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Décisions

Cass. crim., 12 septembre 2018, n° 17-87.499

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Versailles, du 07 déc. 2017

7 décembre 2017

Attendu que, pour rejeter la requête en annulation d'actes de la procédure, prise de l'irrégularité du procès-verbal dressé le 29 juillet 2016, l'arrêt, après avoir relevé que les cotes D.12 à D.17 correspondent à un "rapport d'information sur une équipe s'adonnant à des escroqueries sur des véhicules en leasing" rédigé le 29 juillet 2016 par un brigadier de police et transmis à son supérieur hiérarchique, pour toutes suites à donner, énonce qu'il résulte de la combinaison des articles 429 et 537 du code de procédure pénale, 19 du décret n° 95-654 du 9 mai 1995 et R. 434-19 du code de la sécurité intérieure que tout fonctionnaire de police est considéré comme étant en service et agissant dans l'exercice de ses fonctions dès lors qu'il intervient dans sa circonscription et dans le cadre de ses attributions de sa propre initiative pour prévenir ou réprimer tout acte de nature à troubler la sécurité et l'ordre public, que l'article D.11 du code de procédure pénale autorise les officiers et les agents de police judiciaire énumérés à l'article 20 du même code à relater dans un seul procès-verbal les opérations effectuées au cours de la même enquête, ce qui induit que chacune d'elle ne fait pas obligatoirement l'objet d'une consignation immédiate et qu'il ne peut être fait grief au rapport contesté, lequel est assimilable à un procès-verbal, de contenir toutes les vérifications réalisées par son auteur sur plusieurs jours ; que les juges ajoutent, après avoir rappelé le contenu de la première page dudit procès-verbal, qu'il n'est pas contestable que le brigadier agissait dans sa circonscription et dans l'exercice de ses fonctions d'officier de police judiciaire, conformément aux dispositions des articles 19 et 75 du code de procédure pénale, qu'il n'a fait, à ce stade du rapport, que retranscrire des propos qu'il a directement et personnellement entendus, respectant ainsi l'ensemble des dispositions susvisées ; qu'après avoir évoqué le contenu des pages 2 à 5, dans la partie intitulée "Mes investigations", la chambre de l'instruction relève que le brigadier rapporte les différentes vérifications qu'il a personnellement effectuées pour vérifier l'ensemble des informations communiquées par M. C..., qu'il est faux d'affirmer que ces investigations ont été réalisées hors tout cadre légal, le rapport, qui ne vaut qu'à titre de simple renseignement conformément à l'article 430 du code de procédure pénale, ayant été transmis au supérieur hiérarchique aux fins de poursuite de l'enquête avant toute mesure coercitive ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que, d'une part, aucune disposition du code de procédure pénale ne fait obligation aux officiers de police judiciaire de préciser expressément le cadre dans lequel ils agissent dans les procès-verbaux qu'ils établissent, les mentions y figurant permettant au procureur de la République, dont le défaut d'information immédiat des actes ainsi accomplis, est sans effet sur leur validité, de le qualifier, d'autre part, l'article D. 11 du code de procédure pénale, qui ne porte pas atteinte en lui-même aux droits de la défense garantis par l'article préliminaire du même code et l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, et qui, dans sa version applicable à la date des faits, était applicable exclusivement à l'enquête préliminaire, n'est contraire ni aux dispositions de l'article 66 du même code relatif aux actes réalisés dans le cadre d'une enquête de flagrance, lesquelles ne sont pas prescrites à peine de nullité, ni à celles de l'article 34 de la Constitution et ne porte pas atteinte en lui-même aux droits de la défense, de troisième part, le procès-verbal intitulé "rapport d'information", établi par un officier de police judiciaire compétent, qui se borne à consigner les renseignements fournis par une personne qui a spontanément contacté son auteur, qui rend compte des vérifications sommaires effectuées sur la base de ces éléments afin de permettre des investigations ultérieures, est dépourvu de toute force probante et n'est soumis à aucune forme, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens, dont le deuxième, pris en sa cinquième branche, est devenu sans objet à la suite de la décision de la Cour de cassation disant dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité présentée par M. X..., ne peuvent qu'être écartés ;

Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, Préliminaire, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation du principe de loyauté des preuves :

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en annulation formée par le mis en examen ;

"aux motifs que les pages 5 et 6 du rapport ont trait aux investigations réalisées le 26 juillet 2017 ; que le brigadier indique avoir répondu à une annonce internet concernant un véhicule vendu par la société Malvezin et avoir ainsi été contacté ensuite par une secrétaire et un commercial ; que le requérant soutient qu'il s'agit là d'une ruse et d'un stratagème contrevenant au principe de loyauté de la preuve ; que porte atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves le stratagème qui en vicie la recherche par un agent de l'autorité publique ; que toutefois il convient de distinguer la provocation à la commission de l'infraction de la provocation à l'obtention d'une preuve de cette infraction ; qu'en effet le principe de la loyauté de la preuve doit en matière pénale être concilié avec celui de sa liberté, et avec les pouvoirs reconnus aux enquêteurs et aux magistrats dans leur mission de recherche et de poursuite des infractions et d'identification de leurs auteurs, objectifs de valeur constitutionnelle ; qu'ainsi la sanction d'un comportement déloyal viciant la recherche de la preuve par un agent de l'autorité publique présuppose une démarche positive de provocation de la part de ce dernier ; qu'en l'espèce, il ne s'agissait pas d'une provocation à la commission d'une infraction, laquelle était déjà réalisée, s'agissant du détournement d'un véhicule acquis initialement en leasing et déjà mis à la vente sur internet avant le terme de ce crédit, soit sans en être propriétaire ;

"1°) alors que porte atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves le stratagème qui en vicie la recherche par un agent de l'autorité publique ; qu'en affirmant que le principe de loyauté de la preuve ne permettait de sanctionner que la « démarche positive de provocation » à la commission d'une infraction par un agent, alors même qu'il prohibe tout procédé déloyal d'enquête mettant en échec le droit à un procès équitable et notamment le droit de ne pas s'auto-incriminer, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée du principe exposé ci-dessus ;

"2°)alors qu'à l'appui de sa requête, le requérant a notamment exposé que le fait pour un agent de l'autorité publique de dissimuler sa qualité en se faisant passer pour un client potentiel était constitutif d'un procédé d'enquête déloyal en ce qu'il s'agissait d'une opération d'infiltration non prévue par le code de procédure pénale ; que faute pour la chambre de l'instruction d'avoir recherché si et dans quelles conditions l'opération réalisée par le brigadier était autorisée par la loi, celle-ci n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"3°) alors qu' en tout état de cause, le détournement allégué par la chambre de l'instruction dans ses motifs ne pouvant se réaliser que par la vente effective de la voiture et non la seule volonté de la mettre en vente, c'est en violation de la loi pénale et sans tirer les conséquences légales de ses propres constatations que la chambre de l'instruction a affirmé que le stratagème employé, intervenant en amont de la vente et destinée à la préparer, n'avait provoqué qu'à la preuve de l'infraction et non à sa commission" ;

Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation d'acte, prise d'une atteinte au principe de la loyauté de la preuve, l'arrêt, après avoir constaté que le rédacteur du procès-verbal litigieux indique avoir répondu à une annonce internet concernant un véhicule vendu par la société Malvezin auto et avoir été ainsi contacté, notamment, par un commercial, énonce qu'il convient de distinguer la provocation à la commission de l'infraction de la provocation à l'obtention d'une preuve de celle-ci et qu'en l'espèce, il ne s'agissait pas d'une provocation à la commission d'une infraction, laquelle était déjà réalisée, s'agissant du détournement d'un véhicule acquis initialement en leasing et déjà mis en vente sur internet avant le terme de ce crédit, soit sans être propriétaire ; que les juges, après avoir précisé que le brigadier a relaté les faits auxquels il a personnellement participé, s'agissant de son appel téléphonique sur la ligne figurant dans l'annonce, de sa communication avec la secrétaire, puis du fait qu'elle l'avait recontacté, avant qu'un commercial lui téléphone pour convenir d'un rendez-vous Porte Maillot, qu'il a précisé avoir engagé, avec l'aide de ses collègues, une filature, avoir, à cette occasion, constaté que le commercial faisait l'objet d'un contrôle routier et avoir appris qu'il s'agissait de M. Z... B..., ajoutent qu'il résulte de ces précisions qu'il n'a pas participé au contrôle routier mais a assisté à celui-ci à l'occasion de la filature et que ces énonciations valent à titre de simples renseignements ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que ne porte pas atteinte, notamment, au principe de la loyauté des preuves et au droit à un procès équitable, le fait, pour un officier de police judiciaire, compétent pour ce faire, préalablement informé, de façon spontanée, par un tiers, de la possible commission d'infractions, de contacter, à l'aide d'un numéro de téléphone diffusée par elle sur internet, la société mettant en vente un véhicule susceptible d'avoir été acquis en leasing à l'aide d'un dossier contenant des pièces falsifiées, et de se rendre au rendez-vous fixé par le commercial qui l'a rappelé à cette fin, sans prendre aucun engagement ni faire une quelconque autre demande, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le cinquième moyen pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, Préliminaire, L. 233-1 et R. 233-1 du code de la route, 429, D. 11, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en annulation formée par le mis en examen ;

"aux motifs que le brigadier a relaté des faits auxquels il a personnellement participé s'agissant d'une part de son appel téléphonique sur la ligne figurant dans l'annonce, de sa communication à cette occasion avec la secrétaire puis du fait qu'elle l'avait recontacté avant qu'un commercial lui téléphone pour convenir d'un rendez-vous Porte Maillot ; qu'il a précisé avoir engagé avec l'aide de ses collègues une filature et avoir à cette occasion constaté que le commercial faisait l'objet d'un contrôle routier ; qu'il a ajouté "j'apprenais qu'il s'agissait de M. B..." ; qu'il résulte de ces précisions qu'il n'a pas participé au contrôle routier mais a assisté à celui-ci à l'occasion de la filature ; que ces énonciations valent ainsi à titre de simples renseignements ; que ses recherches ultérieures se sont limitées à la consultation des fichiers de police concernant M. B... et le véhicule qu'il conduisait afin de connaître l'identité de ses propriétaires successifs ; qu' en application des articles L. 233-1 et R. 233-1 du code de la route, les forces de l'ordre peuvent procéder au contrôle d'un véhicule sans infraction préalable ; que ce contrôle se distingue ainsi du contrôle d'identité régi par l'article 78-2 du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce, en page 16 du rapport litigieux, il n'est décrit qu'un contrôle routier, lequel n'imposait pas la rédaction d'un procès-verbal en ce qu'un tel contrôle peut être réalisé sans formalité particulière, ce d'autant plus que M. B... était porteur de son permis de conduire ;

"1°) alors que l'article D. 11 du code de procédure pénale prévoit en son deuxième alinéa que si plusieurs officiers de police judiciaire concourent à une enquête, le nom de celui qui a personnellement accompli chacune des opérations doit être précisé ; qu'il en résulte que, peu important le cadre procédural du contrôle routier ayant permis de connaître l'identité du suspect, le nom de l'officier ayant procédé à ce contrôle devait apparaître dans le rapport d'information ; qu'en concluant à la régularité du rapport ainsi établi sans que le nom de l'un des officiers de police ayant participé aux opérations ne soit précisé, la chambre de l'instruction a méconnu le principe exposé ci-dessus ;

"2°) alors que les contrôles routiers, comme toute autre forme de contrôles constitutifs d'une intrusion dans la vie des personnes qui en font l'objet, sont soumis à un principe de légalité et ne peuvent être réalisés dans les conditions prévues par la loi ; que la chambre de l'instruction, qui retient à tort que le contrôle routier aurait pu être effectué sans aucun motif et sans aucune formalité particulière, a méconnu le principe exposé ci-dessus ;

"3°) alors que faute pour la chambre de l'instruction d'avoir recherché les conditions dans lesquelles le contrôle routier, qui aurait été fortuitement réalisé sur la voiture qui faisait l'objet d'une filature, a été réalisé, et faute pour le rapport d'information de préciser les conditions dans lesquelles il a été pris attache avec l'officier ou l'agent de police auteur du contrôle afin d'obtenir l'identité de l'individu conduisant la voiture, la chambre de l'instruction ne permet pas de s'assurer, comme le demandait le requérant, que ce contrôle routier a été réalisé sans détournement de procédure et sans irrégularité ; que l'arrêt attaqué est ce faisant insuffisamment motivé" ;

Attendu que le moyen pris de l'irrégularité du contrôle routier, dont ni l'organisation ni la restranscription ne sont soumises à aucun formalisme particulier, pratiqué à l'égard d'un tiers susceptible d'être impliqué dans les infractions des chefs desquelles le demandeur a été mis en examen, est inopérant dès lors que cette éventuelle irrégularité ne peut être invoquée que par la personne qu'elle concerne ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.