CA Reims, 1re ch. civ. sect., 19 août 2014, n° 12/02557
REIMS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Centre Régional d'Informations Immobilières (SAS), Martinot Réalisations Immobilières (SCA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Maillard
Conseillers :
Mme Dias Da Silva Jarry, M. Wachter
Avocats :
SCP Delvincourt Caulier Richard, Me Volkringer, Me Ivernel
Par lettre d'intention du 25 juin 2010 les associés de la société Centre Regional d'Informations Immobilières (Cerim) se sont accordés avec la société Martinot Réalisations Immobilières (MRI), sur le principe et les modalités essentielles de la cession de 668 actions.
Selon un premier acte de cession signé le 28 juillet 2010, la société MRI a acquis 388 actions de la société Cerim, dont 137 actions appartenant à M. C., directeur général, mandataire social de cette société depuis le mois de janvier 1993, qui détenait 13,7 % du capital de celle ci. Le contrat de cession d'actions prévoyait que M. C. poursuivrait ses fonctions sous la nouvelle forme sociale et qu'un contrat de travail lui serait consenti au sein de la société MRI.
La société Cerim a été transformée en SAS. M. C. a été désigné en qualité de directeur général de la société et a notamment été chargé de poursuivre la gestion du groupe Cerim, de participer à l'élaboration d'un plan pluriannuel de développement, de faciliter l'intégration de Cerim dans le schéma M. Cerim et d'assurer les fonctions de secrétaire général de la société MRI et membre du comité de pilotage aux fins de faciliter les brassages et les mutualisations de savoirs faire entre le groupe Cerim et le groupe M..
A la fin de l'année 2010 les relations des parties se sont dégradées, M. C., considérant qu'il était dépossédé d'une partie importante de ses fonctions managériales au profit des collaborateurs de la société MRI a exposé cette situation au comité de direction de la société Cerim qui s'est réuni le 24 novembre 2010. Il a été révoqué de ses fonctions de directeur général de la société Cerim à compter du 31 décembre 2010. Au cours du mois de décembre 2010 la société MRI lui a soumis deux projets de contrat de travail qu'il a estimé inacceptables.
Soutenant qu'il a été abusivement révoqué de ses fonctions de directeur général de la société Cerim et que la société MRI n'a pas respecté les engagements pris lors de la cession des actions de la société Cerim, M. C. a, par actes du 5 août et du 8 août 2011, fait assigner la société Cerim et la société MRI devant le tribunal de commerce de Troyes, en réparation du préjudice subi.
Les sociétés Cerim et MRI ont conclu au rejet de cette demande en faisant valoir que M. C. avait fait part de son intention de mettre un terme à ses activités au sein de la société.
Par jugement du 24 septembre 2012, le tribunal a débouté M. C. de l'intégralité de ses demandes en le condamnant au paiement d'une indemnité de procédure et aux entiers dépens.
M. C. a interjeté appel.
Par conclusions du 16 avril 2013, il demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de constater que la société MRI a engagé sa responsabilité à l'occasion de l'exécution lacunaire du contrat de cession conclu le 28 juillet 2010, que la société Cerim a engagé sa responsabilité en le révoquant abusivement, de condamner la société MRI à verser à M. C. la somme de 1 150 000 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 5 août 2011, de dire que cette condamnation sera prononcée conjointement et solidairement avec la société Cerim à hauteur de 150 000 euros, de condamner la société MRI conjointement et solidairement avec la société Cerim au paiement de la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions du 22 mars 2014, la société MRI et la société Cerim ont conclu à la confirmation du jugement déféré, au débouté des demandes de M. C., à sa condamnation au paiement à chacune d'elles d'une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens.
Sur ce, la cour :
Sur l'exécution du contrat par la société MRI :
En vertu des dispositions de l'article 1134 du code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour des causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Le contrat de cession d'actions de la SA Cerim conclu le 28 juin 2010 entre les parties, prévoit en sa page cinq, sous le paragraphe C intitulé collaboration au point ii Monsieur G Coudre actuellement directeur général de la société mandataire social, poursuivra ses fonctions de mandataire social sous la nouvelle forme social ; un contrat de travail lui sera également consenti au sein de MRI. Sa rémunération globale ne sera pas modifiée et il bénéficiera de la protection sociale des salariés en qualité de salarié MRI.
La lettre d'intention adressée par la société MRI à la société Cerim le 25 juin 2010 mentionnait de même que l'opération d'acquisition des actions envisagée comporterait également la mise en place d'un statut de collaboration sous une forme à convenir de M. G. Coudre, actuellement mandataire social, moyennant une rémunération identique à celle actuelle, étant précisé qu'à ce stade de notre réflexion, Monsieur G. Coudre se verrait confier des fonctions tant au sein de Cerim que des sociétés de notre groupe.
Il est donc clairement établi que la société MRI avait envisagé la conclusion d'un contrat de travail avec M. C. né en 1952, en précisant que sa rémunération globale ne serait pas modifiée.
M. C. soutient que la société MRI n'a pas respecté ses engagements.
Les pièces versées aux débats par l'appelant et notamment le premier procès verbal du comité de direction du 28 juillet 2010, démontrent qu'il a dès le 28 juillet 2010, été désigné aux fonctions de directeur général de la société Cerim, qu'il a jusqu'au 31décembre 2010 perçu en sa qualité de directeur général, un salaire de 13 000 euros par mois. Par note interne du 31 août 2010, M. C. a informé les salariés de la société Cerim de la nouvelle organisation de la société, en précisant qu'il est à nouveau nommé directeur général de Cerim et qu'il sera par ailleurs impliqué dans la gestion du groupe Cerim/M. en qualité de secrétaire général de MRI.
Contrairement à ce qu'affirme M. C., la convention des parties prévoyant la conclusion d'un contrat de
travail et le maintien de sa rémunération, ne précisait nullement que sa rémunération serait maintenue jusqu'à son éligibilité à la retraite au cours du mois de mai 2013 et n'instaurait aucune garantie d'emploi au profit du vendeur des actions.
M. C. fait valoir qu'il ne s'était à la fin du mois de novembre toujours pas vu proposer un contrat de travail et que ce n'est que postérieurement à sa révocation en qualité de directeur général et suite à une mise en demeure de sa part, que la société MRI lui a soumis un premier projet de contrat de travail à durée indéterminée en qualité de secrétaire général de la société MRI.
Ce projet de contrat proposait à M. C., mission d'effectuer un audit écrit sur les forces et les faiblesses du nouveau groupe composé des agences de la société Cerim et des agences de la société M., de mettre en exergue les points forts, de relever les points faibles, de s'occuper de l'organisation juridique du groupe ainsi que de l'aspect social et fort des conclusions de l'audit, de proposer à la direction les actions à mettre en oeuvre pour améliorer le fonctionnement de l'entreprise et ce avant la fin du mois de mars 2011. Le lieu de travail était à décider en fonction des souhaits de M. C., étant précisé que sa fonction le conduirait dans toutes les agences du groupe. Son salaire annuel était de 80 004 euros.
Force est de constater que le salaire proposé à M. C. ne correspondait pas à sa rémunération antérieure.
Le 16 décembre 2010, la société MRI a soumis à M. C. un nouveau contrat de travail fixant sa rémunération à la somme annuelle de 156 000 euros. La mission de M. C. était identique à celle proposée dans le premier projet, mais le contrat prévoyait qu'il effectuera sa mission nécessairement au siège du groupe à Troyes. Il avait toujours pour objectif de remettre un rapport d'audit à la fin du mois de mars 2014.
Par courrier recommandé du 21 décembre 2010, M. C. a considéré cette proposition inacceptable dans la mesure où l'objectif fixé était inatteignable compte tenu de la taille du groupe et du nombre de collaborateurs, et où il lui était impossible de travailler à 127 kilomètres de son domicile. Il constatait par ailleurs, que le projet de contrat de travail ne reprenait pas son ancienneté alors qu'il avait intégré la société le 1er janvier
1993. Il demandait en outre l'inscription dans le projet de contrat en cas de rupture, d'un préavis de six mois assorti d'une dispense de l'effectuer avec paiement en sa faveur et l'intégration d'une indemnité contractuelle de rupture correspondant à trois années de salaire qui le protégerait de tout licenciement abusif, qui serait particulièrement préjudiciable au vu de son expérience et de son âge.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que M. C. savait dès la fin du mois d'août qu'il exercerait les fonctions de secrétaire général au sein de la société MRI, même si aucun contrat de travail n'avait encore été finalisé et qu'il a, pendant tout le deuxième semestre 2010 continué à percevoir son salaire. Le message électronique qu'a adressé M. C. à M. M. le 1er septembre 2010, (pièce n°2 de la société MRI), démontre qu'il a lui même proposé le contenu de la mission qu'il remplirait au sein de cette société en définissant la méthodologie qu'il souhaitait appliquer, qu'il participait activement depuis le mois d'août 2010, à la réflexion concernant la définition de son poste au sein de la société MRI et que son embauche était sérieusement envisagée. Par courriel du 25 août 2010 adressé à M. P., M. C. indiquait que la formalisation de sa collaboration simultanée avec les sociétés Cerim et MRI n'était pas une priorité et que les choses pouvaient être laissées en l'état (poursuite de sa situation antérieure) en attendant l'apparition de solutions nouvelles.
La cour relève qu'au vu des fonctions devant être exercées par M. C. et de la mission qui lui était confiée, il lui incombait de se rendre dans les agences de la société MRI et dans les agences de la société Cerim qui sont au nombre de seize, réparties dans six départements. Dans ces conditions, la fixation de son lieu de travail au siège de la société à Troyes, n'était au vu de la nature de la mission devant être remplie par M. C., de son niveau de rémunération et de responsabilité et de l'absence de toute nécessité de déménager et d'obligation d'être quotidiennement présent à Troyes, nullement anormale et inacceptable. Aucun engagement n'a d'ailleurs été pris par la société MRI sur le lieu de travail de M. C. au moment de la cession des actions. Il en est de même pour l'objectif fixé. La réalisation de l'audit confié à M. C. était envisagé depuis le mois de septembre et la fixation d'un délai pour la remise de premières conclusions n'est ni anormale
ni exorbitante au vu de l'intérêt de cette étude, des fonctions exercées par l'appelant au sein de la société et des échanges qui ont précédé la rédaction du projet de contrat de travail. L'objectif fixé ne pouvait être simplement considéré comme un moyen de rompre facilement le contrat de travail. Enfin la reprise de l'ancienneté de M. C. et le paiement d'une indemnité de rupture conséquente n'ont pas été envisagés par les parties lors de la cession des actions.
En conséquence, la cour ne peut que constater, que le contrat de travail proposé à M. C. le 16 décembre 2010 respectait les engagements pris par la société MRI à son égard et ne comportait, au vu des fonctions exercées et du niveau de rémunération appliqué, pas d'exigences anormales, d'autant plus que la lettre de la société MRI du 6 janvier 2011 précisait qu'aucune obligation de déménagement ne lui serait imposée.
Il n'est donc pas démontré que la société MRI n'a pas respecté ses engagements à l'égard de M. C.. Sa demande en dommages et intérêts a justement été rejetée et le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur la révocation du mandat social :
L'examen des statuts de la société Cerim révèle que l'assemblée générale extraordinaire du 28 juillet 2010 a, suite à la cession des actions, décidé de transformer la société en société par actions simplifiées. Ils prévoient la mise en place d'un comité de direction composé de deux à cinq membres désignés par décision de la collectivité des associés, la désignation d'un président de la société et (article 17) la possibilité de désigner une ou plusieurs personnes physiques en qualité de directeur général, étant précisé que ce dernier est révocable à tout moment et sans qu'un juste motif soit nécessaire, par décision du comité de direction et que sa révocation n'ouvre droit à aucune indemnité.
Les dispositions de l'article L 225-18 du code de commerce prévoient notamment que les administrateurs des sociétés anonymes sont nommés par l'assemblée générale constitutive ou par assemblée générale ordinaire, la durée de leurs fonctions est déterminée par les statuts et ils peuvent être révoqués à tout moment par l'assemblée générale ordinaire.
Le premier procès verbal du comité de direction du 28 juillet 2010 a désigné M. G. Coudre aux fonctions de directeur général de la société Cerim pour une durée illimitée avec les mêmes pouvoirs de représentation que le président et a décidé que M. C. continuera de bénéficier de la rémunération qui lui était antérieurement allouée au titre de ses fonctions de directeur général de la société anonyme, sans modification.
Le procès verbal de la réunion du comité de direction de la société Cerim du 24 novembre 2010 a révoqué M. C. de son mandat de directeur général avec effet au 31 décembre 2010. L'examen de ce document révèle que le président du comité de direction a informé les membres présents de la situation comptable au 30 septembre 2010, qui fait apparaître un déficit du résultat d'exploitation de 180 Ke et fait part de son mécontentement en faisant observer que ce résultat était en contradiction avec les résultats affichés au 31 décembre 2009. Il a ensuite annoncé que M. C. l'a informé de son souhait de ne pas poursuivre la collaboration avec le groupe MRI. M. C. présent a expliqué que depuis l arrivée au sein de Cerim des membres de l'équipe de direction de MRI, le fonctionnement de l'entreprise ne correspond plus à l'idée qu'il s'en fait, et, par ailleurs son mode de fonctionnement ne correspond pas à celui de Jean François M.. Gérard C. prend acte de cette situation. La conséquence en est qu'il ne peut plus assurer sa mission de directeur général de Cerim. Il informe les présents qu'il ne souhaite pas démissionner de ses fonctions. Concernant la mission d'audit du groupe MRI qui lui était confiée, il explique qu'il ne peut à la fois assurer la direction générale de Cerim et mener à bien cet audit'.
C'est dans ce contexte que le mandat de directeur général confié à M. C. a été révoqué avec effet au 31 décembre 2010.
Les attestations de M. A., de M. Gérard D., de M. Nicolas D. confirment que M. C. a, lors de la réunion du comité de direction de la société Cerim du 24 novembre 2010, été en mesure de s'exprimer, qu'il a pris la parole pour expliquer qu'il ne souhaitait plus travailler au sein de la société Cerim car n'était plus en
mesure de remplir sa mission, mais qu'il ne fallait pas compter sur lui pour démissionner.
Au vu de ces éléments la cour constate que la révocation de M. C., qui pouvait intervenir à tout moment, sans même qu'un juste motif soit nécessaire n'est pas intervenue dans des circonstances vexatoires, n'a pas porté atteinte à son honneur et n'a laissé supposer ni indélicatesse ni incompétence. Les attestations de Mme S., de M. L., de Mme A. et de M. C. versées aux débats témoignant de la bonne gestion de M. C. et relatant que suite à la cession des actions de la société Cerim le climat social s'est fortement dégradé, que M. C. a, du fait de l'intervention de M. M. et de ses collaborateurs, été progressivement isolé et dans l'incapacité d'assurer son rôle, qu'il a fait de la part de cadres de l'entreprise l'objet de propos injurieux et désobligeants, ne sont pas susceptibles d'établir que la révocation de son mandat de directeur général est intervenue dans des conditions abusives.
En conséquence la demande de dommages et intérêts formée par M. C. à l'encontre de la société Cerim n'est pas fondée et doit être rejetée.
Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
M. C. qui succombe supportera les entiers dépens de l'instance d'appel et ses frais irrépétibles et paiera aux sociétés MRI et Cerim la somme de 2 000 euros chacune, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs :
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 septembre 2012 par le tribunal de commerce de Troyes ;
Et y ajoutant ;
Condamne M. G. Coudre à payer à la société Cerim et à la société MRI, la somme de 2 000 euros chacune, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. G. Coudre aux entiers dépens de l'instance d'appel ;
Déboute M. G. Coudre de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.