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Décisions

Cass. crim., 7 septembre 2021, n° 21-80.642

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Avocat :

SCP Célice, Texidor, Périer

Toulouse, du 14 janv. 2021

14 janvier 2021

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 28 novembre 2019, des policiers ont été informés par la responsable d'un hôtel de la possible utilisation d'une chambre pour le conditionnement de produits stupéfiants.

3. A la suite de la mise en place d'un dispositif de surveillance, trois personnes, qui sortaient d'un véhicule pour rejoindre l'hôtel, ont été interpellées le 29 novembre 2019, à 00 heure 45. Une quatrième, M. [T], prenait la fuite.

4. Du cannabis conditionné dans des sachets a été retrouvé lors de la fouille du véhicule.

5. Une perquisition a été réalisée dans la chambre d'hôtel en présence de l'un des occupants interpellés, M. [D] [L], au cours de laquelle du cannabis et de l'argent ont été saisis.

6. Les investigations ont établi que la chambre d'hôtel avait été réservée par M. [T], le 28 novembre 2019, à 2 heures, à la borne d'un autre hôtel.

7. Le 2 décembre 2019, le procureur de la République a ouvert une information judiciaire du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, dans le cadre de laquelle les trois personnes interpellées ont été mises en examen de ce chef.

8. Le 3 juillet 2020, M. [T] a été interpellé puis mis en examen pour ces faits.

9. Le 17 septembre 2020, son conseil a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en nullité de la perquisition précitée, prise de l'absence de signature du procès-verbal de transport et de perquisition par M. [L].

Examen du moyen

Enoncé du moyen

10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [T], alors :

« 1°/ que peut contester la régularité d'une perquisition toute personne qui occupait ou avait un titre à occuper le local perquisitionné et qui a été poursuivie sur le fondement des éléments découverts lors de cette perquisition ; que la circonstance qu'une personne ait pris la fuite au moment des opérations de perquisition ne la prive pas de la possibilité de contester la perquisition, dès lors qu'elle avait occupé peu de temps auparavant les locaux, qu'elle avait un titre à les occuper, et que les éléments découverts en perquisition ont fondé sa mise en examen ; qu'en déduisant l'impossibilité pour M. [T] de se prévaloir de la nullité du procès-verbal de perquisition résultant de son absence de signature par M. [L], du fait que M. [T] aurait fui au moment de la perquisition, la chambre de l'instruction a statué par un motif inopérant en violation des articles 57, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que l'absence de contestation d'une perquisition par la personne qui y a assisté ne prive pas une autre personne, mise en examen sur le fondement des éléments découverts au cours de cette perquisition, de la possibilité de contester la régularité de ladite perquisition ; qu'en se fondant, pour rejeter la requête de M. [T] tendant à l'annulation des opérations de perquisition du 29 novembre 2019, sur la circonstance que « [L] [D] n'a pas émis de contestation sur le procès-verbal de perquisition », la chambre de l'instruction a statué par un motif inopérant en violation des articles 57, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'a qualité pour contester la régularité d'une perquisition toute personne mise en examen sur le fondement des éléments découverts lors de cette perquisition ; qu'à ce titre une personne, absente lors d'une perquisition dont les résultats fondent sa mise en examen, peut se prévaloir de l'absence de signature d'un procès-verbal de perquisition par la personne ayant assisté aux opérations, quand bien même cette personne n'aurait pas contesté elle même agi en nullité de la perquisition à raison de son absence de signature du procès verbal ; qu'en se fondant, pour rejeter la requête de M. [T] tendant à l'annulation des opérations de perquisition du 29 novembre 2019, sur la circonstance que « [L] [D] n'a pas émis de contestation sur le procès-verbal de perquisition », la chambre de l'instruction a statué par un motif inopérant en violation des articles 57, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

4°/ qu'en niant à M. [T] la possibilité de « se prévaloir d'aucune nullité résultant de l'absence de la signature de M. [L] sur le procès-verbal de perquisition » après avoir constaté que M. [T] était occupant de la chambre d'hôtel, qu'il l'avait réservée à son nom et que la perquisition avait conduit à sa mise en examen, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations en violation, de nouveau, de l'article 57 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 171 et 802 du code de procédure pénale :

11. Il résulte desdits articles que l'inobservation des formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité doit entraîner la nullité de la procédure, lorsqu'il en est résulté une atteinte aux intérêts de la partie concernée.

12. Il s'ensuit les principes généraux suivants.

13. Hors les cas de nullité d'ordre public, qui touchent à la bonne administration de la justice, la chambre de l'instruction, saisie d'une requête en nullité, doit successivement d'abord rechercher si le requérant a intérêt à demander l'annulation de l'acte, puis, s'il a qualité pour la demander et, enfin, si l'irrégularité alléguée lui a causé un grief.

14. Le requérant a intérêt à agir s'il a un intérêt à obtenir l'annulation de l'acte.

15. Pour déterminer si le requérant a qualité pour agir en nullité, la chambre de l'instruction doit rechercher si la formalité substantielle ou prescrite à peine de nullité, dont la méconnaissance est alléguée, a pour objet de préserver un droit ou un intérêt qui lui est propre.

16. L'existence d'un grief est établie lorsque l'irrégularité elle-même a occasionné un préjudice au requérant, lequel ne peut résulter de la seule mise en cause de celui-ci par l'acte critiqué.

17. Le présent pourvoi pose spécifiquement la question de savoir quel requérant a qualité pour agir en cas de méconnaissance d'une formalité substantielle lors d'une perquisition.

18. La Cour de cassation juge que la méconnaissance des formalités substantielles régissant les perquisitions et les saisies ne peut être invoquée à l'appui d'une demande d'annulation d'actes que par la partie titulaire d'un droit sur le local dans lequel elles ont été effectuées (Crim., 6 février 2018, pourvoi n° 17-84.380, Bull. crim. 2018, n° 30).

19. Cependant, certaines de ces formalités ont pour objet d'authentifier la présence effective sur les lieux des objets découverts et saisis au cours de la perquisition.

20. Il en est ainsi de la formalité, qui est en cause en l'espèce, de la signature par l'occupant des lieux ou l'un de ses représentants ou, à défaut, par deux témoins, du procès-verbal de perquisition et de saisie, prévue à l'article 57, alinéa 3, du code de procédure pénale.

21. Or, il se déduit des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, tel qu'interprété par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, arrêt du 10 mars 2009, Bykov c. Russie, n° 4378/02), et préliminaire du code de procédure pénale que tout requérant doit se voir offrir la possibilité de remettre en question l'authenticité des éléments de preuve et de s'opposer à leur utilisation.

22. Dès lors, la jurisprudence précitée au paragraphe 18, qui réserve au seul titulaire d'un droit sur le local perquisitionné la qualité pour agir en nullité, ne peut être maintenue en cas de violation d'une formalité substantielle dont l'objet est de garantir le caractère contradictoire du déroulement des opérations de perquisition ainsi que la présence effective sur les lieux des objets découverts et saisis.

23. Il s'ensuit que toute partie a qualité pour invoquer la méconnaissance de la formalité prise de l'absence de signature du procès-verbal de perquisition et saisie.

24. En l'espèce, pour ne pas faire droit à la nullité des opérations de perquisition et de saisie, prise de l'absence de signature du procès-verbal précité par M. [L], l'arrêt énonce que si M. [T] revendique avoir loué la chambre d'hôtel dans laquelle a eu lieu la perquisition, cette location a été payée avec la carte bancaire de la compagne d'un des co-mis en examen, lui-même présent dans cette chambre.

25. Les juges ajoutent que les quatre hommes se sont rendus dans cette chambre pour y passer une partie de la soirée et non pour y loger, chacun ayant un logement distinct dans la commune.

26. Ils relèvent que lors de la perquisition, aucun des mis en cause n'a revendiqué avoir un droit sur cette chambre d'hôtel et notamment pas M. [T] qui a immédiatement pris la fuite.

27. Ils énoncent qu'il s'ensuit que les enquêteurs pouvaient considérer que chacun des occupants était légitime à s'assurer de la régularité des opérations de perquisition en y assistant.

28. Ils exposent encore que M. [L] est le garant de la régularité de la perquisition et de l'authentification des objets ou indices découverts dès lors qu'il n'a pas émis de contestation sur le procès-verbal de perquisition et a confirmé lors d'une confrontation la présence dans la chambre des objets découverts lors de cette opération.

29. Ils en déduisent que M. [T], ayant fait le choix de fuir, ne peut se prévaloir de la nullité résultant de l'absence de signature de M. [L] sur le procès-verbal.

30. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe susénoncé.

31. En effet, d'une part, M. [T], partie à la procédure, avait qualité pour agir en nullité du procès-verbal de perquisition et de saisie, peu important qu'il ait pris la fuite.

32. D'autre part, la chambre de l'instruction ne pouvait opposer à M. [T], qui contestait la présence des produits stupéfiants et de l'argent saisis dans la chambre perquisitionnée, l'absence de contestation de M. [L] sur la présence dans ladite chambre desdits produits.

33. La cassation est dès lors encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse, en date du 14 janvier 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept septembre deux mille vingt et un.