CRE, cordis, 17 octobre 2016, n° 10-38-16
COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉNERGIE
Arrêt
sur la demande de mesures conservatoires présentée par la société Moulin du Teulel dans le cadre du différend qui l’oppose à la société Électricité Réseau Distribution France (ERDF), devenue Enedis, relatif à l’utilisation d’une protection de découplage dans une installation de production hydroélectrique
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Liebert-Champagne
Rapporteur :
M. Laffaille
Avocat :
Me de Pouzilhac
Le comité de règlement des différends et des sanctions statuant en matière de mesures conservatoires,
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 2 décembre 2015 et régularisée le 15 avril 2016, sous le numéro 10-38-16, présentée par la société Moulin du Teulel, société à responsabilité limitée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Rodez sous le numéro 524 806 502, dont le siège social est situé Moulin du Teulel, 431, chemin du Teulel, 12200 Villefranche de Rouergue, représentée par son gérant, Monsieur Andréas RICK.
La société Moulin du Teulel a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie d’une demande de mesures conservatoires et du différend qui l’oppose à la société Électricité Réseau Distribution France (ci-après désignée « ERDF »), devenue Enedis, sur l’utilisation d’une protection de découplage de type VDE 0126 dans une installation de production hydroélectrique.
Il ressort des pièces du dossier que Monsieur Andréas RICK est gérant de la société Moulin du Teulel dont l’activité est la production d’électricité par une centrale hydroélectrique située à Villefranche de Rouergue (Aveyron). La société Enedis est le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité sur le territoire de cette commune.
Le 31 décembre 2013, la société Moulin du Teulel a communiqué à la société ERDF une demande de raccordement au réseau public d’électricité, pour une centrale de production située 431, chemin du Teulel à Villefranche de Rouergue sur l’Aveyron. Elle a, également, indiqué que cette demande concernait une installation de production existante, avec la rénovation des deux turbines existantes (turbine Francis de 20 kW et turbine Kaplan de 60 kW) et l’augmentation de puissance des installations (deux nouvelles turbines Kaplan de 75 kW chacune).
Le 19 février 2014, la société ERDF a indiqué à la société Moulin du Teulel qu’il manquait des pièces indispensables à l’élaboration d’une proposition technique et financière.
Le 19 mars 2014, la société Moulin du Teulel a communiqué à la société ERDF les éléments manquants.
Le 30 avril 2014, la société ERDF a indiqué à la société Moulin du Teulel que sa demande de raccordement était complète, à la date du 19 mars 2014, et qu’elle recevrait très prochainement une proposition technique et financière pour le raccordement de la centrale.
Le 16 juin 2014, la société ERDF a communiqué à la société Moulin du Teulel une proposition technique et financière pour le raccordement de la centrale hydroélectrique sur le réseau public de distribution d’électricité par une liaison souterraine en BT de 65 mètres (dont 25 mètres situés en domaine privé), raccordée sur le poste de distribution publique existant « Le Teulel », après adaptation de l’enveloppe et du transformateur de puissance 160 kVA non récupérable en 400 kVA.
Cette proposition technique et financière, qui devrait permettre une augmentation de puissance de 150 kVA, soit l’injection d’une puissance totale de 230 kVA, a évalué le montant des travaux de raccordement à 54.137,86 € HT et prévoyait une durée de 4 mois pour la réalisation de ces travaux.
Le 17 juin 2014, la société Moulin du Teulel a demandé à la société ERDF la communication de « l’ensemble de l’étude ayant amené à caractériser les résultats de la solution de raccordement ».
Le 23 juin 2014, la société ERDF a indiqué à la société Moulin du Teulel que la seule solution technique envisagée était le remplacement du poste de distribution publique existant et de type poste urbain compact (UC) de puissance 160 kVA, par un poste à couloir de manœuvre (PAC) de 400 kVA.
Le 29 juin 2014, la société Moulin du Teulel a indiqué à la société ERDF, d’une part, que la puissance réelle maximale cumulée de sa centrale ne pouvait dépasser 200 kW, alors que la somme arithmétique des puissances apparentes maximales est de 230 kVA et, d’autre part, que la puissance maximale figurant sur le transformateur existant était de 250 kVA, et non pas 160 kVA comme indiqué dans la proposition technique et financière.
La société Moulin du Teulel a, également, souhaité installer une protection de découplage VDE 0126-1-1 VFR2014 de type Ziel UFR1001E en lieu et place de la protection de type B.1 prescrite dans la proposition technique et financière.
Le 21 juillet 2014, la société ERDF a confirmé à la société Moulin du Teulel la nécessité, d’une part, de changer de palier technique du poste avec un transformateur de 400 kVA et, d’autre part, d’installer une protection de découplage de type B.1 et a indiqué que les protections intégrées de type DIN VDE 0126-1-1 ne sont admises que dans le seul cadre d’installations de production photovoltaïques.
Le même jour, la société Moulin du Teulel a indiqué à la société ERDF, notamment, que la puissance du poste était surdimensionnée et que la note ERDF-NOI-RES_13E ne limitait pas l’utilisation de la protection de découplage DIN VDE 0126-1-1 aux seules installations de production photovoltaïques. La société Moulin du Teulel a, également, proposé à la société ERDF un rendez-vous sur le site.
Le 29 juillet 2014, la société ERDF a adressé à la société Moulin du Teulel un compte rendu d’un échange téléphonique qui s’est tenu le 28 juillet 2016.
Ce compte rendu précise que la société Moulin du Teulel allait ramener la puissance de son installation de production réellement injectée sur le réseau à 200 kVA, ce qui permet d’utiliser un transformateur de 250 kVA sans changement de l’enveloppe du poste existant. Il indique, également, que, sauf avis contraire conforme à la réglementation, une protection de découplage B.1 sera prescrite, car la protection intégrée DIN VDE 0126 n’est admise que dans le cas des onduleurs des installations de production photovoltaïques.
Le 30 juillet 2014, la société ERDF a adressé à la société Moulin du Teulel un compte rendu d’une réunion qui s’est tenue le même jour.
Ce compte rendu précise que la société Moulin du Teulel allait refaire une demande de raccordement avec une nouvelle puissance en injection et que la société ERDF allait émettre un devis de reprise d’étude.
Le 31 juillet 2014, la société Moulin du Teulel a communiqué à la société ERDF une nouvelle demande de raccordement ramenant la puissance injectée sur le réseau à 200 kW.
Cette demande de raccordement indiquait que la « protection de découplage sera faite avec un dispositif suivant la norme VDE 126-VFR-2014 de type ZIEHL1001E agissant sur des contacteurs BT suivant la note ERDFNOI_RES_13E ».
Le 1er août 2014, la société ERDF a communiqué à la société Moulin du Teulel un devis de prestations pour une reprise d’étude, d’un montant de 578,00 € HT. Ce devis a été accepté par la société Moulin du Teulel, le 3 août 2014.
Le 21 novembre 2014, la société ERDF a indiqué à la société Moulin du Teulel qu’il était, d’une part, nécessaire de modifier le schéma pour la protection et l’alimentation des auxiliaires de la centrale et, d’autre part, qu’avec une protection de découplage B.1, l’alimentation des auxiliaires devait être associée à une bascule automatique.
Le 23 novembre 2014, la société Moulin du Teulel a indiqué à la société ERDF que le document de référence ERDF-NOI-RES_13E prévoit explicitement un choix entre la protection de découplage B.1 et VDE 0126 qu’elle souhaitait installer. Elle a, également, indiqué que la protection de découplage VDE 0126 était techniquement supérieure à une protection B.1 et a demandé son intégration dans la convention de raccordement.
Le 11 décembre 2014, la société ERDF a indiqué à la société Moulin du Teulel que la protection de découplage VDE 0126 était acceptée uniquement lorsqu’elle était associée à un sectionneur automatique et intégrée à un onduleur, sous réserve de la fourniture d’une attestation de conformité de cet onduleur à la norme DIN VDE 0126.
Le 12 décembre 2014, la société Moulin du Teulel a indiqué à la société ERDF qu’elle ne pouvait refuser son choix d’utiliser une protection de découplage VDE 0126, sauf s’il y a des impératifs techniques et a communiqué à la société ERDF une attestation VDE 0126 pour son équipement citant explicitement la note ERDF-NOIRES_13E.
Le 16 décembre 2014, la société ERDF a confirmé à la société Moulin du Teulel sa demande d’utiliser une protection de découplage de type B.1.
Le même jour, la société Moulin du Teulel a demandé à la société ERDF de lui transmettre un projet de convention de raccordement « dans son état actuel avant finalisation ».
Le 17 décembre 2014, la société ERDF a indiqué à la société Moulin du Teulel qu’elle n’envoyait pas de convention de raccordement non finalisée.
Le même jour, la société ERDF a indiqué à la société Moulin du Teulel que la protection de découplage DIN VDE 0126 ne pouvait pas être mise en place, car l’emploi de ce matériel n’était pas autorisé pour une installation hydraulique. Elle a également demandé la communication du schéma unifilaire actualisé de l’installation de production afin d’être en mesure de faire parvenir la convention de raccordement.
Le 18 décembre 2014, la société Moulin du Teulel a indiqué à la société ERDF que l’article 2.8 de la note ERDFNOI-RES_13E était assez clair sur la procédure à suivre : « Le choix d’une protection de découplage qui porte sur son type, les matériels et leur mise en œuvre, incombe au producteur ou à son installateur. Celui-ci doit prendre en compte outre la recherche de performance économique de son projet de production, sa compatibilité avec les impératifs techniques de fonctionnement de son raccordement et de la desserte des autres utilisateurs du réseau. Chaque projet de production implique donc une concertation, qui débute par la remise du projet du producteur auquel ERDF répond en donnant son approbation ou le cas échéant, en signifiant les impératifs techniques non pris en compte ». Elle a également indiqué qu’elle avait transmis son choix (VDE 0126-1-1- VFR 2014), qu’il y avait une concertation dans laquelle la société ERDF pouvait soit donner son approbation ou soit refuser en signifiant les impératifs techniques non pris en compte. Enfin, elle a demandé à la société ERDF, conformément à la note ERDF-NOI-RES_13E, d’accepter son choix de protection de découplage ou d’indiquer les impératifs techniques non pris en compte.
Le 23 décembre 2014, la société ERDF a, de nouveau, indiqué à la société Moulin du Teulel qu’elle ne pouvait déroger en aucun cas aux prescriptions appliquées à l’ensemble des installations de production et qu’elle attendait un schéma unifilaire faisant figurer une protection de découplage de type B.1.
Le 28 décembre 2014, la société Moulin du Teulel a demandé à la société ERDF de préciser les règles permettant de refuser une protection de découplage VDE 0126.
Le 29 décembre 2014, la société Moulin du Teulel a constaté auprès de la société ERDF une suite de dysfonctionnements sur le traitement de sa demande de raccordement.
Le même jour, la société ERDF a indiqué à la société Moulin du Teulel qu’elle suspendait l’élaboration de la convention de raccordement.
Le 4 janvier 2015, la société ERDF a confirmé à la société Moulin du Teulel la suspension de l’élaboration de la convention de raccordement jusqu’à la fourniture d’un schéma unifilaire représentant une protection de découplage de type B.1 conforme à sa Documentation technique de référence.
Le 14 janvier 2015, la société Moulin du Teulel a indiqué à la société ERDF que la seule interprétation possible est que la norme C 15-100 permettait l’utilisation de la VDE 0126 avec tous ses successeurs (VDE 0126-1-1) et que la note ERDF-NOI-RES_13E en expliquait tous les détails. Elle a, également, indiqué que l’acceptation de la VDE 0126-1-1 pour le solaire, mais pas pour l’hydraulique, alors qu’il n’y avait pas de raison technique, était une violation du principe de non-discrimination.
Le 4 février 2015, la société ERDF a confirmé, à nouveau, à la société Moulin du Teulel sa demande d’installation d’une protection de découplage de type B.1 conformément à l’ensemble des prescriptions applicables pour une installation hydroélectrique de cette puissance raccordée en basse tension au réseau public de distribution d’électricité. Elle s’était, par ailleurs, engagée à transmettre une convention de raccordement dans un délai de quinze jours à réception d’un schéma unifilaire actualisé et conforme.
Le 24 février 2015, la société Moulin du Teulel a demandé à la société ERDF de faire le nécessaire pour la communication d’une convention de raccordement avec une protection de découplage VDE 0126 et d’une lettre indiquant que la société « ERDF n’a pas respecté ses obligations de lecture et falsifié les publications de comptage » et « prendra des mesures pour que cela ne se répétera plus ».
Le 10 mars 2015, la société ERDF a communiqué à la société Moulin du Teulel une convention de raccordement pour le raccordement au réseau public de distribution de l’installation de production hydraulique par une liaison souterraine en BT de 53 mètres (dont 16 mètres situés en domaine privé), raccordée sur le poste de distribution publique existant « Le Teulel », après remplacement du transformateur d’une puissance de 160 KVA en 250 kVA.
Cette convention de raccordement a évalué, pour une puissance de raccordement en injection de 200 kVA dont 120 kVA d’augmentation de puissance, le montant des travaux de raccordement à 26.873,14 € HT (18.510,34 € HT pour le raccordement des ouvrages propres et 8.362,80 € HT au titre de la quote-part du coût des ouvrages en application du schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables) et prévoyait une durée de 4 mois pour la réalisation de ces travaux. Elle stipulait également que la protection de découplage installée au point de livraison serait du type B.1, et qu’avant la mise en service de l’installation, le producteur devait transmettre un schéma unifilaire conforme à l’article 3.1.1.3 du guide UTE C 15-400.
Le 12 avril 2015, la société Moulin du Teulel a adressé à la société ERDF des questions et remarques sur le projet de convention de raccordement et a, notamment, demandé la prise en compte d’une protection de découplage VDE 0126-1-1.
Le 11 mai 2015, la société ERDF a communiqué à la société Moulin du Teulel une nouvelle convention de raccordement pour le raccordement au réseau public de distribution de l’installation de production hydraulique.
Cette nouvelle convention de raccordement a évalué le montant des travaux de raccordement à 21.501,71 € HT (13.138,91 € HT pour le raccordement des ouvrages propres et 8.362,80 € HT au titre de la quote-part du coût des ouvrages en application du schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables). Elle stipulait également que la protection de découplage installée au point de livraison serait du type B.1.
Le 1er juin 2016, la société Moulin du Teulel a demandé à la société ERDF des modifications de la convention de raccordement avec, notamment, la prise en compte d’une protection de découplage VDE 0126-1-1/A1.
En réponse, le 26 juin 2015, la société ERDF a confirmé à la société Moulin du Teulel la nécessité de mettre en œuvre une protection de découplage de type B.1.
Le 16 juillet 2015, la société ERDF a indiqué à la société Moulin du Teulel qu’en l’absence de réception de la convention de raccordement signée et datée avant le 11 août 2015, celle-ci serait caduque et que la capacité d’accueil serait restituée.
Le 6 août 2015, la société Moulin du Teulel a retourné la convention de raccordement signée, ainsi qu’un chèque d’acompte et a indiqué à la société ERDF que celle-ci avait accepté une protection de découplage VDE 0126-1-1 pour une autre centrale hydroélectrique et qu’elle allait installer cette protection au moment de la mise en service de sa centrale.
Le 13 janvier 2016, la société ERDF a indiqué à la société Moulin du Teulel que les travaux de raccordement de l’installation de production étaient terminés depuis le 20 novembre 2015, que la mise en service de l’installation avait été planifiée pour le 6 janvier 2016, que, lors de la visite préparatoire du 4 janvier 2016, il a été constaté que la protection de découplage n’était pas conforme au paragraphe 3.1.1.3 du guide pratique UTE C 15-400 et qu’il convenait de mettre l’installation de production en conformité pour procéder à sa mise en service.
Dans ces conditions, la société Moulin de Teulel a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d’une demande au fond assortie d’une demande de mesures conservatoires.
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Aux termes de sa demande de mesures conservatoires, la société Moulin du Teulel soutient que la société Enedis n’a pas communiqué de raison technique ou de sécurité pour refuser l’utilisation d’une protection de découplage de type VDE 0126.
Elle soutient que c’est le seul point de désaccord qui empêche le raccordement de l’installation de production au réseau public de distribution d’électricité.
La société Moulin du Teulel considère que le fait que la société Enedis la prive de l’accès au réseau public de distribution d’électricité depuis seize mois est une atteinte grave et immédiate aux règles régissant l’accès aux réseaux.
Elle indique que, dans le cas d’un jugement de fond favorable à la société Enedis, elle s’engage à remplacer la protection de découplage VDE 0126 par une protection de découplage de type B.1, dans un délai d’un mois après le jugement.
En conséquence, la société Moulin du Teulel demande au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie d’ordonner des mesures conservatoires pour l’utilisation de sa protection de découplage de type VDE 0126, pour la période entre la mise en service de la centrale jusqu’au jugement au fond du comité.
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Vu les observations en défense, enregistrées le 10 juin 2016, présentées par la société Enedis, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 34, place des Corolles, 92079 Paris La Défense Cedex, représentée par son président du directoire, Monsieur Philippe MONLOUBOU, et ayant pour avocat, Maître Cédric de POUZILHAC, Cabinet Aramis, 9 rue Scribe, 75009 Paris.
La société Enedis soutient que la demande de mesures conservatoires formulée par la société Moulin du Teulel n’est pas justifiée et doit être déclarée irrecevable et mal fondée, faute de répondre aux conditions fixées à l’article L. 134-22 du code de l’énergie.
Elle indique qu’elle n’a fait qu’une stricte application des textes applicables en matière de protection de découplage. Elle note que le document ERDF-NOI-RES_13E de sa documentation technique de référence, relatif aux protections des installations de production raccordées au réseau public de distribution, mentionne que le « gestionnaire de l’installation à raccorder doit demander l’approbation préalable du Distributeur d’énergie électrique sur les dispositions prévues, tant sur le choix du matériel que sur son emplacement » et qu’« ERDF répond en donnant son approbation ou le cas échéant, en signifiant les impératifs techniques non pris en compte ». Elle indique que le document ERDF-NOI-RES_04E de sa documentation technique, relatif au catalogue des équipements utilisés par ERDF, mentionne la « protection de découplage » comme un « élément du réseau public de distribution sur lesquels ses agents n’interviennent pas mais qui participent au plan de protection dans l’intérêt du réseau public de distribution ». Enfin, elle ajoute que le référentiel technique du catalogue des matériels aptes à l’exploitation (CAMAE) précise toutes les protections de découplage autorisées d’emploi par le gestionnaire de réseaux doivent apparaître dans le catalogue des équipements utilisés par Enedis.
La société Enedis affirme qu’à la lecture du guide pratique UTE C 15-400, relatif au raccordement des générateurs d’énergie électrique dans les installations alimentées par un réseau public de distribution, il ressort que la protection de découplage de type B.1 est obligatoire pour l’installation de production de la société Moulin du Teulel.
Elle considère qu’elle a fait une application stricte des textes applicables en refusant de faire droit à l’installation d’une protection de découplage de type DIN VDE 0126, non autorisée par ces textes, d’autant plus s’agissant d’une installation de production hydroélectrique. Elle ajoute que l’application stricte de ces textes est essentielle pour la protection des biens et des personnes.
La société Enedis soutient que la mise en service de l’installation de production de la société Moulin du Teulel s’avère impossible en raison du refus persistant de la société Moulin du Teulel d’installer une protection de découplage conforme à ses prescriptions. Elle ajoute que la société Moulin du Teulel s’y refuse depuis presque deux ans, durée impropre à caractériser une quelconque urgence à procéder à l’acceptation de la protection de découplage VDE 0126.
La société Enedis demande, donc, au comité de règlement des différends et des sanctions de :
- déclarer irrecevable et mal fondée la demande de mesures conservatoires formée par la société Moulin du Teulel ;
- notifier aux parties la décision à intervenir.
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Vu les observations en réplique, enregistrées le 6 juillet 2016, présentées par la société Moulin du Teulel.
La société Moulin du Teulel soutient que la société Enedis n’a pas communiqué le moindre argument technique ou de sécurité pour son refus d’installer une protection de découplage de type VDE 0126.
Elle note que le guide pratique UTE C 15-400 de 2005 limite l’application de la protection de découplage VDE 0126 à une puissance de 5 kW, alors que le document de la société Enedis ERDF-NOI-RES_13E de 2013 se réfère à des versions ultérieures de la norme DIN VDE 0126-1-1 qui ne comporte plus cette limitation de puissance. Elle indique que la quasi-totalité des installations de production photovoltaïques qui sont équipées d’onduleur triphasé d’une puissance supérieure à 5 kW et qui disposent d’une protection de découplage de type VDE 0126-1-1 seraient, donc, toute en contradiction avec le guide pratique UTE C 15-400. Elle ajoute que le même raisonnement s’applique aux autres installations de production biomasse, hydraulique et éolienne protégées par ce type de protection. Elle conclut que la société Enedis devrait être condamnée à corriger la totalité des installations non conformes à son interprétation.
La société Moulin du Teulel soutient que les protections de découplage de type VDE 0126-1-1 qui équipent les onduleurs des installations de production photovoltaïques ne figurent pas dans le catalogue des matériels aptes à l’exploitation (CAMAE) et sont acceptées par la société Enedis sur présentation du certificat de conformité à la norme DIN VDE 0126-1-1, conformément au paragraphe 2.7.2.3 du document ERDF-NOI-RES_13E. Elle ajoute que les fonctionnalités des protections de découplage sont décrites dans la norme DIN VDE 0126-1-1 et que les tests de certification sont délégués au fabricant et aux organismes notifiés. Elle conclut que la certification remplace la procédure de qualification des fournisseurs de matériels de réseaux de distribution, demandée par la société Enedis dans sa documentation ERDF-NOI-RES_04E.
Elle soutient que le refus de la société Enedis consiste d’un non-respect de ses documentations techniques de référence ou au moins d’une application discriminatoire de ces documents, tous deux en contradiction avec l’article L. 322-8 et L. 111-93 du code de l’énergie.
La société Moulin du Teulel considère que le refus de la société Enedis crée directement et immédiatement une perte grave de rémunération pour son unique installation de production et qu’en conséquence, il y a une atteinte grave et immédiate.
La société Moulin du Teulel demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions d’ordonner des mesures conservatoires pour l’utilisation de la protection de découplage de type VDE 0126-1-1, déjà installée, mais refusée par la société Enedis, et, ainsi, permettre la mise en route du nouveau comptage, jusqu’au jugement au fond du comité.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants, et R. 134-7 et suivants ;
Vu l’arrêté du 23 avril 2008 modifié, relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau public de distribution d’électricité en basse tension ou en moyenne tension d’une installation de production d’énergie électrique ;
Vu la décision du 11 mars 2015, relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie ;
Vu la décision du 15 avril 2016 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la désignation d’un rapporteur pour l’instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 10-38-16 ;
Vu la décision du 14 juin 2016 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la prorogation du délai d’instruction de la demande de différend introduite par la société Moulin du Teulel.
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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s’est tenue le 17 octobre 2016, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de Madame Monique LIEBERT-CHAMPAGNE, président, Madame Henriette CHAUBON, Monsieur Claude GRELLIER et Monsieur Denis RAPONE, membres, en présence de :
Madame Alexandra BONHOMME, directrice juridique et représentant le directeur général empêché,
Monsieur Didier LAFFAILLE, rapporteur,
Monsieur Andreas RICK, pour la société Moulin du Teulel,
Les représentants de la société ERDF, assistés de Maître Cédric de POUZILHAC.
Après avoir entendu :
- le rapport de Monsieur Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de Monsieur Andreas RICK, pour la société Moulin du Teulel ; la société Moulin du Teulel persiste dans ses moyen et conclusions ;
- les observations de Maître Cédric de POUZILHAC et Monsieur Emmanuel MARSAL pour la société Enedis ; la société Enedis persiste dans ses moyens et conclusions ;
Aucun report de séance n’ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 17 octobre 2016, après que les parties, le rapporteur, le public et les agents des services se sont retirés.
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La société Moulin du Teulel demande au comité de règlement des différends et des sanctions d’ordonner des mesures conservatoires pour l’utilisation de la protection de découplage de type VDE 0126-1-1, déjà installée, mais refusée par la société Enedis, et, ainsi, permettre la mise en route du nouveau comptage, jusqu’au jugement au fond du comité.
La société Enedis soutient que la demande de mesures conservatoires formulée par la société Moulin du Teulel n’est pas justifiée et doit être déclarée irrecevable et mal fondée, faute de répondre, en l’absence d’urgence, aux conditions fixées à l’article L. 134-22 du code de l’énergie.
L’article L. 134-22 du code de l’énergie dispose qu’« en cas d’atteinte grave et immédiate aux règles régissant l’accès aux réseaux, ouvrages et installations mentionnés à l’article L. 134-19 ou à leur utilisation, le comité peut, après avoir entendu les parties en cause, ordonner les mesures conservatoires nécessaires en vue notamment d’assurer la continuité du fonctionnement des réseaux. Ces mesures peuvent comporter la suspension des pratiques portant atteinte aux règles régissant l’accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation ».
L’article L. 322-8 du code de l’énergie prévoit que sans « préjudice des dispositions du septième alinéa du I de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, un gestionnaire de réseau de distribution d’électricité est, dans sa zone de desserte exclusive, notamment chargé, dans le cadre des cahiers des charges de concession et des règlements de service des régies : […] 4° D’assurer, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, l’accès à ces réseaux ; […] ».
La circonstance invoquée par la société Enedis et tirée de l’ancienneté de son refus, ne saurait à elle seule exclure l’existence d’une atteinte immédiate aux règles régissant l’accès aux réseaux. La gravité d’un tel refus opposé depuis plus deux ans à la société Moulin du Teulel, qui a effectué de lourds investissements consistant en la rénovation de deux turbines existantes et l’installation de deux nouvelles turbines afin d’augmenter la puissance de sa centrale, alors qu’elle se trouve dans l’impossibilité continue d’injecter, n’est pas contestée. Dès lors, ce refus constitue une atteinte grave et immédiate au sens de l’article L. 134-22 précité.
Sur le choix de la protection de découplage
La société Enedis considère qu’elle a fait une application stricte des textes applicables en refusant de faire droit à l’installation d’une protection de découplage de type DIN VDE 0126, non autorisée par ces textes, d’autant plus s’agissant d’une installation de production hydroélectrique. Cependant, elle n’invoque aucun risque spécifique, lié à l’utilisation de la protection de découplage de type DIN VDE 0126, pour la sécurité des biens et des personnes.
L’article 2.7.2 du document relatif aux « Protections des installations de production raccordées au réseau public de distribution » (document ERDF-NOI-RES_13E, version 5, du 30 juin 2013), intitulé « Le sectionneur automatique selon les prénormes DIN VDE 0126, DIN VDE 0126-1-1 et DIN VDE 0126-1-1/A1 », prévoit que cette « protection de découplage est incorporée à un sectionneur automatique ou à un onduleur de puissance inférieur ou égale à 4,6 kW ou 5 kWcrête pour les modèles définis par la DIN VDE 0126 et sans limitation de puissance pour ceux définis par la DIN VDE 0126-1-1 ».
Cet article prévoit, également, que « ce type de protection de découplage est principalement utilisé dans les installations photovoltaïques. Cette protection de découplage est destinée à fonctionner en cas de défaut survenant sur le réseau d’alimentation BT et sur le réseau HTA dont est issu le réseau BT. La mise en œuvre de plusieurs modules (sectionneurs ou onduleurs intégrant cette protection de découplage) dans une même installation est possible dans la limite d’une puissance installée inférieure ou égale à 250 kVA) ».
Il en résulte que l’utilisation d’une protection de découplage conforme à la norme DIN VDE 0126-1-1 n’est pas interdite pour les installations de production autres que celles photovoltaïques, dans la limite d’une puissance installée inférieure ou égale à 250 kVA.
L’article 2.7.2.2 de ce même document, intitulé « Restrictions d’emploi », prévoit que l’« installation des sectionneurs automatiques définis par les pré-normes DIN VDE 0126, DIN VDE 0126-1-1 et DIN VDE 0126-11/A1 sont réservés aux sites comportant moins de 250 kVA de générateurs électriques, raccordées par un branchement au RPD BT ou par un poste de livraison HTA ne disposant pas de transformateurs de mesure de la tension HTA ».
De plus, le même article indique que les « différentes versions de sectionneur automatique sont soumises aux restrictions d’emploi suivantes : […]
• Les sectionneurs DIN VDE 0126-1-1/A1 VFR2014 seront admis pour l’équipement des nouvelles installations ou l’extension d’installations existantes dont la demande complète de raccordement a été qualifiée à partir du 1er mai 2014 et exigés à partir du 1er juillet 2014 ».
Il en résulte que, depuis le 1er juillet 2014, une protection de découplage conforme à la norme DIN VDE 0126-11/A1 ne peut être utilisée que pour les installations de production d’une puissance inférieure à 250 kVA.
En l’espèce et sans que le guide pratique UTE C 15-400 datant de juillet 2005 puisse être invoqué, seule la protection de découplage, s’agissant d’une installation de production de 230 kVA, conforme à la norme DIN VDE 0126-1-1/A1 disposant de réglages VFR2014 peut être mise en œuvre dans l’installation de production hydroélectrique de la société Moulin de Teulel, la protection de découplage de type VDE 0126-1-1 ne pouvant plus être utilisée.
En l’état de l’instruction, il est, donc, fait droit à une telle demande à titre conservatoire.
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DÉCIDE :
Article 1er. – À titre conservatoire, l’utilisation temporaire d’une protection de découplage conforme à la norme DIN VDE 0126-1-1/A1 disposant de réglages VFR2014 peut être mise en œuvre dans l’installation de production hydroélectrique de la société Moulin de Teulel.
Article 2. – La présente décision sera notifiée à la société Moulin de Teulel et à la société Enedis. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.