Livv
Décisions

CA Lyon, 6e ch., 22 mars 2018, n° 17/06436

LYON

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boisselet

Conseillers :

M. Gaget, Mme Clerc

JEX du Bourg en Bresse, du 7 sept. 2017,…

7 septembre 2017

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Les époux Victor M. et Elena P. sont propriétaires d'une maison située [...], cadastrée section Al numéro 473.

Courant 2012, les époux M. ont entrepris des travaux de rénovation de leur bien immobilier dont ils ont confié la maîtrise d'oeuvre à la société suisse Atelier d'architecture Archi & Design.

Le lot peinture, démolition et maçonnerie a été attribué à la société suisse H. Transports.

Un litige est né entre les parties au sujet de la facturation des travaux.

Par acte d'huissier de justice du 8 octobre 2015, la société Atelier d'architecture Archi & Design, la société H. Transports et les autres sous-traitants ont fait assigner M. M. devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse en paiement de leurs prestations.

La société H. Transports a déposé le 1er février 2016 une requête auprès du juge de l'exécution du même tribunal, aux fins d'être autorisée à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur le bien immobilier des époux M. en garantie du paiement de sa créance qu`elle évalue à 94 652,30 francs suisses (CHF).

Par ordonnance du 2 février 2016, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a fait droit à la requête de la société H. Transports.

La société H. Transports a procédé à l'inscription de l'hypothèque judiciaire provisoire selon bordereaux déposés le 8 avril 2016.

L'inscription d`hypothèque judiciaire provisoire a été dénoncée aux époux M. par acte d'huissier de justice du 11 avril 2016.

Par ordonnance du 26 mai 2016, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse incompétent pour connaître des demandes en paiement dirigées contre M. M., aux motifs que les contrats liant les parties contiennent une clause attributive de compétence au profit de la juridiction de Lausanne (Suisse).

Cette décision a été confirmée par arrêt du 13 décembre 2016 de la cour d"appel de Lyon.

Par acte d'huissier de justice du 29 mai 2017, les époux M. ont fait assigner la société H. Transports à comparaître devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse aux fins de voir, sur le fondement des articles L.512-1, L.512-2, R.512-1 et R.512-2 du code des procédures civiles d'exécution :

- ordonner la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire prise auprès du service de la publicité foncière de Nantua selon dépôt en date du 8 avril 2016 sur les biens dont ils sont propriétaires sur le territoire de la commune de [...] et cadastrés à la section Al sous le numéro 473,

- condamner la société H. Transports à payer une somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens, en ce compris le coût de l'assignation et tous frais de mainlevée.

Par jugement en date du 7 septembre 2017, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bourg en Bresse a :

- débouté les époux M. de leur demande de caducité de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire litigieuse,

- débouté les époux M. de leur demande de mainlevée de cette inscription hypothécaire,

- débouté les époux M. de leur demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les époux M. à payer à la société H. Transports la somme de deux mille euros (2.000,00 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les époux M. aux dépens de l'instance.

Le juge de l'exécution, après avoir relevé que la société H. Transports justifiait avoir introduit une instance au fin d'obtenir un titre exécutoire à l'encontre des époux M. dès le 8 octobre 2015, avant même l'inscription de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire litigieuse, a considéré qu'il importe peu que la juridiction saisie se soit déclarée ultérieurement incompétente, la société H. Transports ayant par la suite saisi la juridiction compétente.

Les époux M. ont relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la cour le 15 septembre 2017.

En leurs conclusions du 6 novembre 2017, Victor et Elena M. demandent à la cour, au visa des articles L.512-1, L.512-2, R.512-1, R.512-2 , L.511-4 et R.511-7 du code de procédure civile d'exécution, de :

- les recevoir en leur appel,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- à titre principal, constater la caducité de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire prise auprès du service de la publicité foncière de Nantua selon dépôt en date du 8 avril 2016 sur les biens dont les époux M. sont propriétaires sur le territoire de la commune de [...] et cadastré à la section AI sous le n°473.

- subsidiairement, ordonner la mainlevée de ladite inscription d'hypothèque judiciaire provisoire

- condamner la société H. Transports à payer une somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions du 4 décembre 2017, la société H. Transports demande à la cour, vu les dispositions des articles L.512-1 et suivants et R.511-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, de :

- débouter les époux M. de leur appel comme infondé ainsi que de l'intégralité de leurs demandes ;

- juger que la société H. Transports justifie d'un principe de créance à l'encontre des époux M. ;

- juger que le fait pour la société H. Transports d'avoir saisi une juridiction incompétente ne la prive pas du bénéfice de l'effet attaché par l'article R.511-7 du code des procédures civiles d'exécution à l'introduction d'une instance dans le délai d'un mois ;

- juger que la société H. Transports et les autres locateurs d'ouvrage ont saisi la juridiction compétente dans le ressort de compétence de Lausanne à l'effet d'obtenir la condamnation des époux M. à lui verser l'équivalent en euros de la somme de 94.652,30 CHF à titre de règlement de ses factures ;

en conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 septembre 2017 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bourg en Bresse ;

y ajoutant,

- condamner solidairement les époux M. à payer à la société H. Transports une indemnité de 4.000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Me R., avocat, sur son affirmation de droit.

Il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de caducité de la mesure conservatoire

Il résulte des articles L.511-4 et R.511-7 du code des procédures civiles d'exécution que le créancier qui n'est pas muni d'un titre exécutoire doit, à peine de caducité de la mesure conservatoire, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire dans le mois qui suit l'exécution de la mesure conservatoire.

En l'espèce, la société H. Transports, aux côtés d'autres intervenants à la construction, a engagé une action au fond devant le tribunal de grande instance de Bourg en Bresse dès le 8 octobre 2015, avant de solliciter l'autorisation d'inscrire une hypothèque judiciaire provisoire.

Ce faisant, elle a satisfait à l'exigence des textes précités en introduisant une procédure aux fins d'obtention d'un titre exécutoire avant l'expiration du délai imparti et il importe peu que le créancier ait saisi une juridiction incompétente.

Sur la demande de mainlevée de la mesure conservatoire

Les époux M. soutiennent les moyens suivants :

- L'instance au fond, qui avait justifié l'autorisation sollicitée devant le juge de l'exécution aux fins d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire, est éteinte.

- Plus aucune instance n'est pendante pour justifier cette inscription.

- La société H. Transports n'est pas en possession d'un quelconque titre exécutoire.

- Les époux M. contestent toute somme due à la société H. Transports qui n'est pas titulaire d'une créance paraissant fondée en son principe.

La société H. Transports prétend en effet qu'à la suite de l'arrêt rendu le 13 décembre 2016 par la cour d'appel de Lyon, confirmant l'ordonnance d'incompétence rendue par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bourg en Bresse le 26 mai 2016, elle a saisi (ainsi que d'autres entreprises créancières) la juridiction suisse pour obtenir paiement du solde de sa facture.

Elle verse aux débats les documents afférents à une procédure de séquestre, initiée devant le juge de paix du district d'Aigle (Suisse) à la requête de la société H. Transports et de trois autres créanciers - la société Atelier d'architecture Archi & Design, la SA A. Chauffage Sanitaire et la SA L.A.Toiture, portant sur des parcelles de terrain situées sur la commune de Villeneuve (Suisse).

Cette procédure porte sur l'obtention d'une seconde mesure de sûreté et non d'une décision de condamnation des époux M. au paiement de la créance alléguée.

La société H. Transports produit aussi des réquisitions de poursuite auprès de l'office des poursuites du district d'Aigle, en validation dudit séquestre, en date du 30 juin 2017.

Cette pièce paraît correspondre à l'engagement d'une action au fond pour l'obtention d'un titre exécutoire, mais elle est dépourvue de mention de réception par la juridiction suisse compétente et aucun autre document ne justifie de la saisine effective de ladite juridiction.

Dans ces conditions, la société H. Transports ne démontre pas l'engagement d'une procédure aux fins d'obtention d'un titre exécutoire et, en conséquence, il y a lieu d'ordonner la mainlevée de la mesure conservatoire litigieuse.

Il n'est pas inéquitable de laisser chaque partie supporter les dépens et frais irrépétibles qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement prononcé le 7 septembre 2017 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bourg en Bresse en ce qu'il a :

- débouté les époux M. de leur demande de caducité de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire ;

- et débouté les époux M. de leur demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Réforme le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau,

Ordonne la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire prise auprès du service de la publicité foncière de Nantua selon dépôt en date du 8 avril 2016 sur les biens dont les époux M. sont propriétaires sur le territoire de la commune de [...] et cadastré à la section AI sous le n°473 ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens qu'elle a exposés ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.