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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 21 novembre 2019, n° 19/11104

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Groupe Bernard Tapie (SNC), Financière et Immobilière Bernard Tapie (SNC)

Défendeur :

Abitbol (ès qual.), Brouard Daude (SCP) (ès qual.), CDR Créances (Sasu) (ès qual.), Le Procureur Général, Syndicat des Métiers du Droit et des Métiers Connexes (Symed)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rohart Messager

Conseillers :

Mme Delière, Mme Texier

Avocats :

Me Guizard, Me Kopf, Me Taze Bernard, Me Guermonprez, Me Boccon Gibod, Me Ginet, Me Kong Thong

Paris, du 6 juin 2019, n° 19/02151

6 juin 2019

FAITS ET PROCÉDURE :

Par jugement du 30 novembre 2015 le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde au profit de la société SNC Groupe Bernard Tapie (la société GBT). La SCP Abitbol & Rousselet a été désignée en qualité d'administrateur et la SCP Brouard Daudé en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 2 décembre 2015 la procédure de sauvegarde a été étendue à la société Financière Immobilière Bernard Tapie (la société FIBT).

Par jugement du 6 juin 2017, infirmé le 12 avril 2018, le tribunal de commerce a arrêté un plan de sauvegarde. Un pourvoi en cassation est en cours.

Les sociétés GBT et FIBT ont déposé le 29 juin 2018 un projet de plan de sauvegarde n°2. Le 16 août 2018 la société CDR créances, créancier des deux sociétés, a saisi le tribunal d'une requête en clôture de la procédure de sauvegarde pour défaut de présentation en temps utile d'un projet de plan. Le 3 septembre 2018 l'administrateur et le mandataire judiciaires ont saisi le tribunal d'une demande de conversion de la sauvegarde en redressement judiciaire

Par trois jugements du 18 janvier 2019 le tribunal de commerce de Paris a :

- rejeté le plan de sauvegarde n°2 des sociétés GBT et FIBT,

- débouté la société CDR CREANCES de sa demande de clôture.

- converti la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire,

Les sociétés GBT et FIBT ont fait appel du jugement rejetant le plan de sauvegarde et du jugement de conversion de la sauvegarde en redressement judiciaire.

La présente procédure concerne l'appel du jugement de conversion de la sauvegarde en redressement judiciaire enregistré sous le numéro RG 19-02151.

La présidente de la chambre saisie a rendu, en application de l'article 905 du code de procédure civile, une ordonnance de fixation à bref délai le 7 février 2019.

Les sociétés GBT et FIBT, appelantes, ont remis leurs conclusions au greffe et les ont notifiées le 7 mars 2019.

Le ministère public, visé dans l'acte d'appel comme intimé, a remis ses conclusions au greffe et les a notifiées le 16 avril 2019 et le 25 avril 2019.

Par conclusions d'incident notifiées le 17 avril 2019, les sociétés GBT et FIBT ont soulevé devant le président de la chambre l'irrecevabilité des conclusions du ministère public.

Par ordonnance du 6 juin 2019 le président de la chambre a :

- débouté les sociétés GBT et FIBT de leur demande d'irrecevabilité des conclusions et pièces régularisées le 15 avril 2019 et le 25 avril 2019 par le ministère public,

- mis les dépens à la charge des sociétés GBT et FIBT.

Les sociétés GBT et FIBT ont déféré cette décision à la cour par requête du 25 juin 2019.

Elles exposent leurs moyens et leurs demandes dans la requête notifiée et remise au greffe le 25 juin 2019 à laquelle il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Elles concluent à l'infirmation de l'ordonnance et demandent à la cour de déclarer irrecevables les conclusions et pièces régularisées le 15 avril 2019 et le 25 avril 2019 par le ministère public.

Elles soutiennent que le ministère public agit, en l'espèce, non pas comme partie jointe mais comme partie principale à l'instance, que cela est démontré par le fait que le ministère public est une partie intimée en appel par l'appelant, qu'il a émis des prétentions et a produit des pièces en appel, ce qui excède un simple avis, et que ces prétentions constituent même un appel incident. Il en conclut que le ministère public devait alors respecter, comme intimé, les délais de l'article 905-2 du code de procédure civile et conclure avant le 7 avril 2019, ce qu'il n'a pas fait.

La société CDR CREANCES expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 5 septembre 2019 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Elle conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée.

Elle soutient que le ministère public peut agir comme partie principale ou partie jointe, qu'il peut faire connaître son avis par conclusions écrites mises à disposition des parties ou oralement à l'audience comme partie jointe, qu'il est nécessairement partie jointe quand il intervient pour faire connaître son avis sur l'application de la loi dans une affaire qui lui est communiquée. Elle conclut qu'il est très clair que le ministère public a seulement donné son avis en première instance et en appel, qu'il n'est pas partie principale et qu'il n'est pas tenu par les délais de l'article 905-2 du code de procédure civile.

La SCP Abitbol & Rousselet, en sa qualité d'administrateur, et la SCP Brouard Daudé, en sa qualité de mandataire judiciaire, des deux sociétés, n'ont pas conclu.

Le syndicat des métiers du droit et des métiers connexes (SYMED) n'a pas conclu.

Dans un avis écrit du 30 juillet 2019 le ministère public conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée.

Il fait valoir qu'il agit comme partie jointe à l'instance, qu'il n'était pas partie en première instance et ne peut avoir la qualité d'intimé ou d'appelant incident et qu'il n'est pas tenu par les délais de l'article 905-2 du code de procédure civile. Il rappelle que son avis répond aux dispositions de l'article 431 du code de procédure civile sur les modalités selon lesquelles le ministère public fait connaître son avis

MOTIFS DE L'ARRÊT

Des textes spéciaux régissent l'intervention du ministère public devant les juridictions.

L'article 421 du code de procédure civile dispose : «'Le ministère public peut agir comme partie principale ou intervenir comme partie jointe. Il représente autrui dans les cas que la loi détermine.'»

L'article 424 dispose : «'Le ministère public est partie jointe lorsqu'il intervient pour faire connaître son avis sur l'application de la loi dans une affaire dont il a communication.

Lorsque le ministère public intervient, le greffe en informe aussitôt les parties.'»

L'article 425 précise : «'Le ministère public doit avoir communication : (')

2° Des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire, des causes relatives à la responsabilité pécuniaire des dirigeants sociaux et des procédures de faillite personnelle ou relatives aux interdictions prévues par l'article L. 653-8 du code de commerce.

Le ministère public doit également avoir communication de toutes les affaires dans lesquelles la loi dispose qu'il doit faire connaître son avis.'»

Enfin l'article 431 du code de procédure civile dispose : «'Le ministère public n'est tenu d'assister à l'audience que dans les cas où il est partie principale, dans ceux où il représente autrui ou lorsque sa présence est rendue obligatoire par la loi.

Dans tous les autres cas, il peut faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l'audience.'»

En l'espèce, le ministère public, qui n'était pas partie principale en première instance, intervient comme partie jointe à la procédure et a donné son avis, sans émettre de prétentions au sens des articles 53 et 63 du code de procédure civile, en adressant, les 16 et 25 avril 2019 des conclusions écrites à la cour, en application des articles 425 et 431 du code de procédure civile.

En premier lieu, le fait qu'il a été intimé devant la cour d'appel par les appelantes ne le rend pas partie principale à la procédure. En tout état de cause, même s'il n'avait pas été intimé, la cour lui aurait communiqué le dossier, il aurait été informé de la date d'audience en application de l'article R661-6-1° du code de commerce, et il avait la possibilité de donner son avis par conclusions écrites ou oralement à l'audience.

Par ailleurs contrairement à ce que soutiennent les sociétés GBT et FIBT le ministère public n'a pas formé d'appel incident.

En second lieu, l'obligation faite aux premiers juges de statuer après avoir communiqué la procédure au ministère public, ne fait pas de celui-ci une partie principale à la procédure. Il n'y intervient que comme partie jointe sauf s'il déclare agir comme partie principale, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Enfin, aucune disposition légale n'interdit au ministère public d'annexer des pièces à l'avis qui sera communiqué aux parties et à la cour. L'ajout de pièces à son avis, quelque soit le nombre de ces pièces, n'a pas non plus pour effet de transformer son statut de partie jointe en statut de partie principale.

Le ministère public qui n'est pas partie principale au litige et qui intervient dans celui-ci uniquement pour donner son avis n'est pas tenu par les délais de procédure qui s'imposent à l'appelant et à l'intimé, résultant notamment de l'article 905-2 alinéa 2 du code de procédure civile.

En conséquence, le ministère public n'était pas tenu, à peine d'irrecevabilité, de remettre ses conclusions au greffe et de les notifier aux appelantes et aux intimées dans le délai d'un mois à compter de la notification des conclusion des sociétés GBT et FIBT et c'est à juste titre que le président de la chambre a rejeté la demande d'irrecevabilité des conclusions et pièces régularisées le 15 avril 2019 et le 25 avril 2019 par le ministère public et mises à la disposition des parties les 16 et 25 avril 2019.

L'ordonnance déférée sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME l'ordonnance déférée,

CONDAMNE les sociétés GBT et FIBT aux dépens.

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