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Décisions

Cass. 1re civ., 17 mai 2023, n° 21-24.106

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Monster Energy Company (Sté)

Défendeur :

Sainte Claire (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Guihal

Rapporteur :

M. Hascher

Avocat général :

M. Salomon

Avocats :

SARL Ortscheidt, SARL Le Prado - Gilbert

Paris, pôle 5 ch. 16, 19 oct. 2021

19 octobre 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 octobre 2021), la société américaine Monster Energy a résilié le contrat, soumis au droit californien et stipulant une clause compromissoire, par lequel elle avait confié à la société Sainte Claire la distribution exclusive de ses produits dans le département de la Guyane.

2. Elle a demandé l'exequatur en France de la sentence rendue en Californie sous les auspices du Judicial Arbitration and Mediation Services qui validait cette résiliation.

Examen du moyen,

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches,

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche,

Enoncé du moyen,

4. La société Monster Energy fait grief à l'arrêt de refuser l'exequatur à la sentence alors « qu'il résulte de l'article 1520, 5°, du code de procédure civile, que le juge de l'exequatur doit rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est compatible avec l'ordre public international ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir relevé que par « la sentence arbitrale rendue par défaut le 31 mai 2017, l'arbitre unique a jugé valide la résiliation du contrat et condamné la société Sainte Claire au règlement de la somme de 5 264,61 dollars au titre de frais d'arbitrage et de 133 701,5 dollars au titre de frais d'avocats » et que « le contrôle exercé par le juge de l'annulation pour la défense de l'ordre public international s'attache seulement à examiner si l'exécution des dispositions prises par le tribunal arbitral heurte de manière manifeste, effective et concrète les principes et valeurs compris dans l'ordre public international », sans caractériser en quoi la reconnaissance ou l'exécution de la sentence, en ce qu'elle a jugé valide la rupture du contrat et condamné la société Sainte Claire à verser une certaine somme au titre des frais d'arbitrage et d'avocats, viole de manière caractérisée l'ordre public international, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1520, 5°, et 1525, alinéa 4, code de procédure civile. »

Réponse de la Cour,

Recevabilité du moyen,

5. La société Sainte Claire conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que la critique est irrecevable, puisque nouvelle.

6. Cependant, le moyen invoque un vice résultant de l'arrêt lui-même et qui ne pouvait être décelé avant que celui-ci ne soit rendu.

7. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 1520, 5°, et 1525, alinéa 4, du code de procédure civile :

8. Il résulte de la combinaison de ces textes que l'exequatur n'est refusé sur le fondement du premier que lorsque la solution donnée au litige, et non le raisonnement suivi par les arbitres, heurte concrètement et de manière caractérisée l'ordre public international.

9. Pour dire que la sentence méconnaît l'ordre public international français, l'arrêt retient qu'elle se réfère au droit californien choisi par les parties, sans mettre en œuvre les dispositions impératives de l'article L. 420-2-1 du code de commerce, qui prohibent, dans les collectivités d'outre-mer, les accords ayant pour objet ou pour effet d'accorder des droits exclusifs d'importation.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, en quoi la validation par la sentence de la rupture du contrat, précédemment prononcée par la société Monster Energy, et la condamnation de la société Sainte Claire à verser une certaine somme au titre des frais d'arbitrage et d'avocats, violait de manière caractérisée l'ordre public international, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.