Livv
Décisions

CA Dijon, 2e ch. civ., 10 juin 2021, n° 20/01519

DIJON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Vignoble des Mouchottes (SAS), AJRS (Selarl)

Défendeur :

La Cave des Hautes Cotes (SCA), MJ & Associés (Selarl)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vautrain

Conseillers :

Mme Dumurgier, Mme Bailly

TJ Dijon, du 16 déc. 2020, n° 20/00367

16 décembre 2020

FAITS ET PROCÉDURE

La SCA la Cave des Hautes Côtes est une société coopérative dont l'objet est notamment la collecte, la vinification, le conditionnement et la vente de vins.

La SAS Vignoble des Mouchottes est associée coopérateur au sein de la Cave des Hautes Côtes dont elle détient 59 388 parts sociales ; elle fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ouverte suivant jugement du tribunal de commerce de Dijon en date du 21 mai 2019.

Par acte d'huissier de justice en date du 20 août 2020, la SAS Vignoble des Mouchottes assigne la SCA Cave des Hautes Côtes en référé devant le tribunal judiciaire de Dijon aux fins de voir, au visa des articles 835 et 145 du code de procédure civile, ordonner une expertise portant sur la valorisation des apports de tous les types de produits apportés par elle depuis le 1er janvier 2015, et aux fins de déterminer les raisons pour lesquelles la Cave des Hautes Côtes n'a pas été en capacité de valoriser les récoltes de ses adhérents sur la base des prix publics, de chiffrer l'écart entre les prix fixés par cette dernière et les prix publics disponibles et le manque à gagner en résultant pour elle, de décrire l'évolution du chiffre d'affaires mensuel de la société coopérative et donner son avis sur sa situation économique et condamner la société Cave des Hautes Côtes à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Lors de l'audience du 18 novembre 2020, elle précise qu'elle ne sollicite une expertise que sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile et non sur celui de l'article 835 du même code.

La société coopérative agricole La Cave des Hautes Côtes conclut à l'irrecevabilité de la demande et à son rejet, ainsi qu'à la condamnation de la SAS Vignoble des Mouchottes à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et, à défaut de condamnation, à ce que ces mêmes sommes soient fixées au passif de la procédure de sauvegarde ouverte au bénéfice de la société Vignoble des Mouchottes à titre de créance chirographaire à son profit, et la condamnation de la défenderesse aux dépens ou que soit ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

Par ordonnance du 16 décembre 2020, le président du tribunal judiciaire de Dijon :

- Déboute la SAS Vignoble des Mouchottes de sa demande d'expertise,

- Déboute la SCA La Cave des Hautes Côtes de sa demande de dommages et intérêts

- Condamne la SAS Vignoble des Mouchottes à payer à la SCA La Cave des Hautes Côtes la somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- La condamne aux dépens.

Pour statuer ainsi, il relève que l'assignation en référé délivrée par la SAS Vignobles des Mouchottes vise en particulier, s'agissant du litige dont la solution pourrait dépendre de la preuve des faits qu'elle entend établir, l'action en responsabilité qui serait susceptible d'être engagée à l'encontre de la Cave des Hautes Côtes sur le fondement des dispositions de l'article L651-2 du code de commerce, alors que cette action ne peut être exercée, en cas de liquidation judiciaire, que par le liquidateur et le ministère public mais aussi par la majorité des contrôleurs en cas de carence du liquidateur par application de l'article L521-3 du code de commerce ; qu'en conséquence la perspective d'une éventuelle action sur le fondement de ce texte ne peut ainsi caractériser l'existence d'un motif légitime, dès que lors que cette action n'est pas ouverte à la demanderesse.

Il ajoute que, bien qu'aucune autre action ne soit explicitement nommée, il peut se déduire de la référence aux dispositions des articles 1219 et 1220 du code civil que la SAS Vignoble des Mouchottes envisage de se prévaloir dans une procédure judiciaire de l'exception d'inexécution ; qu'ainsi il n'est pas établi qu'une éventuelle action de sa part serait manifestement vouée à l'échec ; que cependant, en tant qu'elle vise à retracer la valorisation des apports, faire l'inventaire des prix publics disponibles, chiffrer l'écart entre les prix fixés par la société coopérative et les prix publics disponibles et le manque à gagner que cela génère pour la société Vignoble des Mouchottes, la mesure sollicitée est dépourvue d'utilité dès lors que cette société a connaissance des prix publics puisqu'elle mentionne dans son assignation que les conditions actuelles pratiquées par la société coopérative sont disproportionnées par rapport aux prix publics des récoltes comme les cours du BIVB ou les arrêtés préfectoraux fixant le prix moyen des récoltes pour calculer les fermages départementaux ; qu'elle a également connaissance de la rémunération qu'elle perçoit et a versé en pièce n°1 un tableau intitulé ' écart de valorisation récolte 2018" relatif à la différence entre la valorisation de la Cave des Hautes Côtes et le cours marché BIVB ; qu'enfin elle a elle même chiffré le préjudice financier subi par elle du fait de ces écarts de prix pour les récolte 2014, 2015, 2016 et 2017 en page 4 de son assignation ; que s'agissant de la situation économique que la SAS voudrait voir analyser par l'expert dont elle sollicite la désignation, en utilisant les droits qui lui sont ouverts en vertu des dispositions légales et statutaires rappelées par la SCA La Cave des Hautes Côtes, et en participant aux assemblées générales de la société coopérative, ce dont elle semble s'abstenir, la SAS Vignoble des Mouchottes serait en mesure de disposer d'une part importante des informations qui lui seraient nécessaires pour appréhender la situation économique de la SCA La Cave des Hautes Côtes et apprécier le risque économique à venir.

Il relève que le rapport de la SA Mazars, expert comptable, établi à la demande de la société Vignoble des Mouchottes au vu de différents éléments ( comptes annuels des exercices clos le 31 décembre 2018 et le 31 décembre 2019, rapports du conseil d'administration aux associés, procès verbaux des assemblées générales ordinaires des 6 juin 2019 et 25 septembre 2020, compte-rendu de la société d'expertise comptable de la SCA La Cave des Hautes Côtes, attestation du commissaire aux comptes relative au chiffre d'affaires réalisé sur la période du 1er janvier 2020 au 31 août 2020 et cotation Banque de France émise le 21 septembre 2020) mentionne que l'ensemble de ces éléments portent sur des données passées, ne comportent aucune information prévisionnelle, et qu'une approche prospective semble indispensable, notamment dans le contexte de la crise sanitaire ; qu'il en conclut que ces documents ne permettent pas à eux seuls d'apprécier s'il existe un risque pesant sur le compte d'exploitation et la trésorerie de la Cave des Hautes Côtes ; que cependant, l'attestation de la SAS Audit PMA, l'un des deux commissaires aux comptes de la société Cave des Hautes Côtes, relative au chiffre d'affaires réalisé sur la période du 1er janvier au 31 octobre 2020 fait apparaître :

- une hausse des ventes de vins de 609 678 €, soit + 6,04 % sur la période du 1er janvier 2020 au 31 octobre 2020 par rapport à la période du 1er janvier 2019 au 31 octobre 2019, et une hausse de 6,04 % des volumes commercialisés, ce dont il résulte que le chiffre d'affaires ne s'est pas réalisé au détriment du prix et qu'en conséquence la période de confinement liée à la pandémie Covid 19 n'a pas eu d'incidence sur l'activité commerciale et ne présente pas de risque sur l'évolution de sa situation financière,

- que dans le cadre de sa mission de surveillance et de prévention des difficultés des entreprises, elle n'a pas relevé d'éléments susceptibles de remettre en cause la continuité d'exploitation de la coopérative pour les mois à venir,

- que compte-tenu du prix d'écoulement des vins, la coopérative devrait pouvoir maintenir les prix d'apport aux coopérateurs pour la récolte 2019 à ceux pratiqués pour la récolte 2018 compte-tenu de la situation actuelle des marchés,

- que l'application de l'ordonnance sur la coopération agricole du 24 avril 2019 n'impactera pas l'exploitation de la Cave des Hautes Côtes compte-tenu des méthodes pratiquées en terme de rémunération des apports et de la transparence de l'information communiquée aux coopérateurs lors de l'assemblée générale d'approbation des comptes .

Le juge des référés en déduit que la société Vignoble des Mouchottes ne verse pas d'élément propre à accréditer l'existence d'un risque économique considérable qui justifierait l'organisation d'une expertise.

Il relève que la demanderesse excipe d'une diminution constante du nombre d'adhérents sans verser le moindre élément propre à corroborer cette information alors que le nombre des adhérents figure sur les procès verbaux des assemblées générales et qu'il était de 94 au jour de l'assemblée générale relative à l'exercice clos le 31 décembre 2019.

* * * * *

La SAS Vignoble des Mouchottes et la Searl AJRS es qualité d'administrateur judiciaire de ladite SAS font appel par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel le 22 décembre 2020.

Par conclusions n°3 déposées le 7 avril 2021, elles demandent à la cour d'appel de:

' Vu notamment l'article 145 du code de procédure civile,

- Réformer l'ordonnance dont appel,

- Désigner tel expert judiciaire qu'il plaira à la cour d'appel de Dijon,

- Ordonner à l'expert judiciaire de réaliser la mission suivante :

- Convoquer les parties sur place, au siège la société au [...]

21200 Beaune et se faire remettre tout document qu'il estimera utile,

- Prendre connaissance des documents que remettront les parties,

- Obtenir et retracer les valorisations des apports de tous les types de produits apportés par la SAS Vignoble des Mouchottes depuis le 1er janvier 2015,

- Faire l'inventaire des prix publics disponibles de ces types de produits depuis le 1er janvier 2015 et à défaut, les cours déterminés par le Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne, et les prix de ces quantités repris par les arrêtés préfectoraux fixant les montants des fermages dans le même département,

- Déterminer les causes pour lesquelles La Cave des Hautes Côtes n'a pas été en capacité de valoriser les récoltes de ses adhérents sur la base des prix publics,

- Chiffrer l'écart intervenu entre les prix fixés par la société coopérative et les prix publics disponibles, et le manque à gagner pour la SAS Vignoble des Mouchottes,

- Se faire communiquer tous documents notamment sur l'évolution du nombre des adhérents de La Cave des Hautes Côtes et des surfaces engagées par ces adhérents, et le nombre des adhérents ayant notifié leur retrait depuis le 1er janvier 2015,

- Décrire l'évolution du chiffre d'affaires mensuel de la société coopérative depuis le 1er janvier 2015, et l'évolution des volumes apportés par les associés coopérateurs,

- Se faire communiquer le détail des chiffres d'affaires mensuels depuis le 1er janvier 2020,

- Se faire communiquer le détail et le montant des concours court terme utilisés par la

société Coopérative,

- Se faire communiquer tous documents utiles sur le niveau de stock au 31 décembre

2019, et au 31 décembre 2020,

- Donner son avis sur la situation économique (trésorerie et exploitation) prévisible à

24 mois de La Coopérative en prenant en compte les critères suivants :

* Le montant des charges fixes de la société coopérative, et des prix de revente des quantités apportées,

* L'endettement de la société coopérative qui résulterait de la valorisation des récoltes des adhérents sur la base des prix publics disponibles,

* L'évolution prévisible du nombre des adhérents et des surfaces engagées,

* Les perspectives de chiffre d'affaires de La Cave des Hautes Côtes,

* L'augmentation du risque de sinistres sur les récoltes liés aux aléas climatiques,

* Le niveau de stock au 1er janvier 2020, et au 1er janvier 2021,

* Le montant des concours bancaires.

- Réunir tous les éléments pouvant permettre au tribunal de statuer ultérieurement sur

les responsabilités,

- Donner toutes indications sur les troubles et préjudices de toutes sortes pouvant être subis par les requérantes,

- Faire plus généralement toute constatation utile à la solution du présent litige,

- Répondre aux dires et observations des parties.

- Donner acte à la SAS Vignoble des Mouchottes qu'elle s'engage à prendre en charge l'avance des frais d'expertise,.

- Dire que l'expert devra déposer son rapport dans un délai de 4 mois,

- Déclarer irrecevable la demande de dommages intérêts formée par la SCA La Cave des Hautes Côtes,

- Débouter la SCA La Cave des Hautes Côtes de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner la société Cave des Hautes Côtes à payer à la société SAS Vignoble des Mouchottes la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens'.

Les appelantes rappellent que la société Vignoble des Mouchottes est une société qui exploite un domaine viticole de 70 hectares dans les Hautes Côtes de Beaune, et qui fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ouverte par jugement du tribunal de commerce de Dijon le 21 mai 2019 ; qu'elle est associé coopérateur adhérente de La Cave des Hautes Côtes, et représente le plus gros apporteur de cette dernière, représentant à elle seule plus de 15% des surface.

Après avoir rappelé les motifs ayant amené la SAS Vignoble des Mouchottes à demander une expertise judiciaire, elles critiquent les motifs retenus par le premier juge pour rejeter cette demande.

Elles soutiennent que la demande d'expertise n'était pas exclusivement fondée sur une éventuelle action fondée sur l'article L 651-12 du code de commerce, la SAS disposant d'une 'multitude de possibilités d'actions judiciaires' à l'encontre de la Cave des Hautes Côtes (exception d'inexécution quant à son obligation d'apport en cas de défaut de paiement ou de paiements insuffisants, action en responsabilité en cas de défaut de paiements ou de paiements insuffisants, action en responsabilité pour fixation de prix abusivement bas, défaut d'information, défaut d'alerte sur une situation financière obérée...), et que la SCA est dans l'incapacité de justifier que ces actions seraient manifestement vouées à l'échec; que le motif légitime est ainsi très clairement caractérisé.

En réponse au motif selon lequel, en utilisant les droits qui lui sont ouverts, et en participant aux assemblées générales de la société coopérative, ce dont elle semble s'abstenir, la SAS Vignobles des Mouchottes serait en mesure de disposer d'une part importante des informations qui lui seraient nécessaires pour appréhender la situation économique de la SCA et apprécier le risque économique à venir, et qu'elle ne verse pas d'élément propre à accréditer l'existence d'un risque économique considérable qui justifierait l'organisation d'une expertise, elles indiquent :

* que si le premier juge retient que la SAS serait en mesure de disposer d'une part importante des informations , cela signifie qu'elle ne dispose pas de toutes les informations utiles ;

* que parmi les informations qui seraient à disposition de la SAS selon les allégations de la SCA , les parties sont contraires en leur appréciation, et l'intervention d'un expert est indispensable ; qu'il en est ainsi s'agissant par exemple de tout ce qui 'cerne les valorisations et prix pratiqués' ;

* que le premier juge semble exiger que le risque économique soit 'considérable' pour légitimer une expertise, et que cette condition semble excessive ; que le terme 'considérable' méconnaît les dispositions de l'article 145 du CPC ;

* que depuis de nombreux mois, la SAS cherche en vain à savoir si la SCA pourra lui payer les récoltes apportées, et que l'attitude de la SCA qui persiste à ne pas vouloir renseigner sur l'état actuel et futur de sa trésorerie ainsi que sur l'évolution de ses stocks, est particulièrement inquiétante puisque cela laisse supposer qu'elle essaye de masquer la réalité ; qu'elle a en effet produit quelques éléments comptables, mais que ceux-ci sont insuffisants pour appréhender sa solvabilité future ;

* que cette solvabilité est d'autant plus incertaine, qu'après la récolte 2021, la SAS ne sera plus associée apporteur, mais que la SCA , qui aura donc perdue son principal associé, devra encore lui payer les récoltes apportées sur 3 exercices.

Elles ajoutent que le motif légitime est aussi constitué par le risque, qui n'a pas besoin d'être considérable, de défaillance de la Cave des Hautes Côtes, laquelle a elle-même attiré l'attention du tribunal de commerce sur sa situation précaire et soulignant dans un courrier du 8 juillet 2019 que la priver brutalement des apports de la SAS Vignoble des Mouchottes serait la condamner ; que les pièces communiquées la veille de l'audience renforcent cette légitimité alors que l'état des stocks produit n'est pas suffisamment précis.

Elles soutiennent que, contrairement à ce qu'affirme la SCA , la mesure sollicitée n'est pas une expertise de gestion au sens des articles L 225-231 et suivants du code de commerce; que ce type d'expertise ne se caractérise pas par le contenu de la mission, mais par les personnes la sollicitant, et que le juge qui ordonne une expertise a toute latitude pour fixer la mission qu'il estime opportune, peu importe que des procédures particulières soient prévues dans certaines circonstances.

En réponse à la demande de dommages intérêts présentée par la SCA , elles répliquent que le juge des référés n'a pas le pouvoir d'en accorder et qu'il n'y a ni faute caractérisée ni préjudice.

Par conclusions déposées le 6 avril 2021, la SCA Les Caves des Hautes Côtes demande à la cour de :

' Réformer partiellement l'ordonnance rendue par Monsieur le président du tribunal judiciaire de Dijon le 16 décembre 2020, du seul chef ayant débouté la SCA La Cave des Hautes Côtes de sa demande de dommages et intérêts.

Statuant à nouveau de ce chef,

- Condamner la SAS Vignoble des Mouchottes à payer à la SCA La Cave des Hautes Côtes la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts. A défaut de condamnation, fixer à ce montant la créance chirographaire de la SCA La Cave des Hautes Côtes au passif de la procédure de sauvegarde ouverte au bénéfice de la SAS Vignoble des Mouchottes,

- Confirmer pour le surplus l'ordonnance de Monsieur le président du tribunal judiciaire en date du 16 décembre 2020,

Y ajoutant, condamner la SAS Vignoble des Mouchottes à payer à la SCA La Cave des Hautes Côtes la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. A défaut de condamnation, fixer à ce montant la créance chirographaire de la SCA La Cave des Hautes Côtes au passif de la procédure de sauvegarde ouverte au bénéfice de la SAS Vignoble des Mouchottes,

- Condamner la SAS Vignoble des Mouchottes aux dépens ou ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective'.

Elle rappelle que le référé in futurum forme une procédure spécifique et autonome dont l'objet est de réunir la preuve de faits utiles et pertinents à la solution du procès projeté par le demandeur ; que ce dernier doit donc justifier d'un intérêt probatoire, de l'existence d'un motif légitime, et caractériser un lien suffisant entre le litige futur, la mesure sollicitée et les faits qui en sont à l'origine ; qu'il incombe à la SAS de prouver que l'action dans la perspective de laquelle la mesure est sollicitée n'est pas manifestement vouée à l'échec comme irrecevable ou mal fondée.

Elle estime que la SAS Vignoble des Mouchottes ne démontre pas remplir ces conditions et que c'est par des moyens inopérants qu'elle tente de critiquer deux motifs de l'ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire.

Elle ajoute que le président du tribunal judiciaire a exactement relevé que l'action engagée sur le fondement de l'article L 651-2 du code de commerce, texte expressément visé dans l'assignation, ne peut être exercée, en cas de liquidation judiciaire, que par le liquidateur et le ministère public mais aussi par la majorité des contrôleurs en cas de carence du liquidateur

Elle relève que la SAS affirme en cause d'appel qu'elle disposerait d'une 'multitude de possibilités d'actions judiciaires à l'encontre de la Cave des Hautes Côtes, mais qu'elle n'en cite que trois; qu'elle n'avait pas évoqué en première instance une possible 'action en responsabilité en cas de défaut de paiements ou de paiements insuffisants' ou une 'action en responsabilité pour fixation de prix abusivement bas, défaut d'information, défaut d'alerte sur une situation financière obérée' et qu'elle ne peut donc pas reprocher au premier juge de ne pas avoir apprécié le bien fondé de sa demande par rapport à ces actions qui, en tout état de cause, ne peuvent pas justifier une mesure d'instruction in futurum.

Concernant une 'exception d'inexécution quant à son obligation d'apport en cas de défaut de paiement ou de paiements insuffisants' invoquée par les appelantes, elle souligne que le président du tribunal judiciaire a relevé en page 5 de son ordonnance que 'Bien qu'aucune autre action ne soit explicitement nommée, il peut se déduire de la référence aux dispositions des articles 1219 et 1220 du code civil qu'elle envisage de se prévaloir dans une procédure judiciaire de l'exception d'inexécution', et qu'il a répondu par une motivation particulièrement claire et précise développée en pages 5 à 7 de son ordonnance pour en déduire à bon droit que la mesure d'expertise sollicitée par la SAS était dépourvue d'utilité et ne reposait pas sur un motif légitime.

Elle ajoute que la SAS fait valoir que la liste des 3 possibles actions qu'elle désigne 'n'est pas limitative' et qu'elle 'pourra faire valoir ses droits sur plusieurs fondements juridiques', mais que la cour ne peut pas ordonner une mesure d'expertise sur la base de l'article145 du code de procédure alors que la SAS, en s'abstenant de préciser ses soi disant autres possibles actions, l'empêche par là même d'apprécier l'existence d'un motif légitime.

Concernant le grief fait par la SAS au président du tribunal judiciaire d'avoir retenu qu''en utilisant les droits en vertu des dispositions précitées qui lui sont ouverts et en participant aux assemblées générales de la société coopérative ce dont elle semble s'abstenir la SAS Vignobles des Mouchottes serait en mesure de disposer d'une part importante des informations qui lui seraient nécessaires pour appréhender la situation économique de la SCA la Cave des Hautes Côtes et apprécier le risque économique à venir', elle estime que l'appelante dénature ce motif pour en déduire faussement qu'il signifie qu'elle ne disposerait pas de toutes les informations ' utiles ' ; qu'au surplus cette critique est vaine dès lors qu'elle ne justifie pas de l'intérêt probatoire de la mesure d'expertise sollicitée dans la perspective des actions dont elle allègue.

Sur le reproche fait au magistrat d'avoir utilisé le terme 'considérable' et d'avoir ainsi méconnu les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, elle réplique que l'appelante sait bien pourquoi le président a utilisé le terme "considérable" dans les motifs de son ordonnance dès lors qu'il répondait aux propres moyens de la SAS qui, en page 4 dernier paragraphe de son assignation, se prévalait pour tenter de justifier sa demande d'expertise d''un risque économique considérable à venir et étant le fruit de l'augmentation des petites récoltes dus aux aléas climatiques, la diminution constante du nombre d'adhérents'.

Elle ajoute que la SAS n'établit pas plus en cause d'appel l'existence d'un motif légitime et l'intérêt probatoire d'une mesure d'expertise en vue d'un procès qui aurait pour objet une "exception d'inexécution quant à son obligation d'apport en cas de défaut de paiement ou de paiements insuffisants "dès lors qu'elle a notifié son retrait de la SCA avec effet au 31 décembre 2021, considérant par la même qu'il lui reste à apporter une seule vendange à la coopérative ; que l'intérêt probatoire d'une mesure d'expertise par référence aux articles 1219 et 1220 du code civil ne peut donc s'apprécier que par rapport à l'obligation d'apport de la SAS en 2021 ; que l'action dans la perspective de laquelle la mesure est sollicitée et dont l'objet vise à ne pas exécuter l'obligation d'apport de la récolte 2021 à la coopérative est manifestement vouée à l'échec alors :

* qu'une telle action, qui tend à la suspension de l'exécution du contrat de coopération se heurte à la force de chose jugée et au caractère exécutoire attachés à l'arrêt rendu le 11 février 2021 par la cour de céans qui a confirmé le jugement rendu le 7 octobre 2019 par le tribunal de grande instance Dijon et y ajoutant : 'Dit que l'obligation de livraison de la totalité des récoltes de son exploitation mise à la charge de la société Vignobles des Mouchottes s'applique aux vendanges 2018, 2019 ainsi qu'aux vendanges effectuées ou à effectuer postérieurement, tant que durera le contrat de coopération liant les parties,'

* qu'une telle action se heurte également au fait que la SAS ne peut prétendre au bénéfice de l'article 1220 du code civil alors que le contrat coopératif qui la lie à la SCA a été conclu avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016,

* que l'obligation de livraison des apports précède celle de rémunération des produits livrés à la coopérative.

Elle souligne qu'en tout état de cause, si la SAS allègue de la possibilité 'd'une exception d'inexécution quant à son obligation d'apport (en 2021) en cas de défaut de paiements ou de paiements insuffisants', elle ne justifie pas pour autant d'une difficulté probatoire dès lors qu'un défaut de paiement est aisé à établir pour tout créancier dès lors qu'il résulte du simple fait que le débiteur ne justifie pas ainsi qu'il lui incombe être libéré de son obligation de paiement ; qu'il en est de même s'agissant des paiements soi disant insuffisants alors que la SAS est en mesure de justifier des rémunérations qu'elle encaisse de la coopérative ainsi que des prix publics (cours du BIVB ou arrêtés préfectoraux fixant le prix moyen des récoltes pour calculer les fermages départementaux - sa pièce D page 4) ; qu'elle a d'ailleurs elle même établi un tableau comparatif des-dites valorisations même si ce comparatif est faux dès lors qu'elle compare un prix public brut avec les rémunérations nettes que lui verse la coopérative, un prix total avec des acomptes auxquelles s'ajoutent les compléments de prix et ristournes versés par la coopérative.

Elle soutient que la SAS ne démontre pas le défaut d'information dont elle se plaint en tant qu'associé coopérateur ; que le droit d'information des associés coopérateurs des sociétés coopératives agricoles est encadré par les dispositions spécifiques du code rural et les modèles de statuts réglementés, et que tous les éléments d'information sont déjà en sa possession ou peuvent l'être aisément dès lors que :

- tout associé coopérateur peut, conformément à l'article R524-13 alinéa 1 du code rural, prendre connaissance avant chaque assemblée générale 'du document prévu au III de l'article L. 521-3-1, des comptes annuels, du rapport aux associés, du texte des résolutions proposées, des comptes consolidés ou combinés, du rapport sur la gestion du groupe et des rapports des commissaires aux comptes ',

- les procès verbaux des assemblées générales ainsi que les documents susvisés sont publiés auprès du Registre du Commerce et des Sociétés de Dijon dont dépend la SCA ,

- dans le mois qui suit l'assemblée générale ordinaire, une information sur la rémunération définitive globale liée aux apports de l'associé coopérateur, incluant le prix des apports versé sous forme d'acompte et de compléments de prix et les ristournes, est transmise à chaque associé coopérateur. (Article L521-3-1 IV du code rural),

- tout associé coopérateur, conformément à l'article 9 des statuts et L524-4-1 du code rural, a le droit d'obtenir à toute époque communication des statuts et du règlement intérieur et des documents suivants concernant les trois derniers exercices clos :

* les comptes annuels, le cas échéant, les comptes consolidés ou combinés, la liste des administrateurs

* les rapports aux associés coopérateurs du conseil d'administration et des commissaires aux comptes soumis à l'assemblée

* les procès-verbaux d'assemblées générales ordinaires et extraordinaires.

Elle ajoute que, pour faire reste de procès et n'éluder aucun débat, elle tient à souligner que la SAS ne produit aucun élément rendant crédibles ses affirmations quant à un soit disant 'risque économique grave pesant sur la coopérative (depuis 2017) et qui l'empêchera de régler les récoltes qu'elle doit recevoir de la SAS Vignoble des Mouchottes' ; qu'au contraire, depuis 2017, toutes les preuves convergent pour démontrer que la situation économique et les résultats de la SCA sont tout à fait satisfaisants; que cela résulte notamment :

- des comptes annuels, des rapports du conseil d'administration aux associés coopérateurs, des rapports du commissaire aux comptes et de sa certification des comptes dont ceux approuvés par l'assemblée générale des associés coopérateurs le 25 septembre 2020,

- de la note de synthèse du cabinet ETC expert comptable, qui est également celui de la SCA La Chablisienne de la SAS Vignoble des Mouchottes,

- du comparatif des stocks de la coopérative au 31 décembre 2019 par rapport à ceux des exercices 2018, 2017 et 2016,

- de l'attestation du co- commissaire aux comptes concernant les chiffres d'affaires réalisés par la SCA du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020 malgré la crise sanitaire,

- de la cotation F4+ attribuée par la Banque de France de la SCA le 21 septembre 2020, soit après la crise sanitaire,

- du paiement scrupuleux et sans défaillance aucune des sommes dues par la coopérative à ses associés coopérateurs, dont la SAS Vignoble des Mouchottes,

- de l'absence de toute procédure d'alerte par les commissaires aux comptes tenus d'une mission légale,

- de l'absence de toute réserve par les commissaires aux comptes quant à la poursuite de l'exploitation et quant à la pérennité de la SCA .

Elle souligne, s'agissant de l''action en responsabilité pour fixation de prix abusivement bas, défaut d'information, défaut d'alerte sur une situation obérée', que la SAS ne justifie pas d'avantage d'un intérêt probatoire et de l'existence d'un motif légitime alors que, par arrêt en date du 24 février 2021, le Conseil d'État a annulé les dispositions de l'ordonnance n°2021-362 du 24 avril 2019 auxquelles se réfère la SAS pour prétendre qu'elle serait en droit d'engager une action en responsabilité pour fixation de prix abusivement bas à l'encontre de la SCA .; qu'en outre, elle n'a jamais justifié à l'appui de ses conclusions d'une difficulté probatoire au regard de l'article L521-3-1 V du code rural alors qu'elle encaisse et donc connaît les rémunérations que lui verse la SCA , qu'elle les a comparés aux prix publics et qu'elle est donc en mesure de les comparer aux indicateurs prévus à l'article susvisé du code rural.

Elle ajoute que si la SCA fixait des prix abusivement bas et donc illégaux, la procédure de révision légale dont elle a récemment fait l'objet, ainsi que les rapports légaux des commissaires aux comptes , n'auraient pas manqué de le dénoncer; qu'au surplus, la SAS sait pertinemment que les rémunérations versées par la SCA sont en progression constante et ne sont manifestement pas abusivement basses, et qu'elle s'est bien gardée d'engager la procédure qui était spécifiquement prévue au paragraphe V de l'article L521-3-1 du code rural.

S'agissant du prétendu défaut d'information qui justifierait une action en responsabilité, elle réplique qu'elle justifie qu'elle n'a jamais refusé et a toujours satisfait à son obligation d'information dans le respect des articles L524-4-1 et R524-13 du code rural.

S'agissant enfin du 'défaut d'alerte sur une situation financière obérée', elle souligne qu'une action en responsabilité fondée sur un prétendu défaut ne peut viser que les commissaires aux comptes de la SCA et non pas cette dernière; qu'au surplus, la SAS dispose de leurs rapports ainsi que de leurs attestations et se refuse en revanche à produire la réponse de Monsieur K., commissaire aux comptes , suite à la lettre qu'elle lui a adressée le 13 septembre 2019 concernant la situation économique et la pérennité de la SCA .

Elle relève que la mission d'un expert nommé sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut pas consister à donner un avis sur la gestion des administrateurs et encore moins sur leur gestion à venir comme le sollicite la SAS ; que c'est en réalité une expertise de gestion déguisée que sollicite la SAS alors qu'elle ne peut pas ignorer que les conditions légales prévues par les articles L225-231 et suivants du code de commerce ne sont pas réunies et sont inapplicables à la SCA dès lors qu'elle n'est ni une société commerciale ni même une société civile au regard de l'article L521-1 alinéa 2 du code rural.

La Selarl MJ & Associés es qualité d'administrateur judiciaire de la SAS Vignoble des Mouchottes n'ayant pas constitué avocat, la SAS Vignoble des Mouchottes et la Selarl AJRS es qualité lui signifient la déclaration d'appel et l'avis de fixation à bref délai par acte d'huissier du 7 janvier 2021, puis leurs conclusions par acte d'huissier du 8 février 2021.

Par courrier du 19 janvier 2021, la Selarl MJ & Associés, indique que, s'agissant d'une procédure de sauvegarde elle ne sera ni présente ni représentée.

En application des articles 455 et 634 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIVATION

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

Le demandeur à une expertise doit en conséquence justifier d'un intérêt probatoire, de l'existence d'un motif légitime, et caractériser un lien suffisant entre le litige futur, la mesure sollicitée et les faits qui en sont à l'origine. Il lui incombe de prouver que l'action dans la perspective de laquelle la mesure est sollicitée n'est pas manifestement vouée à l'échec comme irrecevable ou mal fondée.

Les appelantes ne contestent pas l'ordonnance en ce qu'elle a retenu que l'action en responsabilité prévue par l'article L 651-2 du code de commerce n'était pas ouverte à la SAS Vignoble des Mouchottes et ne pouvait pas justifier la mesure d'expertise sollicitée.

Elles soutiennent qu'elles disposent d'une 'multitude de possibilités d'actions judiciaires à l'encontre de la SCA La Cave des Hautes Côtes', et en citent trois, à savoir :

- une exception d'inexécution quant à l'obligation d'apport en cas de défaut de paiement ou de paiement insuffisant,

- une action en responsabilité en cas de défaut de paiement ou de paiement insuffisant,

- une action en responsabilité pour fixation du prix abusivement bas, défaut d'information, et défaut d'alerte sur une situation obérée.

Elles ajoutent 'étant précisé que cette liste n'est pas limitative et que la société Vignoble des Mouchottes pourra faire valoir ses droits sur plusieurs fondements juridiques'.

Or dès lors que la légitimité de la demande d'instruction doit être appréciée au regard de la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige qu'il convient soit de conserver soit d'établir, le demandeur à une expertise ne peut pas se contenter d'invoquer de possibles actions sur de possibles fondements juridiques sans plus de précisions.

Il s'en déduit que la légitimité de la demande d'expertise, que la SCA La Cave des Hautes Côtes conteste, ne pourra être appréciée par la cour qu'au regard des actions citées par les appelantes comme étant susceptibles d'être engagées à l'encontre de l'intimée.

S'agissant de l'exception d'inexécution quant à l'obligation d'apport en cas de défaut de paiement et à une action en responsabilité en cas de défaut de paiement , la SCA réplique à juste titre que la SAS Vignoble des Mouchottes ne lui a jamais reproché de ne pas lui avoir payé les apports réalisés, et d'autre part que l'obligation de payer les apports est consécutive à la réalisation par la société membre de la coopérative de ses apports.

Par ailleurs, la SAS n'explique pas en quoi la mesure d'expertise sollicitée serait nécessaire dès lors que, si la SCA devait un jour être défaillante dans le paiement des apports qui lui ont été faits, la preuve de ce manquement serait aisée tout comme celle de sa responsabilité dans le préjudice en résultant pour son associée.

D'autre part, au regard de la date de signature du contrat, les dispositions de l'article 1220 nouveau du code civil sont inapplicables.

Derrière les termes 'paiement insuffisant' employés par les appelantes, il ressort de leurs explications qu'elles entendent en réalité mettre en cause la valorisation des apports faits à la coopérative.

Or, à juste titre, le premier juge, par une motivation que la cour fait sienne, a relevé que la SAS Vignoble des Mouchottes disposait déjà des éléments pour lesquels elle demandait une expertise dès lors :

- qu'elle a nécessairement connaissance de la valorisation de ses apports à la coopérative depuis le 1er janvier 2015 puisqu'ils lui ont été payés, que tous ces éléments figurent donc dans sa comptabilité, et que d'ailleurs elle les exploite dans ses propres écritures,

- qu'il n'est nullement besoin d'une expertise judiciaire pour établir les prix public appliqués aux produits qu'elle a apportés à la coopérative depuis le 1er janvier 2015, les cours déterminés par le BIVB, et le contenu des arrêtés préfectoraux fixant les montants des fermages dans le département,

- que l'écart entre les prix fixés par la coopérative et les prix publics disponibles n'a pas plus besoin pour être établi d'une expertise judiciaire puisque la SAS dispose de ces éléments à partir desquels elle a elle même dressé un tableau comparatif des écarts de valorisation pour 2018 et chiffré dans son assignation le préjudice qu'elle soutient avoir subi pour les années 2014 à 2017 dans son assignation.

La SAS Vignoble des Mouchottes n'a jamais contesté que la SCA La Cave des Hautes Côtes respectait les obligations d'information s'imposant à elle en application tant de ses statuts que des dispositions du code rural à l'égard de ses associés, et n'a jamais fait état d'une quelconque difficulté pour obtenir ces informations .

Il s'en déduit que la nécessité d'une expertise pour connaître l'évolution du nombre des adhérents et des surfaces engagées par les adhérents, l'évolution du chiffre d'affaire de la coopérative, l'évolution des volumes apportés par les associés coopérateurs, le détail des chiffres d'affaire mensuels, le détail et le montant des concours court terme utilisés par la coopérative, le niveau de stock aux 31 décembre 2019 et 2020, et l'utilisation qui a été faite de la récolte apportée en intégralité pour 2019 n'est nullement démontrée.

Surtout, si l'ordonnance n°2021-362 du 24 avril 2019 avait prévu la possibilité pour toute personne justifiant d'un intérêt d'engager la responsabilité d'une coopérative pour fixation abusivement basse de la rémunération des apports, les dispositions de l'article L 521-3-1 V du code rural ainsi créées ont été annulées par décision du Conseil d'Etat du 24 février 2021 ainsi que le souligne à juste titre la SCA , ce dont il résulte qu'une action en responsabilité engagée sur ce fondement par les appelantes serait nécessairement vouée à l'échec.

Il s'en déduit que les appelantes ne justifient pas d'un motif légitime à obtenir l'organisation d'une expertise visant à 'déterminer les causes pour lesquelles la Cave des Hautes Côtes n'a pas été en capacité de valoriser les récoltes de ses adhérents sur la base des prix publics'.

Pour justifier du bien fondé de la seconde partie de la mission concernant la 'situation économique prévisible à 24 mois de la coopérative' qu'elle entend voir confier à un expert judiciaire, la SAS Vignoble des Mouchottes soutient qu'elle est fondée à connaître la capacité de règlement par la coopérative de ses apports compte-tenu des risques que cette dernière a elle même invoqués, risques lié à la baisse des adhérents et aux petites récoltes dues aux aléas climatiques, ainsi qu'à la crise sanitaire, tant pour anticiper un risque de non-paiement de ses apports que parce qu'en cas de liquidation judiciaire de la coopérative en sa qualité d'associée elle serait tenue d'une responsabilité financière à hauteur de deux fois le capital détenu par application de l'article 55 des statuts. Elle fait également état d'une possible action en responsabilité pour augmentation du passif ajoutée à l'action en responsabilité pour défaut d'alerte.

La cour relève en premier lieu qu'il paraît pour le moins improbable qu'en expert, quelle que soit sa spécialité, puisse donner un avis sur l'évolution prévisible à 24 mois du nombre des adhérents et des surfaces engagées (qui dépend de décisions propres aux-dits adhérents), sur l'augmentation sur la même période du risque de sinistres sur les récoltes (qui relève de la météorologie) ou sur le montant des concours bancaires (qui relève de décisions des établissements de crédit).

S'agissant de l'action en responsabilité pour défaut d'alerte, elle ne peut être engagée qu'à l'encontre d'un commissaire aux comptes . Quant à l'action en responsabilité pour augmentation du passif, elle est totalement étrangère au risque de défaut de paiement de ses apports allégué par la SAS au soutien de sa demande d'expertise.

La Coopérative relève par ailleurs que, dès lors que la SAS Vignoble des Hautes Côtes lui a notifié son retrait avec effet au 31 décembre 2021, sa responsabilité financière telle que prévue par l'article L 526-1 du code rural en cas de liquidation judiciaire de la SCA ne pourrait plus être engagée postérieurement à cette date.

Quant à la situation économique et aux résultats de la Coopérative, celle-ci, dont les comptes annuels arrêtés ont été certifiés et approuvés lors de l'assemblée générale du 25 septembre 2020, produit aux débats une attestation de son commissaire aux comptes concernant le chiffre d'affaires réalisé en 2020 qui mentionne une augmentation de ce chiffre par rapport à celui de 2019 malgré la crise, augmentation correspondant à une augmentation corrélative de la quantité de vins vendus, la cotation F4 + attribuée le 21 septembre 2020 par la Banque de France qui exprime la capacité de l'entreprise à honorer ses engagements financiers sur un horizon de 3 ans, ainsi qu'un comparatif de ses stocks aux 31 décembre 2019 et au 31 décembre 2020.

Elle justifie par ailleurs avoir dûment versé les acomptes dûs à la SAS en février et mars 2021.

La SAS Vignoble des Mouchottes fait état, sans produire le moindre justificatif, d'une créance exigible de 689 575,18 € au titre des récoltes 2017, 2018 et 2019, montant contesté par la Coopérative, mais elle n'a jamais reproché à cette dernière de ne pas avoir respecté les modalités de règlement des apports dont elle précise elle même qu'il se déroule sur trois années.

Faisant état d'un courrier adressé le 8 juillet 2019 par la Coopérative au tribunal de commerce dans le cadre d'une autre instance dans lequel l'intimée attirait l'attention des magistrats sur les difficultés financières qu'un défaut subit d'apport de sa récolte par la SAS Vignoble des Mouchottes entraînerait pour elle, elle en déduit que, dès lors qu'elle a notifié son retrait de la coopérative au 31 décembre 2021, elle est fondée à craindre que l'intimée ne soit pas en état de lui payer ses apports.

Il se déduit de ces explications que la SAS cherche en réalité, par l'expertise demandée, à se pré-constituer non pas la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, mais de potentielles difficultés financières à venir de la Coopérative dont elle pourrait arguer pour refuser de lui remettre sa récolte 2021 en invoquant l'exception d'inexécution alors qu'il a été déjà retenu plus haut que les dispositions de l'article 1220 nouveau du code civil ne sont pas applicables aux relations contractuelles entre les parties.

L'ordonnance sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a retenue que la SAS Vignoble des Mouchottes ne justifiait pas d'un motif légitime et l'a déboutée de sa demande d'expertise.

La SCA La Cave des Hautes Côtes réitère sa demande de dommages intérêts au motif que la SAS de mauvaise foi se livrerait à des manoeuvres et actions en justice répétées à son encontre lui causant des préjudices matériels liés aux tracas et à la perte de temps et une atteinte à son image.

Cependant, il n'appartient pas au juge des référés, saisi d'une demande d'expertise, de statuer sur une demande de dommages intérêts en indemnisation de préjudices résultant d'autres procédures que celle qui lui est soumise, et la Coopérative n'établit pas que, s'agissant de la présente procédure, les appelantes auraient abusé de leur droit d'agir et de faire appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance du 16 décembre 2020 en toutes ses dispositions,

Condamne la SAS Vignoble des Mouchottes aux dépens de la procédure d'appel,

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Vignoble des Mouchottes à verser à la SCA La Cave des Hautes Côtes 2 000 € pour ses frais liés à la procédure d'appel.