Cass. com., 2 février 1999, n° 96-18.450
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Geerssen
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
SCP Ancel et Couturier-Heller, Me Odent
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 11 avril 1996), et les productions, que M. Y... a effectué des travaux de maçonnerie dans la maison de M. et Mme X... en 1985 et s'est porté caution des emprunts bancaires conclus par M. X... pour l'achat, le 4 septembre 1984, de cette maison ; qu'il a été condamné par arrêt du 12 septembre 1989 à pallier la défaillance de M. X... envers sa banque ; que, le 17 novembre 1989, M. Y... a produit pour le montant de cette condamnation auprès du liquidateur judiciaire, M. X... ayant fait l'objet le 9 mars 1989 d'un jugement de liquidation judiciaire publié le 18 avril au BODACC ; qu'aucun état des créances n'a été déposé ; que la procédure collective a été clôturée pour insuffisance d'actif ; que M. Y..., faisant état d'une créance de maçonnerie facturée en 1985 et 1986 pour 68 527 francs, de son paiement à titre de caution de M. X... ainsi que de sa qualité de créancier hypothécaire, a demandé l'annulation de la donation faite par les époux X... le 22 novembre 1985 de la nue-propriété de leur maison à leurs trois enfants, passée en fraude de ses droits ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré sa demande irrecevable, alors, selon le pourvoi, d'une part, que s'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance, le représentant des créanciers en avise le créancier intéressé en l'invitant à faire connaître ses explications ; qu'en l'occurrence, sa déclaration en tant que créancier hypothécaire n'a fait l'objet d'aucune discussion de la part du liquidateur, qui ne lui a opposé aucune forclusion ; qu'en l'estimant cependant éteinte, au motif que cette créance aurait été produite tardivement sans faire l'objet d'une demande de relevé de forclusion, la cour d'appel, qui ne constate pas que la forclusion avait été opposée à M. Y... dans le cadre de la procédure collective sous le contrôle du juge commercial, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 54 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, d'autre part, que lorsqu'une procédure de liquidation judiciaire est clôturée pour une insuffisance d'actif, les créanciers recouvrent leur droit de poursuite individuelle notamment en cas de fraude à leur égard ; que dans ses conclusions d'appel, il caractérisait la fraude commise par M. X... à l'égard des créanciers, fraude qui tenait à l'organisation délibérée de son insolvabilité ; qu'en estimant qu'il pouvait " simplement demander la réouverture de la liquidation judiciaire s'il apparaissait que des actifs avaient été dissimulés ou en cas de fraudes commises par le chef d'entreprise ", alors que ces cas permettent au créancier de recouvrer son droit de poursuite individuelle et non seulement de demander la réouverture de la liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, enfin, que l'action en révocation de la donation et de la convention de réservation du droit d'habitation avait pour finalité, ainsi que cela était expressément indiqué dans l'assignation, le recouvrement du solde des travaux impayés et de la somme versée à la banque au titre du contrat de cautionnement ; qu'en se bornant, pour apprécier l'existence de sa créance à envisager la seule créance née du contrat de cautionnement, sans prendre en considération la créance née des travaux impayés, qui engageait les deux époux et échappait ainsi à la procédure collective, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1167 du Code civil ;
Mais attendu qu'un créancier ne peut attaquer un acte pour fraude à ses droits que s'il a la qualité de créancier ; que l'arrêt retient que le seul débiteur de M. Y... est M. X..., que M. Y... a déclaré le 17 novembre 1989 une créance d'un montant de 208 527,72 francs représentant le montant des condamnations prononcées à l'encontre de M. X... par arrêt du 12 septembre 1989, que la liquidation judiciaire de M. X... ayant été prononcée le 9 mars 1989 et publiée au BODACC le 18 avril suivant, la créance n'a pas été déclarée dans le délai légal et que n'ayant pas donné lieu à relevé de forclusion elle est éteinte ; que la cour d'appel a exactement déduit de ces constatations que la demande de M. Y... est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.