CA Bordeaux, 2e ch. civ., 16 novembre 2011, n° 11/03181
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bancal
Conseillers :
Mme Rouger, Mme Faure
Par jugement du 18 janvier 2010, le tribunal de commerce de Libourne a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de M. X exerçant l'activité d'entretien de parc et jardins et de travaux viticoles.
Par ordonnance de référé du 28 mars 2011, M. X a été condamné à payer à M. X une somme provisionnelle de 32.623,63 €.
Par ordonnance du même jour, le président du tribunal de commerce de Libourne s'est saisi d'office aux fins d'examiner l'opportunité d'ouvrir la procédure de liquidation judiciaire de M. X.
Le dossier a été évoqué à l'audience du 18 avril 2011, en l'absence de M. X.
Par jugement du 18 avril 2011, le tribunal de commerce de Libourne, se fondant sur les dispositions de l'article L 643-13 du code de commerce a ordonné la réouverture de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée de M. X, maintenu M. Z juge commissaire et désigné la SELARL H. prise en la personne de Me Y en qualité de liquidateur.
M. X a interjeté appel de cette décision le 17 mai 2011.
Dans ses écritures signifiées le 30 septembre 2011, M. X, appelant, demande à la Cour d'infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau, de dire n'y avoir lieu à ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et de statuer ce que de droit sur les dépens avec distraction au profit de son avoué constitué.
Il soutient qu'une même action en recouvrement avait déjà été initiée par le mandataire liquidateur dès la fin de l'année 2009 dans le cadre d'une procédure d'exécution fondée sur une précédente ordonnance de référé, une somme modique ayant seulement pu être recouvrée, et que dans le même temps, le mandataire liquidateur avait saisi le tribunal de commerce d'une requête aux fins de clôture pour insuffisance d'actifs de sorte que c'est en parfaite connaissance de cause et face à une situation strictement identique que le tribunal de commerce de Libourne avait prononcé la clôture pour insuffisance d'actif, M. X, débiteur de M. X n'étant pas réellement solvable et l'exécution de l'ordonnance s'avérant difficile voire impossible.
Il soutient par ailleurs que le second titre qu'il a obtenu le 28 mars 2011 est une simple ordonnance de référé, provisoire et frappée d'appel, de sorte qu'il n'existe actuellement dans son patrimoine aucun actif susceptible de désintéresser ses anciens créanciers.
Il explique qu'un protocole d'accord est intervenu le 11 avril 2011 entre lui et M. X, mettant un terme définitif au litige, lui-même ayant renoncé à se prévaloir des termes de l'ordonnance du 28 mars 2011 tandis qu'en contrepartie M. X a renoncé à poursuivre les procédures engagées devant le juge de l'exécution.
Il en déduit que l'actif étant nul, rien ne justifie le maintien de la procédure, alors que de surcroît, au regard de l'article L 643-13 du code de commerce, contrairement à ce qu'a indiqué le tribunal de commerce, la réouverture n'est pas de droit, mais constitue une simple possibilité s'il est estimé que le patrimoine du débiteur permet de désintéresser les créanciers, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Dans ses écritures signifiées le 19 juillet 2011, la S. Laurent et Louis H., intimée, sollicite la confirmation de la décision entreprise.
Elle soutient que M. X était débiteur des condamnations avant l'ouverture de la procédure de liquidation et donc a fortiori avant la clôture des opérations, que M. X n'a fait que poursuivre la procédure et que les sommes, lorsqu'elles seront encaissées constitueront la garantie des créanciers de la procédure, les créances recouvrées ne pouvant en toute hypothèse par revenir à M. X.
Le Parquet Général a indiqué s'en rapporter sur la présente procédure le 7 septembre 2011.
SUR CE, LA COUR :
Aux termes de l'article L 643-13 du code de commerce, si la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée pour insuffisance d'actif et qu'il apparaît que des actions dans l'intérêt des créanciers n'ont pas été engagées pendant le cours de la procédure, celle-ci peut être reprise.
Les juges du fond ont un pouvoir souverain sur l'appréciation de l'opportunité de la réouverture de la procédure.
Le dernier alinéa du dit article précise que si les actifs du débiteur consistent en une somme d'argent, la procédure prévue au chapitre IV du présent titre est de droit applicable, à savoir la procédure de liquidation judiciaire simplifiée.
Au regard de ces dispositions, ce n'est pas le prononcé de la reprise de la procédure de liquidation judiciaire qui est de droit en cas d'actifs du débiteur consistant en une somme d'argent, mais le prononcé de la liquidation judiciaire simplifiée si le juge du fond a préalablement estimé qu'il y avait lieu à réouverture de la procédure de liquidation judiciaire.
En l'espèce, il ressort des pièces de la procédure que M. X a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte le 18 avril 2005, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 30 juillet 2007.
Par requête du 24 novembre 2009, Me Y ès-qualités de mandataire liquidateur a saisi le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de prononcer la clôture de la procédure pour insuffisance d'actif.
Par jugement du 18 janvier 2010, le tribunal de commerce, faisant application de l'article L 643-9 du code de commerce issu de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 , applicable aux procédures en cours à compter de sa publication, estimant que le produit de la réalisation des actifs du débiteur et des actions et procédures engagées dans l'intérêt de l'entreprise ou des créanciers ne permettaient pas de désintéresser, même partiellement, les créanciers, a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif de M. X.
Il ressort des termes mêmes de la requête en clôture pour insuffisance d'actif déposée par Me Y ès-qualité de liquidateur le 24 novembre 2009 que le passif antérieur ressortait à 159.057,49 € tandis que le passif de la procédure ressortait à 118.230,21 €, qu'il y avait impossibilité d'appréhender ou de recouvrer quelconque somme d'argent supplémentaire susceptible d'être répartie en faveur des créanciers et que l'absence totale d'actifs rendait impossible l'espoir de paiement du passif.
Il s'avère qu'avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et alors qu'il était en redressement, M. X avait personnellement assigné M. X en référé suite à la réalisation de travaux viticoles au cours de l'année 2006 aux fins d'obtenir condamnation à paiement à titre provisionnel d'un solde de factures de 37.623,63 €, matérialisé à hauteur de 24.264,58 € par deux lettres de change acceptées revenues impayées à leur échéance du 15 novembre 2006.
Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 2 juillet 2007, le président du tribunal de commerce de Libourne avait condamné M. X à payer à M. X la somme de 32.623,63 € outre intérêts légaux ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X s'est retrouvé quant à lui dessaisi de tous ses droits et actions patrimoniaux à compter du jugement de conversion de son redressement judiciaire en liquidation judiciaire intervenu le 30 juillet 2007.
Il ressort des termes de l'assignation diligentée par M. X à l'encontre de Me Y ès-qualités devant le juge de l'exécution de Libourne le 12 janvier 2010, qu'une procédure de saisie conservatoire avait été diligentée en exécution de l'ordonnance de référé du 2 juillet 2007 entre les mains de la Banque Populaire du Sud-Ouest, alors que la signification de l'ordonnance réputée contradictoire n'était intervenue que le 17 novembre 2009, soit plus de 18 mois après que celle-ci ait été prononcée, le débiteur en invoquant la caducité en application de l'article 478 du code de procédure civile.
Me Y avait donc effectivement saisi le tribunal de commerce de Libourne par requête du 24 novembre 2009 aux fins de clôture de la liquidation judiciaire de M. X pour insuffisance d'actifs alors qu'il tentait par ailleurs le recouvrement d'une créance pour laquelle le débiteur avait obtenu un titre exécutoire juste avant le prononcé de la conversion en liquidation judiciaire.
Le tribunal de commerce de Libourne faisait droit à cette requête alors qu'une instance était pendante devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Libourne.
A l'audience du 19 février 2010, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Libourne prononçait le retrait du rôle de l'affaire à la demande des parties, à savoir, M. X et Me Y ès-qualités.
Il ressort de ces éléments que pendant la durée de la procédure de liquidation judiciaire de M X, Me Y ès-qualités n'a pas fait diligence pour tenter de recouvrer la créance dont M. X était titulaire à l'égard de M. X, ne signifiant pas le titre exécutoire dans les délais requis, ne réassignant pas M X et sollicitant la clôture de la procédure pour insuffisance d'actifs de M. X alors que celui-ci restait créancier d'une somme de 37.623,63 € au titre de prestations échues et non réglées pendant la période de redressement judiciaire, dont une somme de 24.264,58 € exigible en vertu de deux lettres de change acceptées revenues impayées à leur échéance du 15 novembre 2006.
Cela étant, la clôture pour insuffisance d'actif prononcée le 18 janvier 2010 permettait à M. X, lequel avait recouvré l'intégralité de ses droits, d'une part, d'engager une action en paiement de la créance née pendant la période de redressement judiciaire et non recouvrée par le liquidateur après l'ouverture de la liquidation judiciaire, ce qu'il a fait en assignant en référé le 23 février 2011 M. X devant le président du tribunal de commerce de Libourne aux fins d'obtenir paiement d'une provision de 32.623,63 €, prétention à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 28 mars 2011 et d'autre part, de diligenter une saisie conservatoire, ce qu'il a fait le 8 février 2011.
Me Y a d'ailleurs été informé de cette procédure puisque le 25 janvier 2011 il écrivait à M° M., conseil de M. X, qu'il était surpris de l'assignation délivrée, que la procédure avait fait l'objet d'une clôture définitive par jugement du 18 janvier 2010, que la créance poursuivie était antérieure au jugement déclaratif du 30 juillet 2007 et que l'assignation lui paraissait sans objet.
Le recouvrement de ses droits permettait aussi à M. X de signer valablement avec son débiteur le 11 avril 2011 un protocole d'accord transactionnel aux termes duquel les parties ont convenu de fixer la créance de M. X sur M. X à la somme forfaitaire de 18.000 € TTC, déduction faite de la somme de 9.000 € déjà payée antérieurement, et de convenir d'un échéancier de règlement en trois échéances de 6.000 € chacune, la première étant payable dès la mainlevée de la saisie-conservatoire à intervenir dans les 24 heures de la signature du protocole, et les deux autres étant payables le 31 mai 2011 et le 15 juillet 2011.
Aux termes de ce protocole M. X renonçait valablement au surplus de sa créance et aux causes de l'ordonnance de référé du 28 mars 2011, tandis que M. X renonçait à sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et s'engageait à retirer la procédure de mainlevée engagée devant le juge de l'exécution selon assignation du 18 février 2011 ainsi qu'à se désister de son appel de l'ordonnance de référé du 28 mars 2011, s'engageant par ailleurs à conserver à sa charge les frais de procédure inhérents à ces deux instances.
Il en résulte qu'à la date du 18 avril 2011, date du prononcé du jugement du tribunal de commerce ayant ordonné la réouverture de la procédure de liquidation judiciaire, M. X restait redevable envers M. X d'une somme de 12.000€ en exécution du protocole transactionnel susvisé.
Il ressort de ces éléments que cet actif à recouvrer, au regard tant du passif subsistant de la liquidation judiciaire clôturée tel que rappelé ci-dessus, que des frais de procédure à engager, n'est pas de nature à permettre une répartition effective entre les créanciers et qu'il n'y a pas lieu en conséquence de reprendre la procédure de liquidation judiciaire de M. X, le jugement entrepris devant dès lors être infirmé en toutes ses dispositions.
La présente instance intervenant dans le seul intérêt de M. X et en l'absence de fonds détenus par le liquidateur de la procédure de liquidation clôturée pour insuffisance d'actif, les dépens de première instance et d'appel resteront à la charge de M. X.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions
Dit n'y avoir lieu à reprise de la procédure de liquidation judiciaire dont M. X a fait l'objet clôturée pour insuffisance d'actif par jugement du tribunal de commerce de Libourne du 18 janvier 2010
Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de M. X.