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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 12 mars 2020, n° 18/02620

PAU

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Société Financière de Médecine et de Convalescence (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Salmeron

Conseillers :

M. Dupen, M. Magnon

T. com. Bayonne, du 9 juill. 2018

9 juillet 2018

Exposé des faits et procédure :

Par jugement du 26 mai 2014, la société commandite par actions la SCA D. et cie, qui a pour activité maison de soins pour personnes dépendantes à Cambo les Bains, a été déclarée en liquidation judiciaire.

Une créance de 534.900 euros a été déclarée au passif de cette société par le gérant de la Sarl Leon D., Louis H., au titre d'un compte courant d'associé.

Cette créance a été admise par le juge commissaire sur l'état des créances de la SCA D. et cie.

Marie-Pierre H. a contesté la somme déclarée et a fait appel de l'ordonnance.

La cour d'appel a considéré qu'elle excédait le pouvoir du juge commissaire et a sursis à statuer sur la demande d'admission jusqu'à ce que le juge du fond tranche la contestation.

Par acte introductif d'instance en date du 31 octobre 2017, la Sarl Leon D. a fait assigner la SCA D. et cie représentée par Me G. mandataire liquidateur, Marie-Pierre H., la Sarl société financière de médecine et de convalescence (Sofimeco), l'indivision successorale Marie-Claire D. représentée par François H. , l'indivision successorale Anne-Marie D. représentée par Louis H. (enrôlé sous le n° RG2017-005680),

Et par acte en date du 25 janvier 2018 elle a assigné Marie Christophe H., (enrôlé sous le numéro RG 2018000593), aux fins de notamment :

- constater l'existence d'une créance, déclarée par la Sarl Leon D., pour un montant de 534.900 euros et la dire fondée,

- faire droit à cette déclaration, et lui en reconnaitre le bénéfice,

- condamner Marie-Pierre H. aux dépens de l'instance.

Y rajoutant

- débouter Manie-Pierre H. de l'ensemble de ses demandes et les dire ínfondées.

Par jugement en date du 5 mars 2018, le tribunal a ordonné la jonction des instances RG 2017 005680 et RG 2018 000593.

Par jugement du 9 juillet 2018, le tribunal de commerce de Bayonne a :

- reçu les parties en leurs demandes, fins et conclusions,

- débouté Marie-Pierre H. et la société Sofimeco de toutes leurs demandes,

- constaté l'existence d'une créance déclarée par la Sarl Leon D. sur la SCA D. et cie d'un montant de 534.900 €,

Y fait droit,

- condamné Marie-Pierre H. et Sofimeco au paiement à la Sarl Leon D. et Louis H. la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Marie-Pierre H. et Sofimeco aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 1er août 2018, Marie-Pierre H. et la sarl Sofimeco ont relevé appel du jugement.

La clôture est intervenue le 5 novembre 2019.

Prétentions et moyens des parties':

Vu les conclusions notifiées le 19 octobre 2018 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Marie-Pierre H. et la sarl Sofimeco demandant, au visa des articles L. 225-38 à L. 225-43 et L.226-10 du code de commerce, 1128, 1178 et 1193 du code civil, de :

- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bayonne le 9 juillet 2018 en ce qu'il les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes et a constaté l'existence de la créance déclarée par la Sarl Leon D. dans le passif de la société SCA D. et cie,

Statuant à nouveau,

- constater que les prétentions de la Sarl Leon D. sont infondées en droit comme en fait

- juger que la preuve de la créance de Sarl Leon D. au passif de la société SCA D. et cie n'est pas rapportée en l'absence d'élément comptable de la SCA permettant d'établir dans les comptes de cette dernière l'existence d'un compte courant au bénéfice de la Sarl Leon D.

En conséquence

- juger que la créance supposée de la Sarl Leon D. sur la société SCA D. et cie est inexistante,

-La débouter de l'ensemble de ses demandes

En tout état de cause

- la condamner à payer à Marie-Pierre H. et à la société Sofimeco une somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du cpc ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les conclusions notifiées le 22 janvier 2019 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Louis H. et la Sarl Leon D. demandant, au visa de l'arrêt de la cour d'appel du 11 juillet 2017, et des articles L 622-24 et suivant du code de commerce, de :

- confirmer le jugement dont appel du 9 juillet 2018.

- rejeter l'ensemble des prétentions, écritures et conclusions tant de Sofimeco que de Marie-Pierre H..

- débouter les appelants de toutes leurs demandes et prétentions, et les condamner aux entiers dépens.

- les condamner in solidum à payer à la Sarl Leon D. la somme de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du cpc.

Vu les conclusions notifiées le 18 janvier 2019 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la selarl G. et associés, mandataire judiciaire de la SCA D. et Cie demandant de :

- confirmer le jugement déféré,

En conséquence,

- débouter Marie-Pierre H. et la société Sofimeco de toutes leurs demandes ;

- constater l'existence déclarée par la Sarl Leon D. sur la SCA D. et cie d'un montant de 534 900 euros

En tout état de cause,

- débouter les parties de toutes demandes plus amples ou contraires

Y ajoutant,

- condamner Marie-Pierre H. et la société Sofimeco à verser à Maître Dominique G. en qualité de mandataire liquidateur de la SCA D. et cie la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du cpc.

- condamner Marie-Pierre H. et la société Sofimeco aux entiers dépens d'instance et d'appel.

François H., intervenant à titre personnel et en tant que représentant de l'indivision successorale de Marie-Claire D. épouse H., et Marie-Christophe H., dument assignés respectivement le 13 septembre 2018 et le 13 avril 2018, et les conclusions leur ayant été signifiées les 26 et 30 octobre 2018 n'ont pas constitué avocat.

Motifs de la décision

:

Marie-Pierre H. et la sarl Sofimeco contestent l'admission de la créance de la Sarl Leon D. au passif de la SCA D. et cie en qualité d'associés de la SCA D. et cie.

Ils critiquent la créance qui ne serait établie ni dans son existence ni en son quantum.

La sarl Leon D. est la gérante de la SCA D. et cie et actionnaire détenant 25% des actions de la société.

Elle a sollicité l'admission de sa créance au passif de la société liquidée, créance en compte courant d'associé dans les comptes sociaux de la SCA D. et cie, et correspondant, selon elle, à la rémunération de service de gestion sur plusieurs exercices et à des apports en compte courant.

La cour d'appel de Pau, dans son arrêt du 11 juillet 2017, avait relevé que l'existence et le montant de cette créance déclarée était incertaine, et ce d'autant plus qu'elle avait varié dans son montant au cours de la procédure de vérification de créance passant de 534.900 euros à 635.000 euros alors que les deux sociétés ont le même dirigeant et ont recours au même cabinet d'expertise comptable pour établir l'exactitude des mouvements comptables à l'origine du montant de cette créance.

Les parties appelantes font observer qu'il n'existait aucune convention réglementée entre les deux sociétés et que le commissaire aux comptes qui a audité les comptes sociaux de 2012 à 2014, Gérard P., n'a pas certifié les comptes sociaux, qui n'ont pas davantage été approuvés en assemblée générale après 2012 et que la Sarl Léon D. ne peut justifier de sa créance en produisant uniquement ses propres pièces comptables, elles-mêmes listées de nouveau par l'attestation de l'expert comptable.

Elles font valoir que, pour ne pas être soumises à autorisation, les conventions réglementées doivent porter sur des opérations courantes c'est-à-dire effectuées d'une manière habituelle et être conclues à des conditions normales c'est-à-dire à des conditions non exceptionnelles.

L'article L226-10 du code de commerce, applicable aux sociétés en commandite par actions, dispose que «'les dispositions des articles L. 225-38 à L. 225-43 sont applicables aux conventions intervenant directement ou par personne interposée entre la société et l'un de ses gérants, l'un des membres de son conseil de surveillance, l'un de ses actionnaires disposant d'une fraction des droits de vote supérieure à 10 % ou, s'il s'agit d'une société actionnaire, la société la contrôlant au sens de l'article L. 233-3. De même, ces dispositions sont applicables aux conventions auxquelles une de ces personnes est indirectement intéressée.

Elles sont également applicables aux conventions intervenant entre une société et une entreprise si l'un des gérants ou l'un des membres du conseil de surveillance de la société est propriétaire, associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, directeur général, membre du directoire ou membre du conseil de surveillance de l'entreprise.

L'autorisation prévue au premier alinéa de l'article L. 225-38 est donnée par le conseil de surveillance.'»

L'article L225-39, dans sa version applicable au cas d'espèce s'agissant d'une société en procédure collective depuis le le 26 mai 2014, précise que «'les dispositions de l'article L. 225-38 ne sont applicables aux conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales.'».

Il appartient à la sarl Leon D. de justifier de la réalité de sa créance, de son caractère liquide et exigible.

La régularité de la déclaration de créance n'est pas contestée.

Pour justifier de l'existence et du montant de sa créance déclarée à concurrence de 534 900 euros, la sarl D. et cie expose que les inscriptions comptables sur son compte courant correspondent aux indemnités de gestion décidées par assemblée générale de la SCA D. du 15 juillet 2000 et à des avances en compte courant d'associé.

La sarl Leon D. produit une attestation de l'expert comptable de la société créancière qui est également celui de la société débitrice qui se borne à lister les opérations mentionnées sur le compte litigieux.

Elle produit également les comptes bancaires de la Sarl Leon D. pour justifier des virements en faveur de la SCA D. et cie .

A l'examen des pièces ainsi produites, la cour constate d'une part, que par assemblée générale du 15 juillet 2000, les associés avaient décidé à l'unanimité que conformément à l'article 18 des statuts, la rémunération de la gérance était fixée à 4% du chiffre d'affaire hors taxes de la société. Cette délibération porte sur une motion générale non limitée dans le temps. Dès lors et sauf délibération contraire, la rémunération de la gérance a bien été fixée annuellement à 4% du chiffre d'affaire hors taxes.

D'autre part, l'attestation de l'expert comptable du 6 septembre 2013 porte sur 635.000 euros de crédits de la sarl Leon D. sous forme de 11 opérations de crédits entre le 10 avril 2013 et le 8 août 2013.

Enfin, les comptes sociaux de la SCA D. ne sont pas produits ; il est donc impossible de connaître le montant du compte courant d'associé de la Sarl Leon D.. Il est justifié d'un procès-verbal d'assemblée générale de la SCA D. et Cie du 31 mars 2012 avec approbation des comptes de l'exercice 2010, communiqués aux associés le 17 juin 2011, quitus donné au gérant ainsi qu'au commissaire aux comptes et par ailleurs il y est précisé que l'approbation des conventions réglementées était reportée à une assemblée générale ultérieure.

L'assemblée générale extraordinaire du 30 septembre 2013 ne fait pas état du compte courant d'associé de la sarl Leon D. ni de conventions réglementées.

La selarl Geurin et associés en qualité de liquidateur judiciaire de la SCA D. et cie se borne à produire l'attestation de l'expert comptable Sogeca du 6 septembre 2013 et les relevés de compte bancaire de la SCA D. et cie ouvert auprès du crédit coopératif entre le 31 décembre 2010 et le 28 juin 2014.

Il ne produit aucune comptabilité de la société et ne peut donc préciser ni justifier du solde du compte courant d'associé de la SCA D. et cie.

L'expert comptable Sogeca dans son attestation du 6 septembre 2013 se borne quant à lui à lister 11 opérations de crédits provenant de divers organismes bancaires entre le 10 avril 2013 et le 8 août 2013 pour 635.000 euros. Il ne précise pas le solde du compte courant d'associé de la sarl Leon D..

En dépit du bien fondé ou non du moyen soulevé par les parties appelantes concernant l'exigence de conventions réglementées pour valider les montants alléguées et inscrits en compte courant d'associé de la sarl Léon D., ces seules pièces ne permettent pas d'établir la réalité de la créance alléguée dans son montant.

Il convient de rejeter la créance de la Sarl Leon D. et d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- constaté l'existence d'une créance déclarée par la Sarl Leon D. sur la SCA D. et cie d'un montant de 534.900 €,

- condamné Marie-Pierre H. et Sofimeco au paiement à la Sarl Leon D. et Louis H. la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du cpc,

- condamné Marie-Pierre H. et Sofimeco aux entiers dépens.

La Sarl Leon D. sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Par ailleurs et eu égard à la situation respective des parties, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du cpc.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

- Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a :

- reçu les parties en leurs demandes

Et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

- rejette la demande d'admission de créance de la sarl Leon D.

- condamne la sarl Léon D. aux dépens de première instance

- dit n'y avoir eu à application de l'article 700 du cpc en première instance

- condamne la sarl Leon D. aux dépens d'appel

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.