Cass. crim., 6 octobre 2015, n° 15-82.700
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Rapporteur :
M. Monfort
Avocat général :
M. Cordier
Avocat :
SCP Waquet, Farge et Hazan
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 15 juillet 2015, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 80-1-1, 81, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la requête fondée sur l'article 80-1-1 du code de procédure pénale ;
"aux motifs que le 31 juillet 2014, l'avocat de M. X... demandait au juge d'instruction d'octroyer à son client le statut de témoin assisté, en application des dispositions de l'article 80-1-1 du code de procédure pénale ; que le même jour, le juge d'instruction établissait une ordonnance de soit communiqué aux fins de réquisition ou d'avis sur cette demande ; que le procureur de la République s'opposait à cette demande, le 1er août 2014 ; que le juge d'instruction ne répondait pas à cette demande ; que l'avocat de M. X..., constatant que le juge d'instruction « n'a vait pas répondu par ordonnance motivée dans le délai légal d'un mois » saisissait la cour afin qu'il soit statué sur sa requête ; qu'aux termes de l'article 80-1-1 du code de procédure pénale, les modalités de mise en oeuvre de cette procédure sont régies par les seules dispositions de l'article 81, avant dernier alinéa, du même code, qui précisent les diverses formalités à accomplir, à l'exclusion de celles de l'article 81, dernier alinéa, qui ouvre à la personne mise en examen, la faculté de saisir directement le président de la chambre de l'instruction, faute par le juge d'instruction d'avoir statué dans le mois, aux seules demandes d'actes de l'article 81, et non de l'article 80-1-1 ; qu'en conséquence, la faculté de saisir directement le président de la chambre de l'instruction, en cas de non réponse du juge d'instruction, à une demande d'octroi du statut de témoin assisté n'est pas ouverte à la personne mise en examen ; que le parallèle fait par l'avocat de M. X..., entre les dispositions des articles 82-3 et 80-1-1 n'est pas pertinent, dans la mesure où l'article 82-3, de même d'ailleurs que l'article 82-1, permettant aux parties de solliciter une audition ou un interrogatoire, font référence expressément au dernier alinéa de l'article 81, ce qui n'est pas le cas de l'article 80-1-1, étant relevé au surplus que l'article 80-1-1 ne fixe pas de délai au juge d'instruction pour répondre, ce qui exclut tout recours pour sanctionner le non-respect d'un délai inexistant ; qu'il convient de déclarer la requête irrecevable ;
"alors que, selon les articles 80-1-1 et 81, dernier alinéa, du code de procédure pénale, faute par le juge d'instruction d'avoir statué dans le délai d'un mois, la partie peut saisir directement le président de la chambre de l'instruction qui statue et procède conformément aux troisième, quatrième et cinquième alinéas de l'article 186-1 précité ; que la chambre de l'instruction a violé ces textes, ensemble le droit à un recours, et méconnu l'étendue de ses pouvoirs" ;
Vu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 80-1-1, 81, dernier alinéa, ensemble l'article 186 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il se déduit des dispositions combinées de ces textes que faute par le juge d'instruction d'avoir statué, par une ordonnance motivée susceptible d'appel de plein droit, dans le délai d'un mois, sur la requête par laquelle un mis en examen lui demande de revenir sur sa décision et de lui octroyer le statut de témoin assisté, la partie concernée peut saisir directement la chambre de l'instruction ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X..., mis en examen notamment du chef d'assassinat, a adressé au juge d'instruction, le 31 juillet 2014, une requête, sur le fondement de l'article 80-1-1 du code de procédure pénale, tendant à voir celui-ci revenir sur sa décision et lui octroyer le statut de témoin assisté ; que, faute par ce magistrat d'avoir statué dans le délai d'un mois, il a, le 3 septembre suivant, directement saisi la chambre de l'instruction de sa demande ;
Attendu que, pour dire cette demande irrecevable, l'arrêt retient que l'article 80-1-1 du code de procédure pénale n'impose pas de délai pour répondre à la requête qu'il prévoit, et qu'en l'absence de toute référence au dernier alinéa de l'article 81 du même code, la faculté de saisir directement le président de la chambre de l'instruction en cas de non- réponse du juge d'instruction n'est pas ouverte au requérant ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction, qui était directement saisie de la requête dont il lui appartenait d'apprécier la recevabilité et le bien fondé, a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 1er avril 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.