimant que l'administration fiscale a légitimement considéré que la valeur réelle de l'actif partagé devait être retenue comme assiette du droit de partage,
Vu l'appel interjeté le 8 novembre 2006 par les sociétés GAN ASSURANCES VIE, GAN EUROCOURTAGE VIE, GAN PREVOYANCE, ASSU VIE, GAN PACIFIQUE VIE et GAN FONCIER,
Vu les dernières conclusions du 28 février 2008, par lesquelles les sociétés appelantes, faisant essentiellement valoir que :
-le remboursement de parts sociales en cours de société n'est pas passible du droit de partage (la réduction de capital en cours de société consécutive au remboursement de parts sociales ne constituant pas un partage au sens de l'article 746 du Code général des impôts et l'opération litigieuse ne pouvant être taxée comme une vente de parts sociales),
-si un droit de partage est dû, il doit être cantonné au montant de la réduction de capital, demandent à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, de dire l'administration non fondée dans l'application du droit de partage, de prononcer le dégrèvement de ce droit, d'en ordonner la restitution assortie des intérêts moratoires, et de leur allouer 5.000 euros en application l'article 700 du Code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions du 20 juin 2008, par lesquelles Monsieur le Directeur des services fiscaux de Paris Centre, faisant valoir que :
-la demande de dégrèvement ne peut excéder le montant de la réclamation contentieuse préalable,
-le partage partiel d'actif opéré par réduction de capital et par prélèvement sur le poste 'prime d'émission' constitue un partage au sens des articles 635 et 746 du Code général des impôts, ce qui permet d'éviter l'application de droits de mutation à titre onéreux,
-le droit de partage de 1% doit être assis sur la valeur totale des biens partagés, demande de confirmer le jugement entrepris, de rejeter les demandes des sociétés GAN, y compris celle au titre de l'article 700 du <<CPC>>, et de déclarer irrecevable toute demande tendant à un dégrèvement supérieur à celui résultant de la demande de modération des droits contenue dans la réclamation du 24 novembre 2004,
Vu l'ordonnance de clôture du 12 septembre 2008,
SUR CE,
Aux termes du procès-verbal de délibération de l'assemblée générale extraordinaire du 19 avril 2004 de la SCP GAN FONCIER, les associés ont décidé :
-d'autoriser le retrait partiel de GAN Assurances Vie, GAN Eurocourtage, GAN prévoyance et ASSU VIE, ainsi que le retrait total de GAN Pacifique Vie, à effet du 20 avril 2004,
-de <<procéder à un partage partiel d'actif>> par remboursement en numéraire et annulation consécutives de parts sociales objet du retrait, <<sur la base de la dernière valeur de la part soit 90,21 €>> (chacune des sociétés retrayantes se voyant attribuer une somme représentant le montant de remboursement de capital social et le montant de prime d'émission), le capital social étant réduit en conséquence de 42.106.920 euros <<par voie d'annulation de 2.105.346 parts d'une valeur nominale de 20 euros>> et le prélèvement sur le poste prime d'émission étant de 147.816.342,66 euros <<soit 70,21 euros par part annulée>>.
Ensuite de l'enregistrement de ce procès-verbal, qui a donné lieu au paiement d'un droit de partage de 1.899.233 euros, la SCP GAN FONCIER a formé le 24 novembre 2004 une réclamation contentieuse auprès de l'administration fiscale, estimant que seul le montant de la réduction de 42.106.920 euros (valeur nominale des titres annulés) devait être retenu pour le calcul des droits (soit un droit de partage estimé à 416.900 euros), et non le montant total des sommes versées aux associés, ajoutant que le droit de partage était lui-même déductible de l'assiette retenue pour le calcul du droit de partage, et a demandé la restitution de 1.482.333 euros.
Cette contestation a été acceptée le 23 mars 2005 en ce qu'elle tendait à ce que le droit de partage soit déduit de l'assiette imposable (justifiant la restitution d'une somme de 18.993 euros) mais rejetée pour le surplus, l'administration estimant que le droit de partage est applicable sur le montant de la réduction de capital et sur le remboursement de la prime d'émission considérée comme un supplément d'apport, et que c'est à juste titre que la totalité de l'actif partagé a servi d'assiette au droit de partage.
C'est dans ces conditions, que la SCP FONCIER et les sociétés retrayantes ayant été déboutées par le tribunal de grande instance de leur demande de dégrèvement de la somme de 1.463.400 euros demandent actuellement restitution du droit de partage appliqué, invoquant à titre principal que le remboursement des parts sociales opéré ne pouvait donner lieu à perception du droit de partage.
L'opération de réduction du capital litigieuse a été réalisée par l'annulation de parts sociales remboursées sur la valeur nominale (n'ayant pas fait l'objet de la réclamation du 24 novembre 2004) et par prélèvement de prime d'émission (pour la différence entre la dernière valeur réelle et la valeur nominale).
L'administration fiscale admet que le contribuable réclamant peut en saisissant l'autorité judiciaire de sa contestation invoquer des moyens nouveaux, même si elle ajoute qu'il ne peut aller au-delà de sa demande de dégrèvement initiale.
A à cet égard, il doit être considérée que le présent litige est effectivement délimité par le contenu de la réclamation contentieuse, laquelle ne porte que sur l'application du droit de partage au montant du prélèvement de 147.826.342,66 euros sur le poste prime d'émission.
La solution de ce litige, ne saurait impliquer qu'il soit statué sur la taxe qui serait éventuellement exigible si la qualification de partage est écartée, mais il convient en revanche de se prononcer sur le caractère justifié ou non de cette qualification, étant observé que le juge peut donner son exacte qualification à l'opération litigieuse, nonobstant celle donnée par l'assemblée des associés de la SCP GAN FONCIER aux termes de son procès-verbal.
L'opération a été concrétisée par l'attribution de sommes d'argent à chacun des retrayants, et pour être soumis au droit d'enregistrement de l'article 746 du Code général des impôts elle doit être analysée comme un partage de biens.
Or le partage d'actif social visé à l'article 1844-9 du Code civil ne peut avoir lieu qu'après clôture de la liquidation.
En l'espèce, il n'est nullement contesté que les associés n'ont pas entendu liquider la société civile particulière GAN FONCIER ni que la personnalité morale de cette dernière n'a pas été atteinte, et il résulte sans équivoque du procès-verbal constatant la réduction de capital que les décisions prises ont mis à la charge de la société directement envers chacun des associés une dette par part détenue.
L'opération constatée dans le procès-verbal du 19 avril 2004 ne peut être en conséquence considérée comme un partage soumis au droit du même nom, et l'enregistrement de ce procès-verbal ne permettait pas, en conséquence, d'assujettir au droit de partage les prélèvements de prime d'émission permettant de rembourser, en numéraire, à chacun des retrayants la valeur réelle de ses parts.
Il s'ensuit que le rejet de la réclamation afférente à l'application de ce droit de partage aux dits prélèvements est infondé et qu'il appartiendra à l'administration fiscale de restituer la somme correspondante (chiffrée par les sociétés GAN à 1.463.400 euros en première instance) assortie des intérêts moratoires prévus par l'article L 208 du Livre des procédures fiscales.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile en la cause.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
Infime le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
Déclare infondé le rejet de la réclamation de la SCP GAN FONCIER du 24 novembre 2004 relative à l'application du droit de partage sur les sommes attribuées aux associés par prélèvement sur prime d'émission aux termes d'un procès-verbal du 19 avril 2004 constatant la réduction de capital ;
Dit en conséquence qu'il y a lieu à restitution de l'imposition correspondante, assortie des intérêts moratoires de l'article L 208 du Livre des procédures fiscales ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes des parties ;
Condamne Monsieur le Directeur des services fiscaux de Paris Centre aux dépens de première instance et d'appel et autorise, pour ces derniers, la SCP BLIN, avoué, à les recouvrer directement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.