Livv
Décisions

CA Versailles, 16e ch., 4 mars 2021, n° 20/03462

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Centre Dentaire et Paramédical des Quatre Temps (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Nerot

Conseillers :

Mme Pages, Mme Deryckere

Juge de l'exécution de Nanterre, du 19 d…

19 décembre 2019

EXPOSÉ DU LITIGE

La société civile de moyens Centre Dentaire et Paramédical des Quatre-Temps (ci-après Scm Centre DPQT) a donné à bail des locaux permettant l'exercice d'activités libérales à la société civile de moyens Kinés La Défense qui a pour cogérant et associé pour moitié monsieur Karim E..

Agissant en vertu d'un jugement rendu le 05 octobre 2017 par le tribunal de grande instance de Nanterre (devenu définitif) portant une condamnation au profit de monsieur E. à l'encontre de la Scm Centre DPQT (soit une somme de 13.616 euros en réparation du préjudice au titre du défaut de transmission des déclarations 2016) - et, distinctement, une autre au profit de la Scm Centre DPQT à l'encontre la Scm Kinés La Défense (soit une somme de 18.076,86 euros au titre des redevances dues au 30 juin 2014) - monsieur E. a fait pratiquer deux mesures d'exécution forcée au préjudice de la Scm Centre DPQT, à savoir :

  • le 14 mars 2019, un commandement aux fins de saisie-vente pour une somme en principal de 13.616 euros,
  • le 12 avril 2019, une saisie-attribution à exécution successive entre les mains de la Selarl du docteur Jacques A., associé de la Scm Centre DPTQ, pour cette même somme

Par jugement contradictoire rendu le 19 décembre 2019 le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nanterre, saisi par la Scm Centre DPTQ d'une contestation de ces mesures et d'une demande de condamnation à titre indemnitaire, a :

  • rappelé que les demandes de « constater » et de « dire et juger » ne constituent pas des prétentions auxquelles le juge doit répondre,
  • débouté la société civile de moyens Centre dentaire paramédical des Quatre Temps de son exception de compensation,
  • rejeté la demande d'annulation du commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré le 14 mars 2014 et de mainlevée de la saisie-attribution à exécution successive pratiquée le 12 avril 2019,
  • rejeté la demande de dommages-intérêts de la société civile de moyens Centre dentaire paramédical des Quatre Temps,
  • condamné la société civile de moyens Centre dentaire paramédical des Quatre Temps aux dépens,
  • débouté la société civile de moyens Centre dentaire paramédical des Quatre Temps de sa demande au titre de ses frais irrépétibles,
  • rappelé que cette décision est de plein droit exécutoire par provision.

Par dernières conclusions notifiées le 15 octobre 2020 la société civile de moyens Centre dentaire paramédical des Quatre Temps, appelante de ce jugement selon déclaration reçue au greffe le 21 juillet 2020, demande à la cour :

  • de (la) déclarer recevable et bien fondée en son appel, en conséquence d'infirmer le jugement (entrepris) en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,
  • au visa de l'article 648 du code de procédure civile, d'ordonner la nullité de la saisie-attribution à exécution successive signifiée le 12 avril 2019 à la Selarl Jacques A. et dénoncée le 17 avril 2019 à la Scm Centre DPQT pour défaut de mention de l'adresse réelle du domicile de monsieur Karim E.,
  • au visa des articles 1289 et 1857 du code civil ,

* de constater que la Scm Centre DPQT dispose d'une créance liquide et exigible à l'encontre de monsieur Karim E. à hauteur de la somme de 73.369,82 euros,

* de constater que monsieur Karim E. est, après compensation avec sa créance de 13.616 euros personnellement débiteur de la somme de 59.753,82 euros,

* de dire et juger que la créance de monsieur E. à hauteur de 13.616 euros, objet du commandement aux fins de saisie-vente du 14 mars 2019 et de la saisie-attribution à exécution successive dénoncée le 17 avril 2019 se trouve éteinte par compensation des dettes réciproques,

* d'ordonner, en conséquence, la mainlevée du commandement aux fins de saisie-vente (précité) et de la saisie-attribution à exécution successive (précitée),

  • de condamner monsieur Karim E. à payer à la Scm Centre PDQT la somme de 10.000 euros pour saisie abusive en application de l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution,
  • de condamner monsieur Karim E. à payer à la Scm Centre PDQT la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 code de procédure civile et en tous les dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 12 novembre 2020 monsieur Karim E. prie la cour, visant les articles 114, 648 et 649 du code de procédure civile, 1347 -1 et 1857 du code civil :

  • de (le) dire recevable en ses demandes, fins et conclusions et les dire bien fondées,
  • de constater que la société Centre Dentaire et Paramédical des Quatre Temps ne justifie d'aucun moyen de nullité sérieux affectant formellement l'acte de saisie-attribution du 12 avril 2019 et a fortiori d'aucun grief qu'elle aurait pu subir,
  • de constater que la créance de 13.616 euros en principal de monsieur Karim E. à l'encontre de la société Centre Dentaire et Paramédical des Quatre Temps n'était nullement éteinte lorsqu'il a fait délivrer le commandement de payer le 14 mars 2019 puis a fait opérer à son encontre la saisie-attribution entre les mains du docteur Jacques A. le 12 avril 2019,

et en conséquence,

  • de confirmer en toutes ses dispositions le jugement (entrepris) et rectifié le 17 janvier 2020 par le juge de l'exécution « près » le tribunal de grande instance de Nanterre,
  • de débouter la société Centre Dentaire et Paramédical des Quatre Temps de l'intégralité de ses demandes,

et, y ajoutant,

  • de condamner la société Centre Dentaire et Paramédical des Quatre Temps à verser à monsieur Karim E. une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en réparation des frais irrépétibles qu'il a été contraint de prendre en charge en cause d'appel,
  • de condamner la société Centre Dentaire et Paramédical des Quatre Temps à prendre en charge les entiers dépens de la procédure d'appel, dont distraction au profit de la Selarl cabinet B.-J. représentée par maître Virginie J..

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le moyen tiré de la nullité de l'acte de saisie-attribution

Attendu qu'au soutien de cette prétention, la société appelante invoque les dispositions de l'article 648 du code de procédure civile précisant les mentions que doit contenir, à peine de nullité, tout acte d'huissier et, en particulier, « si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance » ;

Qu'elle fait valoir que l'acte de saisie-attribution délivré le 12 avril 2019 portait mention d'une adresse de monsieur E. à Neuilly-sur-Seine, que, cependant, l'acte introduisant la présente procédure a été délivré le 15 mai 2019 à cette adresse selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, la gardienne ayant précisé à l'huissier instrumentaire que monsieur E. avait quitté les lieux depuis trois mois, et que, par conséquent, le domicile de ce dernier mentionné dans l'acte de saisie-attribution n'était plus le sien à sa date ;

Mais attendu que, ce faisant, la Scm Centre DPQT omet d'énoncer, comme prescrit à l'article 954 du code de procédure civile, « les chefs du jugement critiqué », de la même façon qu'elle élude les conclusions de son adversaire desquelles il ressort pourtant qu'une erreur ou omission affectant les mentions ne peut être retenue, s'agissant d'une nullité de forme, qu'autant qu'il est fait la démonstration d'un grief ;

Que force est de considérer que monsieur E. mentionne sa nouvelle adresse, à savoir : [...], en tête de ses conclusions, de sorte qu'en l'absence de toute démonstration d'un quelconque grief ou de sa persistance, ont vocation à trouver application les dispositions de l'article 115 du code de procédure civile selon lequel « La nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief » ;

Que le moyen n'est, par conséquent, pas fondé, si bien que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Sur la demande de mainlevée des deux mesures fondée sur l'extinction de la créance après compensation

Attendu qu'alors que le premier juge a rejeté l'exception de compensation entre les différentes créances invoquée par la Scm Centre DPQT au motif que celle-ci ne peut s'opérer qu'entre deux personnes qui se trouvent débitrices l'une de l'autre et non contre un associé de la société condamnée, l'appelante reprend ce moyen devant la cour en faisant à nouveau valoir que monsieur E. (associé à 50% de la Scm Kinés La Défense) n'est point son créancier mais son débiteur, à concurrence de la moitié de la dette sociale, en application de l'article 1857 du code civil ;

Qu'elle soutient que la société Kinés La Défense a successivement été condamnée au paiement à son profit :

  • de la somme de 18.076,86 euros par le jugement précité (en précisant qu'elle lui a fait délivrer un commandement de payer cette somme, le 08 avril 2019, qui est resté sans effet)
  • puis de celle de 128.662,79 euros suivant ordonnance de référé rendue le 20 décembre 2018, l'appel interjeté à son encontre ayant fait l'objet d'une radiation (en précisant qu'en vertu de cette ordonnance, elle a fait pratiquer une saisie-attribution, le 12 février 2019, sur les comptes bancaires de la Scm Kinés La Défense qui s'est révélée infructueuse),
  • que la liquidation judiciaire de cette dernière a été prononcée le 27 septembre 2019, soit postérieurement aux mesures litigieuses et qu'elle a déclaré sa créance pour un montant de 185.181 euros, en évaluant le montant actualisé au mois de septembre 2019, indemnités d'occupation incluses, à la somme de 204.487,08 euros ;

Qu'elle demande, par conséquent à la cour de « constater » que monsieur E., du fait de sa qualité d'associé à 50% de la société civile de moyens Kinés La Défense et par application de l'article 1857 du code civil , est débiteur à son profit de la somme de 73.369,82 euros (soit : (18.076,86 + 128.662,79) x 50%), d'opérer une compensation entre cette somme et la créance au montant de 13.616 euros pour le paiement de laquelle l'intimé a mis en oeuvre les deux voies d'exécution litigieuses, ceci en faisant application de l'article 1289 (ancien) du code civil selon lequel « Lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes (...) », et de donner en conséquence mainlevée de ces mesures du fait de l'extinction de sa propre dette ;

Attendu, ceci étant rappelé, que l'article 1857 du code civil prévoit, certes, que les associés d'une société civile répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social et que si l'article 1858 du même code instaure un principe de subsidiarité en requérant la démonstration de vaines poursuites préalables à l'encontre de la société débitrice, la déclaration de créance à la procédure de liquidation de la Scm Kinés La Défense conduit à considérer que ce préalable est satisfait, ainsi que cela résulte, d'ailleurs, de la doctrine de la Cour de cassation (Cass ch. Mixte, 18 mai 2007, pourvoi n° 05-10413) ;

Que, toutefois, ces éléments ne permettent pas de faire droit aux demandes présentées par la société civile de moyens Centre DPQT appelante ;

Qu'en effet, à la date de la mise en oeuvre des deux mesures litigieuses, soit les 14 mars et 12 avril 2019, le Scm Centre DPQT ne pouvait se prévaloir de poursuites préalables suffisantes à l'encontre de la Scm Kinés La Défense et avait pour seule débitrice cette dernière alors in bonis ;

Que, de plus, pour qu'il y ait compensation légale, selon l'article 1347 (nouveau) du code civil , la première qualité exigée des obligations est qu'elles soient « réciproques », autrement dit que deux personnes soient simultanément et personnellement créancières et débitrices l'une de l'autre et, selon l'article 1347 -1 du même code , qu'elles soient également, à cette date, « certaines » ; que tel n'était manifestement pas le cas en l'espèce, s'agissant de la créance dont se prévaut la Scm DPQT à l'encontre de l'associé ;

Qu'en outre, la Scm Centre DPQT ne dispose pas d'un titre exécutoire à l'encontre de monsieur E. et les dispositions de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire relatives au champ de compétence juridictionnelle du juge de l'exécution, dans les limites duquel la cour statue présentement, font obstacle au prononcé d'une telle condamnation qui n'est au demeurant pas réclamée puisque la cour n'est saisie que d'une demande de constatation, ici sans portée juridique ;

Que le juge de l'exécution ne saurait modifier les termes du dispositif du titre servant de fondement aux mesures d'exécution ; que monsieur E. a agi en vertu du jugement rendu le 05 octobre 2017 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui prononce une condamnation à son profit et que si cette juridiction a distinctement prononcé une condamnation au profit de la Scm Centre DPQT à l'encontre de la Scm Kinés La Défense, elle n'ordonne aucune compensation entre elles et pas davantage entre celle-ci et la créance de l'associé porteur de la moitié de ses parts sociales ;

Qu'au surplus, les dispositions de l'article 1348 (nouveau) du code civil relatives à la compensation judiciaire posent le principe selon lequel « la compensation produit ses effets à la date de la décision » et qu'il s'en déduit qu'elle n'a pu produire l'effet extinctif recherché par l'appelante au jour d'une coexistence qui n'est que potentielle, les 14 mars et 12 avril 2019 ;

Qu'il suit de là que le moyen ne peut prospérer et que doit être confirmé le jugement qui en décide ainsi en déboutant subséquemment la Scm DPQT de sa demande de mainlevée des deux voies d'exécution en cause ;

Sur les autres demandes

Attendu que la solution donnée au litige conduit à rejeter la demande indemnitaire, fondée sur l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution qui sanctionne la saisie abusive, à nouveau formée par l'appelante ;

Attendu que l'équité ne conduit pas à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que l'appelante qui succombe sera toutefois condamnée à supporter les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement entrepris et, y ajoutant ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes réciproques fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société civile de moyens Centre Dentaire et Paramédical des Quatre Temps aux dépens d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.