CA Paris, 14e ch. B, 1 février 2007, n° 07/10533
PARIS
Arrêt
Autre
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Feydeau
Conseillers :
Mme Provost-Lopin, Mme Darbois
Avoués :
SCP Duboscq-Pellerin, SCP Petit Lesénéchal
Avocats :
Me Gastaud, Me Catala, Me Lyonnet
Vu l'arrêt de cette cour du 7 décembre 2007 ayant ordonné la communication de la procédure au ministère public et le renvoi de l'affaire à l'audience du 20 décembre 2007 ;
Vu les conclusions du ministère public déposées au greffe le 17 décembre 2007 et communiquées aux parties le jour même ;
Vu les dernières conclusions du 20 décembre 2007 par lesquelles les appelants demandent à la cour de :
- annuler et en tous cas infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 12 juin 2007 et statuant à nouveau :
- rétracter l'ordonnance du 25 Juillet 2006 comme entachée de nullité pour excès de pouvoir en ce qu'elle procède de l'ordonnance du 25 avril 2005 elle-même entachée de nullité ;
- dire et juger que Me THOUX n'avait pas qualité pour déposer requête aux fins de remettre le solde des fonds par lui détenus à M. TEXIER, pris en qualité de liquidateur de la GENERALE D'IMPORTATION S.A ;
- rétracter l'ordonnance du 7 janvier 2007 ;
- dire et juger que M. TEXIER peut détenir le solde des fonds mais en qualité d'indivisaire de l'indivision résultant des opérations de liquidation de la GENERALE D'IMPORTATION S.A avec les obligations attachées à la condition des indivisaires ;
- débouter Me THOUX de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner Me THOUX à payer à M. THEVENIN la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions de Me THOUX du 19 décembre 2007 tendant à voir la cour, confirmant la nomination du séquestre et ajoutant à sa mission :
à titre principal :
- dire que le séquestre désigné, jusqu'à décision de justice devra appréhender, par toutes voies de droit, les sommes reçues par M. TEXIER de Me THOUX, soit la somme totale de 8 679 753,62 €, ainsi que toutes autres sommes que M. TEXIER aurait perçues ou percevrait de la COFACE ou de tous autres, au même titre de la société GISA (sic) ;
- dire que le séquestre appréhendera également tous intérêts produits par les sommes remises à M. TEXIER ainsi que, d'une manière générale, toutes sommes revenant à la société GISA ;
- conférer au séquestre tous pouvoirs afin de poursuivre le recouvrement des sommes ci-dessus, par toutes voies de droit ;
Subsidiairement, si l'appel devait être accueilli :
- nommer tel liquidateur amiable à la société GISA lequel recevra les pouvoirs de représentation légale de cette société, selon les termes des statuts de celle-ci ainsi que des dispositions légales et, notamment, celui de procéder aux opérations de liquidation et, à cette fin, appréhender entre les mains de M. Jean-François TIXIER, par toutes voies de droit, les sommes que celui-ci a reçues de Me THOUX alors en sa qualité de mandataire ad hoc ainsi que celles qu'il aurait perçues au titre de la société GISA et d'effectuer les opérations de liquidation de cette société ;
- conférer à ce liquidateur les plus larges pouvoirs
Très subsidiairement :
- nommer tel séquestre, jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné par justice, avec mission d'appréhender, par toutes voies de droit, les sommes reçues par M. TEXIER de Me THOUX, soit la somme de 8 679 753,62 € ainsi que toutes autres sommes que M. TEXIER aurait perçues ou percevrait de la COFACE ou de tous autres, au même titre que la société GISA
- dire que le séquestre appréhendera également tous intérêts produits par les sommes remises à M. TEXIER ainsi que d'une manière générale, toutes sommes revenant à la société GISA ;
- conférer au séquestre tous pouvoirs aux fins de poursuivre le recouvrement des sommes ci-dessus par toutes voies de droit ;
Condamner M. Stéphane THEVENIN à payer à Me THOUX, ès-qualités, la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens ;
LA COUR
Considérant qu'il ressort des écritures des parties et des pièces versées aux débats que la société GENERALE D'IMPORTATION S.A (ci-après GISA) qui avait pour activité la vente en gros et le négoce, de caractère national et international, de matières premières et de produits alimentaires, notamment ceux nécessitant une conservation par le froid, a été placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 août 1994 ;
Que ce même tribunal a, par jugement du 3 août 1995, arrêté un plan de cession portant sur la totalité des actifs de la société, maintenu Me BOUYCHOU, administrateur, avec les pouvoirs nécessaires à la mise en oeuvre du plan pendant deux mois et la SCP MIZON-THOUX en qualité de représentant des créanciers et prononcé la liquidation judiciaire de la société FINERCOM (société mère détentrice de 95% du capital de GISA) ;
Que, par jugement du 17 décembre 2001, le tribunal de commerce a constaté la clôture des opérations de cession d'actifs et ordonné la radiation de la société GISA du registre des sociétés ;
Que ces décisions sont définitives ;
Que, sur simple courrier adressé par un avocat au greffe du tribunal de commerce, le 29 juillet 2004, faisant savoir que la société COFACE avait, dans le cadre d'un accord de consolidation de dette signé entre les gouvernements français et nigérian, perçu des fonds d'un montant de 2 698 596,22 € pour le compte de la société GISA qu'elle devait reverser à cette dernière, le président du tribunal de commerce de Paris, par ordonnance du 29 avril 2005, a désigné Me THOUX en qualité de mandataire ad hoc avec pour mission de rouvrir la procédure clôturée le 17 décembre 2001, recevoir des mains de la COFACE les fonds résultant de l'accord précité pour les transférer dans le patrimoine de la société GISA et procéder à leur répartition 'au marc le franc' aux créanciers à hauteur du solde de leur créance résultant de la première distribution et a fixé à un an la durée de cette mission ;
Qu'à la requête de Me THOUX adressée sous forme de courrier simple en date du 21 novembre 2005, le président du même tribunal a rendu, le 25 juillet 2006, une ordonnance rectificative rétractant sa précédente décision et confirmant la désignation et la mission de Me THOUX sans réouverture de la procédure collective, laquelle, aux dires du requérant, serait lourde et onéreuse, s'agissant d'une procédure collective concernant une société ayant fait l'objet d'un redressement judiciaire suivi d'un plan de cession ;
Que par requête du 28 décembre 2006, Me THOUX, indiquant au président du tribunal de commerce qu'il avait reçu la somme de 14 621 511,01 € de la COFACE pour le compte de la société GISA et procédé au règlement de la totalité du passif résiduel suivant état du passif résultant de la procédure collective en sorte que 'la dite procédure se [trouvait] clôturée par extinction totale du passif déclaré et vérifié', a sollicité et obtenu une ordonnance, rendue le 30 janvier 2007, constatant que sa mission était terminée et désignant M. Jean-François TEXIER comme liquidateur amiable de la société GISA, conformément aux dispositions de l'article L 237-19 du code de commerce, avec pour mission 'de recevoir le solde des sommes disponibles à charge pour lui de désintéresser tout créancier qui n'aurait pas été désintéressé et qui se manifesterait à l'avenir et de procéder aux opérations de liquidation amiable ';
Que, par assignation des 25 et 27 avril 2007, M. Stéphane THEVENIN, propriétaire de 2 245 actions représentant 5% du capital de la société GISA, se plaignant de n'avoir pas reçu notification des ordonnances du 25 juillet 2006 et du 30 janvier 2007 et contestant la régularité de la procédure suivie au regard des dispositions du code de commerce relatives aux effets du jugement du 17 décembre 2001 ayant clôturé les opérations de cession d'actifs et prononcé la radiation de la société GISA du registre du commerce et des sociétés, a saisi le président du tribunal de commerce, statuant en référé, d'une demande en rétractation de ces ordonnances ;
Que c'est dans ces conditions qu'a été rendue l'ordonnance du 12 juin 2007 soumise à la cour aux termes de laquelle le président du tribunal de commerce, jugeant la demande recevable, a estimé qu'aucune irrégularité n'entachait l'ordonnance du 26 juillet 2006 susceptible de causer un grief à M. THEVENIN dès lors qu'il était de l'intérêt de toutes les parties, créanciers et anciens actionnaires de GISA que les fonds soient versés par la COFACE, que la rectification ordonnée était justifiée par le fait que la première ordonnance du 29 avril 2005 avait été rendue à la suite d'informations incomplètes sur la situation exacte de GISA et qu'il n'existait aucun motif de notifier ces ordonnances à tous les anciens actionnaires de cette société, cette initiative appartenant au mandataire s'il l'estimait utile ;
Qu'il a, en revanche, retenu qu'il n'entrait pas dans les pouvoirs du juge des référés de qualifier la situation juridique de la société GISA et de trancher la question de savoir si, par l'effet du jugement du 17 décembre 2001, cette société avait disparu, en sorte que les anciens actionnaires seraient devenus copropriétaires indivis comme le prétend M. THEVENIN, ou si, comme le soutient Me THOUX, la dissolution entraînant la liquidation, un liquidateur amiable devait être nommé, ce qui a été fait par l'ordonnance du 30 janvier 2007 ; qu'après avoir invité les parties à soumettre ce litige aux juges du fond, il a estimé nécessaire de nommer un séquestre judiciaire aux lieu et place d'un liquidateur amiable, par application de l'article 1961 du code civil et, rétractant sa décision du 30 janvier 2007, a désigné Me CHEVRIER de ZITTER, huissier de justice, en qualité de séquestre des sommes actuellement disponibles ou à venir appartenant à la société dissoute jusqu'à décision de justice ;
Considérant que les appelants relèvent à juste titre que le juge saisi d'une demande en rétractation d'une ordonnance sur requête n'est pas le juge des référés investi des pouvoirs énoncés aux articles 872 et 873 du code de procédure civile, mais le juge qui a statué sur la requête, saisi 'comme en matière de référé' à qui il appartient de vérifier, dans le cadre d'un débat contradictoire et par application de l'article 497 du code de procédure civile, les mesures qu'il a initialement ordonnées ; que l'existence d'une contestation sérieuse n'est pas de nature à rendre incompétent le juge saisi en vertu de ce texte ni à l'empêcher de statuer immédiatement mais doit le conduire à apprécier si, devant une telle difficulté, il y a lieu ou non de maintenir sa précédente décision ;
Considérant qu'en relevant qu'il n'entrait pas dans ses pouvoirs de qualifier la situation juridique actuelle de la société GISA pour apprécier la qualité de M. TEXIER nommé liquidateur amiable de la société GISA par l'ordonnance du 30 janvier 2007 qu'il lui était demandé de rétracter et que les parties devaient saisir les juges du fond de cette question et en ordonnant une mesure de séquestre judiciaire jusqu'à la décision à intervenir, le premier juge a statué, non comme juge de la rétractation mais comme juge des référés, ce qu'il n'était pas selon les termes de sa saisine ; qu'il a donc excédé ses pouvoirs ;
Qu'il y a lieu en conséquence d'annuler l'ordonnance et, statuant à nouveau, d'apprécier le mérite de la demande en rétractation des ordonnances du 25 juillet 2006 et du 30 janvier 2007 ;
Considérant que, par l'ordonnance du 25 juillet 2006, le président du tribunal de commerce, saisi par Me THOUX désigné le 29 avril 2005 en qualité de mandataire ad hoc aux fins rappelées plus haut, a rétracté l'ordonnance rendue à cette date en ce qu'elle avait donné mission à ce dernier de rouvrir la procédure collective et l'a maintenu dans ses fonctions pour le surplus ;
Considérant que les appelants contestent la validité de l'ordonnance du 29 avril 2005 et, par suite, la qualité de Me THOUX à en solliciter la rectification, en ce que cette décision est entachée de nullité ;
Considérant que l'article L.622-34 du code de commerce soumet la reprise de la procédure après clôture de la liquidation judiciaire à une décision spécialement motivée du tribunal ; qu'à supposer que ce texte soit applicable à la situation de la société GISA, ce qui est discuté, il demeure qu'une telle décision ne relève pas des pouvoirs du juge statuant sur requête ; que dès lors que Me THOUX a été désigné par l'ordonnance du 29 avril 2005 en raison de ' la nécessité de rouvrir la procédure de liquidation judiciaire', il tirait sa qualité à demander la rectification de cette décision au président du tribunal de commerce le 21 novembre 2005 d'une ordonnance entachée d'excès de pouvoir ; que procédant d'une telle décision dont elle ne pouvait réparer le vice, l'ordonnance du 25 juillet 2006 doit être rétractée ;
Que l'ordonnance du 30 janvier 2007, rendue pareillement à la requête de Me THOUX, encourt les mêmes critiques et doit être également rétractée ;
Considérant que la cour se trouve dès lors en situation d'apprécier la suite qui devait être donnée au courrier du 29 juillet 2004 adressé par Me Denis GANTELME, avocat de la COFACE au greffe du tribunal de commerce de Paris, service des procédures collectives, par lequel il faisait savoir que 'dans le cadre d'un accord de consolidation de dette signé entre le gouvernement français et le gouvernement de la République du Nigéria, la COFACE [avait] perçu des fonds pour le compte de la société GENERALE D'IMPORTATION' et demandait que 'la procédure collective soit reprise en application de l'article L 622-34 du code de commerce';
Que s'agissant, non d'une requête adressée au président du tribunal de commerce dans les formes de l'article 494 du code de procédure civile, mais d'une simple lettre contenant référence à l'article L 622- 34 du code de commerce, et, comme telle, destinée au tribunal seul apte, le cas échéant, à ordonner la reprise de la procédure, le juge des requêtes n'avait pas le pouvoir de rendre une décision, la demande ne relevant pas des prévisions des articles 874 et 875 du code de procédure civile ;
Qu'il n'appartient pas à la cour, statuant dans les limites des pouvoirs du juge des requêtes, de se prononcer sur la demande de la COFACE du 29 juillet 2004 et, par suite, d'ordonner le séquestre des sommes qui se trouvent aujourd'hui entre les mains de M. TEXIER ni de dire à quel titre ce dernier est autorisé à les détenir ;
Qu'il y a lieu, en conséquence, de déclarer irrecevables les prétentions des parties à cet égard ;
Considérant que Me THOUX ayant agi en qualité de mandataire judiciaire ne peut être personnellement tenu de supporter les dépens ; qu'il convient, en conséquence, par application de l'article 696 du code de procédure civile, de dire que l'ensemble des frais et dépens exposés dans les différentes procédures seront exceptionnellement à la charge des appelants et déduits du montant des fonds détenus pour le compte de la société GISA ;
Qu'il n'y a pas lieu dans ces conditions à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Annule l'ordonnance du 12 juin 2007 ;
Statuant à nouveau,
Rétracte les ordonnances sur requête des 25 juillet 2006 et 30 janvier 2007 ;
Dit que le président du tribunal de commerce, statuant sur requête, n'avait pas le pouvoir de donner suite au courrier du 29 juillet 2004 de Me Gantelme, avocat de la COFACE ;
Dit que la cour, statuant dans les limites de la saisine du premier juge, n'a pas non plus ce pouvoir ;
Déclare irrecevables les demandes tendant à voir désigner un séquestre ou à dire en quelle qualité M. TEXIER peut détenir les fonds ;
Dit n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que l'ensemble des frais et dépens exposés dans les différentes procédures seront à la charge des appelants et seront recouvrés conformément à l'article 699 du même code.