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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 10, 20 avril 2023, n° 22/11915

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Jpataga (SCI)

Défendeur :

Fonds Commun de Titrisation Ornus

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pruvost

Conseillers :

Mme Lefort, M. Trarieux

Avocats :

Me Picard, Me Vignes, Me Tavieaux Moro

JEX Créteil, du 20 mai 2022, n° 22/01309

20 mai 2022

Par actes notariés des 19 octobre et 16 décembre 2009, contenant vente de biens immobiliers sis respectivement à [Adresse 23] (lots n°19 et 154) et [Adresse 1], la banque Crédit du Nord a consenti à la Sci Jpataga deux prêts de montants en capital respectifs s'élevant à 70.000 euros et 575.000 euros, garantis par l'inscription d'un privilège de prêteur de deniers sur les droits et biens immobiliers financés et par la caution personnelle et solidaire des associés de la Sci, M. [U] [C], M. [U] [G] et Mme [F] [G].

La déchéance du terme du premier prêt a été prononcée par lettre recommandée du 18 décembre 2009 et celle du second par lettre recommandée du 17 décembre 2013.

Le 18 janvier 2022, le FCT Ornus, venant aux droits de la banque Crédit du Nord, a pris une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire, publiée le 19 janvier 2022, sur des biens sis à [Adresse 22] (lots n°27, 112, 1050, 4074, 4099 et 4250) et [Adresse 29], [Adresse 6], et [Adresse 4] et [Adresse 2], et appartenant à la Sci Jpataga, pour sûreté et conservation de la somme de 509.857,77 euros, se décomposant comme suit :

36.475,83 euros au titre du prêt de 70.000 euros

473.381,94 euros au titre du prêt de 575.000 euros.

Cette hypothèque judiciaire provisoire a été dénoncée à la Sci Jpataga par acte d'huissier du 25 janvier 2022.

La Sci Jpataga indique que le 24 janvier 2022, le Fct Ornus aurait également inscrit une hypothèque judiciaire provisoire sur des biens appartenant à la Sci Jpataga, sis à [Adresse 30].

Par acte d'huissier du 21 février 2022, la Sci Jpataga et M. et Mme [G] ont saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Créteil aux fins de mainlevée d'hypothèques judiciaires provisoires inscrites les 19 et 24 janvier 2022.

Par jugement du 20 mai 2022, le juge de l'exécution :

s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes formées par M. et Mme [G] au profit du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre ;

a débouté la Sci Jpataga de sa demande de mainlevée des hypothèques judiciaires provisoires prises les 19 et 24 janvier 2022 ainsi que de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

a condamné la Sci Jpataga aux entiers dépens de l'instance.

Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a retenu :

sur sa compétence à l'égard des demandes de M. et Mme [G], que les mesures conservatoires avaient été prises sur le fondement d'actes notariés et que leur demande devait donc être portée devant le juge de l'exécution du lieu où ils demeuraient, en application des dispositions de l'article R.512-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

sur la demande de mainlevée des inscriptions d'hypothèque judiciaire provisoire, que la Sci Jpataga n'apportait pas la preuve de ce que les biens grevés, [Adresse 5], avaient actuellement une valeur double du montant des sommes garanties ; qu'elle sollicitait la mainlevée totale des inscriptions et non pas leur cantonnement, ce que le juge de l'exécution ne pouvait lui accorder sur le fondement du texte invoqué.

Par déclaration du 24 juin 2022, la Sci Jpataga a formé appel de ce jugement.

Par conclusions du 27 septembre 2022, la Sci Jpataga demande à la cour de :

infirmer le jugement du 20 mai 2022 ;

Statuant à nouveau,

ordonner la mainlevée des inscriptions d'hypothèque judiciaire provisoire prises :

- Au 2ème bureau du service de publicité foncière de [Localité 24] le 24 janvier 2022 et portant sur les lots 612, 688, 805 et 831 de la division de l'immeuble à [Adresse 30] cadastré [Cadastre 15]

- Au 2ème bureau du service de publicité foncière de [Localité 25] le 19 janvier 2022 volume 2022 V n° 516 portant sur les lots 27, 112, 1050, 4074, 4099 et 4250 de la division de l'immeuble à [Adresse 22] cadastré [Cadastre 14]

Les lots n°11 et 20 de la division de l'immeuble à [Adresse 19] cadastré [Cadastre 12]

Le lot n°17 de la division de l'immeuble à [Adresse 18] cadastré [Cadastre 11]

Les lots n° 6 et 40 de la division de l'immeuble à [Adresse 20] cadastré [Cadastre 10]

Le lot n° 4 de la division de l'immeuble à [Adresse 21] cadastré [Cadastre 13]

Le lot n° 77 de la division de l'immeuble à [Adresse 17] cadastré section [Cadastre 26]

condamner le FCT Ornus au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'appelante soutient que :

les mesures conservatoires prises sont abusives car le FCT Ornus bénéficie d'un privilège de prêteurs de deniers sur des biens dont la valeur est supérieure au double de sa créance :

s'agissant du bien situé à [Localité 27], sa valeur est estimée entre 1.750.000 et 1.850.000 euros, compte tenu des aménagements effectués, et le fait qu'il ait été donné à bail moyennant un loyer annuel de 86.400 euros permet de le valoriser, par capitalisation du revenu annuel, à la somme de 1.728.000 euros ;

s'agissant du bien situé à [Localité 16], sa valeur minimum est de 150.000 euros.

Par conclusions du 18 octobre 2022, le FCT Ornus demande à la cour de :

débouter la Sci Jpataga de sa demande de mainlevée des inscriptions d'hypothèque judiciaire provisoire ainsi que de son appel et de toutes ses demandes et de l'intégralité de ses moyens, fins et prétentions ;

en conséquence, confirmer le jugement du 20 mai 2022 en toutes ses dispositions ;

En tout état de cause,

condamner la Sci Jpataga à lui verser la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'intimé fait valoir que :

il vient aux droits de la banque Crédit du Nord, en vertu d'un bordereau de cession de créances du 19 avril 2021 contenant les créances détenues sur la Sci Jpataga ;

la demande de mainlevée des inscriptions hypothécaires est irrecevable sur le fondement de l'article R.532-9 du code des procédures civiles d'exécution, qui ne permet que d'ordonner leur cantonnement ;

la demande de mainlevée des inscriptions hypothécaires est inopérante sur le fondement de l'article L.111-7 du code des procédures civiles d'exécution, qui exige de rapporter la preuve de ce que les inscriptions excèdent ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le recouvrement des créances alors que la valeur vénale des biens financés et sur lesquels un privilège de prêteur de deniers a été inscrit à titre de garantie demeure incertaine ;

s'agissant du bien situé à [Localité 27], les attestations de valeur ne correspondent pas au bien qui se compose de deux entrepôts et d'un local professionnel en sous-sol, la valorisation du bien par capitalisation du revenu annuel doit être écartée en l'absence d'un contrat de bail en cours et la preuve des aménagements opérés n'est pas rapportée ;

s'agissant du bien situé à [Localité 16], l'avis de valeur concerne un bien de 85m², différent de celui d'une surface de 29,52m² dont l'acte de prêt a financé l'acquisition ;

les locaux sis [Adresse 1] sont inoccupés depuis plusieurs mois, de sorte que le bail commercial conclu le 1er septembre 2019, a été résilié et que le montant du loyer annuel est donc inefficace à prouver la valeur des locaux.

MOTIFS

Aux termes de l'article R. 532-9 du code des procédures civiles d'exécution, lorsque la valeur des biens grevés est manifestement supérieure au montant des sommes garanties, le débiteur peut faire limiter par le juge les effets de la sûreté provisoire s'il justifie que les biens demeurant grevés ont une valeur double du montant de ces sommes.

L'appelante ne verse aux débats que la dénonciation de l'hypothèque judiciaire provisoire du 19 janvier 2022 inscrite sur des biens sis à [Localité 16], mais s'abstient de produire tout justificatif de l'inscription de l'hypothèque judiciaire provisoire le 24 janvier 2022.

Néanmoins il se déduit du dispositif des conclusions de l'appelante que l'hypothèque judiciaire provisoire du 24 janvier 2022, sur laquelle le juge de l'exécution a également statué, a été inscrite sur un bien sis à [Adresse 30]. Il se déduit du même dispositif que l'hypothèque judiciaire provisoire du 19 janvier 2022 a été inscrite non pas sur le bien dont l'acquisition a été financée par acte notarié du 19 octobre 2009, sis [Adresse 5] ( lots n°19 et 154), mais sur des biens sis à [Adresse 22] (lots n°27, 112, 1050, 4074, 4099 et 4250) et [Adresse 6], enfin [Adresse 17].

Or en vue d'obtenir la mainlevée de ces inscriptions d'hypothèque judiciaire provisoire sur le fondement du texte précité, l'appelante entend démontrer que la valeur totale des biens financés par les prêts notariés des 19 octobre et 16 décembre 2009, soit le bien sis [Adresse 5], lot n°19 et 154, et le bien sis à [Adresse 28], est actuellement de plus du double du montant des sommes garanties, s'élevant à 509.857,77 euros. Il ne s'agit pas là des biens grevés d'hypothèque judiciaire provisoire.

Aucun des justificatifs produits par l'appelante ne se rapporte d'ailleurs aux biens qui font l'objet des hypothèques judiciaires provisoires, de sorte que c'est en vain qu'elle invoque le bénéfice des dispositions de l'article R. 532-9 précité.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris, par substitution de motifs, en ce qu'il a débouté la Sci Jpataga de sa demande de mainlevée des hypothèques judiciaires provisoires prises les 19 et 24 janvier 2022.

Sur les demandes accessoires

L'appelante, qui succombe en son appel, sera condamnée aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement à l'intimé d'une indemnité de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la Sci Jpataga à payer au Fct Ornus la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sci Jpataga aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.