Cass. crim., 1 octobre 2003, n° 03-82.909
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
Mme Caron
Avocat général :
M. Di Guardia
Attendu qu'après avoir relevé l'absence d'indices graves ou concordants justifiant une mise en examen pour homicide involontaire sur les personnes de Laurence B... et d'Arnaud C..., rien ne permettant, en l'état de l'information, de penser que leur maladie ait trouvé son origine dans la consommation de viande servie par les restaurants Buffalo Grill plutôt que dans les autres sources alimentaires des victimes, les juges retiennent qu'en revanche, le juge d'instruction a valablement pu retenir qu'il résultait des éléments recueillis au cours de l'information, énumérés par l'arrêt, et des fonctions respectives des personnes mises en cause, des indices graves ou concordants rendant vraisemblable leur participation aux autres faits dont le magistrat était saisi ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction, qui a procédé, sans insuffisance ni contradiction, au contrôle de l'existence d'indices de nature à permettre, au regard des infractions poursuivies, la mise en examen décidée par le juge d'instruction, a justifié sa décision ;
Sur les moyens proposés pour Daniel Y..., Francis Z... et Christian X..., pris en leur deuxième branche :
Attendu que, pour rejeter les moyens d'annulation, pris de l'incompétence territoriale du juge d'instruction de Paris, qui serait la conséquence de l'irrégularité des mises en examen pour homicide involontaire, l'arrêt attaqué retient que l'annulation éventuelle d'une mise en examen, prononcée en application de l'article 80-1 du Code de procédure pénale, ne saurait avoir effet le dessaisissement du juge d'instruction, lequel, en application de l'article 174-1 dudit Code, demeure compétent pour informer sur l'ensemble des faits dont il a été saisi ; que les juges ajoutent que la compétence de cette juridiction est, en outre, établie au regard de l'article 706-2 du Code de procédure pénale qui dispose que la compétence territoriale d'un tribunal de grande instance peut être étendue, dans les affaires d'une grande complexité, relatives à un produit destiné à l'alimentation de l'homme, au ressort d'une ou plusieurs cours d'appel pour la poursuite, l'instruction et le jugement des atteintes à la personne humaine, au sens du titre II du livre II du Code pénal, à ceux des infractions au Code de la santé publique, au Code rural et au Code de la consommation ; que l'arrêt précise que tel est le cas en l'espèce, le décret du 22 avril 2002 attribuant compétence au tribunal de grande instance de Paris sur le ressort de vingt-trois cours d'appel, incluant le ressort du tribunal de grande instance d'Evry, lieu d'établissement de la société Districoupe ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application de la loi ;
Mais sur le moyen unique du procureur général près la cour d'appel de Paris et sur la dernière branche des moyens proposés pour Daniel Y..., Francis Z... et Christian X... :
Vu les articles 80-1 et 174-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que, lorsqu'elle relève qu'il a été procédé à une mise en examen en l'absence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable que la personne mise en cause ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission de l'infraction dont le juge d'instruction est saisi, la chambre de l'instruction est tenue d'en prononcer l'annulation ; qu'aux termes du second de ces textes, la personne concernée est considérée comme témoin assisté, au regard de cette infraction, à compter de son interrogatoire de première comparution et pour l'ensemble de ses interrogatoires ultérieurs, jusqu'à l'issue de l'information, sous réserve des dispositions des articles 113-6 et 113-8 du Code précité ;
Attendu qu'après avoir constaté, par les motifs reproduits aux moyens, l'irrégularité des mises en examen pour homicide involontaire, l'arrêt attaqué a refusé d'en prononcer l'annulation ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci- dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue, qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de Cassation étant en mesure de faire application de la règle de droit appropriée comme l'y autorise l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 12 mai 2003, mais uniquement en ce qu'il a refusé de prononcer la nullité des mises en examen pour homicide involontaire ;
PRONONCE la nullité des mises en examen de Daniel Y..., Christian X..., Francis Z... et Nicolas A... pour homicide involontaire ;
DIT que, par l'effet de cette annulation, ils sont considérés comme témoins assistés relativement à l'infraction d'homicide involontaire, à compter de leur interrogatoire de première comparution, pour l'ensemble de leurs interrogatoires ultérieurs et jusqu'à l'issue de l'information, sous réserve des dispositions des articles 113-6 et 113-8 du Code de procédure pénale ;
DIT que cette annulation sera sans effet sur les mises en examen dont ils sont l'objet relativement à d'autres infractions et qu'elle n'entraîne aucune cancellation ni retrait de pièces ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.