Cass. crim., 8 juillet 2015, n° 14-82.817
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Rapporteur :
M. CHAUBON
Avocat général :
M. SASSOUST
Avocat :
SCP Boullez
Vu le mémoire, commun aux demandeurs, et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, violation des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu à statuer contre quiconque du chef de faux et d'usage de faux, en statuant en chambre du conseil ;
" alors qu'aux termes de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, la publicité des débats judiciaires constitue un principe fondamental que les juridictions statuant notamment sur des contestations relatives à des droits et obligations de caractère civil doivent respecter, sauf en cas de circonstances exceptionnelles ; que l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme s'applique aux atteintes graves à l'environnement pouvant affecter le bien-être d'une personne et la priver de la jouissance de son domicile de manière à nuire à sa vie privé et familiale, laquelle revêt un caractère civil ; qu'il s'ensuit que le juge national qui est le premier garant de l'application de la Convention précitée, doit écarter l'application de l'article 199 du code de procédure pénale en tant qu'il pose une règle générale et absolue ne permettant pas à la partie civile de réclamer la publicité des débats lorsqu'elle se prévaut d'une atteinte à la protection de son environnement qui constitue une atteinte à ses droits et obligations à caractère civil ; qu'en statuant en chambre du conseil sans écarter l'application de l'article 199 du code de procédure pénale, quand les parties civiles se plaignaient d'une atteinte à leurs droits à caractère civil portant sur le respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile en lien avec la protection de l'environnement, la cour d'appel qui n'a relevé l'existence d'aucune circonstance exceptionnelle propre à justifier l'absence de publicité, au cas particulier, a violé les dispositions précitées ; "
Attendu que le moyen pris de ce que les débats se sont déroulés et l'arrêt a été rendu en chambre du conseil, conformément aux dispositions de l'article 199 du code de procédure pénale, est nouveau en ce qu'il invoque pour la première fois devant la Cour de cassation la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, et, comme tel, irrecevable ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 441-1 et 441-7 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse a conclusions, contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaque a confirme l'ordonnance de non-lieu a statuer contre quiconque du chef de faux et d'usage de faux ;
" aux motifs que, en premier lieu, il apparaît que, s'il est incontestable que la version écrite définitive du rapport de la société Arcadis n'a été transmise au Smed que le 7 avril 2005, il ressort toutefois des témoignages de M. Patrick B..., Mme Catherine C...et des élus ayant participé a la délibération du Smed du 2 février 2005, qu'à cette date la synthèse et les conclusions de ce rapport final ont été présentées oralement aux élus locaux par les représentants de la société Arcadis ; que l'étude des scellés démontre par ailleurs que le 2 février 2005, lors de la réunion du Smed, des documents manuscrits mentionnent notamment " denechaux Arcadis ", ce qui corrobore ces témoignages et notamment les déclarations de M. B...; qu'en outre, l'instruction révèle qu'une présentation par le bureau d'étude au client d'un rapport final, avant sa mise en forme définitive, est conforme aux pratiques habituelles en la matière ; qu'en conséquence, la mention dans la délibération du comité syndical du Smed en date du 2 février 2005, aux termes de laquelle le rapport final de l'étude sur la recherche de sites potentiels pour l'implantation d'un centre de stockage des déchets ménagers a ete soumis au comite, trouve son explication dans une facon de travailler communément admise par les usages, laquelle n'a pas altéré l'idée que pouvaient se faire de la situation les élus chargés de faire un choix entre tous les projets retenus ; que dès lors, à défaut d'élément intentionnel et de préjudice possible, la mention erronée contenue dans la délibération litigieuse n'est pas constitutive de faux ; qu'en ce qui concerne l'étude réalisée par la societe Arcadis, les modifications apportées à plusieurs reprises au document informatique élaboré par le bureau d'études sont indéniables puisque révélées par l'expertise technique ; que cependant, le seul fait qu'une étude, réalisée sous forme informatique, soit modifiée suite a des observations formulées par le client, ne saurait constituer un faux matériel, des lors qu'aucune falsification du support même du rapport d'études n'est démontrée ni alléguée, s'agissant bien en l'espèce d'un rapport établi et transmis par la société Arcadis ; que le faux allégué par les parties civiles, qui ne porte pas sur le contenu de l'étude réalisée par la société Arcadis, ne pourrait des lors constituer qu'un faux intellectuel lequel, pour être punissable, doit constituer un titre au profit de celui qui l'a établi et faire preuve pour lui ; que plus précisément, constitue un titre tout support écrit ayant pour objet ou pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques ; que or, le rapport d'étude litigieux ne saurait constituer un titre, des lors que ce document, établi unilatéralement par la société Arcadis, ne constitue qu'un travail de recherche et d'analyse, soumis à discussion et à vérification et n'ayant pour objet que de permettre au Smed de formuler un choix quant au site destiné à accueillir la décharge ; qu'en toutes hypothèses, à supposer que l'étude comporte des inexactitudes, l'élement intentionnel de l'infraction de faux, qui se manifeste par la volonté d'altérer sciemment et volontairement la vérité en connaissance du préjudice susceptible d'être causé à autrui, n'est pas caractérisé en l'espèce ; qu'il ressort en effet des différentes investigations que la société Arcadis a mené son étude conformément aux usages habituels en la matière, notamment en ce qui concerne les relations entretenues entre le bureau d'études et son client ; qu'à cet égard, le pouvoir de contrôle, de modification, voire même de validation dont bénéficie le client au cours de l'étude, et en l'espèce le Smed, a été confirmé par les professionnels auditionnés, traduisant des lors une façon de travailler communément admise ; que par ailleurs, les témoignages recueillis établissent que si la société Arcadis a réalisé ses analyses techniques en collaboration avec les techniciens du Smed, le bureau d'étude a néanmoins conservé son pouvoir propre d'appréciation, refusant notamment d'intégrer certaines modifications proposées par le Smed, qu'en outre les élus n'ont pas influencé les travaux réalisés ni donné de consigne particulière sur un site déterminé ;/.../ ; que c'est dès lors à bon droit que le juge d'instruction a rendu l'ordonnance de non-lieu querellée, laquelle sera confirmée ;
" 1°) alors que l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme garantit le droit au procès équitable dont la motivation des décisions de justice est un corollaire ; que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction s'est attachée a démontrer que, en dépit de la mention erronée relative au rapport final lors de la délibération du Smed le 2 février 2005, la présentation dudit rapport avant sa mise en forme et les modifications apportées étaient conformes aux usages et ne constituaient pas un faux ; que, les demandeurs ne dénonçaient, dans leurs conclusions régulièrement déposées et de ce chef délaissées, ni l'existence de modifications, ni celle de la mention erronée du rapport définitif dans la délibération du Smed le 2 février 2005, mais faisaient valoir l'existence d'un faux intellectuel résultant de l'altération de la vérité dans les informations contenues dans le rapport précité et mise en évidence par le constat d'un huissier de justice et par le rapport d'une expert-géomètre ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs inopérants et sans examiner le contenu du rapport final pour le comparer, ainsi qu'il lui était demande, aux faits établis par le constat d'huissier et le rapport d'expertise, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" 2°) alors que constitue un faux pénalement punissable l'altération frauduleuse de la vérité, préjudiciable a autrui, accomplie dans un document faisant titre ; que l'altération des faits dans un document ayant pour objet de les constater est constitutif d'un faux ; qu'un rapport constitue donc un faux des lors qu'il contient des faits mensongers et que son auteur, professionnel averti, sait que son intervention tend a établir la preuve d'un fait ayant des conséquences juridiques ; que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en l'espèce, le rapport de la société Arcadis, qui était destiné à permettre au Smed de choisir le site de Lassac, contenait des faits inexacts dont le caractère mensonger était établi par constat d'huissier et dans un rapport d'expertise ; qu'en considérant que le rapport litigieux ne pouvait constituer un titre car il était établi unilatéralement par la société Arcadis tout en constatant qu'il avait pour but de permettre au Smed de formuler un choix, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a violé l'article 441-1 du code pénal ;
" 3°) alors que les arrêts sont déclarés nuls lorsqu'il a été omis de statuer sur une ou plusieurs demandes des parties ; qu'une juridiction d'instruction doit donc statuer sur tous les chefs de la plainte ; qu'en l'espèce, les parties civiles ont déposé plainte avec constitution de partie civile pour des faits de faux et usage de faux prévus par les dispositions du livre IV, Titre IV, chapitre I du code pénal ; que ces dispositions concernent tant les faux généraux que les faux spéciaux ; qu'en s'abstenant de rechercher si le rapport de la société Arcadis ne constituait pas un faux certificat en ce qu'il certifiait des faits inexacts, la chambre de l'instruction a commis un excès de pouvoir négatif constitutif d'une omission de statuer affectant le dispositif de sa décision ; "
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et apprécié les éléments de preuve contradictoirement débattus, a retenu, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, et sans méconnaître des dispositions légales et conventionnelles invoquées, qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis les délits reprochés, ni toute autre infraction ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit juillet deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.