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Décisions

CRE, cordis, 3 juillet 2013, n° 160-38-11

COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉNERGIE

Arrêt

sur le différend qui oppose la société SOLAGRI ENERGIES à la société Électricité Réseau Distribution France (ERDF) relatif aux conditions de raccordement d’une installation de production photovoltaïque au réseau public de distribution d’électricité

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Liebert-Champagne

Rapporteur adjojnt :

M. Delarocque

Avocats :

Me Guenaire, Me Bergès

CRE n° 160-38-11

2 juillet 2013

Le comité de règlement des différends et des sanctions,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 17 mars 2011, sous le numéro 160-38-11 présentée par la société SOLAGRI ENERGIES, société en commandite simple, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’Angoulême sous le numéro 517 832 911 00013, dont le siège social est situé Domaine de Frégeneuil, Chemin de Frégeneuil, 16800 SOYAUX, représentée par son gérant, Monsieur Lucien-François MUDRY.

La société SOLAGRI ENERGIES a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie du différend qui l’oppose à la société ERDF, sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d’électricité de son projet de centrale photovoltaïque

Il ressort des pièces du dossier que la société SOLAGRI ENERGIES développe un projet de centrale photovoltaïque, d’une puissance de 12 MWc, sur le territoire de la commune de SOYAUX (Charente). La société ERDF est le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité sur le territoire de cette commune. 

Le 7 juillet 2010, la société SOLAGRI ENERGIES a adressé une demande de raccordement à la société ERDF.

Le 27 août 2010, la société ERDF a indiqué, par courriel, à la société SOLAGRI ENERGIES que son dossier de demande de raccordement était complet au 27 août 2010 et qu’une proposition technique et financière lui serait transmise sous 3 mois à compter de cette date.

Le 10 décembre 2010, la société SOLAGRI ENERGIES a reçu, de la société ERDF, une proposition technique et financière pour son projet de production d’électricité.

Le 13 décembre 2010, la société ERDF a été destinataire de la PTF signée par la société SOLAGRI ENERGIES.

Le 3 janvier 2011, la société SOLAGRI ENERGIES a mis en demeure la société ERDF de lui délivrer une convention de raccordement pour son projet d’installation de production d’électricité.

Le 27 janvier 2011 la société ERDF a indiqué à la société SOLAGRI ENERGIES que son projet était concerné par la suspension de l’obligation d’achat  de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil.

Estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution des installations de production n’étaient pas satisfaisantes, la société SOLAGRI ENERGIES a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d’une demande de règlement du différend qui l’oppose à la société ERDF.

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Dans ses observations, la société SOLAGRI ENERGIES estime qu’elle aurait dû recevoir une proposition technique et financière de raccordement le 27 novembre et non le 10 décembre 2010. 

La société SOLAGRI ENERGIES demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie de :

• constater qu’ERDF a volontairement dépassé le délai de trois mois pour la transmission d’une proposition technique et financière  afin de lui faire subir l’arrêté tarifaire du 4 mars 2011 ;

• dire qu’il ne serait pas « honnête » qu’elle doive déposer une nouvelle demande de raccordement.

Vu la décision du 29 avril 2011 par laquelle le comité de règlement des différends et des sanctions a suspendu son instruction jusqu’à l’intervention de la décision du Conseil d’État sur les requêtes tendant à l’annulation du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010.

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Vu la lettre du Directeur général, du 9 janvier 2013 par laquelle il est demandé à la société ERDF, dans le cadre de la réouverture de l’instruction de cette demande de règlement de différend, de présenter ses observations.

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Vu les observations en défense, enregistrées le 4 février 2013, présentées par la société Électricité Réseau Distribution de France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 552 081 317, dont le siège social est situé 22-30, avenue de Wagram, 75008 Paris, représentée par la Présidente du directoire en exercice Madame Michèle BELLON, ayant pour avocats Maître Michel Guénaire et Maître Sylvain Bergès, Cabinet Gide Loyrette Nouel AARPI, 22 Cours Albert 1er, 75008 Paris.

La société ERDF estime que la saisine de la société SOLAGRI ENERGIES est irrecevable en raison de l’absence de production d’un extrait du registre du commerce et des sociétés comme requis par les dispositions de l’article 7 du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions.

Elle expose qu’elle était tenue d’appliquer les dispositions du décret du 9 décembre 2010 dès lors qu’aucune proposition de raccordement n’avait été retournée signée par la société SOLAGRI ENERGIES au 2 décembre 2010. 

La société ERDF ajoute que le comité de règlement des différends et des sanctions, comme toute autorité administrative indépendante, n’est pas compétent pour écarter des dispositions réglementaires comme celles du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010.

Elle soutient en outre que le comité n’est pas habilité, par les dispositions du code de l’énergie, à constater que la société ERDF aurait méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement. 

Elle fait également valoir que le délai de délivrance d’une proposition technique et financière n’est pas opposable à la société ERDF, pour les raisons suivantes :

- le législateur n’a pas fixé de délai pour la délivrance d’une PTF pour les installations de puissance supérieure à 3 kilovoltampères ;

- la Commission de régulation de l’énergie n’était pas compétente pour imposer aux termes de sa délibération du 11 juin 2009 un délai pour la délivrance d’une PTF pour les installations de puissance supérieure à 3 kilovoltampères ;

- l’engagement de la société ERDF à respecter le délai précité est sans fondement juridique dès lors qu’il a été déterminé par une délibération illégale ;

- en tout état de cause, une jurisprudence établie confirme qu’un délai n’est impératif que lorsque la sanction de son non-respect a été prévue.

Enfin, ERDF affirme qu’elle a été confrontée à une situation exceptionnelle qui explique les difficultés rencontrées par elle dans la gestion des demandes de raccordement. 

Dès lors, la société ERDF demande au comité de règlement des différends et des sanctions :

A titre principal,

- de déclarer irrecevable la demande de la société SOLAGRI ENERGIES ;

A titre subsidiaire,

- de constater qu’ERDF devait respecter les dispositions de décret du 9 décembre 2010 ;

- de se déclarer incompétent pour constater qu’ERDF a méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement ;

- de constater que le délai pour délivrer une proposition de raccordement n’est pas opposable à ERDF ;

- de constater qu’ERDF a été confrontée à une situation exceptionnelle qui explique les difficultés rencontrées par elle dans la gestion des demandes de raccordement.

En tout état de cause,

- de rejeter l’ensemble des conclusions de la société SOLAGRI ENERGIES. 

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Vu les observations complémentaires, enregistrées le 13 février 2013, présentées par la société SOLAGRI ENERGIES.

La société SOLAGRI ENERGIES produit avec ses observations complémentaires un extrait du registre du commerce et des sociétés en date du 8 février 2013.

Elle ajoute qu’elle précise ses demandes initiales et sollicite du Comité de règlement des différends et des sanctions qu’il décide que la société ERDF a méconnu sa propre documentation technique de référence en ne respectant pas le délai maximum de trois mois pour la remise d’une proposition technique et financière.

La société SOLAGRI ENERGIES persiste dans ses autres conclusions.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’énergie, notamment ses articles L. 134-19 à L. 134-24 ;

Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié, relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l’énergie ;

Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010, suspendant l’obligation d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil ;

Vu la décision du 20 février 2009, relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie ;

Vu la décision du 17 mars 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la désignation d’un rapporteur et d’un rapporteur adjoint pour l’instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 160-38-11 ;

Vu la décision n° 344972 et autres du 16 novembre 2011 du conseil d’Etat, société Ciel et Terre et autres ;

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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s’est tenue le 3 juillet 2013, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de Madame Monique LIEBERTCHAMPAGNE, président, Monsieur Roland PEYLET et Monsieur Christian PERS, membres, en présence de :

Monsieur Olivier BEATRIX, directeur juridique, représentant le directeur général empêché, 

Monsieur Thibaut DELAROCQUE, rapporteur adjoint, Monsieur Jérémie ASTIER, rapporteur empêché,

Monsieur Lucien-François MUDRY, représentant la société SOLAGRI ENERGIES,

Le représentant de la société ERDF, assisté de Maître Michel GUENAIRE.

Après avoir entendu :

- le rapport de Monsieur Thibaut DELAROCQUE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;

- les observations de Monsieur Lucien-François MUDRY, représentant la société SOLAGRI ENERGIES; la société SOLAGRI ENERGIES persiste dans ses moyens et conclusions ;

- les observations de Maître Michel GUENAIRE pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions ;

Aucun report de séance n’ayant été sollicité ;

Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.

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Sur la recevabilité de la demande de la société SOLAGRI ENERGIES

Si la société ERDF fait valoir qu’aucun extrait du registre du commerce et des sociétés n’a été produit par la société SOLAGRI ENERGIES, un tel extrait ayant été produit, la demande est recevable.

Sur le respect du délai de délivrance d’une proposition technique et financière.

La société SOLAGRI ENERGIES demande au comité de règlement des différends et des sanctions de constater que la société ERDF a méconnu sa documentation technique de référence en ne lui délivrant pas une proposition technique et financière dans un délai de trois mois.

L’article 8.2.1 de la procédure de traitement des demandes de raccordement individuel en BT de puissance supérieure à 36 kV et en HTA, au réseau public de distribution géré par ERDF prévoit qu’« à compter de la date de qualification de la demande de raccordement, le délai de transmission au demandeur de l’offre de raccordement ne dépassera pas le délai défini dans le barème de raccordement pour le type d’installation concernée. Ce délai n’excèdera pas trois mois quel que soit le domaine de tension de raccordement ».

Il ressort des pièces du dossier que la demande de raccordement de la société SOLAGRI ENERGIES a été considérée comme complète par la société ERDF le 27 août 2010 et qu’aucune proposition technique et financière ne lui a été adressée par la société ERDF avant le 28 novembre 2010, alors qu’à cette date il était encore utilement possible au demandeur de bénéficier des dispositions transitoires du décret du 9 décembre 2010.

Ainsi, la société ERDF n’a pas respecté le délai de trois mois pour l’instruction de la demande de raccordement de la société SOLAGRI ENERGIES, délai qu’il n’appartient pas au comité d’écarter en l’absence d’illégalité manifeste.

Dans ces conditions, la société ERDF doit être regardée comme ayant méconnu sa propre procédure de traitement des demandes de raccordement.

Sur l’application du décret du 9 décembre 2010

La société SOLAGRI ENERGIES demande au comité de règlement des différends et des sanctions de dire qu’il ne serait pas « honnête » qu’elle doive déposer une nouvelle demande de raccordement.

L’article 1er du décret du 9 décembre 2010 dispose que l’« obligation de conclure un contrat d’achat de l’électricité produite par les installations mentionnées au 3° de l’article 2 du décret du 6 décembre 2000 susvisé est suspendue pour une durée de trois mois courant à compter de l’entrée en vigueur du présent décret. Aucune nouvelle demande ne peut être déposée durant la période de suspension ».

L’article 3 du décret du 9 décembre 2010, prévoit que les « dispositions de l’article 1er ne s’appliquent pas aux installations de production d’électricité issue de l’énergie radiative du soleil dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau ».

Les dispositions de l’article 5 dudit décret précisent enfin qu’« à l'issue de la période de suspension mentionnée à l'article 1er, les demandes suspendues devront faire l'objet d'une nouvelle demande complète de raccordement au réseau pour bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat ».

La légalité dudit décret du 9 décembre 2010 n’a pas été remise en cause par la décision du 16 novembre 2011 du Conseil d’Etat, Ciel et Terre et autres.

Les dispositions du décret du 9 décembre 2010 susvisé font obligation au producteur qui n’a pu renvoyer avant le 2 décembre 2010 au gestionnaire de réseau une proposition technique et financière signée, de renouveler sa demande de raccordement à l’expiration du délai de trois mois pendant lequel toutes les demandes de contrat d’obligation d’achat sont suspendues.

En l’espèce, la société SOLAGRI ENERGIES n’a pas renvoyé la proposition technique et financière signée avant le 2 décembre 2010.

La circonstance que la société ERDF ait adressé tardivement une proposition technique et financière à la société SOLAGRI ENERGIES, est sans incidence sur l’application du décret du 9 décembre 2010 et notamment de son article 5 imposant le dépôt d’une nouvelle demande de raccordement.

Il résulte de ce qui précède que la demande de la société SOLAGRI ENERGIES tendant à ce qu’elle n’ait pas l’obligation de déposer une nouvelle demande de raccordement doit être rejetée.

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DÉCIDE : 

Article 1er. – La société ERDF a méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement.

Article 2. – Le surplus des demandes de la société SOLAGRI ENERGIES est rejeté.

Article 3. – La présente décision sera notifiée aux sociétés SOLAGRI ENERGIES et Électricité de France. Elle sera publiée au Journal Officiel de la République française.