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Décisions

Cass. crim., 8 février 2022, n° 21-80.490

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

Mme Goanvic

Avocat général :

M. Lesclous

Avocat :

SCP Richard

Pau, du 8 oct 2020

8 octobre 2020

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 2 février 2010, Mme [X] [D] a déposé plainte auprès des services de gendarmerie contre M. [K] [Y], son mari. Elle indiquait que celui-ci lui avait écrasé le pied et l'avait giflée au niveau de l'oreille gauche.

3. A l'issue d'une information judiciaire ouverte sur la plainte avec constitution de partie civile de son épouse, Mme [D], M.[Y] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel qui l'a condamné pour violences volontaires ayant entraîné une incapacité de travail n'excédant pas huit jours sur conjointe, à trois mois d'emprisonnement avec sursis et a, sur les intérêts civils, renvoyé à une audience ultérieure.

4. Mme [D], le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a jugé que M. [Y] n'a pas commis, au préjudice de Mme [D], en lui portant un coup au visage, le délit de violences volontaires suivies d'une incapacité totale de travail n'excédant pas huit jours, par conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, a en conséquence requalifié les faits en violences volontaires n'ayant pas entraîné d'incapacité totale de travail, avec cette circonstance qu'ils ont été commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, puis a débouté Mme [D] de sa demande de dommages-intérêts, alors « que le juge doit prendre en considération, après les avoir soumises à la discussion contradictoire, les preuves qui lui sont apportées au cours des débats ; qu'il ne peut écarter un rapport d'expertise produit aux débats par une partie, au seul motif qu'il n'a pas été dressé contradictoirement et qu'il lui appartient d'en apprécier la valeur probante ; qu'en refusant d'examiner le rapport d'expertise privée établi à la demande de Mme [D], lequel concluait que le traumatisme dont elle souffrait à l'oreille gauche ne pouvait trouver d'autre explication que la gifle qu'elle imputait à M. [Y], au motif inopérant que les conclusions de cette expertise n'avaient pas fait l'objet d'un débat contradictoire qu'il lui appartenait de provoquer, la cour d'appel a violé les articles 2 du code de procédure pénale et 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 427 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 427 du code de procédure pénale :

6. Il résulte de ce texte que le juge doit prendre en considération, après les avoir soumises à la discussion contradictoire, les preuves qui lui sont apportées au cours des débats.

7. Pour écarter l'expertise médicale établie à la demande de la partie civile et débouter celle-ci de ses prétentions, l'arrêt attaqué énonce qu'elle ne peut valablement se prévaloir de l'expertise privée réalisée à sa demande, hors procédure, par M. [T], médecin, dont les conclusions n'ont pu être débattues contradictoirement.

8. En se déterminant ainsi, alors qu'il lui appartenait de soumettre à la discussion contradictoire des parties et d'apprécier l'élément de preuve produit par la partie civile, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé.

9. La cassation est en conséquence encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

10. En raison de la cassation prononcée, il n'y a pas lieu d'examiner le second moyen proposé.

11. La cassation sera limitée aux seules dispositions civiles de l'arrêt, la requalification et la condamnation de M. [Y] pour violences volontaires n'ayant pas entraîné d'incapacité totale de travail, par conjoint, ayant acquis autorité de chose jugée. Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Pau, en date du 8 octobre 2020, mais en ses seules dispositions relatives aux intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,


RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Pau, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Pau et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.