Livv
Décisions

CA Poitiers, 1re ch. civ., 19 février 2019, n° 17/02002

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cofina Holding (SAS), Stendhal (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Orsini

Conseillers :

Mme Verrier, M. Maury

TGI Poitiers, du 28 mars 2017

28 mars 2017

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. Philippe G. était titulaire de 99,90 % des parts sociales de la SAS Cofina Holding, constituée en 1995, ayant pour objet social la détention de participation dans différentes sociétés, autour de l'exercice d'une activité de garagiste.

La SAS Cofina Holding détenait 100 % du capital social de quatre sociétés, ayant pour activité l'exploitation de concessions Peugeot, la réalisation de travaux de carrosserie et de peinture, la location de véhicules automobiles avec ou sans chauffeur, la vente de voitures neuves et d'occasion.

Il s'agissait :

- des Etablissements Emile G. qui avaient pour activité l'exploitation d'une concession PEUGEOT à CHÂTELLERAULT (86)

Cette société a été absorbée par la société COFINA HOLDING par acte du 26 juin 2010, qui prévoit notamment la transmission universelle du patrimoine de celle-ci à la société COFINA HOLDING.

- de G. AUTOMOBILES qui avait pour activité l'exploitation d'une concession PEUGEOT à CIVRAY (86) et RUFFEC (16) ;

- de CAR SUD qui avait pour activité la réalisation en substance de travaux de carrosserie et de peinture d'une part, et la location de véhicules avec ou sans chauffeur d'autre part, à CHÂTELLERAULT (86) ;

- de G. DISTRIBUTION qui avait pour activité la vente de voitures neuves et d'occasion à SAUZE VAUSSAIS (79).

Certaines de ces sociétés étaient propriétaires de l'immeuble dans lequel l'activité commerciale était exercée, alors que celui occupé par la SAS G. Automobile, appartenant à la S.C.I. Stendhal.

Dans le courant de l'année 2006, M. Philippe G. a souhaité céder la totalité des parts sociales des sociétés composant la SAS Cofina Holding.

La comptabilité des sociétés était suivi depuis l'année 2000 par le cabinet d'expertise comptable S.A.R.L. Audit B. Conseil et Expertise ABCE, à l'exception jusqu'en 2007 de la société ETABLISSEMENTS EMILE G..

Par acte sous seing privé des 10 janvier 2007, trois des quatre fonds de commerce ont été cédés à la Société Commerciale Automobile du Poitou et le quatrième à la société SV Auto.

Consécutivement à ces cessions, la SAS G. automobile a été invitée par la Caisse de Crédit Agricole à rembourser les sommes dues au titre d'un emprunt contracté, suite à la déchéance du terme prononcée du fait de la vente du fonds de commerce nanti au profit de la banque.

Les différentes sociétés ont par ailleurs été taxées au titre de sommes restant dues sur la TVA, incluant des pénalités et intérêts de retard.

Dans l'impossibilité de régler les sommes sollicitées, les sociétés concernées et M. Philippe G. se sont employés à réaliser leurs actifs immobiliers, dans l'urgence, pour un prix inférieur à ce qui leur avait été initialement proposé, malgré leur intention initiale de conserver ce patrimoine pour se constituer des revenus fonciers.

Un signalement a par ailleurs été fait par le commissaire aux comptes à M. le Procureur de la République, suite à l'inexactitude des déclarations de TVA consécutive aux cessions intervenues.

Par acte d'huissier en date du 28 mars 2014, M. Philippe G., la SAS Cofina Holding , la S.C.I. Stendhal et la S A S G. automobile ont fait assigner la S.A.R.L. Audit B. Conseil et expertise ABCE devant le tribunal de grande instance de POITIERS, aux fins d'obtenir sa condamnation à payer :

- À la S.C.I. Stendhal, la somme de 344 727,23 € à titre du préjudice relatif à la perte d'une partie du prix de cession du bien immobilier vendu à la SCA Immoca, 70 773 € au titre du préjudice fiscal, 9 666,16 € au titre des frais payés pour remboursement anticipé du prêt, 2 836,46 € au titre des frais de mainlevée des inscriptions hypothécaires,

- À Monsieur Philippe G. la somme de 10 000 € à titre de dommage et intérêts pour préjudice moral,

- À la société SAS G. automobile la somme de 3835,98 € à titre d'indemnité de résiliation anticipée du prêt et des frais de mainlevée, celle de 12 795 € au titre des pénalités de retard dans les déclarations de TVA, celle de 9 089,60 € du chef des prestations réalisées pour disposer de ses pièces comptables,

- À la société SAS confina Holding la somme de l0 943,40 € au titre d'honoraires payés pour l'exercice 2017, celle de 709 019,01 € au titre du préjudice subi par la SAS G. automobile, outre la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code deprocédure civile et les dépens.

Aux termes de leurs dernières écritures, ces demandes étaient modifiées, puisque la SAS G. automobile ne concluait plus.

M. Philippe G., la SAS Cofina Holding, la S.C.I. Stendhal sollicitaient alors le rejet de l'exception de prescription soulevée par la S.A.R.L. Audit B. Conseil et expertise ABCE.

Ils maintenaient leur demandes, sauf à solliciter la condamnation de la défenderesse à leur verser :

- la somme de 7 000 € chacun en réparation de leur préjudice,

- la somme de 662 250 € au titre de l'indemnité sollicitée par la SAS Confina

Holding, outre la somme de 10 443,44 € désormais au titre du remboursement

anticipé des prêts, et la somme de 4 276,57 € au titre des frais de mainlevée des inscriptions hypothécaires, et à fixer leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 5 000 € chacun.

Ils considéraient que les différents événements qu'ils ont subis sont imputables à des erreurs commises par le cabinet d'expertise-comptable.

Ils exposaient en effet avoir mis fin à la mission de la S.A.R.L. Audit B. Conseil et expertise ABCE et confié à M. R. le soin d'arrêter les comptes sociaux des différentes sociétés au 31 décembre 2008, du fait de graves anomalies dans la tenue des comptes durant l'année 2007 mises en exergue, la défenderesse continuant à émettre des factures pour des diligences effectuées au titre de l'exercice 2008 et retenant les documents en sa possession pour défaut de règlement de ses prestations, les contraignants ainsi à régler des sommes contestées au titre de l'exercice 2007, pour obtenir restitution des dossiers.

Ils indiquaient avoir été condamnés à payer le montant des honoraires sollicités par la défenderesse et déboutés de leurs demandes reconventionnelles par arrêt définitif de la Cour d'Appel de POITIERS du 16 avril 2013, pour défaut de lien suffisant avec 1'instance principale.

Les demandeurs faisaient valoir que leur action n'est pas prescrite, le délai ayant été interrompu par la demande reconventionnelle formée par la société des Etablissements Emile G., aux droits de laquelle vient la société Cofina Holding et par l'intervention volontaire dans l'instance initiale de M. G. et de la S.C.I. Stendhal, le point de départ du délai quinquennal initialement fixé au 13 janvier 2009, ayant été reporté suite à son interruption, au 16 avril 2013, date de I'arrêt de la Cour d'Appel de POITIERS. Ils estimaient qu'en tout état de cause la prescription a été suspendue du fait de leur l'impossibilité d'agir pendant toute la durée de cette première procédure, leurs droits se trouvant subordonnés à la solution de l'action en cours.

Ils concluaient au surplus que la tardiveté de l'exception de prescription soulevée leur a causé un préjudice dont l'existence ne peut être remise en cause, même en cas de pertinence du moyen.

Sur le fond, les demandeurs soutenaient le défaut de respect de son devoir de conseil de la part de la société S.A.R.L. Audit B. Conseil et Expertise ABCE, expert comptable.

Il lui appartenait de procéder à la mise en garde du client, de l'informer sur les différentes possibilités offertes en matière fiscale sociale ou financière, de le guider dans ses choix et de lui faire des recommandations, en le mettant à l'abri d'un redressement fiscal, et en attirant son attention sur d'éventuelles insuffisances constatées. Il lui appartenait d'apporter la preuve par écrit, du respect de son obligation de conseil et de mise en garde.

Le non respect de ses obligations par la S.A.R.L. Audit B. Conseil et Expertise ABCE, serait directement à l'origine des différentes sommes qu'ils ont été amenés à payer à l'établissement bancaire, au titre de la TVA et leur a occasionné un préjudice financier constitué notamment de l' obligation de vendre leur actif immobilier à vil prix.

La SARI. Audit B. Conseil et Expertise ABCE concluait à l'irrecevabilité des demandes présentées comme prescrites et, subsidiairement, à leur débouté, poursuivant la condamnation des demanderesses à lui payer la somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de son conseil.

Elle exposait avoir établi le bilan de clôture en novembre 2007 et les déclarations sociales ainsi que l'établissement des comptes provisionnels pour la gestion immobilière résiduelle en vue de l'obtention de nouveaux financements et d'étalement des emprunts bancaires en cours, suite aux cessions intervenues.

Elle indiquait que l'action introduite est soumise à la prescription quinquennale dont le point de départ du délai doit être fixé, au plus tard le 13 janvier 2009, alors que l'assignation a été délivrée le 28 mars 2014, postérieurement à l'expiration du délai.

Elle faisait valoir que les demandes présentées devant le Tribunal de Commerce puis devant la Cour d'Appel de Portiers, n'ont pu interrompre la prescription dés lors qu'elles ont été définitivement rejetées, quel qu'en soit le motif, alors que les demanderesses pouvaient parfaitement introduire leur action dans le délai quinquennal après le prononcé de l'arrêt de la Cour d'Appel de POITIERS, et n'ont pas été empêchées d'agir pour interrompre ce délai de prescription qui n'a pas non plus été suspendu.

À titre subsidiaire sur le fond, elle exposait n'avoir été tenue qu'à une obligation de moyens et que son obligation de conseil ne s'applique pas aux faits qui sont de la connaissance de tous.

Elle souligne qu'aucun reproche ne lui a jamais été adressé pour ses différentes interventions antérieures aux cessions intervenues par l'intermédiaire d'un cabinet d'avocats, sans qu'elle y ait participé.

Elle indiquait n'avoir pas été chargée de la tenue comptable et des déclarations de TVA des différentes sociétés pour l'année 2007, ayant seulement eu pour mission de clôturer les comptes 2006 des sociétés du groupe et s'être personnellement préoccupée d'obtenir une copie des avoirs de la société Peugeot pour que les déclarations de TVA, effectuées par la comptable des sociétés qui auraient dû être déposées en février, soit régularisées.

Elle soulignait n'avoir pas été avisée des négociations entreprises par Monsieur G. seul, en vue de parvenir à la réalisation des immeubles, que ce dernier s'est acquitté du solde d'un prêt contracté auprès de la Caisse de Crédit Agricole spontanément, de même qu'il a vidé ses comptes courants d'associé sans en référer à quiconque, pour un montant total de 350 000 €. Elle exposait que la valeur des immeubles au jour des cessions réalisées n'est pas établie et que le paiement d'un impôt légalement dû n'est en tout état de cause pas constitutive d'un préjudice indemnisable.

Par jugement contradictoire en date du 28/03/2017, le tribunal de grande instance de POITIERS a statué comme suit :

' Déclare les demandes principales irrecevables comme prescrites.

Condamne M. Philippe G., la SA S Cofina Holding , et la S.C.I. Stendhal à payer à la S.A.R.L. Audit B. Conseil et expertise ABCE,la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette les autres demandes.

Condamne M. Philippe G., la SA S Cofina Holding , la S.C.I. Stendhal aux dépens et dit que Me B. pourra les recouvrer en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.'

Le premier juge a notamment retenu que :

- L'action introduite est soumise à la prescription quinquennale, par application des dispositions de l'article 2224 du code civil.

- Si la demande en justice interrompt le délai de prescription,1'interruption devient non avenue si la demande est définitivement rejetée, quel que soit le motif de fond ou de forme de ce rejet, aucune distinction n'étant opérée par les dispositions légales.

- En l'espèce, les demandes formulées par voie reconventionnelle devant le Tribunal de Commerce de POITIERS, ont été définitivement rejetées par arrêt de la Cour d'Appel de POITIERS du 16 avril 2013, de sorte que l' interruption de la prescription qui en résultait est devenue non avenue.

- En outre, ces demandes n'ont pu valoir suspension de la prescription au sens de l'article 2234 du Code civil, dés lors d'une part que les demanderesses n'étaient pas dans l'impossibilité absolue d'agir, ayant seulement fait un choix de procédure qui s'est révélé malheureux et que d'autre part, au jour du prononcé de l'arrêt, elles disposaient encore de plusieurs mois avant l'expiration du délai de prescription, temps suffisant pour agir.

- Ces demandes seront donc déclarées irrecevables comme prescrites.

- Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice subi du fait de la tardiveté de l'exception de forclusion soulevée, la prescription peut être opposée en tout état de cause, même devant la Cour d'Appel et les demanderesses n'établissent pas que l'exercice de ce droit par la défenderesse aurait dégénéré en abus, générateur d'un préjudice à leur profit. Cette demande indemnitaire doit alors être écartée.

LA COUR

Vu l'appel général en date du 09/06/2017 interjeté par M. Philippe G., la société SAS Cofina Holding, et la S.C.I. Stendhal.

Vu l'article 954 du code de procédure civile.

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 23/04/2018, M. Philippe G., la société SAS Cofina Holding, et la S.C.I. Stendhal ont présenté les demandes suivantes :

'Vu les dispositions de l'article 2243 et 2234 du Code civil,

Vu les dispositions de l'article 1131, 1147 et 1382 du Code Civil,

REFORMER le jugement du tribunal de grande instance de POITIERS en date du 28 mars 2017 ;

En conséquence :

DIRE ET JUGER non prescrites les demandes de Monsieur G., la S.C.I. STENDHAL et la société COFINA HOLDING,

DÉCLARER recevables Monsieur G., la S.C.I. STENDHAL et la société COFINA HOLDING en leur appel du dit jugement,

En conséquence :

CONDAMNER la société ABCE à indemniser Monsieur G., la S.C.I. STENDHAL et la société COFINA HOLDING, des préjudices suivants :

* pour la S.C.I. STENDHAL :

- préjudice relatif à la perte d'une partie du prix de cession de son bien immobilier : 344.727,23 €

- préjudice lié à l'impôt qui a dû être acquitté par la S.C.I. STENDHAL du chef de la cession : 70.773 €

- frais assumés par la S.C.I. STENDHAL du chef du remboursement anticipé de son prêt pour 9.666,16 €

- frais assumés par la S.C.I. STENDHAL du chef des frais d'acte de mainlevée des inscriptions hypothécaires pour 2.836,46 €

* pour Monsieur G. :

- 10.000 € à titre de dommages et intérêts du chef du préjudice moral.

* pour la société COFINA HOLDING :

- préjudice relatif à la perte d'une partie du prix du bien immobilier de la société ETABLISSEMENTS EMILE G. : 662.250 €

- préjudice lié aux frais que la société ETABLISSEMENTS EMILE G. a dû assumer du chef du remboursement anticipé du prêt : 10.443,44 €

- préjudice lié aux frais d'acte de mainlevée des inscriptions hypothécaires soit 4.276,57 €

CONDAMNER la société ABCE à payer à Monsieur G., la S.C.I. STENDHAL et la société COFINA HOLDING, une somme de 15.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER la société ABCE aux entiers dépens.'

A l'appui de leurs prétentions, M. Philippe G., la société SAS Cofina Holding, et la S.C.I. Stendhal soutiennent notamment que :

- La Société COFINA HOLDING, constituée en 1995 par M. Philippe G., a pour objet social la détention de participations dans d'autres sociétés.

Elle détenait 100% du capital social de 4 sociétés :

* La société ETABLISSEMENT EMILE G., qui avait pour activité l'exploitation d'une concession PEUGEOT à CHÂTELLERAULT (86) ;

* la société G. AUTOMOBILES qui avait pour activité l'exploitation d'une concession PEUGEOT à CIVRAY (86) et RUFFEC (16) ;

* La société CAR SUD qui avait pour activité la réalisation en substance de travaux de carrosserie et de peinture d'une part, et la location de véhicules avec ou sans chauffeur d'autre part, à CHÂTELLERAULT (86) ;

* La société G. DISTRIBUTION qui avait pour activité la vente de voitures neuves et d'occasion à SAUZE VAUSSAIS (79) ;

- La société ABCE a repris la compatibilité de la société ETABLISSEMENT EMILE G. le 2 janvier 2007, auparavant effectuée par le cabinet KPMG.

- En 2006, M. Philippe G. a décidé de mettre fin à son activité et de céder globalement les parts sociales de toutes les sociétés du groupe COFINA. Certaines des sociétés (société ETABLISSEMENTS EMILE G.), dont la cession était envisagée, étaient propriétaires des immeubles dans lesquels leurs activités étaient exploitées. Les immeubles exploités par la société G. AUTOMOBILES appartenaient au patrimoine de la S.C.I. STENDHAL.

- La société SOCHAUX MOTORS a fait une proposition pour l'acquisition de ces actifs immobiliers à hauteur de 2.400.000,00 €, alors qu'ils étaient évalués à une somme de 3.006.977,73 €.

L'immeuble de la société ETABLISSEMENTS G. était évalué à la somme de 2.162.250 €, valeur non actualisée.

- Constatant la différence entre la valeur réelle des actifs immobiliers et la proposition de la société SOCHAUX MOTORS, la société ABCE ainsi que le cabinet JURICA, ont, en leur qualité de conseil des Sociétés du groupe G., conseillé à M. G. de procéder uniquement à la cession des fonds de commerce de ses sociétés, et d'en conserver les actifs immobiliers afin de les louer à l'acquéreur des fonds de commerce.

- Sur ces conseils, les fonds de commerce des 4 sociétés étaient cédés le 15 novembre 2006, sous condition suspensive à la société SOCHAUX MOTORS.

- M. G. a alors entrepris, comme le lui avait conseillé la société ABCE chargée de l'accompagner dans l'opération, de solder les créances de chaque société du groupe.

Il a été procédé au remboursement des emprunts des différentes sociétés et au remboursement des comptes courants que Monsieur G. avait dans les différentes structures.

- Toutefois, M. G. ne voyait pas d'acte régularisé par la société ABCE aux fins de solder la situation des différentes sociétés.

M. G. la relançait ainsi à plusieurs reprises mais sans succès.

Il souligne qu'aucune interruption de la mission de l'expert-comptable n'avait eu lieu à la suite des cessions intervenues.

- En décembre 2007, le CRÉDIT AGRICOLE indiquait à Monsieur G. que la cession du fonds de commerce G. AUTOMOBILES entraînait la déchéance du terme de son prêt rendant exigible le prêt, au motif que celui-ci était nanti à son profit.

Alors qu'à aucun moment, la société ABCE n'avait alerté Monsieur G. sur le fait que la cession du fonds de commerce rendrait le prêt immédiatement exigible, M. G. sera contraint de verser sans délais la somme de 183 890,50 € alors qu'il venait de procéder au remboursement des créances sur les conseils de la société ABCE

- À la mi-décembre 2007, la société ABCE informait M. G. et ses sociétés qu'il convenait de procéder à un règlement des impôts sur la TVA pour un montant de 400 000 €, sans qu'il obtienne de véritables explications.

- M. G. et les différentes sociétés du groupe réglaient ainsi la première demande de TVA ainsi faite comme suit :

*323.956 € pour la société ETABLISSEMENTS EMILES G., dont 20.000 € de pénalités et d'intérêt de retard

* 67.244 € pour la société G. AUTOMOBILES dont 5.000 € de pénalités et d'intérêts de retard.

- La société ABCE alertait à nouveau M. G. d'un problème de TVA omise, pour un montant de 263 987 €, hors pénalités et intérêt de retard qui s'élèveront respectivement après remises à :

* 1.883 € pour la société EMILE G.

* 7.795 € pour la société G. AUTOMOBILES

- Un signalement a été effectué par le commissaire aux comptes des différentes sociétés du groupe G. au Procureur de la République concernant des montants de TVA à reverser suite aux différentes cessions des stocks des différentes structures (TVA encore différente de la précédente).

- M. G. soutient alors que s'étant attaché, sur les conseils de la société ABCE, à solder les créances de ses sociétés, il s'est trouvé dans l'impossibilité immédiate de régler les sommes réclamées par l'administration fiscale.

- A la suite des erreurs commises par la société ABCE dans la rédaction des déclarations fiscales de TVA dont elle avait la charge, M. G. dû prendre la décision de mettre en vente ses actifs immobiliers pour s'acquitter de la somme de 263 987 €, alors pour projet initial de les conserver. Il devait en effet profiter des revenus immobiliers révisables et indexés de l'ordre de 211.381 € par an.

- Les actifs immobiliers ont été cédés à la SCA IMMOCA (société immobilière de la société SOCHAUX MOTORS) pour un prix de 2.000.000 €, contre les 2.400.000 € qui avaient initialement été proposés par cette même société, dans le contexte économique difficile de l'année 2008.

- Par lettre du 13 janvier 2009, M. G. a indiqué à la société ABCE qu'il mettrait fin à sa mission au 31 MARS 2009 et ce, pour l'ensemble des structures.

- L'occasion de l'arrêté des comptes des différentes sociétés de 2008, M. R. et le Commissaire aux Comptes des différentes sociétés ont constaté de graves anomalies sur la tenue des comptes pour l'exercice 2007, ainsi que sur la tenue des assemblées des différentes sociétés.

- Alors qu'elle n'avait pas effectué l'arrêté des comptes des différentes sociétés du groupe pour l'exercice clos au 31 décembre 2008, la société ABCE a émis différentes factures pour les diligences qu'elle aurait effectuées au titre de l'exercice 2008.

Elle aurait ensuite refusé de transmettre à son successeur les documents nécessaires à l'arrêt des comptes sociaux. Elle a du alors régler les factures qu'elle contestait.

- la société ABCE a toutefois saisi le Président du Tribunal de Commerce de POITIERS, afin d'obtenir des ordonnances d'injonction à l'encontre des sociétés G. AUTOMOBILE, COFINA HOLDING et ETABLISSEMENTS EMILE G. en décembre 2009, pour obtenir paiement des factures.

Les sociétés G. AUTOMOBILE, COFINA HOLDING et ETABLISSEMENTS EMILE G. ont fait opposition. Le Tribunal de Commerce de POITIERS a donc été saisi du litige.

La S.C.I. STENDHAL et M. G. ont souhaité intervenir volontairement à l'instance pour faire connaître au Tribunal saisi les manquements de la société ABCE.

Le Tribunal de Commerce de POITIERS, a de manière inattendue, rejeté les demandes reconventionnelles des concluantes, ainsi que cette intervention volontaire.

La cour d'appel de POITIERS a ensuite, par arrêt en date du 16/04/2013 :

* Confirmé l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de M. G. et de la S.C.I. STENDHAL, pour défaut de lien suffisant avec l'instance principale introduite par la société ABCE ;

* Débouté les sociétés COFINA HOLDING, G. ATUTOMOBILES et ETABLISSEMENTS EMILE G. de leur demandes au titre du préjudice lié aux déclarations de TVA et au paiement des factures de la société ABCE.

* Déclaré irrecevable la demande reconventionnelle liée au préjudice subi par les concluantes du fait de l'indemnité de résiliation du prêt, de la perte de prix de vente des biens immobiliers et des frais de mainlevée, pour défaut de lien suffisant avec l'instance principale introduite par la société ABCE.

C'est ainsi que M. G., la S.C.I. STENDHAL et la société COFINA HOLDING ont été contraints de saisir le Tribunal de Grande Instance de POITIERS.

- Leur action n'est pas prescrite.

L'article 2243 du Code civil qui dispose désormais que 'l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée', alors que la chambre commerciale de la cour de cassation indique que l'article 2243 du code civil 'ne distinguant pas selon que la demande est définitivement rejetée par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir, l'effet interruptif de prescription de la demande en justice est non avenu si celle-ci est déclarée irrecevable'.

Toutefois, encore faut-il que la demande soit définitivement rejetée par une fin de non recevoir.

Il est alors soutenu que les 'demandes définitivement rejetées' sont les demandes qui ne pourront pas être réitérées devant un tribunal. Si l'irrecevabilité de l'action est temporaire, la demande n'est pas définitivement rejetée.

L'interprétation du 'rejet définitif de la demande' doit s'entendre alors du rejet de l'action, en tant qu'acte juridique.

Par contre, le droit d'agir subsiste. Chaque fois que la fin de non-recevoir ne sera pas définitive, à l'instar de l'acte de saisine du juge annulé par l'effet d'un vice de procédure, la demande en justice déclarée irrecevable doit conserver l'effet interruptif qui lui est attaché selon une doctrine.

En l'espèce, l'irrecevabilité des demandes reconventionnelles devant le tribunal de commerce et la cour d'appel pour défaut de lien suffisant avec l'instance principale n'empêche pas les demandeurs de réitérer leurs demandes devant le Tribunal de Grande Instance de POITIERS.

Le rejet de la demande n'était donc que temporaire et non définitif.

- Le délai quinquennal a donc débuté à compter de l'arrêt de la Cour d'appel de POITIERS, le 16 avril 2013. Les demanderesses ayant introduit leur demande le 28 mars 2014, la prescription n'était pas acquise.

- Cette solution est conforme avec la volonté du législateur qui a entendu préserver l'effet interruptif de prescription d'une instance à laquelle une juridiction met un terme en écartant les prétentions sans examen au fond du litige.

Le fait que l'interruption de l'instance soit jugée non-avenue parce que les demandes ont été rejetées (et non définitivement rejetées) pour défaut de lien suffisant avec la demande principale, est en totale contradiction avec l'objectif poursuivi par le législateur, alors que la Cour d'Appel de POITIERS, le 16 avril 2013, en écartant la demande reconventionnelle de Monsieur G. et de la S.C.I. STENDHAL, n'a pas procédé à un examen de l'affaire au fond.

Pourquoi alors distinguer entre les vices de fond ou de forme, d'une part, et les fins de non- recevoir, d'autre part, dès lors que ces deux catégories de moyens de défense tendent à l'extinction de l'instance sans examen au fond '

Le législateur entend préserver l'effet interruptif de prescription d'une instance qui a été écartée par une juridiction sans examen au fond du litige.

En quoi le caractère non-avenu de l'interruption de la prescription serait justifié pour des demandes reconventionnelles dépourvues d'un lien suffisant avec la demande originaire qui peuvent être réitérées par une nouvelle demande '

- A titre subsidiaire, si le délai de prescription n'avait pas été interrompu, il est demandé à la cour qu'elle constate la suspension d'instance.

En effet, le point de départ du délai de prescription est soit le jour de la naissance de ce droit, soit celui de la connaissance de son existence par le créancier.

Le nouvel article 2234 du Code civil, en vigueur depuis le 19 juin 2008 dispose que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.

Il y avait en l'espèce l'impossibilité d'agir, du fait d'un empêchement de la loi puisque le même litige ne peut être présenté devant deux juridictions, également compétentes pour en connaître.

Ce n'est qu'à compter de l'arrêt en date du 16 avril 2013 rendu par la Cour d'Appel de POITIERS que les appelants étaient en mesure de diligenter une nouvelle procédure devant une autre juridiction.

La suspension du délai de prescription s'applique donc en l'espèce, en tant que mesure d'équité, arrêtant la marche du délai pour toute la durée de l'action initiée par la demande reconventionnelle de la société ETABLISSEMENTS EMILE G., aux droits de laquelle vient la société COFINA HOLDING, devant le Tribunal de Commerce de POITIERS, et l'intervention volontaire de M. G. et de la société STENDHAL, soit pendant près de deux ans.

- Le délai de prescription n'était donc pas écoulé au jour de l'acte introductif de la présente instance.

- À titre infiniment subsidiaire, par application des dispositions de l'article 123 du Code de procédure civile, une fin de non-recevoir proposée dans une intention dilatoire permet au juge de condamner à des dommages et intérêts, celui qui se serait abstenu de la soulever plus tôt. La fin de non-recevoir particulièrement tardive est nécessairement dilatoire.

Si la Cour devait considérer l'action prescrite, elle devra tout de même condamner la société ABCE à verser à M. G., la S.C.I. STENDHAL et la société COFINA HOLDING la somme de 7.000 € chacun.

- Au fond, les appelants soutiennent les manquements répétés de la SOCIÉTÉ ABCE a son devoir de conseil et de mise en garde prescrit par l'article 155 du décret n° 2012- 432 du 30 mars 2012.

- Ainsi, l'expert-comptable est tenu, dans le cadre du devoir de conseil inhérent à ses fonctions, quelle que soit l'étendue de sa mission, d'un devoir de mise en garde de son client sur les risques notamment juridiques susceptibles d'être encourus par ce dernier, que l'expert- comptable est à même de détecter dans l'exercice normal de sa mission.

- L'expert-comptable, à l'occasion des opérations comptables qu'il passe, a l' obligation d'informer son client sur les conséquences fiscales de ses actes.

L'expert-comptable se doit de présenter les comptes annuels, d'établir et présenter les documents comptables ainsi que la déclaration fiscale des résultats.

Il doit signaler les écarts éventuels de TVA car l'expert comptable ne peut limiter son action à la seule exploitation arithmétique des chiffres que lui communique son client sans en vérifier la cohérence.

- Il appartient au débiteur de l' obligation de conseil d'apporter la preuve par écrit de ce qu'il a effectivement rempli cette obligation de conseil et de mise en garde.

- En l'espèce, la société ABCE était chargée, dès l'année 2000, du suivi comptable des différentes sociétés du Groupe G., à l'exception de celle de la société ETABLISSEMENT EMILE G., et avait pour missions la présentation des comptes annuels, l'élaboration de déclarations fiscales et le secrétariat juridique. Elle a en outre repris la compatibilité de la société ETABLISSEMENT EMILE G. le 2 janvier 2007, auparavant effectuée par le cabinet KPMG.

- La société ABCE indique qu'elle n'a jamais eu pour mission de faire les déclarations de TVA, ni de se préoccuper de la tenue comptable ou des autres formalités quotidiennes de la vie des sociétés du groupe G..

Toutefois, elle reconnaît, en revanche, avoir assuré les missions suivantes :

* Etablissement des comptes annuels (bilan et compte de résultat) ;

* Révision et supervision de la comptabilité ;

* Révision et supervision des déclarations fiscales annuelles.

- Elle avait alors pour charge d'assurer la supervision de la comptabilité et des déclarations fiscales annuelles, ce qui induit nécessairement un suivi. En outre, elle a accompagné Monsieur G. et les sociétés du Groupe G. dans la gestion comptable et les différentes opérations de restructuration qu'elle a eu à mener au sein du Groupe.

- Elle avait également mission de conseil sur la cession et ne peut limiter le périmètre de son intervention dans l'opération de cession, et ce, alors même qu'elle était à l'initiative du montage opéré, motif qu'elle n'aurait pas été en charge de la rédaction des conventions de cession. Elle reconnaît être intervenue «en amont lors des négociations au titre de la cession du Groupe G.».

- Elle ne peut indiquer qu'elle n'a pas participé qu'aux négociations, alors qu'en date du 14 décembre 2006 (soit après la signature des conventions de cession du 15 novembre 2006), elle continuait de conseiller M. G. sur la cession, selon courrier versé aux débats.

Elle avait un devoir de conseil et de mise en garde envers son client au titre de l'opération de cession.

- Sur la mission de comptabilité dès le mois de janvier 2007, aucune interruption de la mission de la société ABCE n'a eu lieu après l'opération de cession. Elle avait à tout le moins, au début de l'année 2007, comme depuis l'année 2000, une mission de révision et supervision de la comptabilité et des déclarations fiscales.

Les factures émises par la société ABCE pour l'année 2007 produites par la concluante pour un montant non négligeable de 30.910,62 €, mentionnent à sept reprises la mention « déclarations fiscales ». Ceci est corroboré par la liste des documents que la société ABCE a remis à Monsieur G. indiquant très clairement que des déclarations de TVA ont été rédigées par celle-ci en 2007, 2008 et janvier 2009 pour la SAS COFINA HOLDING, SAS ETS EMILE G., G. AUTOMOBILES, SAS CAR SUD, S.A.R.L. G. DISTRIBUTION, S.C.I. STENDHAL.

La société ABCE s'est vu confier une mission comptable complète dès le début de l'année 2007 et ce jusqu'au 13 janvier 2009.

- La société ABCE soutient que sa mission n'aurait évolué qu'à partir du mois de novembre 2007. Selon les propres termes de la société ABCE, sa mission était alors la suivante : « la mission du cabinet comptable étant alors à compter de cette période étendue à la tenue de la comptabilité courante, à l'établissement des fiches de paie de Monsieur G. (seul salarié subsistant) et des déclarations sociales en découlant, ainsi qu'à l'établissement de comptes prévisionnels pour la gestion immobilière résiduelle du Groupe, en vue de l'obtention de nouveaux financements ou d'étalement des emprunts bancaires en cours».

Toutefois, M. G. et les sociétés du Groupe G. ne bénéficiaient plus de leur personnel comptable depuis le mois de janvier 2007, et le personnel comptable du cessionnaire n'a été mis à disposition des sociétés du Groupe G. qu'aux fins de la clôture des comptes 2006 et non pour le suivi de la comptabilité courante, et uniquement jusqu'au 31 mars 2007.

- Il est erroné de prétendre que la comptabilité courante du Groupe G. aurait été suivie par l'ancienne salariée du Groupe G..

Dès le début de l'année 2007, la responsabilité de la comptabilité et de l'établissement des déclarations de TVA incombaient à la société ABCE pour l'ensemble des sociétés du groupe G., alors qu'elle disposait des codes permettant de procéder aux formalités fiscales par télé-déclaration, ce qui était réalisé précédemment par le service comptable interne.

Ainsi, M. G. ne voyait pas de déclarations papiers et pensait ne pas devoir s'inquiéter du suivi des formalités fiscales dès lors que son expert-comptable en était chargé.

- La société ABCE s'appuie sur la date d'édition du Grand Livre pour prétendre que les documents comptables ne lui auraient été remis qu'en fin d'année 2007 alors qu'elle reconnaît à tout le moins que dès le mois de juin 2007, elle s'est vue de nouveau confier une mission comptable, au vu des courriers qu'elle a rédigé pour M. G..

- Elle ne peut soutenir qu'elle n'aurait été en possession des éléments comptables nécessaires à l'établissement de la comptabilité et des déclarations de TVA qu'au mois de novembre 2007, que cette mise en possession tardive l'aurait empêchée d'exercer sa mission avant cette date, que celle-ci se serait alors trouvée reportée au mois de novembre 2007, alors qu'il lui incombait, au titre de son obligation de conseil et de mise en garde de solliciter auprès des requérants tout élément ou d'effectuer toute démarche lui permettant de mener à bien sa mission.

- La société ABCE avait, et ce dès le début du mois de janvier 2007, la charge de la comptabilité courante et des déclarations fiscales. Le fait qu'elle n'ait pas été destinataire de tous les documents lui permettant d'exercer sa mission ne saurait justifier un report du point de départ de celle-ci.

- La motivation du jugement du 24 février 2012 rendu par le Tribunal de Commerce de POITIERS et de l'arrêt du 16 avril 2013 de la Cour d'appel de POITIERS, qui auraient établi que le cabinet ABCE n'aurait pas été mesure d'établir les déclarations fiscales des concluants, n'a pas autorité de chose jugée alors que ces procédures n'ont pas tranché au fond.

- La société ABCE ne peut prétendre en l'absence de contrat écrit qu'il n'y aurait aucun lien contractuel entre la S.C.I. STENDHAL et la société ABCE, alors que cette société faisait partie du groupe de sociétés détenues par Monsieur G.. En outre, une faute contractuelle d'une partie à un contrat, peut constituer une faute délictuelle à l'égard d'un tiers à cette relation contractuelle, la responsabilité de la société ABCE devant être retenue à ce titre.

- Sur les fautes reprochées, la société ABCE avait alors l' obligation d'informer Monsieur G. et les sociétés du Groupe, au jour de la cession de son fonds de commerce, de l'existence d'une inscription sur celui-ci. Elle aurait dû l'informer de la nécessité qu'il y avait de solder immédiatement le prêt auprès du CRÉDIT AGRICOLE et d'assumer, le cas échéant, des pénalités de retard de ce chef ou d'autres frais du chef des mainlevées de nantissement. Elle ne l'a pas alerté, engageant sa responsabilité.

- La société ABCE a manqué à son obligation de conseil et de mise en garde sur les conséquences fiscales de l'opération de cession et a commis des erreurs dans les déclarations fiscales. Il s'agissait des obligations fiscales découlant de l'opération de cession de fonds de commerce, dues à la défacturation des véhicules en stock dont elle n'a pas été avertie par la société ABCE. Alors que l'opération de cession de fonds de commerce a été conseillée par la société ABCE, la société ABCE avait une parfaite connaissance de l' obligation qui incombait à M. G. et au Groupe G. de reverser la TVA devenue exigible du fait du rachat des véhicules par la société PEUGEOT. Il était en effet expressément prévu à la convention de cession que les voitures neuves non payées devraient être défacturées et refacturées par le constructeur. Elle savait donc qu'il convenait de reverser la TVA devenue exigible du fait du rachat des véhicules, alors qu'elle était débitrice d'une obligation de conseil, de mise en garde sur les risques liés aux conséquences juridiques et fiscales de cette opération.

- La société ABCE aurait dû alerter Monsieur G. et les sociétés du groupe G., et au surplus, par écrit :

* Sur l' obligation de reverser la TVA devenue exigible du fait du rachat des véhicules par la société PEUGEOT ;

* Sur le montant des fonds qu'ils devraient conserver à disposition des différentes société pour ce faire.

- Elle se devait d'attirer l'attention de son client, chef d'entreprise, sur les conséquences fiscales d'un désordre dans sa comptabilité et de déclarations tardives.

- Il relève du rôle de l'expert-comptable de mettre en demeure son client de faire les démarches propres à le mettre à l'abri d'un redressement fiscal prévisible et d'exiger le cas échéant, la remise des pièces nécessaires.

- Si la société ABCE soutient avoir constaté que les avoirs n'avaient pas encore été comptabilisés par la salariée comptable des sociétés du Groupe G. sous la responsabilité de Monsieur G., elle n'a jamais réclamé les documents utiles si effectivement ceux-ci ne lui avaient pas été fournis à ce moment-là, ce qui constitue une carence fautive.

- En mars 2008, le cabinet ABCE alertait à nouveau M. G. et les sociétés du Groupe d'un nouveau problème de TVA omise pour un montant de 263.987 euros hors pénalités et intérêts de retard qui s'élèveront respectivement après remises à : 1.883 euros (1.749 euros + 134 euros) pour la société EMILE G. et 7.795 euros.

Or, la société ABCE avait pour obligation d'effectuer en temps et en heure les déclarations fiscales qui s'imposaient. Il est patent que la société ABCE, qui avait la charge de rédiger les déclarations fiscales de TVA, a commis des erreurs dans les déclarations et qu'à ce titre elle engage sa responsabilité sur le fondement de l'article 1147 du Code civil.

- M. G. et les sociétés du Groupe G. n'ont pas commis de fautes.

C'est sur les bons conseils des cabinets JURICA et ABCE que Monsieur G. a procédé au règlement des dettes extérieures et à la liquidation de ses comptes courant d'associé, et il ne peut être soutenu qu'il aurait mis en difficulté ses sociétés en procédant au remboursement de ses comptes -courants. Il est rappelé que le compte-courant d'associé est une créance que détient l'associé sur la société et qui s'inscrit au passif. Il pouvait à tout moment en demander le remboursement et aucune faute de gestion ne peut lui être reprochée.

- Il ne peut être reproché à M. G. d'utiliser les fonds disponibles sur ce compte d'associé pour régler l'acompte du prix de son acquisition immobilière alors qu'aucune mise en garde n'a été émise sur ce point. Il s'était pourtant naturellement tourné vers son expert-comptable pour connaître le montant de son compte d'associé.

- Si la société ABCE n'a vu aucun mal à l'usage des fonds disponibles en compte courant d'associé de M. G., en mars 2007, c'est qu'elle n'avait pas anticipé les conséquences fiscales liées aux défacturations par PEUGEOT des véhicules présents en stocks, rendant la TVA (récupérée lors de l'acquisition) immédiatement exigible.

- Si M. G. n'a pas été en mesure de prendre les bonnes décisions, c'est précisément parce que son conseil, en qui il avait pourtant toute confiance, a été particulièrement défaillant.

- Il est résulté des multiples erreurs et omissions commises par la société ABCE dans son obligation de conseil l' obligation de céder le patrimoine immobilier conservé aux fins de revenus locatif. La vente est intervenue pour un prix de 2.000.000 d'euros au lieu des 2.400.000 proposés à l'origine par l'acquéreur.

Les appelants ont également dû supporter les pénalités du chef de l'omission des erreurs comprises dans les déclarations fiscales.

Ils ont enfin rencontré des difficultés, à la suite du refus de la société ABCE de transmettre certaines pièces comptables à son successeur.

- La S.C.I. STENDHAL connaît une perte immobilière de 344.727,23 € en tenant compte des constructions et aménagement réalisés sur elle alors que le prix de vente aurait été meilleurs si elle n'avait pas été contrainte de céder ses biens dans l'urgence, outre le préjudice lié à l'impôt qui a dû être acquitté par la S.C.I. STENDHAL du chef de la cession, sachant que ni cette cession ni cette imposition n'auraient jamais dû avoir lieu : 70.773 euros, les frais assumés par la S.C.I. STENDHAL du chef du remboursement anticipé de son prêt pour 9.666,16 euros, et les frais du chef des frais d'acte de mainlevée des inscriptions hypothécaires pour 2.836,46 euros.

- Le préjudice moral de M. G. doit être évalué à 10.000 €, alors qu'il estime avoir été abandonné par la société ABCE.

- La société ETABLISSEMENTS EMILE G. connaît un préjudice de 662.250 € alors que ce préjudice relève désormais de la société COFINA HOLDING, qui a absorbé la société ETABLISSEMENTS EMILE G. le 26/06/2010.

La perte de prix a directement été causée par la faute de la société ABCE, outre les frais de remboursement anticipé du prêt et de mainlevée des inscriptions hypothécaires.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 19/12/2018, la société S.A.R.L. Audit B. Conseil et expertise ABCE a présenté les demandes suivantes :

' Vu les articles 122 et 123 du Code de Procédure Civile, les dispositions des articles 1134 (ancien), 1150 (ancien), 1382 (ancien), 2224, 2241 et 2243 du Code civil, vu le jugement du Tribunal de Commerce de POITIERS du 24 février 2012 et l'arrêt de la Cour d'Appel de POITIERS du 16 avril 2013, vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de POITIERS du 28 mars 2017,

A titre principal

1°/ - Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré prescrite l'action initiée le 28 mars 2014 par Monsieur G. et les Sociétés COFINA HOLDING et STENDHAL devant le Tribunal de Grande Instance de POITIERS à l'encontre de la Société AUDIT B. CONSEIL & EXPERTISE ABCE,

A titre subsidiaire

2°/ - Constater l'absence de manquement commis par la Société AUDIT B. CONSEIL & EXPERTISE ABCE, l'absence de lien de causalité et l'absence de justification de tout préjudice réputé subi par Monsieur G. et/ou les Sociétés COFINA HOLDING et STENDHAL,

3°/ - Débouter en conséquence Monsieur G., la Société COFINA HOLDING et la S.C.I. STENDHAL de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions telles que formulées sans fondement à l'encontre de la Société AUDIT B. CONSEIL & EXPERTISE ABCE,

4°/ - Condamner solidairement Monsieur G., la Société COFINA HOLDING et la S.C.I. STENDHAL au paiement d'une somme de 20.000 € au profit de la Société AUDIT B. CONSEIL & EXPERTISE ABCE sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

5°/ - Condamner solidairement Monsieur G., la Société COFINA HOLDING et la S.C.I. STENDHAL au paiement des entiers dépens, lesquels seront recouvrés par Me C. conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.'

A l'appui de ses prétentions, l'intimée soutient notamment que :

- La Société ABCE a commencé à suivre au début de l'année 2000 la comptabilité du Groupe G. (sauf en ce qui concerne la société ETABLISSEMENTS EMILE G. qui était pour sa part suivie au niveau comptable par le Cabinet KPMG), après avoir acquis le droit à présentation de clientèle de son prédécesseur, sans qu'aucune lettre de mission n'ait jamais formalisée la poursuite de ces relations.

- Les travaux confiés à la Société ABCE pour les trois sociétés étaient l'établissement des comptes annuels (bilan et compte de résultat), après révision et supervision de la comptabilité et des déclarations fiscales annuelles tenues en interne par les sociétés du Groupe G.. Notamment, elle assurait le montage des liasses fiscales des sociétés du Groupe dans le cadre de la convention d'intégration fiscale érigeant la Société holding COFINA comme seule redevable de l'impôt sur les sociétés.

- Après restructuration en décembre 2004, le groupe G. était constitué des sociétés suivantes :

* La société COFINA HOLDING

* La société ETABLISSEMENTS EMILE G. (Concession Peugeot CHÂTELLERAULT)

* La société G. AUTOMOBILES (Concession Peugeot CIVRAY et établissement secondaire à RUFFEC)

* La société G. DISTRIBUTION (Agent Peugeot SAUZE VAUSSAIS)

* La société CAR SUD (carrosserie à CHÂTELLERAULT).

Toutefois, la situation financière et les performances dégradées du Groupe ont cependant rapidement conduit M. G. à devoir envisager la cession de ses sociétés.

- La société ABCE, compte tenu des relations professionnelles stables et de confiance qu'elle entretenait avec Monsieur G., l'a accompagné courant 2006 dans ses négociations pour la cession de son groupe au profit du Groupe PGA MOTORS, concomitamment avec le Cabinet d'Avocats JURICA.

- Le 9 octobre 2006, le conseil du Groupe PGA MOTORS a également proposé de mettre en place des modalités de séparation de l'exploitation et de l'immobilier, alors que la société PGA MOTORS estimait un écart de prix très important entre l'évaluation d'utilité faite par PGA MOTORS et la valeur patrimoniale estimée par M. G..

- Le 15 novembre 2006, une convention de cession de fonds de commerce a été conclue.

Les actes de la cession des fonds de commerce de toutes les Sociétés parties à l'opération ont été signés le 10 janvier 2007, sous l'égide du Cabinet d'Avocats JURICA et de l'Etude de Maître B.- D.- B., Notaire.

- A la suite de cette cession, la comptabilité des sociétés du Groupe G. a tout d'abord continué d'être tenue en interne par une comptable salariée et détachée par le cessionnaire au profit et sous la responsabilité de Monsieur G. (et ce jusqu'au 30 juin 2007).

- En novembre 2007, consécutivement à la reprise des moyens informatiques et au transfert de la salariée comptable laissés provisoirement à la disposition de Monsieur G. par le groupe PGA MOTORS postérieurement à la cession des fonds de commerce, Monsieur G. a transmis à la société ABCE les éditions de la comptabilité 2007 nécessaires à l'établissement du bilan de clôture (ainsi qu'il l'est confirmé par l'édition du Grand Livre comptable datée du 7 novembre 2007), la mission du cabinet comptable étant alors à compter de cette période étendue à la tenue de la comptabilité courante, à l'établissement des fiches de paie de Monsieur G. (seul salarié subsistant) et des déclarations sociales en découlant, ainsi qu'à l'établissement de comptes prévisionnels pour la gestion immobilière résiduelle du Groupe, en vue de l'obtention de nouveaux financements ou d'étalements des emprunts bancaires en cours.

- Dès la réception courant novembre 2007 des premières pièces comptables transmises dans ce cadre, la société ABCE a alors pu constater que les avoirs que la société PEUGEOT en qualité de fournisseur automobiles, telles que visés en annexe de la convention de cession de fonds de commerce sous conditions suspensives du 14 novembre 2006, n'avaient pas encore été comptabilisés par la salariée comptable des sociétés du Groupe G. intervenant sous la responsabilité de Monsieur G..

- Près de nombreuses relances dont en dernier lieu une télécopie en date du 25 février 2008, la société ABCE a finalement obtenu en mars 2008 «les avoirs pour chaque véhicule où figure notamment le montant H.T. et la TVA.

- Le 11 mars 2008, les Sociétés EMILE G. et G. AUTOMOBILES ont adressé au service des Impôts de CHÂTELLERAULT « les déclarations de TVA CA 3 établies mensuellement en fonction des justificatifs joints », tout en précisant que «ces justificatifs, bien que datés pour la plupart du mois de janvier 2007, n'étaient pas en notre possession ce mois là. En effet, nous avons dû les réclamer à AUTOMOBILES PEUGEOT et nous ne les avons reçues que courant 2007.

En outre, la comptable de l'entreprise établissant les déclarations de TVA a été reprise avec l'ensemble du personnel par la société ayant acheté notre fonds de commerce.

Aussi, ce n'est que par intermittence qu'elle s'occupait de la comptabilité de notre société ».

- le 11 avril 2008, en réponse à un courrier recommandé en date du 18 mars 2008 ... concernant les majorations de 10% et les intérêts de retard consécutifs au dépôt de déclarations CA3 - non versé aux débats - les sociétés EMILE G. et G. AUTOMOBILES ont réitéré auprès de l'Administration Fiscale les explications justifiant que leur comptable salarié avait omis de se préoccuper en temps voulu de l'obtention des avoirs de la société PEUGEOT et de l'établissement des déclarations de TVA correspondantes, tout en rappelant que ' notre Expert comptable a repris la comptabilité...'

- sur la baisse du montant du prix de vente des immeubles, la société IMMOCA a expliqué à M. G. que « le contexte de décroissance générale du marché, de dégradation des rentabilités ainsi que, plus particulièrement, la décroissance des volumes et des rentabilités dans la marque PEUGEOT nous ont amené à reconsidérer notre proposition financière par rapport à celle que nous vous avions faite en 2006 ».

- M. R. commissaire aux comptes , a certifié le 25 novembre 2008 que les comptes annuels 2007 des sociétés G. AUTOMOBILES et CAR SUD « sont, au regard des règles et principes comptables français, réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé, ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la Société à la fin de cet exercice », tout en attirant l'attention des associés sur « le fait que votre Président, qui a établit les comptes sociaux sous sa responsabilité, vous engage dans son rapport à ne pas les approuver », mais aussi que « les comptes de votre société font apparaître sur l'exercice une irrégularité constituée par la déclaration tardive et l'absence de paiement d'un montant de TVA collectée de 229.000 € ».

- Monsieur G. que les sociétés COFINA HOLDING et STENDHAL connaissaient très précisément depuis les 23 et 24 décembre 2008 (manifestement même antérieurement) et en tout état de cause au plus tard le 13 janvier 2009.

L'article 2224 du Code civil prévoit par ailleurs que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

Leur droit d'exercer une telle action expirait donc en l'espèce au plus tard le 13 janvier 2014.

Or, Monsieur G. et les sociétés COFINA HOLDING et STENDHAL n'ont saisi le Tribunal de Grande Instance de POITIERS de leurs prétentions que par assignation en date du 28 mars 2014.

- la Cour d'Appel de POITIERS a rejeté comme irrecevables, par arrêt confirmatif en date du 16 avril 2013, tant les interventions volontaires de Monsieur G. et de la société STENDHAL que les demandes reconventionnelles de la Société COFINA HOLDING venant aux droits de la société ETABLISSEMENTS EMILE G..

- conformément aux dispositions de l'article 2243 du Code civil, la Cour de cassation en 2001 et 2002 a jugé que « l'interruption est non avenue » lorsque la demande « est définitivement rejetée », étant observé que « la disposition aux termes de laquelle l'interruption de la prescription est regardée comme non avenue, si la demande est rejetée, est absolue et ne comporte aucune distinction selon que la demande est définitivement rejetée par un moyen de fond ou qu'elle

est repoussée soit par un moyen de forme, soit par une fin de non-recevoir laissant subsister le droit d'action ».

- Cette jurisprudence a encore été confirmée aux termes d'un avis de la 2ème chambre civile du 8 octobre 2015 (« l'article 2243 du code civil ne distinguant pas selon que la demande est définitivement rejetée par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir, l'effet interruptif de prescription de la demande en justice est non avenu si celle-ci est déclarée irrecevable »), puis d'un arrêt prononcé le 26 janvier 2016 (dans la même affaire) par la chambre commerciale : « Vu les articles 2241 alinéa 2 et 2243 du code civil, en leur rédaction applicable en la cause issue de la loi du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile ... Attendu que le deuxième de ces textes ne distinguant pas selon que la demande est définitivement rejetée par un moyen de fond ou par une fin de non- recevoir, l'effet interruptif de la demande en justice est non avenu si celle-ci est déclarée irrecevable ... ».

L'arrêt rendu le 16 avril 2013 par la Cour d'Appel de POITIERS, ayant déclaré définitivement irrecevables, dans le cadre de cette précédente instance, les diverses demandes indemnitaires formulées par Monsieur G. et les sociétés COFINA HOLDING et STENDHAL à l'encontre de la Société ABCE, a donc rendu non avenue l'interruption de prescription initialement induite par la signification de telles demandes.

- Les appelants évoquent la suspension du délai de prescription au titre d'une mesure d'équité, alors que rien ne leur imposait d'intervenir volontairement ou de former des demandes reconventionnelles, alors qu'ils pouvaient également se désister avant d'assigner devant le tribunal de grande instance de POITIERS.

- ils disposaient en outre d'un délai subsistant de presque 9 mois pour initier régulièrement et de manière recevable une nouvelle action à l'encontre de la société ABCE, ce qu'ils n'ont pas fait.

- il ne peut être soutenu que les demandes définitivement rejetées sont les demandes qui ne pourront pas être réitérées devant un Tribunal, alors que la jurisprudence est très claire, l'argument relatif avec la volonté du législateur n'étant pas étayé.

- à titre subsidiaire, les demandes sont infondées.

L'expert-comptable n'est tenu que d'une obligation de moyens et il incombe dès lors à son client ou à un tiers d'apporter la preuve de fautes précises en relation directe avec le préjudice en découlant.

- l'ignorance légitime est juridiquement recevable tandis qu'au contraire, le devoir de conseil ne s'applique pas aux faits qui sont de la connaissance de tous.

Il y a en outre nécessité de l'existence d'un lien de causalité. Il ne suffit pas à la partie lésée d'établir la faute du défendeur et le préjudice : il lui faut encore prouver l'existence du lien direct de cause à effet entre cette faute et le préjudice, le rapport de causalité devant être certain.

- aucun reproche n'a jamais été adressé par M. G. à la société ABCE au regard des missions qu'elle a régulièrement exercées entre 2000 et 2006 au profit des Sociétés COFINA HOLDING, G. DISTRIBUTION, G. AUTOMOBILES ou CAR SUD jusqu'à la fin de l'exercice clos le 31 décembre 2006, non plus qu'au regard de son intervention en amont lors des négociations au titre de la cession du groupe G..

- la société ABCE n'est pas intervenue dans la rédaction ou l'exécution des actes de cessions de fonds de commerce.

- M. G. ne pouvait ignorer que les prix de cession qu'il avait directement négociés avec le groupe PGA MOTORS ne permettaient pas à chacune des sociétés du groupe G. de faire face à son passif au jour de leur cessation d'activité, compte tenu notamment des mauvaises performances commerciales de l'exercice en cours, ce qui signifie qu'il savait que les emprunts immobiliers (non inclus dans la cession) devraient être renégociés avec les créanciers et que les produits des loyers ne pourraient constituer un revenu complémentaire à court terme compte tenu des emprunts en cours.

Il ne peut soutenir que la société ABCE était tenue de l'avertir qu'en dépit des accords trouvés les difficultés financières des Sociétés n'étaient pas résolues, ou de l'informer, au jour de la cession de son fonds de commerce, de l'existence d'une inscription sur celui-ci, alors que la convention de cession de fonds de commerce signée le 15 novembre 2006 par M. G. pour les sociétés du groupe G. stipulait bien entendu que 'le CEDANT s'engage à procéder à la radiation de l'inscription des FONDS DE COMMERCE cédés'.

Les appelants ont eux-même pris l'initiative auprès du CRÉDIT AGRICOLE de solliciter le remboursement anticipé du prêt et la «mainlevée du nantissement portant sur le bien que vous aviez affecté en garantie de votre prêt» sans solliciter l'intervention de la société ABCE.

- De sa propre initiative et sans que la société ABCE ne soit à l'origine d'un tel conseil, Monsieur G. avait pourtant décidé de procéder par priorité au remboursement de son compte courant, afin d'acquérir un bien immobilier personnel, avant d'effectuer le règlement de l'intégralité des dettes exigibles des sociétés de son Groupe, ce qui constituerait une faute de gestion.

- Aucune pièce n'est produite à l'instance de nature à justifier les allégations selon lesquelles la société ABCE aurait été missionnée dès le début du mois de janvier 2007 pour assurer la tenue de la comptabilité courante des sociétés du groupe G. et notamment pour assurer l'établissement et le dépôt des déclarations de TVA.

Les appelants ne produisent en outre aucun courriers de relance.

- Il n'entrait toujours pas au début de l'année 2007 dans la mission de la société ABCE de faire les déclarations de TVA, ni de se préoccuper de la tenue comptable ou des autres formalités quotidiennes de la vie des sociétés du groupe G..

Elle avait pour seule mission de clôturer les comptes 2006 des sociétés du groupe G. (hors ETABLISSEMENTS EMILE G.) afin d'assurer l'établissement des bilans de cet exercice.

- Le groupe cessionnaire PGA MOTORS avait laissé à disposition des sociétés du groupe G. et sous la responsabilité de leur dirigeant une salariée comptable et un logiciel afin de leur permettre de continuer d'assurer, durant une phase transitoire initialement prévue jusqu'en mars 2007 mais qui durera concrètement jusqu'en juin 2007, la tenue de la comptabilité courante et l'accomplissement des formalités fiscales dont l'établissement et le dépôt des déclarations de TVA.

- Ce n'est qu'après le 30 juin 2007 et notamment lors de la transmission en novembre 2007 par M. G. des éditions de la comptabilité 2007 nécessaires à l'établissement du bilan de clôture que la société ABCE a pu constater que les avoirs de la société PEUGEOT n'avaient pas encore été comptabilisés par la salariée comptable des sociétés du groupe G. et qu'elle a dû personnellement se préoccuper d'en obtenir une copie et de régulariser les déclarations de TVA omises qui auraient dû être déposées depuis le mois de février.

- L'expert-comptable a pris l'initiative de pallier la carence de son client dès qu'il a été en mesure de l'appréhender et ce, dès lors que la société ABCE n'avait pas à supporter une obligation de «réclamer les documents utiles si effectivement ceux-ci ne lui avaient pas été fournis à ce moment-là» puisqu'elle n'avait jamais eu, jusqu'en novembre 2007, mission d'établir les déclarations de TVA des sociétés du groupe G..

Au surplus, M. G., commerçant aguerri, savait ce qu'était une TVA sur un stock de véhicules.

- Les courriers adressés par M. G. à l'administration fiscale portent reconnaissance que c'était effectivement la comptable de l'entreprise qui faisait encore les déclarations de TVA, que la société AUTOMOBILE PEUGEOT n'avait pas non plus fait preuve de suffisamment de diligence, la situation étant régularisée lorsque la société ABCE a repris la comptabilité.

- Ces courriers des 11 mars et 11 avril 2008 signés de M. G. ne peuvent être écartés, alors que n'est pas rapportée la preuve de leur caractère erroné.

- Il ne peut être reproché à la société ABCE un défaut de mise en garde alors qu'elle a au contraire fait diligence pour régulariser la situation dès qu'elle a eu les éléments comptables, conseillant à Monsieur G. de régler une partie de la TVA due avant la fin de l'année 2007, puis le solde dès obtention des pièces justificatives finalement transmises par la Société PEUGEOT en mars 2008.

- Les appelants soutiennent qu'à défaut de lettre de lettre de mission, le juge doit apprécier l'étendue de la mission au regard des circonstances de l'espèce. Or, il convient de rappeler que pour l'exercice 2007, la société ABCE a facturé notamment des prestations de «déclarations fiscales». Il convient de rappeler qu'elle a procédé en effet à la régularisation des déclarations fiscales dès lors qu'elle a eu connaissance des difficultés rencontrées.

- La société ABCE n'a jamais participé à la cession des immeubles des sociétés ETABLISSEMENTS EMILE G. et STENDHAL ni des négociations menées personnellement avec l'acquéreur.

Ils ont été vendus en raison de difficultés de trésoreries indépendante de la société ABCE, et aucun défaut de conseil ne peut lui être reproché.

Il n'existe pas en outre de lien de causalité entre les manquements allégués et le préjudice - injustifié - dont il est fait état. Il est en toute hypothèse constant qu'en matière de perte de chance, la réparation du dommage 'ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée'.

Il n'est pas justifié à la date des 23 et 24 décembre 2008, que la valeur vénale de ces immeubles aurait été peu ou prou celle des valorisations reprises par les sociétés COFINA HOLDING et STENDHAL dans leur bilan respectif. Il ne peut être imputé à un tiers la différence de quantum entre une valeur comptable théorique et un prix de vente de biens immobiliers fluctuant au gré de l'évolution du marché librement convenu.

Les cessions immobilières ont nécessité le paiement de divers frais de mainlevées, comme lors de toute cession immobilière, ainsi que le paiement de l'impôt régulièrement dû en ce qui concerne le contribuable STENDHAL, alors que le paiement d'un impôt légalement dû ne constitue pas un préjudice indemnisable, comme les pénalités de retard, contrebalancées

par un avantage de trésorerie.

- Elle est étrangère à la dénonciation faite par le commissaire aux comptes auprès du procureur de la république.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens .

Vu l'ordonnance de clôture en date du 02/012019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription de l'action :

L'article 2224 du code civil dispose que 'les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour ou le titulaire d'un droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l'exercer'.

En l'espèce, l'action engagée le 28/03/2014 devant le tribunal de grande instance de POITIERS par M. Philippe G., la société SAS COFINA HOLDING, et la S.C.I. STENDHAL se prescrivait par 5 ans, le point de départ du délai de prescription devant être fixé à la date à laquelle M. G., par lettre du 13 janvier 2009, a indiqué à la société ABCE qu'il mettrait fin à sa mission au 31 mars 2009 et ce, pour l'ensemble des structures.

M. G. indiquait en effet prendre cette décision compte tenu des 'reproches que je vous ai faits et des revendications que j'ai exprimées à votre égard et qui portent sur l'année 2007 et les années précédentes'.

Il ressort de ces propos que M. G. connaissait-ainsi que les sociétés appelantes-au plus tard à cette date les faits lui permettant d'exercer son droit d'agir.

Le délai de prescription expirait en conséquence au 13/01/2014.

L'article 2241 du code civil dispose toutefois que 'la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine est annulé par l'effet d'un vice de procédure'.

Il est constant et rappelé par les appelants que la société ABCE a saisi en décembre 2009 le Président du Tribunal de Commerce de POITIERS, afin d'obtenir des ordonnances d'injonction de payer à l'encontre des sociétés G. AUTOMOBILE, COFINA HOLDING et ETABLISSEMENTS EMILE G., pour obtenir paiement de ses factures.

Les sociétés G. AUTOMOBILE, COFINA HOLDING et ETABLISSEMENTS EMILE G. ont alors fait opposition, le Tribunal de Commerce de POITIERS étant saisi du litige.

Les appelants indiquent que la S.C.I. STENDHAL et M. G. ont souhaité intervenir volontairement à cette instance pour faire connaître au Tribunal saisi les manquements de la société ABCE.

Par quatre jugements rendus en date du 24/02/2012, le tribunal de commerce de POITIERS a rejeté les demandes reconventionnelles des concluantes, ainsi que les interventions volontaires de M. G. et de la S.C.I. STENDHAL, les invitant , 'dans la mesure ou ils envisagent de poursuivre leur action en responsabilité de la société ABCE d'assigner directement cette dernière devant ce tribunal'.

La société COFINA HOLDING était condamnée à paiement, ainsi que la société ETABLISSEMENTS EMILE G. et la société SAS G. AUTOMOBILES.

Par acte en date du 23/04/2012, la SAS COFINA HOLDING, M. G. et la S.C.I. STENDHAL relevaient appel de ces décisions ainsi que la société SAS ETABLISSEMENTS EMILE G..

Après jonction des procédures, la cour d'appel de POITIERS, par arrêt du 16/04/2013, a rendu la décision suivante :

'confirme les jugements déférés en leurs dispositions relatives :

- aux condamnations prononcées

- au débouté de la demande de dommages et intérêts

- à l'article 700 du code de procédure civile

- aux dépens ;

Les infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Déclare Monsieur Philippe G. et la S.C.I. STENDHAL irrecevables en leur intervention volontaire

Déboute les sociétés COFINA HOLDING, G. AUTOMOBILES, et ETABLISSEMENT EMILE G. de leur demande reconventionnelle afférente aux déclarations de TVA, et au préjudice consécutif au paiement des factures comptable de l'année 2007.

Déclare la société G. AUTOMOBILE et la société ETABLISSEMENT EMILE G. irrecevables en leurs autres demandes reconventionnelles...'

Par application des dispositions de l'article 2243 du code civil, 'l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée.'

Il convient de relever que par cette disposition générale et absolue, le non-avènement prescrit par la loi intervient selon que la demande est définitivement repoussée par un moyen de fond ou qu'elle est repoussée, soit par un moyen de forme, soit par une fin de non recevoir laissant subsister un droit d'action.

En l'espèce, les appelants ne peuvent ignorer que leurs demandes ont été définitivement repoussées dans le cadre de la procédure à laquelle ils avaient choisi de participer par leurs demandes reconventionnelles ou leur intervention volontaire.

Sans présumer du succès ou de l'insuccès de leur action au fond, ils ne pouvaient bénéficier pour l'engager d'une interruption du délai de prescription fondée sur une action dans le cadre de laquelle leur irrecevabilité ou leur débouté étaient retenus.

Dès lors que ces décisions étaient rendues, dans le cadre choisi par eux et après leur appel de la première décision rendue, le rejet définitif de leurs demandes dans ce cadre d'action ne leur permettait plus de soutenir l'interruption de la prescription au titre de cette procédure particulière, le non avènement de l'interruption du délai étant ainsi acquis.

Au surplus, si au titre l'article 2234 du code civil, 'la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure', il convient de retenir que les appelants n'étaient pas dans une situation d'impossibilité d'agir, puisqu'ils agissaient effectivement, dans le cadre de leur choix procédural qualifié de malheureux par le premier juge, mais dont ils pouvaient à tout moment se désister.

Enfin, l'arrêt de la cour d'appel a été rendu le 16/04/2013, et le délai de prescription courait jusqu'au 13/01/2014. Il en résulte que M. Philippe G., la société SAS COFINA HOLDING, et la S.C.I. STENDHAL avaient, après décision d'appel, toute possibilité de saisir le tribunal de grande instance de leur action.

Toutefois, l'acte introductif de leur instance est en date du 28/03/2014, l'action étant alors prescrite.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré leurs demandes irrecevables comme prescrites.

Sur la demande de dommages et intérêts, les dispositions de l'article 2248 du Code civil prévoient que la prescription peut être opposée en tout état de cause, même devant la Cour d'Appel.

Toutefois, l'article 123 du code de procédure civile dispose qu'une fin de non-recevoir proposée dans une intention dilatoire permet au juge de condamner à des dommages et intérêts celui qui se serait abstenu de la soulever plus tôt.

En l'espèce, aucun élément des débats ne permet toutefois de retenir que la société ABCE ai tardivement fait valoir son argument de prescription, alors qu'elle le présentait le 17/11/2015 comme relevé par les appelants, 8 mois après l'acte introductif d'instance.

Aucune intention dilatoire n'est ici démontrée, alors que les appelants ont poursuivi depuis leur contestation du bien fondé de l'argument.

Leur demande de dommages et intérêts a été en conséquence justement rejetée par le tribunal, le jugement devant être confirmé sur cet autre point.

Sur les dépens et l'application de l'article 699 du code de procédure civile :

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge in solidum de M. Philippe G., la société SAS COFINA HOLDING, et la S.C.I. STENDHAL

Il sera fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit Maître C., avocat.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable, compte tenu des décisions ici rendues, de condamner in solidum M. Philippe G., la société SAS COFINA HOLDING, et la S.C.I. STENDHAL à payer à la société S.A.R.L. Audit B. Conseil et expertise ABCE la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La somme allouée au titre des frais de première instance a été justement appréciée, le jugement entrepris devant être confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

CONDAMNE in solidum M. Philippe G., la société SAS COFINA HOLDING, et la S.C.I. STENDHAL à payer à la société S.A.R.L. Audit B. Conseil et expertise (ABCE) la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE in solidum M. Philippe G., la société SAS COFINA HOLDING, et la S.C.I. STENDHAL aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par Maître C., avocat, étant rappelé que les dépens de première instance restent répartis ainsi que décidé par le premier juge.