Livv
Décisions

Cass. crim., 9 septembre 2020, n° 19-82.749

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Avocats :

SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Piwnica et Molinié

Papeete, du 21 fév. 2019

21 février 2019

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Les consorts A..., U... et N... T... ont porté plainte devant le procureur de la République, le 4 avril 2011, dénonçant notamment l'usage d'un faux acte, dit de confirmation de donation mutuelle entre époux, par M. R... lors de l'assemblée générale du 6 novembre 2009 de la société Sud Pacific Investments, exploitante d'un hôtel, dans laquelle les plaignants et ce dernier ont des intérêts, un tel acte lui ayant permis de se présenter comme unique héritier des actions détenues par son épouse décédée et, en conséquence, d'exercer indûment plus de droits que ne lui en donnaient ses propres participations financières dans la gestion sociale.

3. Dans le cadre d'une information ouverte le 16 juin 2011 à la suite d'une enquête préliminaire diligentée des chefs de faux et usage déclenchée sur plainte des Consorts T... contre M. Q..., administrateur judiciaire provisoire de la société, M. R..., mis en examen, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef d'usage de faux en écritures publiques.

4. Déclaré coupable du délit d'usage de faux prévu par l'article 441-1 du code pénal après requalification des faits, il a interjeté appel de cette décision.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen est pris de la violation des articles 121-3, 441-1, 441-4, 441-9, 441-10 et 441-11 du code pénal, 7, 8, 9, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale, violation de la loi.
6. Il critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription de l'action publique pour infraction d'usage de faux en ce qui concerne l'acte dit de « confirmation de donation mutuelle » du 12 avril 1985, alors :

« 1°/ que la plainte simple adressée au procureur de la République ne constitue pas un acte de poursuites ou d'instruction de nature à interrompre la prescription de l'action publique ; que la plainte contre X déposée le 4 avril 2011 par les consorts T... auprès du procureur de la République ne comportait pas d'effet interruptif ; qu'en affirmant le contraire pour rejeter l'exception de prescription de l'action publique, la cour a violé les textes cités au moyen,

2°/ qu'un acte d'information ne peut interrompre la prescription de l'action publique que s'il a trait à l'infraction à l'encontre de laquelle est invoquée ladite prescription ; qu'en l'espèce le soit-transmis du 5 avril 2011, émanant du procureur de la République du tribunal de première instance de Papeete, avait pour but de faire diligenter une enquête pour des faits de faux et d'usage de faux reprochés à Me Q..., administrateur judiciaire, et ne concernait pas des actes qui auraient été reprochés à M. R... ; que ce soit-transmis ne pouvait avoir interrompu la prescription de l'action publique à l'encontre des faits d'usage de faux reprochés à M. R... qui auraient été commis le 6 novembre 2009 ; qu'en jugeant cependant que, le soit transmis du 5 avril 2011 aurait interrompu la prescription de l'infraction d'usage du document intitulé « confirmation de donation mutuelle » par M. R..., la cour d'appel a violé les articles précités,

3°/ qu'un acte d'information ne peut interrompre la prescription de l'action publique que s'il a trait à l'infraction à l'encontre de laquelle est invoquée ladite prescription ; que l'information ouverte le 16 juin 2011 par le procureur de la République contre X du chef de faux et d'usage de faux, qui intervenait ensuite du soit-transmis du 5 avril 2011 et était référencée sous le même numéro de parquet que ce soit-transmis (n°11003497), avait trait uniquement aux actes tels que reprochés à Me Q... et ne mettait pas en cause M. R... ; que l'information ouverte le 16 juin 2011 ne pouvait pas avoir interrompu la prescription de l'infraction d'usage de faux document consistant dans l'acte de « confirmation de donation mutuelle » qu'aurait prétendument commise M. R... ; qu'en jugeant cependant que le réquisitoire introductif du 16 juin 2011 avait interrompu la prescription de cette infraction reprochée à M. R..., la cour d'appel a violé les textes susvisés,

4°/ que l'insuffisance de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que M. R... faisait valoir dans ses conclusions (p.12 à 14) que le réquisitoire supplétif du 18 mars 2013 pris par le procureur de la République était le premier acte d'instruction accompli ayant trait à l'usage du prétendu faux document de confirmation de donation mutuelle du 12 avril 1985 par M. R..., et que s'agissant d'une infraction instantanée réalisée le 6 novembre 2009, elle était donc prescrite à compter du 6 novembre 2012 de sorte qu'au jour de l'accomplissement de ce premier acte d'instruction, soit le 18 mars 2013, l'infraction était prescrite ; qu'en se bornant à écarter l'exception de prescription invoquée par M. R... sans répondre à cette argumentation péremptoire, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision. »

Réponse de la Cour

7. Pour rejeter l'exception de prescription de l'action publique, l'arrêt énonce notamment que M. R... a reconnu avoir présenté le document argué de faux lors de l'assemblée générale de la société tenue le 6 novembre 2009, que le délai de prescription courait donc jusqu'au 6 novembre 2012, que les consorts T... ont porté plainte le 4 avril 2011 dénonçant expressément le faux que recèlerait la dite pièce et que le procureur ayant, par soit-transmis du 5 avril suivant fait diligenter une enquête préliminaire quant aux faits ainsi dénoncés susceptibles d'être qualifiés de faux et usage de faux, avant d'ouvrir une information contre personne non dénommée des chefs de ces délits le 16 juin 2011, la prescription de l'action publique a été interrompue.

8. En se déterminant ainsi, et dès lors que le soit-transmis délivré à la suite de la plainte portait bien sur les faits de faux et usage concernant l'acte de confirmation de donation mutuelle pour l'usage duquel M. R... a ensuite été renvoyé devant le tribunal correctionnel, la cour d'appel a justifié sa décision.

9. D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

10. Le moyen est pris de la violation des articles 121-3, 441-1, 441-4, 441-9, 441-10 et 441-11 du code pénal, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale, violation de la loi.

11. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a requalifié les faits en usage de faux et déclaré M. R... coupable d'usage de faux en ce qui concerne l'acte dit de « confirmation de donation mutuelle » , alors :

« 1°/ que l'altération de la vérité d'une signature et d'un cachet, mentionnés sur une copie arguée de faux, ne peut être établie que par la comparaison avec des exemplaires originaux de la copie arguée de faux ainsi que des documents utilisés pour la comparaison ; qu'en se fondant, pour retenir le caractère faux de la copie litigieuse, sur un rapport d'expertise établi à partir uniquement de copies : copie du document de confirmation de donation mutuelle du 12 avril 1985, copies de documents de comparaison, copie de procuration du 7 mars 1985 signée par Mme R..., copie de cachet de Me L..., notaire à [...], quand une telle démarche avait pourtant été critiquée par le prévenu dans ses écritures et officiellement condamnée par une ordonnance de non-entrée en matière rendue par la juridiction Suisse ayant eu à connaître de cette expertise, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;

2°/ que le faux suppose une altération de la vérité dans le document ; que M. R... se prévalait (ses conclusions, p. 17) du caractère réel des mentions figurant dans le document litigieux - à savoir la réalité de la donation mutuelle que le couple R... s'était consentie - et pour cela invoquait le témoignage d'un ancien associé fondateur de la société Sud Pacific Investissements, C... D... W..., ayant attesté (attestation du 27 mai 2016) que lors de l'acquisition de l'hôtel Hibiscus à Moorea par la société Sud Pacific Investissements en avril 1985, chaque associé avait dû faire état de son régime matrimonial et que M. R... avait alors joint en plus de son acte de mariage un document mentionnant une donation mutuelle entre lui et son épouse ; qu'il résultait de cette attestation l'exactitude des mentions que comportait le document litigieux, excluant l'existence d'un faux matériel ; que la cour d'appel qui n'a tenu aucun compte de cette attestation, en jugeant cependant que ce document était un faux, n'a pas justifié légalement sa décision ;

3°/ que l'infraction de faux suppose que la pièce contrefaite ou altérée soit susceptible d'occasionner à autrui un préjudice ; qu'en l'espèce M. R..., dans ses écritures (p. 15, dernier alinéa) avait indiqué qu'il avait produit la copie du document intitulé confirmation de donation mutuelle établi le 12 avril 1985 mais que cette production n'était valable et ne produirait effet qu'à la condition que l'original remis à Me L..., notaire à [...], soit retrouvé, ce qui démontrait que le document suspecté de fausseté n'était pas susceptible de causer le moindre préjudice ; qu'en retenant le caractère falsifié du document de confirmation de donation mutuelle, sans constater l'existence du préjudice qui était susceptible de résulter de ce document, ni répondre au chef péremptoire des écritures du prévenu, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;

4°/ que l'infraction de faux suppose pour être constituée la démonstration que le prévenu lorsqu'il a forgé les documents argués de faux avait la volonté délibérée d'altérer frauduleusement la vérité et la volonté, par cette altération frauduleuse de la vérité, de porter préjudice aux droits d'autrui ; qu'en retenant M. R... dans les liens de la prévention du chef de faux sans caractériser l'élément intentionnel du faux, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision. »

Réponse de la Cour

12. Pour retenir la culpabilité de M. R... du chef d'usage de faux par utilisation du document dit "confirmation de donation mutuelle" par lui utilisé lors de l'assemblée générale de la société SPI du 6 novembre 2009, l'arrêt énonce notamment, par motifs propres et adoptés, que l'expert judiciaire désigné en a retenu la fausseté manifeste car dressé au moyen de falsifications par application sur un acte sous seing privé du cachet photocopié d'une étude notariale et sur lequel a été apposée, prise d'une autre pièce, la signature supposée de l'épouse.

13. En l'état de ces énonciations procédant de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision.

14. Le moyen n'est ainsi pas fondé.


Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

15. Le moyen est pris de la violation des articles 6, 7 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 130-1, 132-1, 132-20 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale.

16. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a condamné M. R... à une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis alors « qu'en matière correctionnelle, toute peine d'emprisonnement avec sursis doit être motivée au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur ; qu'en prononçant un emprisonnement d'un an avec sursis, sans s'expliquer concrètement sur la personnalité de l'exposant, ni sur sa situation personnelle, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées. »

Réponse de la Cour

17. En relevant, pour confirmer la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis prononcée par le tribunal correctionnel, que le prévenu n'avait jamais été condamné, qu'il était veuf et âgé de 79 ans, qu'il avait des intérêts dans une société exploitant un hôtel et que les faits étaient anciens, la cour d'appel a justifié sa décision par des motifs qui satisfont aux exigences de l'article 132-1 du code pénal.

18. Le moyen ne saurait être accueilli.

19. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi

FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. R... devra régler aux Consorts T... en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf septembre deux mille vingt.