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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 31 mars 2016, n° 14/05396

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

PC Développement (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fontaine

Conseillers :

Mme Andre, Mme Cordier

T. com. Valenciennes, du 20 mai 2014

20 mai 2014

FAITS ET PROCEDURE

Par jugement du tribunal de commerce de Valenciennes en date du 17 janvier 2011, l'EURL D. a été placée en liquidation judiciaire. Me M. a été désigné en qualité de mandataire liquidateur.

Par ordonnance du 18 avril 2011, le juge-commissaire a autorisé la vente de matériel d'exploitation dépendant de la liquidation judiciaire de l'EURL D. au profit de la SARL PC Développement, exerçant sous le nom commercial SARL Ocemma, pour un prix de 9 427, 43 euros payable comptant.

Suivant lettres recommandées avec accusé de réception des 07 juin 2011 et 12 avril 2012, Me M. a mis en demeure la société PC Développement de régler cette somme.

Sur assignation de Me M. en date du 19 novembre 2012, le tribunal de commerce de Valenciennes, selon jugement en date du 20 mai 2014 a, notamment, condamné la SARL PC Développement à payer à Me M., ès qualité, les sommes de :

•           9 427, 43 euros TTC outre les intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2012,

•           1 770, 08 euros

•           1 000 euros à titre d'indemnité pour résistance abusive,

•           1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et a débouté Me M. de sa demande de dommages et intérêts.

La société PC Développement a interjeté appel par déclaration du 21 août 2014.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées par voie électronique le 03 mars 2015, la SARL PC Développement sollicite de la Cour qu'elle :

•           réforme en totalité le jugement du 20 mai 2014,

•           déboute Me M., ès qualités de liquidateur judiciaire de l'EURL D. de toutes ses demandes, fins et prétentions,

•           condamne Me M., ès qualités, au versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me L..

Elle fait d'abord valoir que la facture de 9 427, 43 euros n'est pas exigible en ce que :

- conformément à l'article L 642-9 du code de commerce, le juge commissaire n'a fait qu'autoriser la vente; pour que la vente soit parfaite, rende exigible le paiement du prix et la délivrance des biens, il est nécessaire que l'acte de cession du matériel soit établi, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce, Me M. ayant reconnu n'avoir ni rédigé ni transmis un tel acte,

- malgré ses conclusions de mars 2013 faisant valoir que la réception et la signature de cet acte étaient indispensables, Me M. ne l'a pas transmis,

•           les intérêts moratoires ne peuvent courir à compter du 07 juin 2011 car elle n'a pas reçu la mise en demeure à cette date.

Elle conteste en second lieu la condamnation au paiement de la somme de 1 770, 08 euros relative au transport et à l'entreposage du matériel d'exploitation en ce que :

•           Me M. ne rapporte pas la preuve d'un lien entre cette facture et le matériel dont il réclame le paiement,

•           la prestation facturée concerne les biens visés dans l'ordonnance du juge-commissaire dont la vente aux enchères publiques a été ordonnée alors que la vente du matériel d'exploitation en question a été autorisée de gré à gré,

•           Me M. n'établit pas avoir réglé la facture dont il réclame le paiement,

•           en l'absence de réalisation de l'acte de cession, ni le transfert de la propriété du matériel ni le transfert des risques ne se sont opérés, de sorte que celui-ci reste dans le patrimoine de la société D., qui doit en conséquence en assumer les frais d'entreposage.

La société PC Développement réfute toute résistance abusive et toute demande de dommages et intérêts aux motifs que :

•           le mandataire ne saurait invoquer une résistance abusive alors qu'il n'a pas réalisé l'acte de cession,

•           il n'établit pas un préjudice distinct de celui du non-paiement de la facture.

Me M., aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 15 janvier 2015, sollicite :

•           la confirmation du jugement en ce qu'il condamne la société PC Développement à payer les sommes de 9 427, 43 euros, outre les intérêts au taux légal, et 1 770, 08 euros,

•           sa réformation et la condamnation de PC Développement à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi que la somme de 1 000 euros pour résistance abusive,

•           la condamnation de PC Développement à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens.

Il soutient que :

•           la facture de 9 427, 43 est exigible car la vente de gré à gré d'un bien du débiteur est parfaite dès l'ordonnance, devenue définitive, du juge-commissaire,

•           la société PC Développement a souhaité se délier de ses obligations et ne lui a jamais demandé de rédiger un acte de cession,

•           la facture de cession transmise par courrier du 20 avril 2011 constitue l'accomplissement d'un acte postérieur à la décision du juge-commissaire, permettant de réaliser la vente,

•           PC Développement doit assumer les frais de transport et d'entreposage, frais dont elle a été informée par courrier du 16 avril 2012,

•           il a été amené à effectuer de nombreuses démarches amiables auprès de PC Développement et a ainsi subi un préjudice distinct de celui résultant du simple retard de paiement, non compensé par les intérêts légaux,

•           la résistance abusive est constituée par le silence gardé par PC Développement malgré ses multiples relances.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'exigibilité de la facture de 9 427, 43 euros

Aux termes de l'article 1134 du code civil, les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Selon l'article L 642-19 du code de commerce, le juge-commissaire ait ordonné la vente aux enchères publiques, soit autorisé, aux prix et conditions qu'il détermine, la vente de gré à gré des autres biens du débiteur. ['] Le juge-commissaire peut demander que le projet de vente amiable lui soit soumis afin de vérifier si les conditions qu'il a fixées ont été respectées.

Dès l'ordonnance du juge-commissaire l'ayant autorisée, sous la condition suspensive que la décision acquiert force de chose jugée, la cession, en ce qu'elle comporte un prix et une chose déterminée, est parfaite.

Dès lors, le cessionnaire ne peut refuser de régulariser la vente, sauf motif légitime tenant, notamment, à la non-réalisation d'une condition suspensive.

Par ailleurs, la vente est un contrat consensuel, conclu dès l'accord des volontés sur la chose vendue et le prix ; ainsi en matière de meuble, sauf cas particulier, l'effectivité de la vente n'est soumise à aucune formalité écrite et celle-ci peut être simplement verbale.

En l'espèce, la cession autorisée par le juge-commissaire porte sur des biens meubles « simples » (vitrines, chaises, tables...), dont la vente ne requiert aucun acte de cession particulier.

Or, il résulte des pièces jointes à l'ordonnance du juge-commissaire (pièce 1 de l'appelante), que la société PC Développement a transmis à Me M. une offre d'achat particulièrement explicite, décrivant chaque bien dont l'acquisition était sollicitée, ainsi que son prix, et se concluant par ces mots : « dans l'attente de votre confirmation de l'acceptation définitive ».

A la suite de cette offre, Me M. a sollicité du juge-commissaire d'être autorisé à céder le matériel dans les termes de ladite offre, qu'il qualifie de « satisfaisante ».

Dès lors, l'offre, qui n'était assortie d'aucune condition suspensive, ayant été acceptée dans tous ses termes par le mandataire, la décision du juge-commissaire qui l'autorise a rendu la vente parfaite, sans que la réalisation de celle-ci ne puisse être subordonnée à la passation d'un quelconque acte de cession de la part du liquidateur.

Enfin, Me M. justifie avoir réclamé le paiement, qui devait s'effectuer au comptant, par l'envoi d'une facture le 20 avril 2011 (pièce 2 et 2/1 de l'intimé).

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il condamne la société PC développement à verser le prix de la vente, soit la somme de 9 427, 43 euros TTC assortie des intérêts moratoires au taux légal à compter du 13 avril 2012, date de la réception de la seconde mise en demeure.

Enfin, sans qu'il puisse être reproché à la cour de statuer ultra petita, il convient de tirer toutes les conséquences de cette condamnation au paiement de l'acheteur et de la réciprocité des obligations des parties, et d'ordonner à la charge du mandataire la remise des biens vendus.

Sur la demande au titre des faits de transport et d'entreposage

Le transfert des risques et de la propriété ayant été opéré au profit de la société PC Développement dès le jour où l'ordonnance du juge-commissaire a acquis force de chose jugée, l'acquéreur doit en assumer les frais d'entreposage jusqu'à ce qu'il en ait pris livraison.

Il résulte du rapprochement entre la facture pour les prestations d'enlèvement, de stockage et de livraison du 07 février 2012 de l'EURL D. Diffusion (pièce 5/1 de l'intimé), la lettre de voiture du 10 février 2012 (pièce 5/2 de l'intimé), et la note de frais dressée à l'attention de Me M. par le commissaire-priseur réceptionnaire des biens (pièce 7 de l'intimé), que les marchandises stockées ont effectivement été celles cédées à PC Développement (« tables, chaises, vitrines, divers matériels de restauration déposés le 10/02/2012 ») et non celles destinées à la vente publique puisqu'il résulte de la note de frais du commissaire-priseur qu'elles n'ont été que confiées en « gardiennage » à l'hôtel des ventes de Valenciennes jusqu'au 10 juin 2015. .

Le lien entre la facture de 1 770, 08 euros et les biens dont le paiement est réclamé à la société PC Développement est donc établi et cette dernière doit en assumer le règlement.

Sur la demande de dommages et intérêts pour inexécution contractuelle

Aux termes de l'article 1153 alinéa 4 du code civil, le créancier auquel son débiteur a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.

En l'espèce, la mauvaise foi de la société PC Développement n'est pas établie, la controverse juridique sur l'exigence ou non d'un acte de cession en sus de l'ordonnance du juge-commissaire, ayant pu faire croire, même à tort, à la société PC Développement que la cession n'était pas réalisée.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté cette demande de dommages et intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

Aux termes de l'article 1382 du code civil, « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un préjudice oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

La résistance abusive du défendeur se définit par la contrainte, pour le demandeur, d'intenter une action en justice pour parvenir à ses fins, la simple défense à une action en justice ne pouvant constituer un abus de droit.

En l'espèce et pour la raison précitée, Me M. n'établit pas que le droit de la société PC Développement de se défendre en justice ait dégénéré en abus ni ne justifie d'un préjudice distinct du retard de paiement justement compensé par les intérêts moratoires.

Il convient en conséquence de réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société PC développement à payer à Me M. une indemnité de 1 000 euros pour résistance abusive.

Sur l'article 700 et les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

En l'espèce, la société PC Développement, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.

Il n'apparaît pas inéquitable de condamner la société PC Développement à payer à Me M., ès qualités, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Valenciennes du 20 mai 2014, sauf en ce qu'il condamne la société PC Développement à payer à Me M., ès qualités de liquidateur judiciaire de l'EURL D., la somme de 1 000 euros pour résistance abusive.

STATUANT à nouveau sur le chef réformé,

DEBOUTE Me M., ès qualités de liquidateur judiciaire de l'EURL D., de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Y AJOUTANT,

ORDONNE la remise par Me M., ès qualités de liquidateur judiciaire de l'EURL D., à la société PC Développement, des marchandises objet de la cession, dans le délai d'un mois suivant le paiement effectué par l'acquéreur, sous peine au-delà de ce délai d'une astreinte de 100 euros par jour de retard.

CONDAMNE la société PC développement à payer à Me M., ès qualités de liquidateur judiciaire de l'EURL D., la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

REJETTE la demande de la société PC Développement au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la société PC Développement aux dépens d'appel.