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Décisions

CA Nancy, ch. de l'execution, 27 octobre 2022, n° 22/00338

NANCY

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Martin

Conseillers :

Mme Abel, Mme Girardot

Avocats :

Me Schaefer, Me Merlinge

Jur. prox. Saint-Die-des-Vosges, du 27 j…

27 janvier 2022

EXPOSE DU LITIGE

Par requête reçue au greffe le 30 août 2021, M. [V] [O] a sollicité la mise en oeuvre d'une saisie des rémunérations de Mme [F] [I] divorcée [O] en vue d'obtenir le recouvrement de la somme totale de 3 771,34 euros au titre d'un arrêt de la cour d'appel de Nancy du 18 janvier 2021, signifié à Mme [I] le 25 février 2021, ayant condamné cette dernière à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Par jugement du 27 janvier 2022, le juge de l'exécution de Saint-Dié des Vosges a :

- ordonné la saisie des rémunérations de Mme [I] afin de procéder au recouvrement des sommes suivantes :

.3 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

.13 euros au titre du droit de plaidoirie,

. 87,87 euros au titre des frais de signification du jugement,

. 225 euros au titre du timbre de procédure de cour d'appel,

. 13 euros au titre du droit de plaidoirie de cour d'appel,

. 278,53 euros au titre des actes de procédure déboursés,

. 64,76 euros au titre des intérêts courus au 26 août 2021,

. 71,50 euros au titre du coût de la requête en saisie des rémunérations,

. 17,68 euros au titre du complément du droit proportionnel,

- condamné Mme [I] à supporter les dépens.

Par déclaration enregistrée le 10 février 2022, Mme [I] a interjeté appel du jugement précité, en toutes ses dispositions.

Par conclusions déposées le 1er juin 2022, Mme [I] demande à la cour de :

- réformer le jugement en toutes ses dispositions,

- dire et juger que la procédure de saisie des rémunérations relève de la compétence exclusive du juge de l'exécution,

- déclarer en conséquence la demande irrecevable,

- constater que Mme [I] peut valablement opposer une contre-créance à l'encontre de M. [O],

- constater que la compensation s'opère de plein droit,

- condamner M. [O] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [O] en tous les frais et dépens.

Par conclusions déposées le 10 mai 2022, M. [O] demande à la cour de :

- déclarer Mme [I] irrecevable en sa demande tendant à faire déclarer irrecevable la demande de saisie de ses rémunérations,

En tout état de cause, la déclarer mal fondée en cette demande,

- débouter Mme [I] de sa demande de compensation,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

Y ajoutant,

- condamner Mme [I] à payer à M. [O] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- la condamner aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions visées ci-dessus, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 juillet 2022.

MOTIFS

Sur la compétence

Mme [I] demande à la cour de ' constater que la demande a été formulée devant le tribunal de proximité de Saint-Dié des Vosges, dire et juger que la procédure de saisie des rémunérations relève de la compétence exclusive du juge de l'exécution, déclarer en conséquence la demande irrecevable'.

Aux termes de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît notamment de la saisie des rémunérations, à l'exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

En l'espèce, il ressort du libellé de la décision attaquée que la saisie des rémunérations litigieuse a été ordonnée par un 'jugement en matière de saisie des rémunérations', 'sous la présidence de (...), juge au tribunal judiciaire d'Epinal, en charge du tribunal de proximité de Saint Dié des vosges, statuant en matière de juge de l'exécution'.

Force est ainsi de constater que le jugement déféré a été rendu par une juridiction compétente et que l'exception d'incompétence soulevée par Mme [I] est dès lors mal fondée, étant par ailleurs relevé que Mme [I] n'explicite pas en quoi la demande de M. [O] serait irrecevable.

Il convient en conséquence de rejeter l'exception d'incompétence et la fin de non-recevoir soulevées par Mme [I].

Sur la demande de compensation des créances

Mme [I], qui était non-comparante en première instance, sollicite à hauteur d'appel de voir 'constater qu'elle peut valablement opposer une contre-créance à l'encontre de M. [O] et que la compensation s'opère de plein droit'.

M. [O] soulève l'irrecevabilité de cette demande de compensation en faisant valoir qu'elle est nouvelle à hauteur de cour. Il conclut que cette demande est en tout état de vause mal fondée aux motifs que Mme [I] ne justifie pas du caractère certain de sa créance et qu'il n'existe pas de lien de connexité avec sa propre créance.

Sur la recevabilité de la demande de compensation des créances

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En l'espèce, Mme [I] invoque précisément la compensation, conformément aux conditions légales précitées, de telle sorte que sa demande est bien recevable.

Il convient en conséquence de déclarer recevable la demande de compensation formulée à hauteur d'appel par Mme [I].

Sur le bien-fondé de la demande de compensation des créances

Aux termes de l'article 1347 du code civil , la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes. Elle s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ces conditions se trouvent réunies.

L'article 1347 -1 du même code précise que la compensation n'a lieu qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles.

Mme [I] fait valoir qu'elle détient une créance d'un montant supérieur à celui de la créance invoquée par M. [O], et résultant de :

' un jugement du tribunal judiciaire d'Épinal du 23 mars 2021, signifié à M. [O] le 18 mai 2021, ayant condamné M. [O] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' une ordonnance du juge aux affaires familiales d'Épinal du 18 janvier 2013 ayant condamné M. [O] à lui payer la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, un certificat de non-appel de cette décision ayant été établi par le greffe le 24 juin 2021, ;

' un jugement du tribunal de grande instance d'Épinal du 10 janvier 2014, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Nancy du 4 mai 2015, ayant condamné M. [O] à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts outre une prestation compensatoire de 66'000 euros et la somme de 1 500 euros à titre de l'article 700 du code de procédure civile, un certificat de non-pourvoi ayant été établi par le greffe de la Cour de cassation en mars 2016.

Mme [I] fait valoir que M. [O] ne s'est acquitté de ces dettes que très partiellement, de telle sorte qu'il lui reste devoir une somme totale de 37'141,96 euros qui n'a pas pu être recouvrée dans la mesure où M. [O] était sans ressources. Ceci n'est aucunement contesté par M. [O] qui ne produit du reste aucun justificatif quelconque de ce qu'il se serait acquitté de sa dette envers Mme [I].

Force est de constater que les créances invoquées respectivement par M. [O] (d'un montant de 3 771,34 euros) et Mme [I] (d'un montant de 37'141,96 euros) résultent de condamnations, désormais définitives, prononcées contre chacun d'eux à titre personnel au paiement de sommes d'argent qui sont bien fongibles, certaines, liquides et exigibles, de telle sorte que Mme [I] est bien fondée à en solliciter la compensation.

Il convient dès lors d'ordonner la mainlevée de la saisie des rémunérations ordonnée par le premier juge et en conséquence d'infirmer le jugement de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M. [O] qui succombe sera condamné aux entiers dépens, le jugement étant ainsi infirmé en ce qu'il a condamné à ce titre Mme [I]. L'équité commande par ailleurs de dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et ajoutant ;

Rejette l'exception d'incompétence et la fin de non recevoir soulevées par Mme [F] [I] ;

Déclare recevable la demande de compensation formulée à hauteur d'appel par Mme [F] [I] ;

Ordonne la mainlevée de la saisie des rémunérations ordonnée par le jugement déféré ;

Ordonne la compensation entre la créance de M. [V] [O], d'un montant de 3 771,34 € (trois mille sept cent soixante et onze euros et trente quatre centimes), et la créance de Mme [F] [I], d'un montant de 37'141,96 € (trente sept mille cent quarante et un euros et quatre vingt seize centimes) ;

Rejette les demandes formées tant par Mme [F] [I] que par M. [V] [O] sur le fondement de l'artyicle 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [V] [O] aux entiers dépens.