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Décisions

Cass. crim., 24 novembre 2021, n° 20-83.529

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Avocats :

SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Spinosi

Orléans, du 05 mai 2020

5 mai 2020

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 22 mars 2018, une information judiciaire a été ouverte contre personne non dénommée des chefs d'acquisition, détention, transport, offre ou cession de stupéfiants, importation de stupéfiants et association de malfaiteurs.

3. Le 1er octobre 2018, M. [B] [W] a été mis en examen de ces chefs.

4. Il a présenté une requête en nullité qui a été rejetée par la chambre de l'instruction, dans un arrêt du 16 mai 2019. Il a formé, contre cette décision, un pourvoi en cassation, enregistré sous le numéro 19-84.038, dont l'examen immédiat a été refusé par une ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 12 août 2019.

5. Il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel, ainsi que M. [T] [O], impliqué dans la même affaire. Tous deux ont été condamnés par jugement du 25 septembre 2019, dont ils ont relevé appel, ainsi que le ministère public.

Examen de la recevabilité des pourvois formés par l'avocat de M. [O] les 7 et 12 mai 2020 contre l'arrêt de la cour d'appel du 5 mai 2020

6. M. [O] ayant épuisé le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, par l'exercice qu'il en avait fait par déclaration au greffe de la maison d'arrêt en date du 7 mai 2020, son avocat était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre la même décision, les 7 et 12 mai 2020.

7. Seul est recevable le pourvoi formé par l'intéressé le 7 mai 2020.

Sur le moyen unique proposé pour M. [W] présenté contre l'arrêt de la chambre de l'instruction en date du 16 mai 2019

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté sa requête en annulation de pièces, alors :

« 1°/ que porte atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves le stratagème qui en vicie la recherche par un agent de l'autorité publique ; en se bornant à soutenir, pour écarter le moyen de nullité tiré d'une atteinte au principe de loyauté de la preuve, que le procédé utilisé par les autorités de police n'a pas contribué à la réalisation des faits, sans rechercher, comme elle y était invitée, si celui-ci ne constituait pas un stratagème de nature à caractériser une atteinte au principe de loyauté de la preuve quand bien même il n'aurait pas provoqué la commission de l'infraction, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que constitue un stratagème déloyal le recours par les autorités à une procédure, prévue par la loi, à des fins autres que celles auxquelles elle est en principe destinée ; l'introduction dans un lieu privé prévue à l'article 706-96-1 du code de procédure pénale ne peut avoir d'autre fin que la mise en place d'un dispositif technique de captation d'images ; en rejetant le moyen de nullité tiré d'une atteinte au principe de loyauté de la preuve, lorsqu'il ressort des pièces de la procédure que les enquêteurs ont sollicité du juge d'instruction une autorisation d'introduction dans un lieu privé aux fins de mise en place d'un dispositif de captation d'image, en sachant pertinemment qu'une telle installation était impossible dans le lieudit, ce dont il se déduit qu'ils agissaient dans le seul objectif de se constituer des preuves par prise de photographies de l'intérieur d'un lieu privé à l'occasion des opérations d'implémentation du dispositif, en contournant les dispositions de l'article 96 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a violé les dispositions des article 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, préliminaire, 96, 427, 706-96-1, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

9. Pour rejeter la requête en nullité, l'arrêt énonce que la demande d'autorisation de s'introduire dans un lieu privé aux fins de mise en place d'un dispositif de captation d'images est intervenue dans un contexte préexistant de trafic de stupéfiants déjà mis en lumière par divers actes d'enquête antérieurs qu'elle n'avait pour objet que de constater, et qui ne déterminait en rien les agissements délictueux, déjà commis et en train de se commettre, des personnes impliquées dans ce trafic.

10. Elle relève, en effet, que ces actes d'enquête avaient permis de conforter le fait que l'adresse à laquelle cette captation s'était déroulée constituait le lieu de stockage de résine de cannabis dans en quantités importantes et d'entrepôt du véhicule dédié à son transport, et que l'intéressé y avait effectué plusieurs passages.

11. Elle ajoute que le dispositif de captation mis en place par les enquêteurs dans la nuit du 27 au 28 septembre 2018 était uniquement destiné à conforter les indices préalablement établis par l'information, de sorte qu'il ne pouvait en rien être assimilé à la mise en place d'un dispositif pérenne dont il avait été indiqué qu'il était impossible de le mettre en oeuvre compte-tenu de la configuration des lieux.

12. Elle en conclut qu'il ne saurait être valablement soutenu que l'autorisation de captation d'images délivrée par le magistrat instructeur le 27 septembre 2018 et le procès-verbal du 28 septembre 2018 dressé en exécution de cette autorisation constituent un procédé déloyal au sens des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale précités.

13. En l'état de ces énonciations qui établissement l'absence de stratagème de la part des enquêteurs, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

14. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Sur le premier moyen proposé pour M. [O] contre l'arrêt de cour d'appel en date du 5 mai 2020

Enoncé du moyen

15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il est prononcé à huis clos et a déclaré M. [O] coupable des faits reprochés dans la prévention, alors « que si l'article 7, alinéa 2, de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 prévoit que le président de la juridiction peut ordonner que les jugements seront rendus à huis clos, c'est à la condition, posée à l'alinéa 1 de cette disposition, qu'il existe une « impossibilité de garantir les conditions nécessaires à la protection de la santé des personnes présentes à l'audience », ce qui doit être constaté dans l'arrêt ; en l'espèce, l'arrêt attaqué a été prononcé à huis clos le 5 mai 2020 et se borne à mentionner que par ordonnance rendue le même jour, le président de la chambre des appels correctionnels a ordonné, en application des articles 400 et 512 du code de procédure pénale et de l'article 7 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, que l'audience se tienne à huis clos, l'accès à la salle d'audience étant limité aux parties citées, à leurs conseils et aux représentants de la presse, et que les décisions soient rendues selon les mêmes modalités, sans qu'il soit constaté dans l'arrêt attaqué l'impossibilité de garantir les conditions nécessaires à la protection de la santé des personnes présentes à l'audience ; partant, l'arrêt attaqué est entaché de nullité en vertu de l'article 592 du code de procédure pénale pour avoir été rendu en violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 400 et 512 du code de procédure pénale et 7 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020. »

Réponse de la Cour :

16. L'arrêt attaqué mentionne que les débats de l'affaire ont eu lieu devant la cour d'appel en audience publique, le 10 mars 2020, et qu'après une prorogation du délibéré, la décision a été prononcée à huis clos, à l'audience du 5 mai 2020, le président de l'audience ayant, à cette date, sur le fondement de l'article 7 de l'ordonnance n°2020-303 du 25 mars 2020, décidé que l'audience devait se tenir hors la présence du public, mais en présence des parties citées, de leurs avocats et de la presse, le dispositif des décisions rendues étant affiché le même jour dans un lieu accessible au public.

17. En l'état de ces énonciations, dont il résulte qu'il a été régulièrement fait application des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance précitée, prise pour l'application de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020, la cour d'appel n'a pas encouru le grief allégué.

18. Le moyen ne peut, dès lors, être admis.

Sur le deuxième moyen proposé pour M. [O] contre l'arrêt de la cour d'appel du 5 mai 2020

Enoncé du moyen

19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [O] coupable des faits d'importation non autorisée de stupéfiants en récidive, alors :

« 1°/ que l'importation illicite de stupéfiants suppose l'introduction sur le territoire français de produits stupéfiants provenant de l'étranger ; en déclarant M. [O] coupable du chef d'importation non autorisée de stupéfiants sans jamais constater qu'il aurait commis un acte effectif d'introduction sur le territoire français de produits stupéfiants provenant de l'étranger, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 222-36 et 222-41 du code pénal et de l'article 1er de la Convention internationale unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961 ;

2°/ qu'à supposer même que toute action positive tendant à permettre, en connaissance de cause, l'introduction sur le territoire français de produits stupéfiants provenant de l'étranger soit constitutive de l'infraction d'importation non autorisée de stupéfiants, la cour d'appel ne pouvait, pour déclarer M. [O] coupable de cette infraction, se borner à retenir qu'il ne contestait pas son implication dans la mise en place de la logistique devant permettre la réception de la marchandise en France et dans l'intervention de M. [V] pour assurer la surveillance de la remontée des produits sur le territoire français à compter de la frontière espagnole (arrêt p. 21 dernier §), quand les produits auraient pu passer la frontière française même sans ces actions accomplies postérieurement, de sorte que celles-ci ne pouvaient pas être regardées comme ayant permis le passage de la frontière ; en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et n'a pas justifié sa décision au regard des articles 222-36 et 222-41 du code pénal et de l'article 1er de la Convention internationale unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961 ;

3°/ que s'il appartient au juge répressif de restituer aux faits dont il est saisi leur véritable qualification, c'est à la condition que le prévenu ait été mis en mesure de présenter sa défense sur la nouvelle qualification envisagée ; en entrant en voie de condamnation du chef d'importation non autorisée de stupéfiants à l'encontre de M. [O] sur la base de sa seule implication dans la mise en place de la logistique devant permettre la réception de la marchandise en France et dans l'intervention de M. [V] pour assurer la surveillance de la remontée des produits sur le territoire français à compter de la frontière espagnole, ce qui ne caractérise tout au plus que le délit de complicité pour lequel M. [O] n'a pas été renvoyé et sur lequel il n'a pas été mis en mesure de présenter sa défense, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article préliminaire et l'article 388 du code de procédure pénale, ensemble les articles 121-7, 222-36 et 222-41 du code pénal et l'article 1er de la Convention internationale unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961. »

Réponse de la Cour

20. Pour déclarer le prévenu coupable d'importation de stupéfiants, en récidive, l'arrêt énonce que les investigations ont établi que des produits stupéfiants ont été importés, depuis le Maroc et l'Espagne vers le territoire français.

21. Il relève que les surveillances techniques mises en place, corrélées aux exploitations des vidéo-surveillances de péages routiers et du passage de la frontière au Perthus, établissent que des convois incluant un véhicule poids lourd ont franchi, entre le 14 et le 15 septembre et à nouveau le 24 septembre 2018, la frontière depuis l'Espagne pour venir sur le territoire national, transportant des stupéfiants déchargés à [Localité 3], dernière opération à laquelle M. [O] reconnaît avoir participé.

22. Les juges retiennent qu'il a ainsi pris une part active, et en connaissance de cause, à l'une des opérations nécessaires à l'importation de ces produits sur le territoire français.

23. Il en concluent qu'il a ainsi participé à l'importation de produits stupéfiants, et ce, à plusieurs reprises tout au long de l'année 2018 et jusqu'au 24 septembre 2018.

24. En l'état de ces énonciations, l'arrêt attaqué met la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit d'importation de stupéfiants dont elle a déclaré le prévenu coupable.

25. Le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis.

Sur les premier et troisième moyens proposés respectivement pour MM.[W] et [O] contre l'arrêt de la cour d'appel du 5 mai 2020

Enoncé des moyens

26. Le premier moyen proposé pour M. [W] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de transport, de détention, d'acquisition, d'offre ou cession et d'importation de produits stupéfiants, alors « qu'en retenant cumulativement à l'encontre du prévenu les qualifications, d'une part de détention de stupéfiants, d'autre part de transport, d'acquisition, d'offre ou cession et d'importation de ces produits, sans relever des faits de détention distincts de ceux qu'elle réprimait déjà sous les qualifications de transport, d'acquisition, d'offre ou cession et d'importation, la cour d'appel a méconnu les articles 4 du protocole additionnel n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme, 132-2 et 132-3 du code pénal, ensemble le principe non bis in idem ».

27. Le troisième moyen proposé pour M. [O] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement en récidive, alors « qu'en vertu du principe ne bis in idem, des faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes ; pour caractériser à l'encontre de M. [O] les délits de participation à une association de malfaiteurs et de transport, de détention, d'acquisition, de cession et d'importation non autorisés de stupéfiants, la cour d'appel a retenu les mêmes faits de recherche et de mise en place de lieux de déchargement et de stockage des produits importés, de récupération et d'utilisation de véhicules pour transporter la marchandise et assurer la surveillance de la remontée des produits depuis la frontière, d'acquisition et d'utilisation de matériel pour communiquer entre les membres du réseau et éviter d'être découverts par les forces de l'ordre, alors que les délits concernent le même réseau, au cours de la même période ; partant, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé, ensemble les articles 4 du protocole additionnel n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme et 450-1 du code pénal.»

Réponse de la Cour

28. Les moyens sont réunis.

29. Pour déclarer M. [W] coupable de détention de stupéfiants, d'une part, et de transport, acquisition, cession et importation, d'autre part, l'arrêt énonce que les délits de transport et de cession ne sont pas contestés, que les éléments de l'enquête permettent de démontrer qu'il a, avec M. [O], transporté ces produits stupéfiants en différents lieux pour les livrer à différents acquéreurs et qu'il en a également assuré la détention par le stockage notamment dans le corps de ferme du couple [F]/[R] ou dans les box d'[Localité 2] et [Localité 1].

30. Pour déclarer M. [O] coupable de participation à une association de malfaiteurs et de transport, de détention, d'acquisition, de cession et d'importation non autorisés de stupéfiants, l'arrêt retient qu'il a formé, avec notamment MM. [B] [W], [E] [R] et [B] [V], un groupement en vue de préparer, par divers faits matériels, l'importation et le trafic de produits stupéfiants, avant la consommation de ces infractions.

31. Les juges relèvent, en effet, que M. [O] a recherché, avec M. [W], différents lieux de stockage avant l'arrivée des produits stupéfiants ainsi que plusieurs véhicules, volés et faussement immatriculés, ensuite dédiés à l'acheminement et au transport de ces produits stupéfiants et qu'il a été trouvé en possession d'un capteur de fréquences radio et d'un brouilleur d'ondes, matériels dont le but ne pouvait être que d'assurer l'activité délinquante et donc acquis en amont et à cette fin.

32. Les juges en concluent que ces faits caractérisent, pour M. [W], des infractions distinctes de détention, d'une part, et de transport, acquisition, cession et importation, de l'autre, qui ne procèdent pas de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable, de même que pour M. [O] pour les infractions distinctes de participation à une association de malfaiteurs, d'une part, et de transport, de détention, d'acquisition, de cession et d'importation non autorisés de stupéfiants, d'autre part.

33. En l'état de ces motifs qui procèdent de son appréciation souveraine, la cour d'appel n'a pas méconnu les textes et principes visés au moyen et a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués.

34. Dès lors, les moyens ne peuvent être admis.

Sur les second et quatrième moyens proposés respectivement pour MM. [W] et [O] contre l'arrêt de la cour d'appel du 5 mai 2020

Enoncé du moyen

35. Le second moyen proposé pour M. [W] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a condamné à la peine de quatorze ans d'emprisonnement délictuel, au paiement d'une amende de 10 000 euros ainsi qu'à la peine complémentaire d'interdiction de séjour dans le Loiret pour une durée de cinq ans, alors « que le faisant, sans s'expliquer, autrement que par le rappel des mentions de son casier judiciaire, sur les éléments de sa personnalité qu'elle a pris en considération, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-1, 132-19 et 132-20 du code pénal, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

36. Le quatrième moyen proposé pour M. [O] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a condamné à une peine d'emprisonnement délictuel de quatorze ans et à une peine d'amende de 30.000 euros, alors que :

« 1°/ que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction ; pour condamner M. [O] à une peine d'emprisonnement sans sursis de 14 ans, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que sa situation sociale et familiale, sa personnalité, la particulière gravité des faits et ses antécédents judiciaires rendaient indispensable une peine d'emprisonnement lourde, que seul un emprisonnement ferme était de nature sanctionner utilement les délits commis et que toute autre sanction était insuffisamment dissuasive et manifestement inadéquate ; en limitant ainsi l'examen de la personnalité du prévenu à ses antécédents judiciaires et en ne s'expliquant pas sur le caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-1 et 132-19 du code pénal.

2°/ que le juge qui prononce une peine d'amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ; qu'en condamnant M. [O] à une peine d'amende de 30.000 euros au seul regard de ses revenus – déclarés ou supposément tirés du trafic de stupéfiants –, sans s'expliquer sur ses charges, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-1 et 132-20 du code pénal . »

Réponse de la Cour

37. Les moyens sont réunis.

38. Pour condamner M. [W] à quatorze ans d'emprisonnement, 10 000 euros d'amende et à la peine complémentaire d'interdiction de séjour dans le Loiret pour une durée de cinq ans et M. [O] à quatorze ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende ainsi qu'à la même peine complémentaire, l'arrêt énonce que l'extrême gravité des faits, les antécédents judiciaires conséquents et la personnalité des intéressés exigent des peines d'emprisonnement significatives, seul un emprisonnement ferme étant de nature à sanctionner utilement les délits commis et toute autre sanction étant insuffisamment dissuasive et manifestement inadéquate au sens de l'article 132-19 du code pénal.

39. Il ajoute que les interdictions de séjour prononcées par les premiers juges sont confirmées car il convient que les intéressés s'extraient du milieu au sein duquel ils ont tissé un réseau délinquant pour éviter toute réitération, la durée des peines d'emprisonnement prononcées leur permettant d'organiser avec leurs familles des changements nécessaires de lieux de vie.

40. S'agissant des peines d'amendes, l'arrêt confirmatif relève que les premiers juges ont pris en compte le rôle de chacun, M. [O] apparaissant à divers égard plus actif et plus central encore que M. [W] dans ce trafic, notamment lors des deux derniers convois. Il retient que les montants retenus par les premiers juges sont assez modestes eu égard aux quantités de produits en jeu mais que les investigations n'ayant pu déterminer le devenir de l'argent généré par le trafic, ils sont adaptés aux faits et aux situations connues des condamnés.

41. Plus précisément pour M. [O], l'arrêt énonce qu'il résulte des pièces de la procédure que, né en 1975 au Maroc, il est l'aîné d'une fratrie de six enfants, d'origine marocaine, que la famille est venue s'installer dans le Loiret en 1976, et qu'après avoir entamé un cursus universitaire, il a arrêté ses études en 2003 afin d'entrer dans la vie active, au cours de laquelle il a alterné divers emplois intérimaires, avant d'être au chômage au moment de son incarcération.

42. Les juges ajoutent que, devant eux, il déclare avoir trois enfants respectivement de 21, 14 et 3 ans, issus de deux unions différentes et exercer une activité de micro-entrepreneur, depuis 2016, qui lui assurait des revenus mensuels de l'ordre de 1 500 à 2 000 euros, indique que sa compagne ne travaille pas, et que, ne percevant plus le revenu de solidarité active, sa situation financière est catastrophique et qu'il précise également qu'il verse mensuellement une contribution au paiement d'une amende provenant d'une condamnation antérieure.

43. En l'état de ces motifs, dénués d'insuffisance, la cour d'appel a justifié les peines prononcés.

44. Dès lors, les moyens doivent être écartés.

45. Par ailleurs les arrêts sont réguliers en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur les pourvois formés les 7 et 12 mai par l'avocat de M. [O] contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans du 5 mai 2020

Les DECLARE IRRECEVABLES ;

Sur les autres pourvois formés par MM. [W] et [O]

Les REJETTE.