Cass. crim., 12 juillet 2016, n° 16-82.692
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Rapporteur :
M. Ricard
Avocat général :
M. Lagauche
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 28 avril 2016, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 421-1, 421-2-1, 421-3, 421-5, 421-6, 422-3, 422-4, 422-6, 422-7 du code pénal, 591, 593 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que MM. X... et Y..., ressortissants français, se sont rendus en Syrie du mois de mai au mois d'août 2013, y agissant au sein d'organisations terroristes, notamment, celle se dénommant " l'Etat islamique ", ce qu'ont confirmé des interceptions téléphoniques, ainsi que des clichés photographiques, issus de supports informatiques leur appartenant, les représentant armés, sous le drapeau de ces organisations, alors que l'un de ces clichés a été pris à proximité de la ville d'Alep et qu'une de ces photographies représente M. Y... tenant une tête décapitée ; que, de retour en France, MM. X... et Y... ont été en contact avec plusieurs personnes désireuses de se rendre en Syrie aux fins de rejoindre ces mêmes organisations et qu'ils ont, eux-mêmes, manifesté leur intention de se rendre à nouveau en Syrie avec un objectif similaire ; que, mis en examen le 19 décembre 2014, du chef du délit d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme, MM. Y... et X... ont déclaré avoir séjourné en Syrie à la période visée et y avoir fréquenté ces organisations terroristes, tout en refusant de participer aux opérations menées par ces dernières ; qu'ils ont également contesté avoir eu, une fois de retour en France, l'intention de se rendre à nouveau en Syrie ; que l'avis de fin d'information ayant été notifié aux mis en examen et le dossier ayant été communiqué au procureur de la République, ce dernier, par réquisitoire supplétif du 27 janvier 2016, a demandé au juge d'instruction de mettre en examen MM. Y... et X... du chef de participation à un groupement ou une entente terroriste ayant pour objet la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes, crime prévu par l'article 421-6 du code pénal ; que le juge d'instruction ayant rendu une ordonnance de refus de mise en examen supplétive, le procureur de la République a interjeté appel ;
Sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 80-1 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le juge d'instruction peut mettre en examen les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi ;
Attendu qu'au motif de l'absence d'élément nouveau survenu depuis la mise en examen initiale de MM. Y... et X... de nature à justifier une modification de cette qualification, l'arrêt confirme le refus par le juge d'instruction de mettre en examen les intéressés du chef de participation à un groupement ou une entente terroriste ayant pour objet la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, ajoutant à la loi une condition que celle-ci ne prévoit pas pour prononcer une mise en examen, alors que la circonstance qu'aucun élément nouveau n'a été recueilli entre la date de la mise en examen initiale et celle à laquelle le procureur de la République requiert une mise en examen supplétive, ne saurait impliquer l'absence à l'encontre de la personne concernée d'indice grave ou concordant rendant vraisemblable la participation de celle-ci à la commission de l'infraction visée par le réquisitoire supplétif, la chambre d'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le moyen, pris en son autre branche :
Vu les articles 421-2-1 et 421-6 du code pénal ;
Attendu qu'il résulte de ces dispositions que l'association de malfaiteurs constitue une infraction indépendante, tant des crimes préparés ou commis par certains de ses membres, que des infractions caractérisées par certains des faits qui la concrétisent ;
Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à mettre en examen MM. Y... et X... du chef de participation à un groupement ou une entente terroriste ayant pour objet la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes, l'arrêt retient que les éléments de la procédure n'apportent pas la démonstration et ne constituent pas une charge suffisante de ce que les intéressés auraient préparé des crimes d'atteintes aux personnes à caractère terroriste ou auraient participé, dans les mêmes conditions, à un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes précisément identifiés ou encore à des destructions par substances explosives ou incendiaires de nature à causer la mort d'une ou plusieurs personnes ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, en exigeant, afin de caractériser l'infraction d'association de malfaiteurs, la démonstration de la participation à la préparation ou à la réalisation de certains crimes, la chambre de l'instruction a méconnu la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 15 avril 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.