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Décisions

CRE, cordis, 12 novembre 2012, n° 171-38-11

COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉNERGIE

Arrêt

sur le différend qui oppose la société Solatteco à la société Électricité Réseau Distribution France (ERDF) relatif aux conditions de raccordement d’une installation de production photovoltaïque au réseau public de distribution d’électricité

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Racine

Rapporteur :

M. Laffaille

Avocats :

Me Coussy, Me Granjon

CRE n° 171-38-11

11 novembre 2012

Le comité de règlement des différends et des sanctions,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 25 mars 2011, sous le numéro 171-38-11, présentée par la société Solatteco, société à responsabilité limitée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Tarbes sous le numéro B 508 326 220, dont le siège social est situé chemin du Oulist, 65250 Hèches, représentée par son liquidateur, Maître Jean Luc SAINT-MARTIN, ayant pour avocat Maître Benoît COUSSY, 4, rue de la tour des Dames, 75009 Paris.           

La société Solatteco a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie du différend qui l’oppose à la société Électricité Réseau Distribution France (ci-après désignée « ERDF »), sur les conditions de raccordement au réseau publique de distribution d’électricité d’un projet de centrale photovoltaïque.

Il ressort des pièces du dossier que la société Solatteco développe un projet de centrale photovoltaïque, pour « Monsieur Thierry GARDES », d’une puissance de production maximale de 244 kW, sur le territoire de la commune de Monflanquin (Lot et Garonne). La société ERDF est le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité sur le territoire de cette commune.

Le 25 août 2010, la société Plateforme Energies Renouvelables (ci-après désignée « PER »), agissant pour le compte de la société Solatteco, a adressé une demande de raccordement auprès de la société ERDF pour le projet de centrale photovoltaïque.

Le 9 septembre 2010, la société ERDF a indiqué à la société PER que sa demande était considérée comme complète à la date du 30 août 2010.

Le 8 décembre 2010, la société ERDF a communiqué à la société PER une proposition technique et financière pour le raccordement de l’installation de production photovoltaïque au réseau public de distribution d’électricité, par une liaison souterraine en BT de 110 mètres, raccordée depuis un nouveau poste de distribution publique HTA/BT, sur le départ HTA « St Eut » issu du poste source « Cancon ».

Le 9 décembre 2010, la société PER a renvoyé la proposition technique et financière signée.

Le 14 janvier 2011, la société ERDF a indiqué à la société PER que le projet était concerné par les dispositions du décret du 9 décembre 2010 suspendant l’obligation d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil et qu’elle devait, si elle souhaitait bénéficier d’un contrat d’obligation d’achat, adresser une nouvelle demande complète de raccordement à la fin de période de suspension de l’obligation d’achat.

Estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution de l’installation de production n’étaient pas satisfaisantes, la société Solatteco a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d’une demande de règlement du différend qui l’oppose à la société ERDF.

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Dans ses observations, la société Solatteco indique qu’elle a reçu une proposition technique et financière le 8 décembre 2010. Elle ajoute que, conformément au référentiel technique de la société ERDF, elle aurait dû recevoir une proposition technique et financière avant le 1er décembre 2010.

La société Solatteco en conclut que ce retard ne lui a pas permis d’accepter la proposition avant la date limite au-delà de laquelle le décret du 9 décembre 2010 entre en vigueur. 

Elle ajoute que le décret du 9 décembre 2010 est entré en vigueur le 10 décembre 2010 et ne saurait être applicable sauf à contrevenir au principe général de non-rétroactivité des actes administratifs. 

La société Solatteco demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie de :

- constater que le retard pris par la société ERDF dans l’instruction de la demande de raccordement de la société Solatteco n’est pas contesté ;

- constater que le retard pris dans la modification de la proposition technique et financière à adresser à la société Solatteco est du fait du gestionnaire de réseau ;

- constater l’inopposabilité de l’article 3 du décret du 9 décembre 2010 au projet de la société Solatteco ;

- enjoindre à la société ERDF d’adresser sans délai une convention de raccordement à la société Solatteco, une convention d’exploitation ainsi que le contrat d’accès au réseau public de distribution pour le site de production de Monsieur Thierry GARDES selon la procédure en vigueur entre le 30 août et le 10 décembre 2010 ;

- ordonner que la société ERDF s’exécute sous astreinte de cinq cents euros par jour de retard à compter de la date de notification à la société ERDF de la décision à intervenir ;

- condamner, le cas échéant, la société ERDF à prendre en charge les frais inhérents à la présente procédure, en ce compris les dépens et les frais irrépétibles, soit trois mille euros.

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Vu la décision du 29 avril 2011 par laquelle le comité de règlement des différends et des sanctions a suspendu son instruction jusqu’à l’intervention de la décision du Conseil d’État sur les requêtes tendant à l’annulation du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010.

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Vu la lettre du directeur, adjoint au directeur général, du 9 août 2012 par laquelle il est demandé à la société ERDF de présenter ses observations.

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Vu les observations en défense, enregistrées le 21 septembre 2012, présentées par la société Électricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris La Défense Cedex, représentée par la présidente du directoire, Madame Michèle BELLON, ayant pour avocat Maître Romain GRANJON, cabinet Adamas, 55, boulevard des Brotteaux, 69006 Lyon.

La société ERDF indique que le Conseil d’État ayant validé le décret précité du 9 décembre 2010, le comité de règlement des différends et des sanctions doit opposer les dispositions du décret moratoire aux producteurs n’ayant pas renvoyé signée la proposition technique et financière avant le 2 décembre 2010.

Elle estime que la société Solatteco, n’ayant pas renvoyé signée la proposition technique et financière avant le 2 décembre 2010, ne peut bénéficier de la dérogation prévue à l’article 3 du décret du 9 décembre 2010, ni exiger du comité de règlement des différends et des sanctions l’inopposabilité du décret du 9 décembre 2010.

La société ERDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de rejeter l’ensemble des prétentions de la société Solatteco.

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Vu les observations en réplique, enregistrées le 9 octobre 2012, présentées par la société Solatteco.

La société Solatteco soutient que les articles L. 134-20 et suivants du code de l’énergie ne prévoient pas la possibilité de sursoir à statuer ultra petita et sans condition de délai, sans même que cela n’ait été demandé par la partie défenderesse ou accepté par la partie plaignante.

Elle estime qu’il y a lieu de statuer au regard du droit applicable au plus tard quatre mois après la saisine. Elle considère que le comité de règlement des différends et des sanctions s’en remettant à la juridiction administrative pour statuer sur un différend, doit, également, faire application de la jurisprudence qui émane de cette juridiction au moment où il devait statuer et, ainsi, faire application du principe de non-rétroactivité des actes réglementaires.

La société Solatteco renonce à la demande de condamnation de la société ERDF à assumer les frais de procédure, ainsi qu’à la mesure d’injonction sous astreintes et persiste dans ses précédentes conclusions.

Elle demande, en outre, au comité de règlement des différends et des sanctions de :

- statuer sur les demandes initiales au regard du droit applicable au plus tard quatre mois après la saisine ;

- prendre systématiquement acte des fautes commises par la société ERDF dans la gestion du dossier objet du présent différend en ce compris les fautes dans le retard de qualification de la complétude du dossier de demande de raccordement et de délivrance de la proposition technique et financière dans le délai maximum de trois mois.

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Vu les observations en duplique, enregistrées le 22 octobre 2012, présentées par la société ERDF.

La société ERDF estime que les demandes complémentaires, non formulées dans la saisine initiale, ne sauraient être recevables.

Elle soutient que la cour d’appel de Paris ayant validé les décisions de sursis à statuer prononcées par le comité de règlement des différends et des sanctions et que le Conseil d’État ayant rejeté les recours dirigés contre le décret du 9 décembre 2010, les dispositions du décret moratoire doivent être opposables à la société Solatteco. 

La société ERDF conteste ensuite que le comité de règlement des différends et des sanctions ait compétence pour constater une éventuelle faute commise par elle, dès lors qu’il n’en résulte aucune décision. Elle ajoute que le comité ne pourra que suivre la décision du Tribunal de commerce de Nanterre en date du 28 avril 2012.

La société ERDF persiste, donc, dans ses précédentes conclusions.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;

Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié, relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l’énergie ;

Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010, suspendant l’obligation d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil ;

Vu la décision du 20 février 2009, relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie ;

Vu la décision du 25 mars 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la désignation d’un rapporteur et d’un rapporteur adjoint pour l’instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 171-38-11 ;

Vu la décision du 24 mai 2011 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la prorogation du délai d’instruction de la demande de différend introduite par la société Solatteco ;

Vu la décision numéro 344972 et autres du 16 novembre 2011 du Conseil d’État, société Ciel et Terres et autres.

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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s’est tenue le 12 novembre 2012, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de Monsieur Pierre-François RACINE, président, Madame Sylvie MANDEL, Monsieur Roland PEYLET et Monsieur Christian PERS, membres, en présence de :

Monsieur Olivier BEATRIX, directeur juridique et représentant le directeur général empêché,

Monsieur Didier LAFFAILLE, rapporteur et Monsieur Thibaut DELAROCQUE, rapporteur adjoint,

Maître Benoît COUSSY, pour la société Solatteco,

Les représentants de la société ERDF, assistés de Maître Romain GRANJON.

Après avoir entendu :

- le rapport de Monsieur Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;

- les observations de Maître Benoît COUSSY pour la société Solatteco ; la société Solatteco persiste dans ses moyens et conclusions ;

- les observations de Maître Romain GRANJON pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions ;

Aucun report de séance n’ayant été sollicité ;

Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 12 novembre 2012, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.

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Sur la recevabilité de la demande

Il ressort de l’instruction de la demande et des productions de Maître Benoît COUSSY que la société Solatteco a été mise en liquidation judiciaire et que les opérations de liquidation ont été clôturées le 31 mai 2012.

Dans ces conditions la demande est devenue irrecevable.

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 DÉCIDE : 

Article 1er. – La demande de la société Solatteco est irrecevable.

Article 2. – La présente décision sera notifiée à la société Électricité Réseau Distribution France. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française. Une copie en sera adressée à Maître Benoit COUSSY.