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Décisions

CA Versailles, 16e ch., 15 septembre 2022, n° 22/03015

VERSAILLES

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

AXA France IARD (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Deryckere

Conseillers :

Mme Nerot, Mme Michon

Avocats :

Me Debray, Me Lissarrague, Me Le Bel, Me Michel, Me Kerhoas

TJ Nanterre, du 15 juin 2021

15 juin 2021

EXPOSÉ DU LITIGE

Par arrêt en date du 10 février 2022, la présente cour, statuant en matière gracieuse, sur un appel relevé par la société AXA France IARD à l'encontre d'une ordonnance sur requête rendue le 15 juin 2021 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre, a, après avoir infirmé ladite ordonnance en toutes ses dispositions :

autorisé la société AXA France à saisir à titre conservatoire toutes sommes, créances, instruments financiers, valeurs mobilières et droits d'associés dont est titulaire M. [N] [B], entre les mains de :

1°/- la société Formation' Optic, société par actions simplifiée immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bobigny sous le numéro 851 966 747, dont le siège social se situe [Adresse 8],

2°/- la société [B] Junior, société civile immobilière immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bobigny sous le numéro 447 781 683, dont le siège social se situe [Adresse 8],

3°/- la société [B] Invest, société à responsabilité limitée à associé unique immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bobigny sous le numéro 788 912 806, dont le siège social se situe [Adresse 8],

4°/- la société Benbach, société civile immobilière immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 503 174 526, dont le siège social se situe [Adresse 9],

5°/- la société [B] Fils et Cie, société civile immobilière immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 537 853 475, dont le siège social se situe [Adresse 1],

6°/- la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 17] et d'Île de France, société coopérative à capital et personnel variables, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 775 665 615, dont le siège social se situe [Adresse 10],

7°/- la société Bred Banque Populaire, société coopérative de banque populaire à forme anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 552 091 795, dont le siège social se situe [Adresse 5],

8°/- la société Banque Populaire Rives de [Localité 17], société coopérative de Banque Populaire à forme anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 552 002 313, dont le siège social se situe [Adresse 14],

9°/- la société Crédit du Nord, société anonyme immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lille sous le numéro 456 504 851, dont le siège social se situe [Adresse 11],

10°/- la société Crédit Lyonnais, société anonyme à conseil d'administration immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lyon sous le numéro 954 509 741, dont le siège social se situe [Adresse 6],

11°/- la société Crédit Industriel et Commercial, société anonyme immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 542 016 381, dont le siège social se situe [Adresse 13],

12°/- la société Crédit Foncier de France, société anonyme immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 542 029 848, dont le siège social se situe [Adresse 7],

13°/- la société BNP Paribas, société anonyme immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 662 042 449, dont le siège social se situe [Adresse 4],

14°/- la société Banque Postale, société anonyme immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 421 100 645, dont le siège social se situe [Adresse 2],

en garantie de sa créance évaluée à la somme de 222 210 euros en principal, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de l'ordonnance et des frais,

autorisé en tant que de besoin l'huissier instrumentaire à consulter et obtenir communication des données et informations recensées dans le fichier des comptes bancaires 'FICOBA' relatives aux établissements teneurs de comptes de M. [N] [B].

Tandis que les saisies conservatoires de créances et de titres pratiquées par la société AXA France IARD les 22 mars 2022, 5 avril 2022 et 19 avril 2022 entre les mains des établissements bancaires CIC, BNP Paribas, Banque Populaire, Banque Postale, BRED, Crédit du Nord, Crédit Agricole, Crédit Lyonnais et Crédit Foncier de France se sont toutes révélées infructueuses, 5 saisies conservatoires de droits d'associés et de valeurs mobilières ont été pratiquées le 5 avril 2022 entre les mains de la SCI Benbach, et le 7 avril 2022 entre les mains de la société [B] Invest, de la société Formation Optic, de la SCI [B] Junior et de la SCI [B] Fils & Cie, qui ont été dénoncées à M. [B] selon procès verbal en date du 13 avril 2022.

Par acte d'huissier délivré le 20 mai 2022, M. [B] a assigné la société AXA France IARD à comparaître à jour fixe devant la cour d'appel de Versailles, aux fins de rétractation de l'arrêt susvisé.

Le dossier a été communiqué le 8 juin 2022 au ministère public, qui a visé la procédure le 10 juin 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 4 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [B], appelant, demande à la cour de :

juger que la société AXA France IARD ne justifie pas d'une créance fondée en son principe et de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance alléguée,

déclarer nul le procès-verbal de dénonciation des saisies en date du 13 avril 2022,

Par conséquent

rétracter l'arrêt rendu par la 16 ème chambre de la cour d'appel de Versailles en date du 10 février2022,

ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 7 avril 2022 entre les mains de la SCI [B] Fils & Cie pour une somme de 224 253,12 euros,

ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 7 avril 2022 entre les mains de la SCI [B] Invest pour une somme de 224 253,12 euros,

ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 7 avril 2022 entre les mains de la Société Formation'Optic pour une somme de 224 253,12 euros,

ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 7 avril 2022 entre les mains de la SCI [B] Junior pour une somme de 224 253,12 euros,

ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 5 avril 2022 entre les mains de la SCI Benbach pour une somme de 224 253,12 euros,

juger que la société AXA France IARD conservera à sa charge le coût des saisies conservatoires et les frais occasionnés à leur suite et la débouter de l'ensemble de ses demandes,

condamner la société AXA France IARD à lui payer une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 1er juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société AXA France IARD, intimée, demande à la cour de :

1°/- dire le procès-verbal de dénonciation du 13 avril 2022 valide et rejeter la demande de nullité formulée par M. [B],

2°/- constater que les conditions fixées par l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution sont remplies,

En conséquence,

3°/- dire qu'il n'y a pas lieu de rétracter l'arrêt rendu le 10 février 2022 aux termes duquel elle l'a autorisée 'à saisir à titre conservatoire toutes sommes, créances, instruments financiers, valeurs mobilières et droits d'associés dont est titulaire M. [N] [B]' entre les mains des sociétés dont il est associé ou des établissements teneurs de ses comptes,

4°/- débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

5°/- condamner M. [B] au paiement d'une somme de 6 000 euros à son profit sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

6°/- condamner M. [B] aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par Maître Bertrand Lissarrague, avocat au barreau de Versailles, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 15 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du procès-verbal de dénonciation

M. [B] soutient que le procès-verbal de dénonciation du 13 avril 2022 est nul, en vertu de l'article R.522-5 du code des procédures civiles d'exécution, pour mentionner que le juge de l'exécution est compétent pour connaître d'une éventuelle demande de nullité des saisies en cause, alors que conformément à l'article R.512-2 du code des procédures civiles d'exécution, c'est la cour d'appel de Versailles, qui a autorisé la mesure, qui est seule compétente pour connaître d'une demande de mainlevée.

La société AXA France IARD conclut au rejet de la demande de nullité.

En vertu de l'article R.524-2 du code des procédures civiles d'exécution, applicable au lieu de l'article R. 522-5 du code des procédures civiles d'exécution visé par l'appelant, comme le fait justement valoir la société AXA France IARD, l'acte d'huissier de justice par lequel est dénoncée au débiteur, dans un délai de huit jours, à peine de caducité, une saisie conservatoire de droits d'associé et de valeurs mobilières, doit contenir à peine de nullité :

1° Une copie de l'autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la saisie a été pratiquée ; (...)

2° Une copie du procès-verbal de saisie ;

3° La mention, en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, d'en demander la mainlevée au juge de l'exécution du lieu de son domicile ;

4° La désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les autres contestations, notamment celles relatives à l'exécution de la saisie ;

5° La reproduction des articles R. 511-1 à R. 512-3.

Aux termes de l'article R. 512-2 du même code, la demande de mainlevée est portée devant le juge qui a autorisé la mesure.

Selon l'article 649 du code de procédure civile, la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.

En vertu de l'article 114 du même code, applicable en l'espèce, dès lors que comme le souligne avec pertinence la société AXA France IARD l'irrégularité invoquée ne figure pas dans la liste limitative des nullités de fond énumérées par l'article 117 du code de procédure civile, la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.

Le procès-verbal de dénonciation du 13 avril 2022 indique en effet que la mainlevée des mesures de saisie dénoncées doit être demandée au juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre, alors que, effectivement, c'est la cour d'appel de Versailles, qui a autorisé la mesure, qui est compétente.

Toutefois, M. [B] n'apporte pas la preuve d'avoir subi un quelconque préjudice résultant de cette indication erronée, et s'abstient même de préciser à la cour en quoi il consisterait. Comme le relève là encore avec justesse la société AXA France IARD, d'une part, il est joint en copie, dans l'acte de dénonciation au débiteur des saisies-conservatoires opérées, l'arrêt rendu par la présente cour le 10 février 2022, qui rappelle expressément, en son dispositif, que la cour d'appel de Versailles est compétente pour statuer sur les contestations et ordonner le cas échéant la mainlevée de la mesure conservatoire résultant du dit arrêt, et d'autre part, c'est bien la cour d'appel de Versailles, et non le juge de l'exécution de Nanterre, que M. [B] a saisie pour demander la mainlevée des mesures conservatoires en cause.

Le moyen soutenu par l'appelant est en conséquence écarté, et il n'y a pas lieu de déclarer nul le procès-verbal de dénonciation des saisies en date du 13 avril 2022.

Sur la mainlevée des mesures

Selon l'article L.511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

Quant à l'existence d'une créance fondée en son principe :

La créance que revendique la société AXA France IARD correspond à la restitution d'une somme de 222 210 euros qu'elle a versée à M. [B] en exécution d'un contrat d'assurance responsabilité civile des dirigeants souscrit par la société [B] & Co, par l'intermédiaire de M. [B] en sa qualité de dirigeant, au titre de frais de défense engagés par celui-ci dans le cadre d'une procédure pénale diligentée, entre autres, à son encontre, en suite de la dénonciation par la société Generali, le 31 juillet 2012, d'une fraude aux remboursements de frais de santé, portant sur des prestations sur-facturées et totalement ou partiellement fictives, imputable aux sociétés Bern Optic, opticien, et First Optic, dont il était le gérant. Selon la société AXA France IARD, il s'est avéré, une fois l'affaire instruite et jugée, que la réclamation ayant donné lieu au règlement de ces frais de défense n'était pas garantie par le contrat.

Pour retenir l'existence d'un principe de créance de la société AXA France IARD à l'encontre de M. [B], l'arrêt du 10 février 2022, après avoir constaté, au vu des différentes copies de chèques produites par la société AXA France IARD, qu'elle avait bien remboursé différentes factures d'honoraires d'avocat payées par les époux [B], à hauteur de la somme totale de 222 210 euros, en exécution du contrat d'assurance responsabilité susvisé, a relevé que : 'Les conditions particulières du contrat d'assurance responsabilité souscrit par M. [N] [B] prévoient en son article 4.1.1 une exclusion de garantie en cas de faute intentionnelle ou dolosive commise par l'assuré établie par une décision de justice ayant autorité de la chose jugée. En l'espèce, la condamnation définitive de M. [N] [B] pour recel d'escroquerie parle jugement du tribunal correctionnel de Paris en date du 25 juin2019 justifie de l'exclusion de garantie prévue par l'article susvisé et dès lors de l'obligation de restitution de l'assuré à hauteur de la somme de 220 210 euros au vu des copies de chèques versées aux débats.'

M. [B] considère que la société AXA France IARD ne peut valablement lui opposer une exclusion de sa garantie. D'une part, elle ne rapporte pas la preuve qu'il avait connaissance, avant la signature du contrat d'assurance, des faits délictueux à l'origine de sa condamnation, dont il soutient pour sa part ne pas avoir eu connaissance avant son placement en garde à vue, le 17 décembre 2015. D'autre part, et surtout, il n'a été condamné qu'au titre d'un recel, et son implication personnelle n'a pas été retenue par le tribunal correctionnel, qui dans son jugement a fait état de l'absence d'instructions par lui données à ses responsables de magasins pour procéder aux faits délictueux ayant préjudicié à Generali, et ne fait état à aucun moment d'une connaissance parfaite et sans équivoque, par lui, des agissements de ses salariés.

La société AXA France IARD soutient que si elle a à titre provisionnel remboursé 222 210 euros de frais de défense de M. [B], il s'est révélé à la lecture du jugement rendu le 25 septembre 2019, à l'issue du litige, par le tribunal correctionnel de Paris, ayant autorité de la chose jugée, que la réclamation ayant donné lieu au règlement de ces frais de défense n'était en réalité pas garantie par le contrat en cause, ce qui aux termes des conditions générales du dit contrat, oblige l'assuré à les rembourser à l'assureur. En effet, fait-elle valoir, le contrat d'assurance responsabilité civile des dirigeants souscrit par M. [B] ne garantit pas les sinistres en cas de connaissance par l'assuré du fait dommageable à la date de souscription de la police, et ce par application de l'article L.124-5 alinéa 4 du code des assurances, non plus que ceux trouvant leur origine dans la faute intentionnelle commise par celui-ci, ou dans un profit auquel il n'avait pas légalement droit. Or, il ressort de la lecture du dossier d'instruction pénale qui a été ultérieurement porté à sa connaissance que M. [B] ne pouvait ignorer l'existence et la nature des griefs de la société Generali préalablement au 31 mars 2015, et l'existence d'une enquête judiciaire en cours pouvant entraîner la mise en cause de sa responsabilité en sa qualité de dirigeant, et il est donc patent qu'il a eu connaissance du fait dommageable avant de procéder à la souscription du contrat d'assurance.

En outre, il ressort expressément de la lecture du jugement du tribunal correctionnel que M. [B], qui a été condamné pour recel du délit d'escroquerie, d'une part a commis une faute intentionnelle, et d'autre part, a personnellement obtenu un profit auquel il n'aurait autrement pas légalement eu droit.

Ceci étant exposé, il n'est pas utilement discuté et il résulte des pièces versées aux débats qu'en vertu d'un contrat d'assurance responsabilité civile des dirigeants conclu le 31 mars 2015, à effet au 23 mars 2015, entre la société [B] & Co et la société AXA France IARD, au bénéfice des dirigeants du souscripteur et de ses filiales, prévoyant le remboursement par la société AXA France IARD des frais de défense civile, pénale et administrative résultant de toute réclamation introduite à l'encontre de ses dirigeants, engageant ou susceptible d'engager leur responsabilité individuelle ou solidaire, et fondée sur une faute commise au titre au titre de leurs fonctions de dirigeant, la société AXA France IARD a réglé à M. [B] une somme de 222 201 euros, engagée par celui-ci pour assurer sa défense dans une procédure pénale visant des faits commis au préjudice de la société Generali.

Selon l'article 6.4 des conditions générale du contrat d'assurance, consacré au règlement des frais de défense, les frais de défense réglés par l'assureur doivent lui être remboursés par l'assuré si l'assureur ou toute décision de justice ou sentence arbitrale ayant autorité de chose jugée démontre que la réclamation ayant donné lieu au règlement de ces frais de défense n'était pas garantie par le contrat.

En vertu de l'article 4 de ces conditions générales, sont notamment exclues de l'ensemble des garanties du contrat :

les réclamations fondées sur ou trouvant leur origine dans toute faute intentionnelle ou dolosive commise par un assuré, lorsque l'assuré est auteur de la faute intentionnelle ou dolosive, et s'il est établi par une décision de justice ayant autorité de chose jugée, une sentence arbitrale définitive ou une transaction amiable, ou reconnu par l'assuré lui-même qu'il a effectivement commis cette faute,

les réclamations fondées sur ou trouvant leur origine dans tout avantage, profit ou rémunération, quelle qu'en soit la nature, auquel un assuré n'avait pas légalement droit, lorsque l'assuré est bénéficiaire de l'avantage, du profit ou de la rémunération, et s'il est établi par une décision de justice ayant autorité de chose jugée, une sentence arbitrale définitive ou une transaction amiable, ou reconnu par l'assuré lui-même qu'il a effectivement bénéficié de cet avantage, de ce profit ou de cette rémunération,

les réclamations fondées sur ou trouvant leur origine dans tout fait dommageable connu de l'assuré à la date d'effet du contrat,

les réclamations fondées sur ou trouvant leur origine dans tout fait dommageable connu de l'assuré par toute enquête, instruction, investigation, poursuite ou procédure judiciaire, amiable, arbitrale, civile, pénale ou administrative, à la date d'effet du contrat.

Aux termes du jugement susvisé du 25 septembre 2019, dont M. [B], de son propre aveu, n'a pas interjeté appel, et qui a autorité de la chose jugée y compris en ses motifs, le tribunal correctionnel de Paris a retenu l'existence, dans tous les établissements des sociétés Bern Optic et First Optic, de pratiques procédant de 'manoeuvres frauduleuses ayant consisté à facturer des prestations d'optique fictives grâce à des fausses ordonnances ou des équipements réels aux prix gonflés dans le but de facturer au maximum du forfait mutuelle des assurés de la société Generali Vie, lesdites manoeuvres ayant trompé la société Generali pour la déterminer via la plate-forme Almerys [gestionnaire du mécanisme de tiers-payant] à rembourser des frais d'optique indus à ses assurés.'

M. [B], 'poursuivi pour des faits commis de décembre 2009 à décembre 2015, d'une part d'escroquerie en employant des manoeuvres frauduleuses consistant en l'espèce à facturer par le biais des enseignes Bern Optic et First Optic, dont il est le gérant ou l'associé, des prestations d'optique fictives grâce à des fausses ordonnances ou des équipements réels aux prix gonflés dans le but de facturer au maximum du forfait mutuelle des assurés de la société Generali Vie pour déterminer la société Generali Vie à effectuer des remboursements de frais d'optique indus aux assurés, d'autre part pour faux et usage de faux en adressant à la mutuelle la société Generali Vie de fausses demandes de remboursement portant sur des équipements fictifs ou surfacturés' n'a été reconnu coupable ni d'escroquerie, ni de faux et usage de faux en écriture, mais a toutefois été déclaré coupable de recel de bien obtenu à l'aide d'une escroquerie, sur une période allant de 2009 à 2015, le tribunal retenant que ' en qualité de gérant et associé des boutiques exploitées sous les enseignes Bern Optic et First Optic (...) ce dernier ne pouvait ignorer les pratiques frauduleuses mises en oeuvre dans ses boutiques correspondant à des prestations fictives ou des prestations maquillées pour équiper les assurés indûment aux frais de la mutuelle, en équipements solaires ou de ski, ou en leur épargnant le paiement du reste à charge finalement supporté par la mutuelle' et qu'' il n'est pas contestable que ces pratiques ont permis de garantir à ses sociétés un meilleur chiffre d'affaires dont il a bénéficié comme receleur', et le condamnant à une peine d'emprisonnement assortie du sursis, ainsi qu'à une peine d'amende, et, sur l'action civile, à réparer le préjudice matériel et moral subi par la société Generali Vie.

Tant la motivation du tribunal correctionnel que la qualification pénale retenue tendent à caractériser l'existence de la faute intentionnelle ou dolosive commise par l'assuré, exclusive de la garantie, de même que sa connaissance des faits délictueux à la date de la souscription du contrat, eu égard à la date des faits pour lesquels il a été déclaré coupable.

En conséquence, la société AXA France justifie bien de l'existence d'une créance qui paraît fondée en son principe.

Quant aux menaces sur le recouvrement de la créance :

Pour considérer que la seconde des conditions prévues par l'article L.511-1 du code des procédures civiles d'exécution était remplie, la présente cour, dans son arrêt du 10 février 2022, a retenu que 'le montant de la créance, l'ouverture du redressement judiciaire de la société [B] & Co dont M. [N] [B] était le gérant et les mises en demeure de la SA AXA en dates des 23 juillet 2020, 15 septembre 2020 et 29 avril 2021 restées infructueuses caractérisent des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance' en cause.

M. [B] soutient que la preuve d'un risque d'insolvabilité n'est pas rapportée. Faisant valoir que le péril n'est pas démontré du seul fait que le débiteur refuse de payer ou qu'il conteste la dette, il explique son refus de rembourser à la société AXA France IARD les sommes qu'elle lui réclame par le fait qu'il estime cette demande infondée, considérant que c'est au contraire l'assureur qui doit lui payer le solde de ses frais d'avocat et prendre en charge le montant des condamnations prononcées à son encontre. La société AXA France IARD ne saurait prétendre, selon lui, qu'il existe des circonstances de nature à établir son insolvabilité, alors qu'elle a été en mesure d'exécuter les saisies autorisées par la cour auprès de 4 sociétés dans lesquelles il est associé, dont 3 SCI par définition propriétaires de biens immobiliers. Par ailleurs, ajoute-t-il, il n'apparaît à aucun moment qu'il ne percevrait plus aucun revenu au titre de ses activités, ou des revenus si faibles qu'ils seraient de nature à caractériser un risque. Quant à la société [B] & Co, holding du groupe, elle est in bonis puisqu'elle a fait l'objet d'un plan de redressement selon jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 14 décembre2021, et son chiffre d'affaire reste constant, voire en croissance, et en toute hypothèse, la règle de l'autonomie des patrimoines empêche que ses difficultés financières permettent de démontrer son insolvabilité à lui.

Selon la société AXA France IARD, M. [B] n'apporte aucun élément de nature à contredire l'existence avérée de menaces sur le recouvrement de sa créance. Il ne verse notamment aux débats aucune pièce par laquelle il justifierait de sa solvabilité personnelle. La demande amiable de remboursement, puis la mise en demeure, qu'elle lui a adressées sont restées vaines, et contrairement à ce qu'il soutient, M. [B] n'a pas contesté ses demandes, mais s'est contenté de garder le silence. Et enfin, il ressort des circonstances postérieures au prononcé de la décision déférée la confirmation des menaces affectant le recouvrement de sa créance. D'une part, en effet, les saisies conservatoires de créances opérées sur ses comptes bancaires n'ont pas pu prospérer, ce qui atteste soit que M. [B] a dissimulé ses actifs, soit qu'il ne dispose plus d'actifs, ce qui confirme dans l'un et l'autre cas l'existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance, et d'autre part, alors qu'il lui incombait en sa qualité de président ou de gérant des 5 sociétés entre les mains desquelles il a été procédé aux saisies conservatoires de droits d'associés en cause dans le présent litige, d'indiquer l'existence d'éventuels nantissements ou saisies antérieurs sur les parts sociales dont il est titulaire, il n'a pas répondu aux sommations de l'huissier, de sorte qu'il est impossible de connaître les garanties ou saisies dont ces parts seraient grevées, non plus que leur valeur pécuniaire, faute d'informations.

En premier lieu, si M. [B], par son conseil, a pris le premier l'initiative de se rapprocher de la société AXA France IARD pour obtenir la prise en charge du solde de ses frais de défense pénale, et du montant des condamnations prononcées à son encontre ( hormis la peine d'amende), force est de constater qu'à la suite de l'envoi par la société AXA France IARD, le 15 septembre 2020, d'un courrier dans lequel elle lui opposait un refus, et sollicitait, en justifiant longuement sa position, le remboursement des frais de défense avancés à son profit, M. [B] n'a apporté aucune explication concernant sa propre analyse, et qu'il en a été de même à la suite de la mise en demeure adressée par l'assureur le 29 avril 2021. Dans ces conditions, son affirmation selon laquelle son silence ne s'explique que par son désaccord avec l'analyse de la société AXA France IARD est sujette à caution, et c'est à bon droit que l'arrêt du 10 février 2022 a pris en considération le silence qu'il a conservé au titre des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance.

En deuxième lieu, quand bien même la société [B] & Co fait l'objet d'un plan de redressement, suivant jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 14 décembre2021, et qu'elle n'est donc pas en liquidation judiciaire, il reste qu'elle est toujours en procédure de redressement, et qu'elle doit s'acquitter, dans le cadre du plan de dix ans qui vient d'être adopté, d'un passif de plus de 630 000 euros, constitué pour l'essentiel d'une dette fiscale et d'une dette envers l'URSSAF. Et ce alors que son résultat net avait chuté de 102 444 euros en 2019 à 32 001 euros en 2020, et qu'il n'a pas été produit de résultat définitif pour la période postérieure.

En troisième lieu, M. [B], dont la situation bancaire n'a pas permis de procéder à des saisies conservatoires utiles, ne donne aucune indication sur ses revenus personnels, et leur provenance. A la lecture du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Paris, ses revenus provenaient à l'époque des boutiques d'optique dont il était le dirigeant, d'où la possibilité, pour la cour, de prendre en considération la situation des sociétés qu'il dirige ou dont il est associé pour apprécier l'existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance dont elle a par ailleurs constaté qu'elle était suffisamment établie dans son principe.

L'ensemble des circonstances ci-dessus énumérées caractérise suffisamment l'existence d'une menace au sens de l'article L.511-1 du code des procédures civiles d'exécution.

Les conditions du recours à des mesures conservatoires étant réunies, il ne sera pas fait droit à la demande de rétractation de M. [B] de l'arrêt rendu le 10 février 2022.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie perdante, M. [B] supportera les dépens de l'instance.

Il sera en outre condamné à régler à la société AXA France IARD une somme que l'équité commande de fixer à 3 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer, et sera débouté de sa propre demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

Déboute M. [N] [B] de sa demande de nullité du procès-verbal de dénonciation en date du 13 avril 2022 ;

Déboute M. [N] [B] de sa demande de rétractation de l'arrêt rendu le 10 février 2022 par la présente cour, et de ses demandes subséquentes de mainlevée ;

Déboute M. [N] [B] de sa demande au titre des frais irrépétibles de la procédure ;

Condamne M. [N] [B] à régler à la société AXA France IARD une somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [N] [B] aux dépens, qui pourront être recouvrés directement par le conseil de la société AXA France IARD, dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévuesau deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.