CA Versailles, 4e ch., 23 septembre 2013, n° 12/00514
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Decobat (Sté)
Défendeur :
GTM Batiment (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Jacomet
Conseillers :
M. Carriere, Mme Manes
Avocats :
Me Ricard, Me Denize, Me Minault, Me Levy- Chevalier
FAITS ET PROCEDURE,
Dans le cadre de l'opération «'Le Chesnay Dutertre- la Ferme du Roi », la société par actions simplifiée GTM BÂTIMENT (la société GTM) s'est vu confier la réalisation d'un programme d'habitations et de stationnement par la société civile immobilière LE CHESNAY LA FERME, maître de l'ouvrage.
La société GTM a sous-traité le 4 décembre 2007 à la société à responsabilité limitée DECOBAT (la société DECOBAT) les lots «'carrelage faïence’ », «'sols souples'» et «'peinture'», pour un montant de 610.000 € hors taxes.
La réception des travaux a été prononcée par le maître de l'ouvrage le 30 juin 2008 avec de nombreuses réserves.
Insatisfaite des prestations de la société DECOBAT, la société GTM a établi le 18 février 2009 un décompte général de son marché faisant apparaître un solde négatif de 449.466,20 € TTC qu'elle lui a demandé de régler, en vain.
Par acte d'huissier signifié en l'étude le 5 août 2010, la société GTM a assigné la société DECOBAT devant le tribunal de commerce de NANTERRE aux fins d'obtenir le paiement de cette somme, outre les intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 15 janvier 2010 et 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 14 décembre 2011, le tribunal de commerce de NANTERRE a :
' Condamné la société DECOBAT à payer à la société GTM BATIMENT la somme de 449.466,20 € outre intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2010,
' Débouté la société DECOBAT de sa demande reconventionnelle,
' Condamne la société DECOBAT à payer à la société GTM BATIMENT la somme de 1.000 € sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile,
' Déboutant pour le surplus,
' Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement,
' Condamne la société DECOBAT aux dépens.
Par déclaration remise au greffe, le 20 janvier 2012, la société DECOBAT a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions du 3 juin 2013, la société DECOBAT invite cette cour à :
' INFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de NANTERRE du 14 décembre 2011
ET STATUANT DE NOUVEAU,
' DÉBOUTER la société GTM BATIMENT ILE DE FRANCE de sa demande de condamnation de la société DECOBAT au paiement de la somme de 449.466,20 € TTC,
' CONDAMNER la société GTM BATIMENT ILE DE FRANCE au paiement de la somme de 257.128,66 € toutes taxes comprises,
' LA CONDAMNER au paiement d'une somme de 10.000 € sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l' article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions du 21 mai 2013, la société GTM invite cette cour à :
' CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
' DÉBOUTER la société DECOBAT de son appel et de l'intégralité de ses prétentions,
' LA CONDAMNER à lui verser 5.000 € sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile,
' ORDONNER la capitalisation des intérêts,
' CONDAMNER la société DECOBAT aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l' article 699 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée le 4 juin 2013.
Sur la nullité du contrat de sous-traitance présentée par la société DECOBAT
Considérant que la société DECOBAT invite la cour à déclarer nul le contrat de sous-traitance en faisant valoir que faute pour la société GTM de respecter les dispositions impératives de la loi du 31 décembre 1975 en l'absence, en particulier, de fourniture d'une caution au commencement des travaux, le contrat de sous-traitance serait frappé de nullité ; qu'elle soutient que, contrairement à ce que fait valoir la société GTM, ce moyen ne serait pas nouveau et partant irrecevable, mais qu'en application de l' article 565 du code de procédure civile, elle serait fondée à se prévaloir de ce moyen nouveau, mais qui tend aux mêmes fins que les prétentions qui ont été soumises aux premiers juges ;
Considérant que, conformément aux dispositions de l' article 564 du code de procédure civile 'à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'; que l' article 565 du même code précise que ne sont pas nouvelles les prétentions dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ; que l' article 566 du code de procédure civile autorise les parties à expliciter en appel les demandes qui étaient virtuellement comprises dans les demandes ou défenses soumises en première instance et ajouter les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ;
Considérant que le moyen de la nullité d'un acte sur lequel est fondée une demande constitue une défense au fond qui peut être proposée en tout état de cause ; qu'il en résulte que la demande en nullité du contrat de sous-traitance formée par la société DECOBAT à l'encontre de la société GTM qui se fondait sur les dispositions de ce contrat pour justifier ses prétentions est recevable ;
Considérant que, conformément aux dispositions des articles 14 et 15 de la loi du 31 décembre 1975 , à peine de nullité du sous-traité, les paiements de toutes les sommes dues par l'entrepreneur au sous-traitant en application de ce sous-traité sont garantis par une caution personnelle et solidaire par l'entrepreneur d'un établissement qualifié, agréé dans les conditions fixées par décret ; que sont nuls et de nul effet, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui auraient pour effet de faire échec à ces dispositions ;
qu'à peine de nullité du sous-traité, le cautionnement garantissant le paiement des sommes dues au sous-traitant doit être fourni avant le commencement des travaux et la caution doit comporter le nom du sous-traitant et le montant du marché garanti ; que l'action en nullité fondée sur les dispositions de l' article 14 de la loi du 31 décembre 1975 est soumise à la prescription quinquennale prévue par l' article 1304 du Code civil et, hormis les exceptions édictées par ce texte, le délai court à compter de la date de conclusion du sous-traité ;
Considérant que la demande de nullité a été formée dans le délai de prescription légal ; qu'il est constant que la société DECOBAT a commencé les travaux litigieux en juin 2007 ; que la demande d'agrément de la société DECOBAT produite par la société GTM indique expressément que le paiement est garanti par la remise d'une caution bancaire ; que la caution comporte le nom du sous traité ' la société DECOBAT ' et le montant du marché garanti ' 729.560 €, ne pourra excéder le montant de 750.000 € ' , la consistance des travaux ' carrelages, sols souples et peinture ' construction de 63 logements au CHESNAY pour le compte de la société civile immobilière LE CHESNAY LA FERME ' ; que cette caution a été signée par la société DEXIA CFL Banque représentée par son directeur général, M. BOUSSEAU, le 16 avril 2007, soit avant le début des travaux ; que la société DECOBAT ne démontre pas que cette caution a été établie pour les seuls besoins de la cause ni que la société DEXIA ne se soit pas engagée à se constituer caution solidaire de l'entrepreneur principal des sommes qu'il doit au sous-traitant avant le début des travaux ; que la demande de la société DECOBAT ne sera pas accueillie ;
Considérant que, se fondant sur les dispositions de l' article 3 de la loi du 31 décembre 1975 , la société DECOBAT fait encore valoir que faute d'avoir été accepté par le maître de l'ouvrage et ses conditions de paiement acceptées par ce dernier, l'entrepreneur principal est privé de la possibilité d'invoquer le contrat de sous-traitance à l'encontre de son sous-traitant ; qu'elle fait valoir que le document produit daté du 19 juillet n'est pas de nature à rapporter cette preuve dès lors que, d'une part, ses mentions sont en contradiction avec les termes du contrat de sous traitance qui précise, en son article 1.2, que l'acceptation et l'agrément ne sont pas encore donnés et, d'autre part, que le document établi par la société GTM ne justifie pas que la société DECOBAT a été agréée pour le lot 12 'peinture' ;
Considérant que la société GTM justifie l'acceptation de la société DECOBAT par le maître de l'ouvrage par le document qu'elle produit intitulé
'demande d'acceptation d'un sous traitant et d'agrément des conditions de paiement' signé le 19 juillet 2007 par M. TAILLANDIER, maître d'œuvre, la société civile immobilière LE CHESNAY LA FERME, maître de l'ouvrage, la société GTM, l'entrepreneur principal, la société SOCOBAT, le sous traitant ; que le fait que le contrat de sous-traitance comporte une mention erronée n'est pas de nature à remettre efficacement en cause la preuve ainsi produite ;
Que l'agrément ainsi donné précise que le montant du contrat de sous-traitance s'élève à la somme de 610.000 € qui correspond exactement aux travaux objet du contrat de sous-traitance, qui prévoit expressément que l'objet des travaux porte sur les lots 10, carrelage faïence, 11, sols souples et 12, peinture, pour un montant de 610.000 € hors taxes, de sorte que l'agrément des conditions de paiement a été donné par le maître de l'ouvrage, peu important l'absence de référence au lot 12 sur le document litigieux, dès lors que ce document emporte la certitude pour le sous traitant de recevoir paiement des travaux exécutés ; que la demande de nullité du contrat de sous-traitance présentée par la société DECOBAT ne sera pas accueillie ;
Sur la demande de paiement de la société GTM au titre du paiement de son décompte général définitif
Considérant que la société DECOBAT fait grief au jugement de la condamner à payer la somme de 449.466,20 € alors que la société GTM ne peut se prévaloir du décompte qu'elle lui a adressé qui, non seulement, n'est pas définitif, mais, en outre, qui impute des sommes injustifiées ; que, se fondant sur les dispositions de l' article 1315 du code civil, elle soutient qu'il incombe à la société GTM de démontrer le lien entre les prétendues défaillances de la société DECOBAT et les sommes qu'elle lui a imputé au titre de refacturations de prestations qui auraient été exécutées pour son compte ;
Considérant que, se fondant sur les dispositions de l' article 6.2.6 des conditions particulières du contrat de sous-traitance, la société GTM fait valoir que la société DECOBAT ne lui a pas adressé un projet de décompte définitif ; qu'elle a dû établir ce décompte et le lui a adressé à deux reprises, une première fois par courrier simple le 18 février 2009, une seconde fois par courrier recommandé avec avis de réception daté du 15 janvier 2010 et reçu par DECOBAT le 18 janvier 2010 ;
que cette dernière n'a pas retourné ce décompte et n'a pas présenté d'observations dans le délai de 30 jours en sorte que le décompte est réputé définitivement accepté ;
Considérant que l' article 6.2.6. intitulé « décompte définitif » des conditions particulières du contrat de sous-traitance litigieux stipule que « Le sous-traitant devra présenter son projet de décompte définitif accompagné de l'ensemble des pièces justificatives dans un délai de 60 jours à compter de la réception de l'ouvrage. A défaut, l'entrepreneur principal pourra l'établir lui-même aux frais du sous-traitant et le lui notifier par lettre recommandée avec accusé de réception.
Le sous-traitant devra obligatoirement le retourner revêtu de son accord ou de ses observations dans un délai de 30 jours. A défaut il sera réputé définitivement accepté. » ;
Considérant que la société DECOBAT ne justifie pas avoir présenté son projet de décompte définitif accompagné de l'ensemble des pièces justificatives dans un délai de 60 jours à compter de la réception de l'ouvrage ; qu'en revanche, la société GTM justifie par les pièces qu'elle produit avoir adressé le projet de décompte général et définitif le 15 janvier 2010 par lettre recommandée avec accusé de réception, distribuée et signé par son destinataire le 18 janvier 2010, laissant apparaître un solde en faveur de la société GTM d'un montant de 449.466,20 € toutes taxes comprises ; que la société DECOBAT ne justifie pas avoir retourné ce décompte ni émis des observations dans le délai de 30 jours fixé par l' article 6.2.6. des conditions particulières du contrat de sous-traitance ; qu'il s'ensuit que la société DECOBAT est réputée avoir définitivement accepté le décompte général qui lui a été adressé par la société GTM et, en vertu de l' article 6.2.6 susvisé, le décompte général notifié par la société GTM est définitif ; que le jugement sera confirmé ;
Sur la demande reconventionnelle
Considérant que la société DECOBAT soutient qu'au terme de son décompte général définitif transmis à la société GTM le 24 février 2009, il lui reste dû la somme de 257.128,66 € ;
Considérant que la société DECOBAT ne démontre pas, par les pièces qu'elle produit, avoir adressé son projet de décompte général à la société GTM dans le délai de 60 jours à compter de la réception de l'ouvrage ni ne justifie avoir retourné le décompte que lui a adressé la société GTM et émis des observations dans le délai de 30 jours fixé par l' article 6.2.6. des conditions particulières du contrat de sous-traitance litigieux ; qu'au surplus, elle ne démontre pas que les sommes réclamées sont dues ; que sa demande ne sera dès lors pas accueillie et le jugement confirmé ;
Sur les autres demandes
Considérant qu'il apparaît équitable en cause d'appel d'accueillir la demande de la société GTM fondée sur les dispositions de l' article 700 du code de procédure civile ; qu'il n'apparaît pas équitable d'accueillir la demande de la société DECOBAT fondée sur ces mêmes dispositions ; que les dispositions du jugement relatives à l' article 700 du code de procédure civile seront confirmées ;
Considérant que la société DECOBAT qui succombe en ses prétentions sera condamnée aux dépens d'appel, les dispositions du jugement relatives aux dépens étant confirmées ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement,
Confirme le jugement,
Y ajoutant,
Condamne la société à responsabilité limitée DECOBAT à payer à la société par actions simplifiée GTM BÂTIMENT la somme de 1.500 € sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires,
Condamne la société à responsabilité limitée DECOBAT aux dépens de l'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l' article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévue sau deuxième alinéa de l' article 450 du code de procédure civile.