CA Paris, Pôle 6 ch. 2, 18 octobre 2018, n° 17/16731
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Comité Central D'entreprise de la Société La Halle
Défendeur :
Novarte (SAS), Alcentra Global Special Situations Luxembourg (SARL), La Halle (SAS), Vivarte (SAS), Alcentra Flandre Limited, Oaktree Luxembourg Flandre Anchor, Oaktree Lux Ii Sicav Sif, Novartex (SAS), Cabinet Emeraude Conseil
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luxardo
Conseillers :
Mme Chaulet, Mme Huberty
Vu l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris le 4 août 2017 qui a :
- constaté l'intervention volontaire de la société Alcentra Global Special Situation Luxembourg à l'instance n° RG 17/54750,
- ordonné la jonction des instances n° RG 17/54750, n° RG 17/54777, n° RG 17/55950 à l'instance n° RG 17/54307,
- décliné la compétence d'attribution des juridictions de l'ordre judiciaire concernant l'ensemble des demandes formées à titre principal aux fins de communication des pièces sous astreinte par le comité central d'entreprise de la société La Halle et la SAS Cabinet Emeraude Conseil à l'encontre de la SAS La Halle, de la SAS Vivarte, de la SAS Novartex, de la SAS Novarte, de la société Alcentra Global Special Situation Luxembourg, de la société Alcentra Flandre Limited, de la société Novartex Holding Luxembourg SCA , de la SAS Oaktree France, de la société Oaktree Luxembourg Flandre Anchor Sarl et de la société Oaktree LUX II Sicav Sif,
- invité en conséquence le comité central d'entreprise de la société La Halle et la SAS Cabinet Emeraude Conseil à mieux se pourvoir ainsi qu'ils en aviseront au sujet de ces mêmes demandes,
- déclaré irrecevable la demande reconventionnelle des sociétés La Halle, Vivarte, Novartex et Novarte afin de faire déclarer abusive l'action principale du comité central d'entreprise de la société La Halle et de la SAS Cabinet Emeraude Conseil,
- condamné solidairement le comité central d'entreprise de la société La Halle et la SAS Cabinet Emeraude Conseil à payer, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
. une indemnité de 3 500 euros au profit de la SAS La Halle, de la SAS Vivarte, de la SAS Novartex et de la SAS Novarte,
.une indemnité de 1 500 euros au profit de la SAS Oaktree France, de la société Oaktree Luxembourg Flandre Anchor Sarl et de la société Oaktree LUX II Sicav Sif,
. une indemnité de 1 500 euros au profit de la société Alcentra Global Special Situation Luxembourg et de la société Alcentra Flandre Limited,
. une indemnité de 1 500 euros au profit de la société Novartex Holding Luxembourg SCA ,
- rejeté le surplus des demandes,
- condamné solidairement le comité central d'entreprise de la société La Halle et la SAS Cabinet Emeraude Conseil aux entiers dépens de l'instance.
Vu la déclaration d'appel du comité central d'entreprise de la société La Halle enregistrée au greffe le 10 août 2017,
Vu les dernières conclusions signifiées le 17 janvier 2018 par le comité central d'entreprise de la société La Halle,
Vu les conclusions signifiées le 9 mai 2018 par les sociétés La Halle, Vivarte, Novartex et Novarte,
Vu les conclusions signifiées le 17 mai 2018 par les sociétés Alcentra Flandre Limited et Alcentra Global Special Situation Luxembourg,
Vu les conclusions signifiées le 17 mai 2018 par les sociétés Oaktree France, Oaktree Luxembourg Flandre Anchor Sarl et Oaktree LUX II Sicav Sif,
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 6 juillet 2018,
Motifs de la décision
Sur la procédure
A l'égard de la société Novartex Holding Luxembourg SCA
Le 3 octobre 2017, le greffe a adressé au comité central d'entreprise de la société La Halle un avis d'avoir à signifier la déclaration d'appel à la société Novartex Holding Luxembourg SCA dans le délai d'un mois au visa des dispositions de l'article 902 du code de procédure civile dès lors que cette société n'avait pas constitué avocat dans le délai prescrit.
La société Novartex Holding Luxembourg SCA a notifié sa constitution d'avocat par RPVA le 25 octobre 2017 soit dans le délai d'un mois de cet avis.
Par lettre du 17 mai 2018, l'avocat constitué pour cette société a informé le greffe de la cour d'appel qu'elle avait fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ouverte par jugement rendu le 9 mars 2018 par le juge commercial du tribunal de commerce du Luxembourg, précisait que l'instance était interrompue dès lors qu'il n'avait aucune instruction pour reprendre l'instance au nom des organes de la procédure et joignait une copie du jugement.
Le 22 mai 2018, le greffe a adressé au comité central d'entreprise de la société La Halle et aux sociétés intimées un avis les informant de la mise en liquidation judiciaire de la société Novartex Holding Luxembourg SCA et de la désignation de Me K., ès qualités de curateur, et leur rappelant qu'il leur appartient de signifier leurs conclusions au curateur.
Par acte d'huissier du 8 juin 2018, les sociétés La Halle, Vivarte, Novartex et Novarte ont fait signifier leurs conclusions à Me K., ès qualités de curateur de la société Novartex Holding Luxembourg SCA , la copie adressée au greffe ne comportant pas les circonstances de la remise de l'acte.
Le comité central d'entreprise de la société La Halle, appelant, n'a pas signifié la déclaration d'appel ni ses conclusions à Me K., ès qualités de curateur de la société Novartex Holding Luxembourg SCA .
Il convient en conséquence de constater que les conclusions du comité central d'entreprise ne sont pas opposables à la société Novartex Holding Luxembourg SCA représentée par Me K., ès qualités de curateur.
A l'égard du Cabinet Emeraude Conseil
Le 3 octobre 2017, le greffe a adressé au comité central d'entreprise de la société La Halle un avis d'avoir à signifier la déclaration d'appel au cabinet Emeraude Conseil dans le délai d'un mois au visa des dispositions de l'article 902 du code de procédure civile dès lors que cette société n'avait pas constitué avocat dans le délai prescrit.
La déclaration d'appel et les conclusions de l'appelant ont été signifiées par acte d'huissier du 2 novembre 2017 remis à personne.
Le cabinet Emeraude Conseil n'a pas constitué avocat.
Compte tenu de ce qui précède, la décision sera rendue par défaut.
Sur la compétence du juge judiciaire
Le 24 janvier 2017, la société La Halle a présenté au comité central d'entreprise un plan social impliquant la suppression de postes et intégrant des postes vacants conduisant en conséquence à 59 départs volontaires et, le 3 février 2017, le comité central d'entreprise a été réuni par la société La Halle et a désigné le Cabinet d'expertise Emeraude Conseil dans le cadre de la procédure de consultation sur le projet de réorganisation et du plan de départs volontaires afin d'examiner la situation de l'entreprise, du groupe Vivarte et de ses actionnaires.
Le 7 février 2017, le Cabinet Emeraude Conseil a adressé une demande de documents à l'employeur.
Le 13 février 2017, la société La Halle a notifié à la DIRECCTE d'Ile de France le projet de départs volontaires pour motif économique en application des dispositions de l'article L.1233-46 du code du travail, précisant que le délai de deux mois imparti au comité d'entreprise pour rendre son avis sur l'opération projetée en application de l'article
L. 1233-30 courrait à compter du 3 février 2017, date de la première convocation du comité central d'entreprise pour l'examen de ce projet.
Le 28 février 2017, les organisations syndicales ont, parallèlement, déposé une demande d'injonction à la Direccte d'Ile de France comprenant notamment une demande de communication de documents à l'expert-comptable du comité central d'entreprise, demande qui lui a été transmise le même jour et à laquelle la DIRECCTE a partiellement fait droit.
Par actes d'huissier des 15 mars, 26 avril, 8 et 9 mai 2017, le comité central d'entreprise de la société La Halle et le Cabinet Emeraude Conseil ont assigné les sociétés La Halle, Vivarte, Novartex, Novarte, Alcentra Flandre Limited, Novartex Holding Luxembourg SCA , Oaktree France, Oaktree Luxembourg Flandre Anchor et Oaktree LUX II Sicav Sif devant le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir constater que le défaut de communication de pièces constitue un trouble manifestement illicite et ordonner en conséquence la communication d'une liste de documents, la société Alcentra Global Special Situation Luxembourg étant intervenue volontairement à l'instance.
Aucun accord n'ayant pu être signé, la société La Halle a déposé une demande d'homologation du plan de départs volontaires le 14 avril 2017 et a retiré son projet suite au rejet de ce plan par la DIRECCTE le 15 mai 2017.
Le comité central d'entreprise de la société La Halle sollicite l'infirmation de l'ordonnance de référé entreprise en ce qu'elle a décliné la compétence d'attribution des juridictions de l'ordre judiciaire concernant les demandes qu'il a formées à titre principal aux fins de communication de pièces sous astreinte. Il soutient que la demande de condamnation du groupe Vivarte à communiquer à l'expert comptable les documents qu'il juge utiles à sa mission n'est pas une demande formée en vertu des dispositions de l'article L.1233-57-5 dans le cadre de la procédure d'information/consultation à laquelle elles se rapportent mais en vertu des dispositions de l'article L.2325-37 du code du travail et des articles L.832-13 et suivants du code de commerce relatives aux prérogatives du commissaire aux comptes que l'expert du comité d'entreprise exerce dans le cadre de sa mission légale . Il ajoute que l'expert ne peut pas saisir la DIRECCTE d'une demande d'information et qu'il peut demander à l'employeur tout document qu'il estime utile à l'accomplissement de sa mission ainsi qu'à toute société d'un groupe.
Les sociétés La Halle, Vivarte, Novartex, Novarte exposent que la société Vivarte est une structure opérationnelle qui détient les filiales opérationnelles du groupe dont la société La Halle et qui font partie du groupe Novarte. Elles rappellent l'accord de méthode conclu au niveau du groupe Vivarte le 3 juillet 2015 qui organise les procédures d'information et consultation sur la présentation impliquant la présentation de plans de sauvegarde de l'emploi et font valoir que le Cabinet Emeraude Conseil a uniquement été désigné dans le cadre de la procédure de consultation sur le projet de réorganisation et de plan de départs volontaires et n'a pas été désigné dans le cadre de la procédure de consultation sur la situation économique et financière de l'entreprise prévue par l'article L.2323-12 et qu'en l'espèce un autre cabinet d'expertise, le cabinet Diagoris, a été désigné par le comité central d'entreprise pour cette mission spécifique lors de sa réunion le 14 octobre 2016. Elles précisent les différentes communication de pièces intervenues notamment à la suite de la demande d'injonction à la DIRECCTE formée par les organisations syndicales et affirment que les instances concernées ont disposé d'une information complète sur le projet et que la procédure de consultation de deux mois sur le fondement des livres II et I du code du travail s'est achevée le 3 avril 2017.
In limine litis, elles demandent à la cour de se déclarer incompétente pour statuer sur les demandes au motif que l'action visant à obtenir la communication de documents dans le cadre d'une expertise sur un projet de licenciement pour motif économique ne relève plus de la compétence du juge judiciaire depuis la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 et qu'un plan de sauvegarde ne peut plus être mis en oeuvre que s'il a recueilli l'homologation ou la validation de la DIRECCTE qui a l'obligation de s'assurer de la régularité de la procédure d'information/consultation du comité d'entreprise.
Subsidiairement elles soutiennent que la demande est devenue sans objet et qu'il n'y a ni trouble manifestement illicite ni dommage imminent.
Les sociétés Alcentra Global Special Situation Luxembourg et Alcentra Flandre Limited soulèvent également in limine litis l'incompétence du juge des référés judiciaire pour statuer sur les demandes dans le cadre d'une procédure de consultation sur un projet de licenciement collectif pour motif économique qui relève de la compétence exclusive du juge administratif et fait valoir que la lettre de mission du cabinet Emeraude conseil vise expressément les dispositions de l'alinéa 5 de l'article L. 2325-35 du code du travail.
A titre principal, si la cour devait retenir sa compétence, elles sollicitent leur mise hors de cause au motif que l'expert a rappelé, dans le cadre de sa mission , qu'il sollicitait les éléments qu'il juge utile à sa mission des personnes ou entités qui contrôlent ou sont contrôlées par la société La Halle au sens de l'article L.233-3 du code du travail et qu'elles ne constituent pas des telles entités, la sociétés Alcentra Global Special Situation Luxembourg étant actionnaire minoritaire de la société Novartex Holding Luxembourg SCA avec moins d'1,4% du capital et la société Alcentra Flandre Limited étant l'administrateur de la société Novartex.
Subsidiairement elles soulèvent l'irrecevabilité des demandes au motif que la procédure de consultation est terminée.
Les sociétés Oaktree France, Oaktree Luxembourg Flandre Anchor et Oaktree LUX II Sicav Sif soulèvent l'irrecevabilité des demandes formées à leur encontre au motif qu'elles n'ont aucun lien avec la société La Halle et le groupe Vivarte dans lequel elles ne détiennent aucune participation directe ou indirecte. Elles font valoir qu'elles ne font pas partie des entités tenues à communiquer des pièces à l'expert-comptable aux termes des dispositions des articles L.823-13 et L.823-14 du code de commerce et qu'il n'est nullement établi que la société La Halle établit des comptes consolidés les intégrant ou à l'inverse qu'elles-mêmes établissent de tels comptes intégrant cette société.
L'article L.1235-7-1 du code du travail dispose, dans sa version applicable à l'espèce, que :
'L'accord collectif mentionné à l'article L.1233-24-4, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L.1233-24-1, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L.1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la validation ou à l'homologation mentionnée à l'article L.1233-57-4.
Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. (...)'.
L'article L.1233-57-5 du code du travail dispose en outre que toute demande tendant, avant transmission de la demande de validation ou d'homologation, à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de fournir les éléments d'information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure est adressée à l'autorité administrative.
En l'espèce la délibération du 3 février 2018 signée par les membres titulaires du comité central d'entreprise La Halle désignant la cabinet d'expertise comptable La Halle mentionne expressément que 'cette désignation intervient à l'occasion de la procédure de consultation pour licenciement économique (5° de l'article L.2325-35 du code du travail)'.
Il est donc établi que la désignation du cabinet Emeraude conseil est intervenue en vertu des dispositions de l'alinéa 5 de l'article L. 2325-35 du code du travail, la société La Halle ne pouvant sérieusement soutenir que cette désignation est intervenue sur un autre fondement.
Conformément à l'obligation qui lui incombe, l'employeur a respecté son obligation de notifier à l'administration le projet de départs volontaires en cause.
Les demandes de communication de pièces formées par le comité central d'entreprise et le cabinet Emeraude dans le cadre de la présente instance ne pouvaient donc être formées que devant la juridiction administrative qui est seule compétente pour connaître des questions relatives à l'information et à la consultation du comité d'entreprise dans le cadre d'un d'un plan de départs volontaires soumis à l'avis de ce dernier comme c'était le cas en l'espèce, le fait que le cabinet Emeraude ne puisse adresser directement ses demandes à l'administration n'étant pas de nature à priver le comité d'entreprise de son droit à être informé, étant rappelé que les organisations syndicales avaient saisi la DIRECCTE d'une telle demande à laquelle elle a partiellement fait droit.
L'ordonnance du 4 août 2017 rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris sera donc confirmée.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Compte tenu de la solution du litige, le comité central d'entreprise devra verser à la société La Halle la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, celle de 1 000 euros aux sociétés Alcentra Global Special Situation Luxembourg, et Alcentra Flandre Limited, et 1 000 euros aux sociétés Oaktree France, Oaktree Luxembourg Flandre Anchor et Oaktree LUX II Sicav Sif.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt rendu par défaut mis à disposition au greffe,
Déclare inopposables à la société Novartex Holding Luxembourg SCA les conclusions du comité central d'entreprise,
Confirme l'ordonnance du 4 août 2017 rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris,
Condamne le comité central d'entreprise à verser à la société La Halle la somme de 3 000 euros et 1 000 euros aux sociétés Alcentra Global Special Situation Luxembourg, et Alcentra Flandre Limited, et 1 000 euros aux sociétés Oaktree France, Oaktree Luxembourg Flandre Anchor et Oaktree LUX II Sicav Sif au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
Condamne le comité central d'entreprise aux dépens d'appel.