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Décisions

CRE, cordis, 23 octobre 2013, n° 30-38-12

COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉNERGIE

Arrêt

sur le différend qui oppose la société ECOFLUENCE à la société ELECTRICTE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE relatif aux conditions de raccordement d’une installation de production photovoltaïque au réseau public de distribution d’électricité

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Liebert - Champagne

Rapporteur :

M. Brassart

Avocats :

Me Picard, Me Collard, Me Granjon

CRE n° 30-38-12

22 octobre 2013

Le comité de règlement des différends et des sanctions,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 29 novembre 2012, sous le numéro 30-38-12, présentée par la société ECOFLUENCE (ci-après « la société ECOFLUENCE »), société à responsabilité limitée, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d’Auxerre sous le numéro 529 801 532, dont le siège social est situé Ferme de Marcigny, Chemin de Marsigny, 89530 Saint Bris le Vineux, représentée par son représentant légal, Monsieur Martin MILLOT, ayant pour avocat, Maître Gilbert Collard, SELARL COLLARD et Associés, 135, rue Paradis, 13006 MARSEILLE.

La société ECOFLUENCE a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie du différend qui l’oppose à la société ELECTRICTE RESEAU DISTRIBUTION DE FRANCE (ci-après « la société ERDF » ) sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d’électricité d’un projet de centrale photovoltaïque situé sur la commune de Saint Bris le Vineux (Yonne).

Il ressort des pièces du dossier que la société ECOFLUENCE a souhaité développer un projet de centrale photovoltaïque en toiture d’un centre de loisirs et d’hébergement pour personnes âgées d’une puissance de 1696 kWc situé sur le territoire de la commune de Saint Bris le Vineux.

La société ERDF est le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité sur le territoire de cette commune.

Le 14 octobre 2009, la société SOLUTIONS ENERGIES RENOUVELABLES, pour le compte de son mandant la société ECOFLUENCE, a adressé, par courrier simple, une première demande de contrat d’achat d’énergie électrique.

Le 22 octobre 2009, la société CLIPSOL, agissant pour le compte de la société ECOFLUENCE, a confirmé, par courrier électronique, à la société SOLUTIONS ENERGIES RENOUVELABLES que « les bons documents » avaient bien été transmis à ERDF RHONE – ALPES BOURGOGNE, parmi lesquels devait figurer le récépissé de la déclaration de dépôt de permis de construire.

Le 29 octobre 2009, la société ERDF a adressé à la mairie de Saint Bris le Vineux un courrier intitulé « réponse concernant l’instruction d’une autorisation d’urbanisme ».

Le 20 novembre 2009, la société ECOFLUENCE a adressé, par courrier simple, une deuxième demande de contrat d’achat d’énergie électrique.

Le 11 janvier 2010, la société ECOFLUENCE a adressé, par courrier recommandé avec accusé de réception, une troisième demande de contrat d’achat d’énergie électrique.

Le même jour, la société ECOFLUENCE a adressé à la société ERDF les « fiches de collecte de renseignements pour une étude de faisabilité ou détaillée (avec ou sans proposition technique et financière) dans le cadre du raccordement d’une centrale de production de plus de 250 kVA au réseau HTA de distribution ».

Le 15 février 2010, la société EDF a indiqué ne pas pouvoir accuser réception de la demande complète de contrat d’achat de la société ECOFLUENCE dès lors qu’il manquait les pièces justifiant les démarches relatives aux règles d’urbanisme (dépôt de permis de construire, permis de construire, certificat de non opposition).

Le 29 mars 2010, la société SOLUTIONS ENERGIES RENOUVELABLES a adressé un courrier de réclamation à ERDF Rhône – Alpes Bourgogne.

Le 8 avril 2010, la société ERDF a invité la société ECOFLUENCE à compléter sa demande, les pièces et éléments manquants étant les suivants :

- plans indiquant à l’aide d’une croix la localisation du point de livraison ;

- informations relatives aux transformateurs, en fournissant les fiches C1 et en complétant sur ce point la fiche A2 suite p6/36 ;

- schéma unifilaire plus complet indiquant notamment le poste de livraison HTA / BT, les caractéristiques des organes électriques et leurs réglages, la localisation des comptages ainsi que la prise en compte de l’ilot 4 ;

- onduleur et TCFM

- informations manquantes dans la fiche A2 relatives à la puissance active soutirée au réseau au point de livraison ;

- fiche A2 suite p7/36 complète.

La société ERDF lui précisait par ailleurs que si le producteur désirait recevoir une offre de raccordement (proposition technique et financière) en lieu et place d’une étude détaillée, il était nécessaire de fournir une copie du permis de construire accepté par la commune, lequel devait concerner expressément la pose de panneaux photovoltaïques.

Le 9 avril 2010, la société ECOFLUENCE a transmis à la société ERDF, par trois courriers électroniques successifs, les documents suivants :

- des plans accompagnés de la mention manuscrite Point de livraison ;

- une nouvelle fiche de collecte de renseignements complémentaires dans le cadre du raccordement d’une centrale de production photovoltaïque supérieure à 36kVA au réseau public de distribution exploité par ERDF ;

- les plans du permis de construire.

S’agissant de l’autorisation d’urbanisme, la société ECOFLUENCE a adressé le récépissé de dépôt d’une demande de permis de construire du 12 octobre 2009 ainsi que les plans joints au dossier de demande.

La société ECOFLUENCE précisait à la société ERDF que « concernant votre demande sur la partie technique, notre installateur mandaté Xavier Berry de l’entreprise SER vous retournera directement les documents ».

Le 14 avril 2010, la société ERDF a accusé, par courrier électronique, réception de ces documents, tout en précisant à la société ECOFLUENCE qu’elle était toujours dans l’attente des éléments suivants pour instruire sa demande :

- informations relatives aux transformateurs en fournissant les fiches C1 et en complétant sur ce point la fiche A2 suite p6/36 ;

- schéma unifilaire plus complet indiquant notamment le poste de livraison HTA / BT, les caractéristiques des organes électriques et leurs réglages, la localisation des comptages ainsi que la prise en compte de l’ilot 4 ;

- informations manquantes dans la fiche A2 relatives à la puissance active soutirée au réseau au point de livraison ;

- la fiche A2 suite p7 / 36 complétée.

La société ERDF précisait, de nouveau, à la société ECOFLUENCE que si elle désirait recevoir une offre de raccordement (PTF), en lieu et place d’une étude détaillée, il était nécessaire de fournir une copie du permis de construire accepté par la commune, ce document devant concerner la pose de panneaux photovoltaïques.

Le même jour, la société ECOFLUENCE répondait, par courrier électronique, à la société ERDF que « concernant votre demande d’un arrêté autorisant le permis de construire, nous ne l’avons hélas toujours pas reçu ce jour. De plus, notre demande d’obligation d’achat a été déposée complète en octobre 2009, les règles à respecter sont donc celles du décret de 2006, qui ne demande qu’une attestation de dépôt de permis ».

Le 14 avril 2010, la société ERDF a répondu, par courrier électronique, que « pour pouvoir établir une offre de raccordement (PTF), l’arrêté autorisant le permis de construire doit impérativement nous être transmis conformément à la procédure publique disponible sur le site internet du distributeur.

 En l’absence de ce document, et comme nous vous l’avons déjà indiqué, nous ne pourrons vous faire qu’une étude détaillée qui n’est pas une offre de raccordement, et qui n’engage pas le distributeur. Une fois que vous aurez reçu votre permis de construire obtenu et que vous nous l’aurez transmis, nous pourrons alors établir une Proposition Technique et Financière.

 Le décret de 2006 auquel vous faites allusion, ne concerne pas le distributeur, mais uniquement l’acheteur. Tout ce qui touche au tarif doit être vu avec l’acheteur (Agence Obligation d’Achat), et non pas avec le distributeur ».

Le 29 avril 2010, la société ERDF a confirmé, par courrier, que « sur votre demande relative au raccordement de votre installation de production au Réseau Public de Distribution, (…) nos services ont effectivement reçu le 13 janvier 2010, pour la première fois, une demande d’étude détaillée ».

Le 12 mai 2010, la société SOLUTIONS ENERGIES RENOUVELABLES a adressé un courrier de réclamation à l’Agence Obligation d’Achat Solaire, réitéré le 3 août suivant.

Le 15 septembre 2010, la société EDF a indiqué, par courrier, à la société SOLUTIONS ENERGIES RENOUVELABLES qu’elle ne trouvait pas trace des dossiers déposés les 14 octobre et 20 novembre 2009, que la demande de la société ECOFLUENCE du 11 janvier 2010 avait fait l’objet d’un retour pour document d’urbanisme manquant le 15 février 2010, que cette dernière demande ne pouvait, par conséquent, pas être prise en compte en l’état.

Le 21 octobre 2010, la société ERDF a rappelé, par courrier électronique, à la société ECOFLUENCE qu’elle était toujours dans l’attente des éléments nécessaires à l’instruction de sa demande, parmi lesquels la copie du permis de construire accepté par la commune.

Le même jour, la société ECOFLUENCE a adressé, par courrier électronique, à la société ERDF la copie du permis de construire accepté reçu la veille. Elle ajoutait que « concernant les autres documents pour l’étude détaillée, notre mandaté s’occupe de réunir les informations et de vous les transmettre aussi dans les meilleurs délais ».

Le 29 octobre 2010, la société ERDF, par courrier électronique, a accusé réception des éléments complémentaires relatifs au permis de construire et a rappelé à la société ECOFLUENCE que certains éléments étaient toujours manquants en vue de l’établissement de la proposition technique et financière. La société ERDF constatait par ailleurs que « depuis le premier envoi de vos fiches de collecte (janvier 2010), celles-ci ont évolué. Vous voudrez donc bien nous envoyer un jeu complet de fiches de collecte en prenant soin de compléter toutes les rubriques munies d’un astérisque ».

Le 17 décembre 2010, la société CLIPSOL, pour le compte de la société ECOFLUENCE, a adressé par courrier, reçu le 22 décembre 2010, à la société ERDF ces éléments manquants.

Le 27 décembre 2010, la société ERDF a informé, par courrier, la société ECOFLUENCE que sa demande de raccordement « en date du 21 octobre 2010 » était concernée par la suspension de l’obligation d’achat d’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil prévue par le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010, pour une durée de trois mois, que sa demande de contrat d’achat suspendue devait faire l’objet, à l’issue de cette période de suspension, d’une nouvelle demande complète de raccordement.

Le 15 décembre 2011, la société ECOFLUENCE et son gérant, Monsieur MILLOT, ont par requête demandé au président du tribunal administratif de Dijon statuant en référé de condamner la société ERDF à leur verser, à titre de provision, la somme de 23 877 028 euros. Cette demande a été rejetée.

Aucune nouvelle demande de raccordement n’a été formée depuis lors par la société ECOFLUENCE.

Estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution de son installation de production n’étaient pas satisfaisantes, la société ECOFLUENCE a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie d’une demande de règlement du différend qui l’oppose à la société ERDF.

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Dans ses observations, la société ECOFLUENCE soutient que la mise en œuvre du dispositif d’obligation d’achat d’électricité lui imposait de former une demande de raccordement auprès de la société ERDF et que cette dernière avait l’obligation de fournir, à compter du dépôt de la demande de raccordement, une proposition technique et financière dans les trois mois.

Plus précisément, elle prétend que la société ERDF a retardé le point de départ du délai de trois mois pour fournir une proposition technique et financière en refusant de prendre en compte le dépôt effectué le 14 octobre 2009 et en invoquant une condition inapplicable au moment du dépôt de la demande, soit un « permis de construire accepté ».

Elle considère que, quelle que soit la date de dépôt de la demande retenue, la société ERDF a manqué à son obligation de fournir une proposition technique et financière dans le délai de trois mois.

Enfin, la société ECOFLUENCE estime que le défaut de transmission par la société ERDF de la proposition technique et financière a abouti à l’application de la suspension de l ‘obligation d’achat, soit à l’application rétroactive des dispositions du décret du 9 décembre 2010 à la demande de raccordement formée le 14 octobre 2009.

Dès lors la société ECOFLUENCE demande au comité de règlement des différends et des sanctions de :

- constater que la société ERDF a manqué à ses obligations tenant à la production d’une proposition technique et financière ;

Par voie de conséquence :

- dire que sont inapplicables les dispositions ayant suspendu l’obligation d’achat ;

- enjoindre à la société ERDF de délivrer à la société ECOFLUENCE, sur la base de la demande déposée le 14 octobre 2009 et des conditions techniques et financières applicables à cette date, une proposition technique et financière de raccordement dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- enjoindre à la société ERDF d’appliquer au projet développé par la société ECOFLUENCE et la SCI LE VILLAGE DE DOUZEIN, une fois la proposition technique et financière délivrée et acceptée, le cadre réglementaire qui lui était applicable avant l’entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010 tant en ce qui concerne l’inscription dans la file d’attente de raccordement qu’en ce qui concerne les échanges d’informations entre la société ERDF et EDF Obligation d’Achat pour la conclusion du contrat d’achat avec la société ECOFLUENCE, suivant les textes et tarifs en vigueur au 14 octobre 2009.

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Vu les observations en défense n° 1, enregistrées le 15 janvier 2013, présentées par la société ERDF, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le numéro 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris La Défense Cedex, représentée par son représentant légal, ayant pour avocat Maître Romain GRANJON, SELAS ADAMAS, 55, boulevard des Brotteaux, 69006 Lyon.

La société ERDF considère que les demandes de la société ECOFLUENCE sont irrecevables faute de production d’un extrait du registre du commerce et des sociétés établissant son existence légale.

Elle estime subsidiairement que les demandes de la société ECOFLUENCE tendant à ce que l’application des dispositions du décret du 9 décembre 2010 soit écartée ne peuvent qu’être rejetées.

La société ERDF soutient qu’en l’espèce le projet de la société ECOFLUENCE n’est jamais entré en file d’attente dès lors qu’il n’a jamais fait l’objet d’une demande complète de raccordement et qu’il n’a donc pas pu donner lieu à l’élaboration d’une proposition technique et financière par la société ERDF.

Elle affirme, à titre infiniment subsidiaire, qu’elle n’a commis aucun manquement dans le traitement de la demande de raccordement de la société ECOFLUENCE dès lors qu’elle n’a été saisie d’aucune demande avant le 13 janvier 2010, que le dossier très incomplet enregistré le 13 janvier 2010 ne peut être assimilé à une demande complète de raccordement, qu’enfin elle n’a été en possession d’une demande complète de raccordement que le 22 décembre 2010.

La société ERDF précise, à titre surabondant, que son appréciation serait la même si le dossier avait été complet lors de la communication du permis de construire le 21 octobre 2010, le délai de trois mois étant loin d’avoir expiré à la date de publication du décret du 9 décembre 2010.

En conséquence, la société ERDF demande au comité de règlement des différends et des sanctions de rejeter l’ensemble des prétentions de la société ECOFLUENCE.

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Dans ses observations en réplique, enregistrées le 27 février 2013, la société ECOFLUENCE verse aux débats un extrait KBis en date du 6 novembre 2012 ainsi que le rapport du commissaire aux apports.

Elle affirme qu’il résulte clairement des termes d’un courrier du 29 octobre 2009 adressé par la société ERDF à la mairie de Saint Bris le Vineux qu’elle avait déposé dès le mois d’octobre 2009 un dossier auprès de la société ERDF.

La société ECOFLUENCE relève que la société ERDF ne l’a jamais contactée entre le 29 octobre 2009, date de ce courrier, et le 8 avril 2010, date de la première demande d’informations complémentaires formulée par courrier électronique, la laissant croire que son dossier était validé.

Elle estime qu’à la date de dépôt de la demande, au mois d’octobre 2009, il n’était pas nécessaire de détenir un permis validé pour obtenir l’obligation d’achat, qu’une simple attestation de dépôt de demande de permis était suffisante.

La société ECOFLUENCE considère que tous les éléments demandés avaient d’ores et déjà été fournis à l’appui du premier courrier envoyé à ERDF DIJON le 14 octobre 2009, la société SOLUTIONS ENERGIES RENOUVELABLES les ayant de nouveau adressés à ERDF RHONE-ALPES BOURGOGNE, qu’enfin il lui a été impossible de joindre les services de la société ERDF jusqu’à réception du premier courrier électronique le 8 avril 2010.

Dès lors, la société ECOFLUENCE demande au comité de règlement des différends et des sanctions de :

- constater que la société ERDF a manqué à ses obligations tenant à la production d’une proposition technique et financière dans un délai de trois mois ;

Et, par voie de conséquence, de :

- dire que sont inapplicables les dispositions ayant suspendu l’obligation d’achat ;

- enjoindre à la société ERDF de délivrer à la société ECOFLUENCE, sur la base de la demande déposée le 14 octobre 2009 et des conditions techniques et financières applicables à cette date, une proposition technique et financière de raccordement dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- enjoindre à la société ERDF d’appliquer au projet développé par la société ECOFLUENCE et la SCI LE VILLAGE DE DOUZEIN, une fois la proposition technique et financière délivrée et acceptée, le cadre réglementaire qui lui était applicable avant l’entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010 tant en ce qui concerne l’inscription dans la file d’attente de raccordement qu’en ce qui concerne les échanges d’informations entre la société ERDF et EDF Obligation d’Achat pour la conclusion du contrat d’achat avec la société ECOFLUENCE, suivant les textes et tarifs en vigueur au 14 octobre 2009.

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Dans ses observations en défense n° 2, enregistrées le 26 juillet 2013, la société ERDF maintient que les demandes de la société ECOFLUENCE tendant à ce que l’application du décret du 9 décembre 2010 soit écartée pour l’application de son projet doivent être rejetées.

Elle ajoute, s’agissant du prétendu manquement à sa procédure de traitement, que la société ECOFLUENCE ne peut pas sérieusement prétendre qu’elle avait envoyé une demande complète de raccordement au réseau public de distribution d’électricité en octobre 2009 dès lors que le courrier du 29 octobre 2009 ne peut valoir demande de raccordement, dans la mesure où il constitue une simple réponse de la société ERDF à une demande d’avis des services instructeurs de la commune sur l’impact sur le réseau existant du projet de centre de loisirs et d’hébergement développé par la SCI Le Village de Douzein, le projet de centrale photovoltaïque n’étant pas concerné.

La société ERDF soutient que la société ECOFLUENCE procède à un amalgame entre demande de contrat d’achat et demande de raccordement pour affirmer que son dossier était complet en octobre 2009.

Elle précise que la « demande d’étude détaillée le 14 octobre 2009 à ERDF DIJON » ne peut être que la demande de contrat d’achat auprès d’EDF, la société ECOFLUENCE n’ayant effectué sa demande d’étude détaillée que le 13 janvier 2010, laquelle demande d’étude détaillée ne pouvait pas être assimilée à une demande d’offre de raccordement.

La société ERDF conclut que, la société ECOFLUENCE ayant complété son dossier de demande de raccordement le 21 octobre 2010 en adressant une copie de l’arrêté de permis de construire et le 22 décembre 2010, par l’intermédiaire de la société CLIPSOL, en adressant les derniers documents techniques manquants, sa demande de raccordement ne pouvait être considérée comme complète qu’au 22 décembre 2010, son projet étant dès lors tombé automatiquement dans le champ d’application du décret moratoire.

En conséquence, la société ERDF maintient ses précédentes observations et demande au comité de règlement des différends et des sanctions de rejeter les demandes de la société ECOFLUENCE.

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Dans ses observations complémentaires, enregistrées le 27 septembre 2013, la société ECOFLUENCE rappelle que les caractéristiques du projet ainsi que la date de dépôt de la demande visaient à bénéficier de l’obligation d’achat telle qu’elle était prévue par le « décret de 2006 », donc avant l’intervention du décret du 9 décembre 2010.

Elle soutient que sa demande formée au mois d’octobre était tenue au respect des dispositions du « décret du 26 juillet 2006 », dont l’article 3 prévoit que « la date de demande complète de contrat d’achat par le producteur détermine les tarifs applicables à une installation. Cette demande est considérée comme étant complète lorsqu’elle comporte la copie de la lettre de notification mentionnée à l’article R. 421-12 du code de l’urbanisme, lorsqu’un permis de construire est nécessaire, ainsi que les éléments définis à l’article 2 du présent arrêté », que dès lors la production d’une preuve du dépôt de demande de permis de construire en mairie suffisait.

La société ECOFLUENCE maintient que le courrier de la société ERDF du 29 octobre 2009 adressé à la mairie de Saint Bris le Vineux tant au regard de sa date que de son contenu démontrent que la société ERDF a bien reçu la demande de raccordement formée au mois d’octobre 2009.

Elle prétend que l’enregistrement de la demande de contrat chez EDF OA devait intervenir automatiquement dans le prolongement du placement en file d’attente.

La société ECOFLUENCE relève qu’aucune demande de permis de construire validée n’était alors exigée qu’il s’agisse de la demande de contrat d’achat ou de la demande de raccordement, que le projet de mise en place d’une centrale photovoltaïque sur le territoire de la commune de Massangis a pu prospérer alors même que le permis de construire n’avait pas été délivré au moment de l’entrée en vigueur du moratoire, qu’en conséquence l’instruction de cette demande a bien été poursuivie par les services de la société ERDF alors même que le moratoire était entré en vigueur et que le dossier n’était pas complet au sens de la société ERDF.

Elle ajoute que l’Autorité de la Concurrence n’a pas exclu l’existence de pratiques de discrimination ou de favoritisme à différents niveaux du groupe EDF pour ralentir le traitement de certains dossiers relatifs aux concurrents de la société EDF et accélérer le traitement des dossiers relatifs aux filiales de la société EDF.

La société ECOFLUENCE rappelle que, d’octobre 2009 à avril 2010, elle s’est trouvée sans nouvelles, de la part de la société ERDF, de son dossier, que par ailleurs une grande partie des pièces réclamées en avril 2010 aux fins de complétude du dossier se trouvait déjà dans l’envoi initial.

Elle fait valoir que le traitement simultané des demandes de contrat et de raccordement résultait, au moment des faits, des procédures applicables à la demande unique qui devait être formée.

Dès lors, la société ECOFLUENCE demande au comité de règlement des différends et des sanctions de :

- constater que la société ERDF a manqué à ses obligations tenant à la production d’une proposition technique et financière dans un délai de trois mois ;

Par voie de conséquence :

- dire que sont inapplicables les dispositions ayant suspendu l’obligation d’achat ;

- enjoindre à la société ERDF de délivrer à la société ECOFLUENCE, sur la base de la demande déposée le 14 octobre 2009 et des conditions techniques et financières applicables à cette date, une proposition technique et financière de raccordement dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- enjoindre à la société ERDF d’appliquer au projet développé par la société ECOFLUENCE et la SCI LE VILLAGE DE DOUZEIN, une fois la proposition technique et financière délivrée et acceptée, le cadre réglementaire qui lui était applicable avant l’entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010 tant en ce qui concerne l’inscription dans la file d’attente de raccordement qu’en ce qui concerne les échanges d’informations entre la société ERDF et EDF Obligation d’Achat pour la conclusion du contrat d’achat avec la société ECOFLUENCE, suivant les textes et tarifs en vigueur au 14 octobre 2009.

Par courrier du 3 octobre 2013, la société ECOFLUENCE a fait parvenir au comité de règlement des différends et des sanctions les pièces manquantes n° 30 à 34.

La société ERDF a présenté des observations en défense n° 3, enregistrées le 18 octobre 2013 et complétées le 21 octobre 2013, soit postérieurement à la clôture de l’instruction.

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Vu les pièces du dossier ;

Vu le code de l’énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;

Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l’obligation d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil ;

Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l’énergie ;

Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie ;

Vu les décisions du 4 décembre 2012 et du 11 février 2013 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la désignation d’un rapporteur et d’un rapporteur adjoint pour l’instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 30-38-12 ;

Vu la décision n° 344972 et autres du 16 novembre 2011 du Conseil d’Etat, société Ciel et Terre et autres ;

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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de Madame Monique LIEBERT - CHAMPAGNE, président, Madame Sylvie MANDEL, Monsieur Roland PEYLET et Monsieur Christian PERS, membres du comité, qui s’est tenue le 23 octobre 2013, en présence de :

Madame Alexandra BONHOMME, directrice juridique, représentant le directeur général empêché,

Madame Maud BRASSART, rapporteur, et Monsieur Thibaut DELAROCQUE, rapporteur adjoint,

Le conseil de la société ECOFLUENCE, Maître Frédéric PICARD, avocat au Barreau de Versailles, substituant Maître Gilbert COLLARD,

Le représentant de la société ERDF, assisté de Maître Romain GRANJON,

Après avoir entendu :

- le rapport de Maud BRASSART, présentant les moyens et les conclusions des parties ;

- les observations de Maître Frédéric PICARD pour la société ECOFLUENCE ; la société ECOFLUENCE persiste dans ses moyens et conclusions et demande que le mémoire enregistré le 18 octobre 2013 et complété le 21 octobre 2013 soit écarté des débats ;

- les observations de Maître Romain GRANJON pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions et fait valoir que le courrier du 29 octobre 2009 adressé par la société ERDF à la mairie de Saint Bris le Vineux ne concernait pas une demande de raccordement mais évoquait une « installation de consommation d’électricité d’énergie électrique » ;

Aucun report de séance n’ayant été sollicité ;

Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.

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Sur la recevabilité des demandes de la société ECOFLUENCE

Par ses observations en réplique enregistrées le 27 février 2013, la société ECOFLUENCE a versé aux débats un extrait KBis en date du 6 novembre 2012.

Dès lors la société ECOFLUENCE est recevable en ses demandes.

Sur la procédure

Le mémoire complémentaire de la société ERDF ayant été enregistré le 18 octobre 2013 et complété le 21 octobre 2013, soit après la clôture de l’instruction, doit être écarté des débats.

Sur la méconnaissance par la société ERDF de sa procédure de traitement des demandes de raccordement

La société ECOFLUENCE demande au comité de règlement des différends et des sanctions de constater que la société ERDF a manqué à ses obligations tenant à la production d’une proposition technique et financière dans un délai de trois mois.

Si la société ECOFLUENCE prétend avoir fait une demande de raccordement les 14 octobre 2009, 20 novembre 2009 puis le 11 janvier 2010, il ressort des pièces du dossier que les deux premières demandes visaient une demande de contrat d’achat et la dernière une demande d’étude détaillée. 

Ce n’est que le 21 octobre 2010 que la demande formée par la société ECOFLUENCE a pu être qualifiée de demande de raccordement dès lors que celle-ci a produit à cette date le permis de construire qu’exigeait la procédure alors applicable aux demandes de raccordement en cours, soit la procédure de traitement des demandes de raccordement individuel en BT de puissance supérieure à 36 kVA et en HTA, au réseau public de distribution géré par ERDF (ERDF-PRO-RAC_14E).

Cette dernière prévoit que :

« 7.2.2 Complétude du dossier 

Pour une installation de production, le document administratif requis pour la qualification de la demande de raccordement est spécifique à chaque type d’installation :

  • pour les installations soumises à permis de construire : une copie de la décision accordant le permis de construire (notamment pour les installations photovoltaïques au sol, de puissance-crête supérieure à 250 kW, projets éoliens de hauteur supérieure à 12 mètres…), tel que mentionné à l’article R 424-10 du Code de l’urbanisme, ou du certificat prévu par l’article R. 424-13 du même code ;

 (…) ».

Dès lors, la demande de raccordement de la société ECOFLUENCE ne pouvait pas être considérée comme complète par la société ERDF avant la date du 21 octobre 2010.

L’article 8.2.1 de ladite procédure de traitement des demandes de raccordement prévoit par ailleurs que :

« À compter de la date de qualification de la demande de raccordement, le délai de transmission au demandeur de l’offre de raccordement ne dépassera pas le délai défini dans le barème de raccordement pour le type d’installation concernée. Ce délai n’excédera pas trois mois quel que soit le domaine de tension de raccordement. (…) » 

Il ressort de cet article que la société ERDF disposait d’un délai de trois mois pour transmettre une proposition technique et financière.

L’article 1er du décret du 9 décembre 2010 dispose que « l’obligation de conclure un contrat d’achat de l’électricité produite par les installations mentionnées au 3° de l’article 2 du décret du 6 décembre 2000 susvisé est suspendue pour une durée de trois mois courant à compter de l’entrée en vigueur du présent décret. Aucune nouvelle demande ne peut être déposée durant la période de suspension ».

L’article 3 du décret du 9 décembre 2010, prévoit que « les dispositions de l’article 1er ne s’appliquent pas aux installations de production d’électricité issue de l’énergie radiative du soleil dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau ».

Les dispositions de l’article 5 dudit décret précisent enfin qu’« à l'issue de la période de suspension mentionnée à l'article 1er, les demandes suspendues devront faire l'objet d'une nouvelle demande complète de raccordement au réseau pour bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat ».

La légalité dudit décret du 9 décembre 2010 n’a pas été remise en cause par la décision du 16 novembre 2011 du Conseil d’Etat, société Ciel et Terre et autres.

A supposer même que la demande de raccordement de la société ECOFLUENCE ait été considérée comme complète le 21 octobre 2010, conformément à la procédure de traitement des demandes de raccordement applicable, la société ERDF avait jusqu’au 21 janvier 2011 pour communiquer une proposition technique et financière à la société ECOFLUENCE.

Dès lors, le délai de trois mois dont disposait la société ERDF pour délivrer une proposition technique et financière n’étant pas expiré à la date d’entrée en vigueur du décret, aucun manquement ne peut être constaté à l’encontre de la société ERDF, laquelle était tenue d’appliquer les dispositions du décret n°20101510 du 9 décembre 2010.

Les moyens tirés de ce qu’une autre installation aurait obtenu le raccordement au réseau public de distribution avant l’obtention de son permis de construire et de ce que l’Autorité de la concurrence aurait été saisie sont inopérants.

Sur les autres demandes de la société ECOFLUENCE

La société ECOFLUENCE demande au comité de règlement des différends et des sanctions de :

- dire que sont inapplicables les dispositions ayant suspendu l’obligation d’achat ;

- enjoindre à la société ERDF de délivrer à la société ECOFLUENCE, sur la base de la demande déposée le 14 octobre 2009 et des conditions techniques et financières applicables à cette date, une proposition technique et financière de raccordement dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- enjoindre à la société ERDF d’appliquer au projet développé par la société ECOFLUENCE et la SCI LE VILLAGE DE DOUZEIN, une fois la proposition technique et financière délivrée et acceptée, le cadre réglementaire qui lui était applicable avant l’entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010 tant en ce qui concerne l’inscription dans la file d’attente de raccordement qu’en ce qui concerne les échanges d’informations entre la société ERDF et EDF Obligation d’Achat pour la conclusion du contrat d’achat avec la société ECOFLUENCE, suivant les textes et tarifs en vigueur au 14 octobre 2009.

Il résulte de ce qui précède que le comité de règlement des différends et des sanctions n’est pas en droit d’enjoindre à la société ERDF de délivrer à la société ECOFLUENCE, en l’absence de nouvelle demande de raccordement, une proposition technique et financière.

Par voie de conséquence, sa demande tendant à ce qu’elle soit inscrite en file d’attente ne peut qu’être rejetée ; qu’il en est de même de l’ensemble des autres demandes de la société ECOFLUENCE.

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DÉCIDE : 

Article 1er. – L’ensemble des demandes de la société ECOFLUENCE est rejeté.

Article 2. – La présente décision sera notifiée à la société ECOFLUENCE et à la société ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.