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Décisions

CA Rouen, ch. de la proximite, 27 septembre 2018, n° 18/00746

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Crédit Assur Part'ner France (Sasu)

Défendeur :

ATM Assurances (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lepeltier-Durel

Conseillers :

Mme Labaye, Mme Delahaye

JEX d'Évreux, du 6 févr. 2018

6 février 2018

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ordonnance du 16 juin 2017, le président du tribunal de commerce d'Evreux a autorisé la société ATM à saisir, entre les mains du Crédit Industriel et Commercial ou en toute autre agence et en tout autre établissement bancaire que l'huissier découvrirait dans le territoire de sa compétence, l'ensemble des comptes de créances et/ou de titres et/ou de valeurs mobilières ouverts dans ses livres au nom de la société Crédit Assur Partner France (exerçant sous le nom commercial CAP France), toutes sommes, créances, deniers, effets ou valeurs pouvant revenir à la société CAP France et ce, pour avoir sûreté, conservation et paiement de la somme de 140.000 euros, à laquelle sa créance en principal, intérêts et frais, dépens et accessoires a été évaluée provisoirement, en application des dispositions des articles L. 511-1, L. 511-3, R.511-2 et R. 511-4 du code des procédures civiles d'exécution.

Par une seconde ordonnance du 16 juin 2017, le président du tribunal de commerce d'Evreux a autorisé la société ATM à procéder à une saisie conservatoire de la même somme de 140.000 euros, à l'encontre de la société CAP France, entre les mains du Groupe AXA, de Generali France Assurances, du Groupe Zéphir, du Groupe MMA, de la société Allianz, de l'Equité, du Groupe Klésia, du Groupe François B., du Groupe Axelliance, de la MAIF, du Groupe Général d'Assurances, du Groupe Solly Axar, d'Aptis Assurances et de toute autre entreprise d'assurance ou de toute autre société de courtage d'assurances identifiée par tout huissier compétent comme partenaire de la société CAP France.

Selon procès-verbaux des 28, 29 juin, 3 et 7 juillet 2017, la société ATM a fait pratiquer des saisies conservatoires à l'encontre de la CAP France entre les mains du Crédit Industriel et Commercial, de la société AXA SA, de UMC, de AXA France Vie, de AXA France IARD, de AXA Solutions Collectives, de Klésia, de Klésia Services, de la société Praeconis, de la société Groupe Sally Azar, de la société l'Equité, de la société Groupe Général d'Assurances et de la société Generali.

Par acte délivré les 2, 3, 4, 8, 9, 11 et 16 août, 5 et 7 septembre 2017, la société CAP France a fait assigner la société ATM, en présence de la société CIC Nord-Ouest, du Groupe AXA, du Groupe Generali, du Groupe Zéphir, de la société MMA VIE, de la société Allianz, de la société L'Equité, de la société Klésia SERVICE, de la société Klésia SA, de la SNC François B., de la société François B. Assurances, de la société Axelliance Groupe, de la SAS Axelliance, de la société Axelliance Business Services, de la société Axelliance Supports Services, de la société MAIF Avenir, de la société MAIF Interface, de la société MAIF Horizon, de la SARL Général d'Assurances, de la SAS Solly Axar, de la SAS Aptis Assurance et de la mutuelle UMC, afin d'obtenir la mainlevée des saisies conservatoires.

Parallèlement à l'instance en contestation des saisies, la société ATM a déposé une nouvelle requête aux fins de saisies conservatoires le 29 septembre 2017, par ordonnance du 5 octobre 2017. Le juge de l'exécution d'Evreux l'a autorisée à procéder à une saisie à titre conservatoire, entre les mains de la mutuelle UMC, de la société AXA France IARD et de la société AXA France Vie, en vue de garantir le paiement de sa créance évaluée à titre conservatoire à la somme de 377.380,55 euros.

Selon procès-verbaux du 27 octobre 2017, dénoncés à la société CAP France le 31 octobre suivant, la société ATM a fait pratiquer des saisies conservatoires entre les mains de la société AXA France IARD et de la société AXA France Vie, lesquelles sont intervenues volontairement à l'instance de contestation des saisies auparavant pratiquées.

Par décision du 6 février 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Evreux a :

- ordonné la jonction des procédures enrôlées sous les numéros RG 17/3118 et RG17/3505,

- mis hors de cause la société de courtage d'Assurances Groupe Zéphir, la SNC Groupe François B. et les sociétés Axelliance Groupe, Axelliance Holding et Axelliance Conseil,

- mis hors de cause la société Generali France venant aux droits de la société Generali France Assurances, ainsi que la société l'Equité,

- ordonné la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées le 29 juin 2017 entre les mains de ces deux sociétés sur la requête de la société ATM à l'encontre de la société CAP France,

- débouté la société CAP France de ses demandes,

- débouté la société ATM de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné la société CAP France à payer, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

* à la société ATM la somme de 1.200 euros,

* à la société Generali France, venant aux droits de la société Generali France Assurances, la somme de 250 euros,

* à la société L'Equité, la somme de 250 euros,

- condamné la société CAP France aux dépens,

- rappelé que la décision était exécutoire de plein droit par provision.

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La SASU CAP France a interjeté appel du jugement par déclaration au greffe du 20 février 2018.

Dans ses dernières écritures notifiées le 11 avril 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, elle demande à la cour de :

Vu l'article 495 du code de procédure civile,

Vu les articles R.511-8, L.511-1, L.512-1, L.512-2 , R.512-2 , R.512-3, L.141-3, R.522-5, du code des procédures civiles d'exécution,

Vu l'usage n° 3 des usages du courtage,

Vu l'article L.511-5 du code monétaire et financier,

Vu l'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire,

- infirmer le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Evreux du 6 février 2018 en ce qu'il :

* l'a déboutée de ses demandes,

* l'a condamnée à payer à la société ATM la somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

* l'a condamnée aux dépens,

- à titre liminaire, sur la nullité des ordonnances, dire que les ordonnances n°2017000163 et 2017000164 rendues le 16 juin 2017 ne sont pas motivées,

- dire que ces ordonnances sont entachées de nullité,

- dire nulles de nul effet les saisies suivantes :

. saisie conservatoire de créance du 28 juin 2017 sur le CIC,

. saisie conservatoire de valeurs mobilières ou droits d'associés du 28 juin 2017 sur le CIC,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur AXA,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur UMC,

. saisie conservatoire de créances du 7 juillet 2017 sur AXA France Vie,

. saisie conservatoire de créances du 7 juillet 2017 sur AXA France IARD,

. saisie conservatoire de créances du 7 juillet 2017 sur AXA Solutions Collectives,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur Klésia,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur Klésia Services,

. saisie conservatoire de créances du 3 juillet 2017 sur SAS Praeconis,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur SAS Groupe Solly Axar,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur SA L'Equité,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur SARL Groupe Général d'Assurances,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur SA Generali,

. saisie conservatoire de créances du 27 octobre 2017 sur AXA France Vie,

. saisie conservatoire de créances du 27 octobre 2017 sur AXA France IARD,

- à titre principal, dire recevables ses arguments de fond,

- dire que l'article L.511-1 du code des procédures civiles d'exécution exige deux conditions cumulatives pour ordonner une saisie conservatoire, une créance fondée dans son principe et l'existence de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement,

- dire que les clauses de reprise de commissionnements précomptés n° 4 de la convention du 19 mai 2016, mais encore de l'annexe 5 du même contrat, sont contraires à la force obligatoire des usages du courtage et du code des assurances et doivent être réputées non écrites,

- dire en toutes hypothèses que la clause n° 4 et l'annexe 5 du contrat de co-courtage du 19 mai 2016, ne sont pas conformes avec la législation issue de l'article L.511-5 du code monétaire et financier au regard de l'exercice d'une activité illicite d'établissement de crédit,

- dire en toutes hypothèses que la clause n° 4 et l'annexe 5 du contrat de co-courtage du 19 mai 2016 imposent des conditions de reprise préalable de commissions par les assureurs AXA et Mgard qui ne sont pas établies, empêchant toute reprise à son encontre,

- dire que la société ATM ne justifie pas des résiliations en RAR qui seraient à l'origine des reprises qu'elle invoque, malgré ses demandes répétées à ce sujet,

- dire que la mise à disposition des documents et la vérification de ces documents au sein du siège social (sic) de la société ATM ne constituent pas des modes de communication de preuves autorisés par le code de procédure civile,

- dire que la société ATM refuse systématiquement de communiquer les preuves des résiliations de contrats qui seraient à l'origine des reprises qu'elle invoque,

- dire que la société ATM échoue à démontrer qu'elle détient une créance fondée dans son principe à son encontre,

- dire que la société ATM échoue à démontrer une quelconque circonstance susceptible de menacer le recouvrement de la créance qu'elle invoque,

- dire que la société ATM sollicite le remboursement de commissions qui ont été pour partie reversées par elle et pour partie directement versées par ATM aux sociétés Osiris et ECF, avec l'accord de la société ATM,

- dire que les sommes sollicitées ne sont plus dans son patrimoine,

- dire que les conditions de l'article L.511-1 du code des procédures civiles d'exécution ne sont pas remplies,

- ordonner la mainlevée des saisies ordonnées le 16 juin 2017 par le président du tribunal de commerce d'Evreux, à savoir notamment :

. saisie conservatoire de créance du 28 juin 2017 sur le CIC,

. saisie conservatoire de valeurs mobilières ou droits d'associés du 28 juin 2017 sur le CIC,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur AXA,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur UMC,

. saisie conservatoire de créances du 7 juillet 2017 sur AXA France Vie,

. saisie conservatoire de créances du 7 juillet 2017 sur AXA France IARD,

. saisie conservatoire de créances du 7 juillet 2017 sur AXA Solutions Collectives,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur Klésia,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur Klésia Services,

. saisie conservatoire de créances du 3 juillet 2017 sur SAS Praeconis,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur SAS Groupe Solly Axar,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur SA L'Equité,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur SARL Groupe Général d'Assurances,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur SA Generali,

. saisie conservatoire de créances du 27 octobre 2017 sur AXA France Vie,

. saisie conservatoire de créances du 27 octobre 2017 sur AXA France IARD,

- à titre subsidiaire, dire que les ordonnances rendues le 16 juin 2017 par le président du tribunal de commerce d'Evreux ouvre à la société ATM un droit de saisie illimité dans le temps, l'espace et dans le montant saisissable,

- dire que lesdites ordonnances, rendues à l'issue d'une procédure non contradictoire, portent ainsi atteinte à ses droits de défense, ses créances pouvant être saisies dans leur intégralité auprès de l'ensemble de ses établissements bancaires et partenaires,

- dire que la prétendue créance invoquée par la société ATM s'élevait à 270.000 €,

- dire que le président du tribunal de commerce d'Evreux a ramené cette créance à la somme de 140.000 €,

- cantonner la somme saisissable totale à la somme de 140.000 €,

- cantonner également les saisies à un seul établissement bancaire, le CIC, et un seul de ses partenaires, la compagnie AXA,

- ordonner ce cantonnement sur les saisies déjà opérées à savoir :

. saisie conservatoire de créance du 28 juin 2017 sur le CIC,

. saisie conservatoire de valeurs mobilières ou droits d'associés du 28 juin 2017 sur le CIC,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur AXA,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur UMC,

. saisie conservatoire de créances du 7 juillet 2017 sur AXA France Vie,

. saisie conservatoire de créances du 7 juillet 2017 sur AXA France IARD,

. saisie conservatoire de créances du 7 juillet 2017 sur AXA Solutions Collectives,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur Klésia,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur Klésia Services,

. saisie conservatoire de créances du 3 juillet 2017 sur SAS Praeconis,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur SAS Groupe Solly Axar,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur SA L'Equité,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur SARL Groupe Général d'Assurance,

. saisie conservatoire de créances du 29 juin 2017 sur SA Generali,

. saisie conservatoire de créances du 27 octobre 2017 sur AXA France VIE,

. saisie conservatoire de créances du 27 octobre 2017 sur AXA France IARD,

- en tout état de cause, dire que la société ATM a abusé de son droit d'ester en justice en faisant procéder à quatorze saisies conservatoires en présentant une version tronquée de la réalité devant le président du tribunal de commerce d'Evreux,

- dire que la société ATM a agi de manière déloyale en faisant procéder à des saisies conservatoires entre les mains de ses principaux partenaires dans le seul but de la dénigrer et de la contraindre à régler une somme indue,

- dire qu'elle est légitime à contester les saisies conservatoires effectuées abusivement par la société ATM,

- condamner la société ATM à lui verser la somme de 400.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier et moral qu'elle a subi,

- ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux spécialisés à savoir l'Argus de l'Assurance, Agefi Actifs et la Tribune de l'Assurance pendant quinze jours dans la limite d'un coût maximum de 20.000 €,

- dire que le jugement à intervenir sera opposable l'ensemble des tiers débiteurs désignés par les ordonnances du 16 juin 2017 et notamment : la banque CIC, le Groupe AXA, le Groupe Generali, le Groupe Zéphir, le Groupe MMA, la compagnie Allianz, la compagnie l'Equité, le Groupe Klésia, le Groupe Francois B., le Groupe Axelliance, la MAIF, le groupe Général d'Assurances, le Groupe Solly Azar, le Groupe Aptis Assurance et la Mutuelle UMC,

- condamner la société ATM à lui verser la somme de 50.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société ATM aux dépens et faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

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Dans ses dernières écritures du 7 mai 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la société SARL ATM Assurances demande à la cour de :

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

Vu les articles 31 et suivants, 495, 496, 874, 875, 700 et 32-1 du code de procédure civile,

Vu les articles R.221-21 et suivants, R.511-4 et suivants, R.511-7 et suivants, R.512-2 , R.522-5, L.523-1 et suivants et R.523-1 et suivants, L.511-1, L.511-3, L.512-1 et L.512-2 du code des procédures civiles d'exécution,

Vu l'article 1103 du code civil,

Vu les articles L.313-1 et L.511-5 du code monétaire et financier,

Vu les usages du courtage,

Vu les contrats liant les parties,

- débouter la SASU CAP France de ses demandes,

- confirmer en tous ses éléments le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Evreux du 6 février 2018,

- condamner la SASU CAP France à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la SASU CAP France à lui verser la somme de 60.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

SUR CE

Les dispositions de la décision selon lesquelles le juge de l'exécution a mis hors de cause la société de courtage d'Assurances Groupe Zéphir, la SNC Groupe François B., les sociétés Axelliance Groupe, Axelliance Holding et Axelliance Conseil, la société Generali France venant aux droits de la société Generali France Assurances, ainsi que la société l'Équité, ordonné la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées le 29 juin 2017 entre les mains de ces deux sociétés sur la requête de la société ATM à l'encontre de la société CAP France et alloué des indemnités de procédure aux sociétés Generali et l'Équité, ne sont pas contestées et seront confirmées.

La société CAP France soutient que les ordonnances du président du tribunal de commerce autorisant les saisies sont nulles, faute d'être motivées. Selon elle, des ordonnances prérédigées ont été utilisées, motivées par le requérant et non par le juge et, ce dernier a, toujours sans motivation, cantonné la saisie à 140.000 € alors qu'une créance de 270.000 € était réclamée.

La société ATM réplique que les ordonnances ne sont pas nulles, que le renvoi à une motivation annexée à la requête est parfaitement possible. La somme de 140.000 € retenue pour chaque ordonnance représente la moitié de la créance alléguée (270.000 €) selon la société ATM qui observe qu'elle avait reporté la totalité de la somme dans chacune de ses deux requêtes, pour se prémunir du risque de n'obtenir qu'une ordonnance portant sur une partie seulement de cette somme.

L'appelante reproche au président du tribunal de commerce d'avoir purement et simplement signé les ordonnances préparées par la société ATM et de ne pas avoir motivé lui-même les décisions d'autorisation de saisie. Toutefois, en apposant sa signature le président du tribunal de commerce a fait siens les motifs de l'ordonnance et le dispositif et le seul fait de signer cette ordonnance pré-rédigée ne suffit pas à établir un défaut de vérification en fait et en droit de la requête et un défaut d'examen approfondi des pièces qui y sont annexées, d'autant que, le signataire, remarquant que la société ATM réclamait le montant total de sa créance dans chacune des deux ordonnances, soit 270.000 €, en a cantonné le montant, pour chacune, à environ la moitié, soit 140.000 €.

Le 19 mai 2016, les sociétés ATM et CAP France ont conclu un contrat de co-courtage d'assurance (ce contrat désigne par erreur CAP France comme mandataire alors qu'elle est courtier d'assurances). CAP France était chargée de distribuer les produits d'assurance conçus par ATM pour les sociétés Axa et Mgard. CAP France a eu recours à deux autres sociétés Osiris et ECF dont les commerciaux vendaient les polices d'assurance directement aux assurés.

CAP France était rémunérée pour ses activités d'apporteur, elle-même reversant partie des commissions aux sociétés Osiris et ECF (cette dernière étant aujourd'hui en liquidation judiciaire), selon un système de commissions précomptées, versées dès l'adhésion, avant même que la première prime du contrat d'assurance ait été payée par l'assuré et encaissée. Au cas où le prélèvement n'était pas honoré par le client, CAP France devait rembourser la somme perçue pour ce contrat. Au-delà de la première année du contrat, ATM devait verser des commissions mensuelles sous réserve de l'encaissement des cotisations auprès du client, des reprises de commissions devant être effectuées en cas de non-paiement des primes, que ce non-paiement soit consécutif à une renonciation au contrat ou qu'il aboutisse à une résiliation du contrat pour impayé.

ATM explique avoir versé des commissions pour les années 2016 et 2017 sans que CAP France n'ait pris en compte un certain nombre de reprises. Elle a demandé remboursement des sommes à CAP France par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 10 février 2017 contenant un bordereau des reprises de commissions dues pour 2016 de148.320 €. Le 17 mars 2017, sans contester le principe même de la créance, CAP France aurait demandé de nouveaux échelonnements pour payer sa dette.

ATM ajoute que la dette de CAP France s'est aggravée en 2017, le nombre de résiliations pour impayés ne cessait d'augmenter et affectait tous les types de contrats. Le 12 mai 2017, par mail auquel était joint un décompte, la société ATM réclamait à CAP France les sommes de 128.719,00 euros au titre des reprises relatives aux contrats de garantie familiale, 111.396,11 euros au titre des reprises relatives aux contrats de garantie électroménagers, soit un total de 240.115,11 euros, et, poursuit ATM, cette dette n'a cessé d'augmenter, 445.639,26 € quand l'affaire a été plaidée devant le juge de l'exécution, elle était encore de 430.957,47 euros à avril 2018. Des problèmes affecteraient 8848 contrats sur 10986 contrats apportés et contenus dans le portefeuille, ATM soutient que cette somme lui est incontestablement due par CAP France même si cette dernière a eu recours à des apporteurs tiers, ceux-ci n'ont pas de lien avec elle.

ATM relève également que les manquements de la société CAP France ont suscité l'intervention de la brigade financière de la direction départementale de protection des personnes qui aurait identifié des cas de possibles souscriptions abusives de contrats d'assurances, de fait, selon ATM, CAP France ne pouvait pas, pour nombre de contrats, ni fournir le contrat ni justifier du respect des formalités de conclusion du contrat. Il y aurait également eu de nombreuses réclamations de clients.

CAP France souligne que les commissions que lui a versées ATM ont été reversées aux sociétés Osiris et ECF, qu'elles ne sont ainsi plus dans son patrimoine, ce que n'ignorait pas ATM qui aurait, selon elle, refusé le paiement direct des commissions au profit des deux sociétés Osiris et ECF après en avoir accepté le principe début 2017. Elle affirme ne pas avoir commis de faute, au contraire, elle reproche à ATM une erreur dans le montant des reprises réclamées, erreur due à une grave défaillance de son système informatique et ce, depuis le début 2016 (prise en compte dans l'hypothèse de résiliation de police par un assuré et non lorsque le contrat était résilié au titre d'un impayé). Les problèmes informatiques ont perduré sans que ATM n'y remédie et, note CAP France, faute d'être avisée du montant réel des reprises, pendant plus d'un an elle a elle-même, et sans faute de sa part, reversé les commissions aux sociétés Osiris et ECF, les commissions versées à cette dernière ne pouvant être récupérées du fait de la procédure collective. ATM a résilié le contrat le 21 juillet 2017, sans réel motif. CAP France soutient que ATM ne justifie pas de sa créance, ne justifiant pas de la réalisation des conditions contractuelles de reprise (résiliations des contrats, non-paiements des primes) et qu'au surplus, la prétendue dette invoquée résulte de ses propres fautes.

Par ailleurs, pour CAP France, les conditions de l'article L.511-1 du code des procédures civiles d'exécution ne sont pas réunies : il n'y a pas de créance fondée en son principe, ni de menaces sur le recouvrement de cette créance. L'appelante prétend que ATM sollicite le remboursement de créances fondées sur des stipulations devant être réputées non écrites, puisque la stipulation, dans le contrat, du droit à reprise des commissions est contraire aux règles d'ordre public du code des assurances, les clauses ont pour effet de transférer le risque pesant sur le contrat d'assurance de l'assureur vers un courtier, en outre, le système mis en place par ATM s'apparente à un système illégal d'exercice illicite de la profession de banquier. ATM, qui a versé par avance des commissions à CAP France, en sachant qu'une quote-part de ces commissions serait reversée aux sociétés Osiris et ECF, a en réalité accordé un prêt à ces sociétés. CAP France affirme que le premier juge a, à tort, considéré qu'il ne lui appartenait pas de connaître du fond du droit et d'examiner ses arguments alors que les dispositions du code des procédures civiles d'exécution le lui permettent.

CAP France assure qu'il n'y a pas péril pour le recouvrement de la créance, qu'elle ne fait pas l'objet d'une procédure collective contrairement à ce que craignait ATM qui ne démontre pas que son patrimoine serait insuffisant pour assurer le recouvrement de la prétendue créance invoquée et ne démontre pas non plus l'existence d'actes positifs établissant qu'elle organiserait son insolvabilité ou tenterait de l'organiser.

Elle demande mainlevée des saisies ou, à titre subsidiaire, leur cantonnement à la somme globale de 140.000 € pour l'ensemble des saisies qui seraient opérées en limitant en outre la liste des tiers susceptibles de faire l'objet de ces saisies au seul CIC concernant les établissements bancaires et à la seule compagnie AXA concernant les partenaires de CAP France. Elle conclut à un abus de saisie et souligne que le montant total des sommes susceptibles d'être saisies suivant chaque compagnie, soit seize sociétés d'assurances ou mutuelles, s'élève à près de 2.000.000 € pour une créance 'acceptée' non contradictoirement à hauteur de 140.000 €. Ce faisant, ATM l'empêche de travailler et diffuse une image d'elle on ne peut plus négative dans le monde de l'assurance, elle lui réclame la somme de 400.000 € à titre de dommages et intérêts et la publication de la décision.

Pour ATM, l'examen de la validité du contrat est une question qui relève de la seule compétence du juge du fond et qui ne saurait, sauf cas d'inexistence flagrante et manifeste, être examinée par le juge de l'exécution dans le cadre de mesures conservatoires. Elle soutient qu'en tout état de cause, les textes et jurisprudences invoqués par CAP France sont relatifs à un cas autre que les faits du dossier, sans rapport avec cette hypothèse : en l'espèce, il y a reprises de commissions pour défaut d'encaissement des contrats apportés et résiliation des contrats par les assurés, et, dans la plupart des cas, la conclusion du contrat n'a pas été gérée avec sérieux par CAP France et ses partenaires, l'assuré ayant été abusé et n'ayant pas consenti valablement au contrat. ATM s'étonne que CAP France estime que le fait de prévoir des reprises de commissions soit illicite puisqu'elle-même a stipulé de telles conditions dans les contrats signés avec Osiris et ECF. Enfin, elle fait valoir que la rémunération par précomptes est courante et n'est pas un système de prêt ou de crédit.

ATM invoque des négligences de la part de CAP France, voire des fautes entraînant une augmentation constante de sa dette, la faible teneur des saisies qui ont pu être diligentées sur le fondement des ordonnances attaquées, ce qui montre l'état insuffisant du patrimoine de CAP France, celle-ci a refusé de déclarer ses créances au passif de ses propres apporteurs, et ne peut recouvrer ses créances. Les huissiers diligentés ont veillé à ne procéder que de façon successive, saisie par saisie, en ne déclenchant une saisie qu'à la condition que les précédentes soient infructueuses, elle soutient ne pas avoir le droit de saisir 140.000 euros entre les mains de chaque tiers mais seulement 140.000 euros en tout. L'intimée conclut au rejet de la demande de voir cantonner les saisies géographiquement et dans leur montant. Le caractère infructueux des saisies, lesquelles ne dépassent pas le dixième de la dette actuelle de CAP France, révèle leur caractère non abusif. En outre, selon ATM, le préjudice allégué par CAP France de plus de 400.000 euros, qui étrangement correspond au montant de sa créance, est loin d'être établi et n'est étayé par aucune pièce. Elle sollicite de CAP France la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Selon l'article L.511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire.

Si, aux termes de l'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, ces dispositions sont applicables en cas d'exécution forcée lorsque le créancier est en possession d'un titre exécutoire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, s'agissant d'autorisations de mesures conservatoires avant obtention d'un titre, l'ordonnance précise d'ailleurs que le créancier devra exécuter les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire. Le tribunal de commerce du Mans est saisi de l'affaire au fond.

Dès lors, s'agissant de mesures conservatoires, il n'appartenait pas au juge de l'exécution de statuer sur la réalité de la créance ou d'en fixer le montant, mais de se prononcer sur le caractère vraisemblable d'un principe de créance et d'examiner si des circonstances en menaçaient le recouvrement.

L'article 4 du contrat signé entre ATM et CAP France prévoit que, en contrepartie du respect de l'ensemble des obligations par le mandataire, la société ATM s'engage à lui verser pour chaque adhésion réalisée par l'intermédiaire de son entreprise, une somme globale et forfaitaire, définie en annexe 5, laquelle prévoit notamment que la rémunération est conditionnée par l'encaissement réel des cotisations auprès du client adhérent apporté par le mandataire après l'adhésion, la rémunération des années suivantes est conditionnée à d'autres obligations que le simple paiement de la prime (taux d'impayés, taux de sinistralité ...). L'article 4 du contrat, in fine, stipule que si un contrat dont la conclusion a eu lieu grâce au mandataire, venait à être résilié et engendrait une reprise de commission, celle-ci sera répercutée au mandataire, l'annexe 5 précisant que si le premier prélèvement du client n'est pas honoré, ATM ne doit aucune rémunération au mandataire, celui-ci devra procéder au remboursement de l'avance sur rémunération.

Le fait que la société CAP France ait eu recours aux sociétés Osiris et ECF pour placer les contrats en son nom et qu'elle leur ait reversé une partie de sa rémunération est indifférent à la présente procédure et à la mise en oeuvre du mécanisme de reprise de commissions contractuellement prévu avec la société ATM, faute de liens contractuels entre cette dernière et les sociétés Osiris et ECF.

La pratique de versements de commissions précomptées et de reprises de commissions ne peut être qualifiée d'opérations illicites en qualité de banquier, il s'agit d'un mode de rémunération d'une activité ou d'un apport de clientèle, et non pas d'un système de prêt ou de crédit, ce type d'opération supposant qu'elle est effectuée à titre onéreux. Or, ATM ne reçoit aucune rémunération, un prêt suppose la volonté des parties de voir, dans tous les cas, la somme prêtée restituée, ce qui n'est pas le cas, le fait que soient décomptés des intérêts au taux légal n'est que l'application des règles légales en cas de retard dans le paiement d'une dette.

La société ATM a réclamé à la société CAP France, dès février 2017, des reprises de commissions suite à des impayés sur les contrats apportés par elle. Selon mail de la société CAP France du 13 mars 2017, la société ne conteste pas réellement la dette mais demande son étalement, et dans la lettre du 15 mai 2017, sans contester le principe de la dette ni son montant, elle reproche à la société ATM des erreurs de son système informatique qui ont eu pour effet de lui réclamer tardivement une partie des reprises à rembourser ce qui lui occasionne des difficultés de trésorerie dans la mesure où elle a versé aux sociétés Osiris et ECF les rétro-commissions prévues avec elles, elle soutient que ATM ne peut lui réclamer ces sommes pour lesquelles elle n'était que transitaire. La société CAP France n'a pas contesté le contenu des bordereaux ou états de portefeuilles joints aux courriers échangés avec ATM (notamment quant à la liste des contrats résiliés). Dès lors, et même si la créance est aujourd'hui contestée devant le tribunal saisi au fond et la responsabilité de la société intimée engagée, la créance de la société ATM apparaît fondée dans son principe.

Le recouvrement de la créance de la société ATM pourrait être en péril du fait des défaillances de CAP France ayant suscité l'intervention de la brigade financière, le montant des reprises ne cesse de s'alourdir, la société CAP France explique elle-même ne plus être en possession des sommes à restituer, reversées à d'autres sociétés, sans démarches pour les récupérer, par message du 13 mars 2017, la société CAP France a admis que son réseau ne pouvait plus payer financièrement ses commerciaux du fait des reprises, de sorte 'qu'il s'asphyxiait progressivement', enfin la faible teneur des saisies qui ont pu être diligentées sur le fondement des ordonnances attaquées (50.000 €) révèlent l'état insuffisant du patrimoine de CAP France (le résultat de son dernier exercice est de 20.000 €). Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a estimé devoir rejeter la demande de mainlevée de la société CAP France. Il n'y a pas lieu de cantonner les saisies, le société ATM ne pouvant saisie que 140.000 € au maximum et non 140.000 € auprès de chaque société.

S'il n'est pas nécessaire de démontrer la faute du créancier qui met en oeuvre une mesure conservatoire à ses risques et périls, à charge pour lui d'en réparer les conséquences dommageables, il appartient toutefois à celui qui fait l'objet d'une telle mesure et demande une indemnité réparatrice de son préjudice de démontrer l'existence de celui-ci. Or, la société CAP France ne produit aucun justificatif circonstancié pour établir la consistance du préjudice qu'elle allègue.

Les saisies ont été diligentées sur le fondement des autorisations accordées par le président du tribunal de commerce, la société CAP France ayant été déboutée de sa contestation contre ces mesures, sa demande indemnitaire doit aussi l'être comme l'a justement retenu le premier juge, d'autant que, comme relevé ci-dessus, il n'est pas fait preuve d'un quelconque préjudice. Elle sera également déboutée de sa demande de publication 'du jugement'.

La preuve n'est pas rapportée de ce que l'exercice par la société CAP France de son droit d'appel aurait dégénéré en abus dont il résulterait pour la société ATM un dommage autre que celui constitué par la nécessité d'exposer des frais pour assurer la défense de ses intérêts devant la cour. La société ATM sera en conséquence déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux indemnités de procédure et dépens de première instance, en cause d'appel la société CAP France supportera les dépens et devra verser à la société ATM une indemnité de procédure que l'équité commande de fixer à la somme de 5.000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la société ATM de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif,

Condamne la société SASU Crédit Assur Part'ner France, exerçant sous le nom commercial CAP France, à payer à la société ATM Assurances la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la société SASU Crédit Assur Partner France, exerçant sous le nom commercial CAP France aux dépens de la procédure d'appel.