CA Douai, 2e ch. sect. 2, 22 septembre 2022, n° 21/05280
DOUAI
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bedouet
Conseillers :
Mme Cordier, Mme Mimiague
Avocats :
Me Laforce, Me Camus-Demailly
Par jugement en date du 28 juin 2021, le tribunal de commerce de Valenciennes a prononcé la liquidation judiciaire de Mme [D] [N] née [Y], Me [E] étant nommé en qualité de liquidateur judiciaire.
Par requête en date du 23 août 2021, Me [E] ès qualités a déposé une requête pour être autorisé à vendre aux enchères publiques l'actif mobilier (du matériel de couture, des véhicules ainsi qu'une péniche Igelrock année 1930 immatriculée LI010148F le 10 novembre 1992, aménagement intérieur avec escalier, terrasse et cuisine actuellement amarrée [Adresse 4]) sur le fondement des dispositions de l'article L 642-19 du Code de commerce.
Par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort du 6 octobre 2021, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Valenciennes chargé de la procédure de liquidation judiciaire de Mme [D] [N] née [Y], statuant en application de l'article L.642-19 du Code de commerce, a :
- entendu la partie présente en son cabinet,
- dit la requête de Maître [S] [E] juste et fondée,
- ordonné la vente aux enchères publiques par le Ministère de la SCP [O] [W], commissaire-priseur judiciaire associé, prise en la personne de Mes [G] [W] et [O] [R], suppléants demeurant [Adresse 1], ou tout autre commissaire-priseur territorialement compétent, du stock de marchandises, du matériel d'exploitation, des véhicules ainsi que d'une péniche année 1930, immatriculée L1010148F, le 10 novembre 1992, aménagement intérieur avec escalier, terrasse et cuisine et, d'une manière générale, de tous les objets mobiliers dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire de Madame [D] [Y], [Adresse 3], qui n'auront pu être vendus amiablement.
- dit que les frais de la vente seront réglés sur les premières disponibilités,
- dit que la présente décision sera notifiée par les soins de M. le greffier au « débiteur » par LRAR, et au liquidateur judiciaire par remise par voie électronique sécurisée et communiquée à Monsieur le procureur de la République par remise électronique sécurisée,
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure.
Par déclaration en date du 13 octobre 2021, Mme [D] [N] née [Y] a interjeté appel, reprenant dans son acte l'ensemble des chefs de la décision.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 13 janvier 2022, Mme [D] [N] née [Y] demande à la cour, de :
- dire et juger Madame [N] recevable bien-fondée en son appel,
- y faisant droit,
- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a autorisé la vente de la péniche,
- constater par ailleurs que le premier juge a autorisé la vente d'autres actifs, alors que la requête ne le sollicitait pas,
- débouter Me [E] de sa demande de vente aux enchères de la péniche,
- à titre subsidiaire,
- octroyer à Mme [N] un délai de douze mois pour pouvoir vendre sa péniche amiablement,
- dire que ce délai de douze mois commencera à courir à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- statuer ce que de droit sur les dépens de la présente procédure.
Elle s'oppose à la vente aux enchères en raison :
- du gabarit de la péniche qui risque de ne pas être vendue par ce biais, ou à un tel prix
- du fait que cette péniche était en vente auprès d'un mandataire spécialisé, Me [E] étant informé de cette démarche.
Elle souligne que la péniche lui sert d'habitation actuellement et que des amateurs existent au prix proposé de 300 000 euros.
Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 12 avril 2022, Me [E], ès qualités, demande à la cour, au visa de l'article L642-19 du Code de commerce, de :
- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions
- débouter Madame [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions. - frais et dépens en frais de procédure collective
Il souligne que :
- la requête concerne tous les actifs de Mme [N] ;
- le juge commissaire a bien statué dans les limites de son pouvoir juridictionnel ;
- Mme [N] ne critique que la vente de la péniche aux enchères publiques, limitant l'effet dévolutif de son appel ainsi ;
- la vente de la péniche est tentée amiablement depuis 5 ans, sans succès ;
- les amateurs ont juste retiré un dossier début décembre, sans donner de suite ni manifester leur désir de faire une quelconque offre.
***
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mai 2022.
À l'audience du 14 juin 2022, le dossier a été mis en délibéré au 22 septembre 2022.
MOTIVATION
En vertu des dispositions de l'article L 642-19 du Code de commerce, le juge-commissaire soit ordonne la vente aux enchères publiques, soit autorise, aux prix et conditions qu'il détermine, la vente de gré à gré des autres biens du débiteur lorsqu'elle est de nature à garantir les intérêts de celui-ci. Lorsque la vente a lieu aux enchères publiques, il y est procédé dans les conditions prévues, selon le cas, au second alinéa de l'article L. 322-2 ou aux articles L 322-4 ou L 322-7.
Le juge-commissaire peut demander que le projet de vente amiable lui soit soumis afin de vérifier si les conditions qu'il a fixées ont été respectées.
En vertu des dispositions de l'article R 642-37-2 du Code de commerce, le juge-commissaire statue sur la vente après avoir recueilli les observations des contrôleurs et entendu ou dûment appelé le débiteur et son conjoint, lorsque celui-ci se trouve dans l'une des situations prévues à l'article R 641-30, ainsi que le liquidateur.
La demande de Mme [N] née [Y] de « constater que le premier juge a autorisé la vente d'autres actifs alors que la requête ne le sollicitait pas », sans aucun moyen au soutien de cette dernière d'ailleurs dans le corps de ses écritures, est totalement infondée, une simple lecture de la requête de Me [E] du 23 août 2021 permettant de s'assurer tant dans les moyens que dans le dispositif, qu'il est demandé « la vente par voie d'enchères publiques du matériel de couture, dès véhicules, ainsi qu'une péniche des années 1930 immatriculée L1010148F le 10/11/1992, aménagement intérieur avec escalier, terrasse et cuisine dépendant de la liquidation judiciaire de Mme [D] [N] née [Y]. »
Aucune contestation quant à la régularité de la procédure menée n'est élevée par Mme [N] née [Y], laquelle émet uniquement des craintes quant à une vente à vil prix et le souhait de voir dégager par cette vente un capital lui permettant d'acheter une maison, la péniche lui servant de domicile.
Quand bien même Mme [N] née [Y] affirme demeurer sur cette péniche, ce bien de nature mobilière peut faire l'objet d'une vente sur le fondement de l'article L 642-19 du Code de commerce, tout comme les autres biens envisagés par la requête, la protection liée au domicile du débiteur n'étant prévue qu'en matière immobilière.
Au vu de l'état des créances vérifiées et admises au passif de la liquidation judiciaire, il est de l'intérêt de cette procédure que l'ensemble des actifs de la débitrice, laquelle ne mentionne que la péniche dans ses écritures, puisse faire l'objet d'une cession d'actifs mobiliers isolés, permettant d'apurer, ou à tout le moins minorer, le passif.
Or, c'est dans le cadre de son pouvoir d'appréciation que le juge-commissaire détermine si la vente aura lieu aux enchères ou de gré à gré, Mme [N] née [Y] ne procédant que par supputation et affirmation, lorsqu'elle soutient qu'une vente aux enchères publiques de ce bien ne pourrait conduire qu'à obtenir un vil prix.
Les enchères ont pour but de faire déterminer le prix d'adjudication par la loi du marché et le succès d'une vente de gré à gré n'est nullement démontré, ni le fait que cette dernière parviendrait à obtenir un prix supérieur à celui obtenu dans le cadre d'une vente aux enchères publiques, la cour observant d'ailleurs qu'il n'est justifié d'aucune offre concrète pour une cession amiable du bien litigieux malgré le passage d'une annonce sur Le Boncoin depuis la fermeture de l'établissement, soit en 2016 et la signature d'un mandat de vente en août 2021.
Afin d'éviter toute dépréciation de ce bien en particulier qui nécessite entretien et sécurisation à la charge de la procédure collective, une cession rapide, par la voie d'une vente aux enchères publiques, en l'absence de tout projet concret présenté avec un potentiel acquéreur dans le cadre d'une cession de gré à gré à finaliser, apparaît indispensable.
La demande de Mme [N] née [Y] portant sur une cession de gré à gré de la péniche et une obtention d'un délai de 12 mois pour procéder à la vente amiable de ce bien est rejetée.
En conséquence, à bon droit et par une juste appréciation de la cause, le juge commissaire a fait droit à la requête sollicitant la vente aux enchères publiques des différents actifs mobiliers isolés dépendant de la procédure collective de Mme [N] née [Y].
L'ordonnance du juge-commissaire du tribunal de commerce de Valenciennes chargé de la liquidation judiciaire de Mme [N] née [Y] en date du 6 octobre 2021 est confirmée en toutes ses dispositions.
Il convient de fixer les dépens en frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME l'ordonnance du juge-commissaire du tribunal de commerce de Valenciennes chargé de la liquidation judiciaire de Mme [N] née [Y] en date du 6 octobre 2021 autorisant la vente par voies d'enchères publiques de divers biens mobiliers dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire de Mme [N] née [Y] ;
REJETTE la demande de délai présentée par Mme [N] née [Y] pour vendre amiablement sa péniche ;
DIT que les dépens seront employés en frais de procédure collective.