CRE, cordis, 22 avril 2013, n° 222-38-11
COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉNERGIE
Arrêt
sur le différend qui oppose la société SFNL (ex SOLAIS ENERGIE) à la société Électricité Réseau Distribution France (ERDF) relatif aux conditions de raccordement d’une installation de production photovoltaïque au réseau public de distribution d’électricité
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Liebert-Champagne
Rapporteur :
M. Astier
Avocats :
Me Woimant, Me Guénaire
Le comité de règlement des différends et des sanctions,
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 13 juillet 2011, sous le numéro 222-38-11, présentée par la société SOLAIS ENERGIE, société anonyme à responsabilité limité, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’Antibes sous le numéro B 509 202 222, dont le siège social est situé 400 Avenue Roumainville, BP 309 06906 SOPHIA ANTIPOLIS Cedex, représentée par son représentant légal en exercice, ayant pour avocat Maître Jorge MENDES CONSTANTE, AARPI MCL Avocats, 27 Boulevard Charles MORETTI, immeuble le Vénitien, 13014 MARSEILLE.
La société SOLAIS ENERGIE a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie du différend qui l’oppose à la société ERDF, sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d’électricité de son projet de centrale photovoltaïque.
Il ressort des pièces du dossier que la société SOLAIS ENERGIE développe un projet d’installation photovoltaïque en toiture dit « SOLAIS VITROLLES » d’une puissance de 232 kW située sur le territoire de la commune de VITROLLES. La société ERDF est le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité sur le territoire de cette commune.
Le 30 août 2010, la société SOLAIS ENERGIE a adressé une demande à la société ERDF pour le raccordement de son installation de production d’électricité.
Le 7 octobre 2010, la société ERDF a accusé réception de cette demande de raccordement au 31 août 2010.
Par courrier du 2 décembre 2010, la société SOLAIS ENERGIE a demandé à la société ERDF la délivrance d’une proposition technique et financière pour son installation photovoltaïque « dans les plus brefs délais ».
Les 12 et 26 janvier 2011, la société ERDF a indiqué à la société SOLAIS ENERGIE que sa demande relative à l’obtention de l’obligation d’achat était concernée par la suspension de l’obligation d’achat et qu'elle devrait faire une nouvelle demande de raccordement, à l’issue de la période de suspension mise en place par le décret du 9 décembre 2010, pour bénéficier d’un contrat d’obligation d’achat pour son installation.
Le 28 février 2012, la société SOLAIS ENERGIE a changé de dénomination pour SFNL ENERGIE.
Estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution des installations de production n’étaient pas satisfaisantes, la société SOLAIS ENERGIE a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d’une demande de règlement du différend qui les oppose à la société EDF.
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Dans ses observations, la société SOLAIS ENERGIE estime que le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour connaitre du différend qui l’oppose à la société ERDF dès lors que celuici oppose un utilisateur à un gestionnaire de réseau et porte sur l’accès au réseau public de distribution d’électricité de son installation de production.
Elle soutient que la société ERDF n’a pas respecté le délai de trois mois, pour lui transmettre une offre de raccordement, qui s’imposait à elle conformément à l’article 8.1.2 de la procédure de traitement des demandes de raccordement de la société ERDF, et aux dispositions de la délibération de la Commission de régulation de l’énergie en date du 11 juin 2009 portant décision sur les règles d'élaboration des procédures de traitement des demandes de raccordement aux réseaux publics de distribution d'électricité et le suivi de leur mise en œuvre.
La société SOLAIS ENERGIE estime que son droit acquis à la transmission d’une offre de raccordement ne peut être remis en cause par les dispositions du décret du 9 décembre 2010.
Elle précise que, dans le cas contraire, ce décret porterait atteinte aux principes de non rétroactivité des actes administratifs, de sécurité juridique, de confiance légitime, d’égalité et de non-discrimination entre les utilisateurs du réseau.
La société SOLAIS ENERGIE demande en conséquence au comité de règlement des différends et des sanctions :
- d’ordonner à la société ERDF la transmission de l’offre de raccordement sous forme de proposition technique et financière à laquelle elle a droit au titre de sa demande de raccordement qualifiée le 31 août 2010, et ce nonobstant les dispositions illégales du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010.
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Vu la décision du 2 septembre 2011 par laquelle le comité de règlement des différends et des sanctions a suspendu son instruction jusqu’à l’intervention de la décision du Conseil d’État sur les requêtes tendant à l’annulation du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010.
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Vu la lettre du directeur général du 30 août 2012 par laquelle il est demandé à la société ERDF de présenter ses observations.
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Vu les observations en défense, enregistrées le 27 septembre 2012, présentées par la société Électricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé Tour Winterthur, 102 terrasse Boieldieu, 92085 Paris La Défense, représentée par la Présidente du directoire en exercice Madame Michèle Bellon, ayant pour avocats Maître Michel GUENAIRE et Maître Sylvain BERGES, Cabinet GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, 22, cours Albert 1er, 75008 Paris.
La société ERDF estime que la saisine de la société SOLAIS ENERGIE est irrecevable en raison de l’absence de production d’un extrait du registre du commerce et des sociétés comme requis par les dispositions de l’article 7 du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions.
Elle expose également que le comité de règlement des différends et des sanctions n’est pas compétent pour statuer sur les demandes de la société SOLAIS ENERGIE dès lors que celles-ci ne concernent pas l’accès au réseau public de distribution d’électricité mais ont pour but de s’affranchir de l’obligation faite par l’article 5 du décret du 9 décembre 2010, de déposer une nouvelle demande de raccordement à l’issue de la période de suspension et de bénéficier des tarifs d’achat de l’électricité applicables avant l’entrée en vigueur de ce décret.
La société ERDF estime que l’ensemble des moyens soulevés par la société SOLAIS ENERGIE à l’encontre du décret du 9 décembre 2010 a été rejeté par le Conseil d’Etat lorsque ce dernier s’est prononcé sur la légalité dudit décret par sa décision du 16 novembre 2011.
Elle ajoute que, dans la mesure où il n’existe aucun différend entre les parties concernant le fait que la société ERDF aurait ou non délivré une proposition technique et financière dans un délai donné à compter de la date de qualification de la demande de raccordement de la société SOLAIS ENERGIE, le comité de règlement des différends et des sanctions ne saurait se prononcer, sauf à méconnaître les dispositions de l’article L. 134-19 du code de l’énergie, sur le non-respect du délai de transmission d’une offre de raccordement à la société SOLAIS ENERGIE.
La société ERDF estime, également, qu’en tout état de cause le comité de règlement des différends et des sanctions ne saurait lui opposer le délai de trois mois pour la délivrance d’une proposition technique et financière dès lors que :
- Le législateur n’a pas fixé de délai pour la délivrance d’une proposition technique et financière pour les installations de puissance supérieure à 3 kilovoltampères ;
- La CRE n’était pas compétente pour imposer un délai pour la délivrance d’une proposition technique et financière pour les installations de puissance supérieure à 3 kilovoltampères ;
- L’engagement d’ERDF à respecter le délai précité est sans fondement juridique dès lors qu’il a été déterminé par une délibération illégale ;
- En tout état de cause, une jurisprudence établie confirme qu’un délai n’est impératif que lorsque la sanction de non-respect a été prévue.
Elle indique enfin s’être retrouvée dans l’impossibilité matérielle de traiter tous les dossiers de demande de raccordement en respectant un délai de délivrance de la proposition technique et financière, compte tenu de la forte augmentation du nombre de demande de raccordement à la fin de l’été 2010.
La société ERDF demande en conséquence au comité de règlement des différends et des sanctions de :
A titre principal,
- déclarer irrecevable la demande de la société SOLAIS ENERGIE.
A titre subsidiaire,
- constater qu’ERDF devait respecter les dispositions du décret n°2010-1510 du 9 décembre 2010 ;
- se déclarer incompétent pour constater qu’ERDF a méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement ;
- constater que le délai pour délivrer une proposition technique et financière n’est pas opposable à ERDF ;
- constater qu’ERDF a été confrontée à une situation exceptionnelle qui explique les difficultés rencontrées par elle dans la gestion des demandes de raccordement.
En conséquence,
- rejeter les demandes de la société SOLAIS ENERGIE.
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Vu la mesure d’instruction en date du 4 avril 2013 par laquelle, le rapporteur demande à la société SOLAIS ENERGIE de produire un extrait du registre du commerce et des sociétés de moins de trois mois.
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Vu la lettre en date du 4 avril 2013, par laquelle la société SFNL ENERGIE produit un extrait du registre du commerce et des sociétés de moins de trois mois.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié, relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l’énergie ;
Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010, suspendant l’obligation d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil ;
Vu la décision du 20 février 2009, relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie ;
Vu la décision du 13 juillet 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la désignation d’un rapporteur et d’un rapporteur adjoint pour l’instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 09-38-11 ;
Vu la décision numéro 344972 et autres du 16 novembre 2011 du Conseil d’État, société Ciel et Terres et autres ;
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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s’est tenue le 22 avril 2013, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de Madame Monique LIEBERTCHAMPAGNE, président, Madame Sylvie MANDEL, Monsieur Roland PEYLET et Monsieur Christian PERS, membres, en présence de :
Monsieur Jérémie ASTIER rapporteur et Monsieur Didier LAFFAILLE, rapporteur adjoint,
Les représentants des sociétés SOLAIS ENERGIE, assistés de Maître Antoine WOIMANT,
Les représentants de la société ERDF, assistés de Maître Michel GUENAIRE.
Après avoir entendu :
- le rapport de Monsieur Jérémie ASTIER, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de Maître Antoine WOIMANT pour la société SFNL ENERGIE ; la société SFNL ENERGIE demande au surplus au comité de règlement des différends et des sanctions de constater la méconnaissance par la société ERDF de sa propre procédure de traitement des demandes de raccordement et persiste dans ses moyens et conclusions ;
- les observations de Maître Michel GUENAIRE ; la société ERDF expose qu’une telle demande tendant à constater la méconnaissance de sa propre procédure de traitement des demandes de raccordement n’a pas été expressément formulée dans le dispositif de ses écritures, et persiste dans ses moyens et conclusions ;
Aucun report de séance n’ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 22 avril 2013, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.
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Sur la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions
Aux termes de l’article L. 134-19 du code de l’énergie :
« Le comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend :
1° Entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité ;
(…)
Ces différends portent sur l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats mentionnés aux articles L. 111-91 à L. 111-94, L. 321-11 et L. 321-12, ou des contrats relatifs aux opérations de transport et de stockage géologique de dioxyde de carbone mentionnés à l'article L. 229-49 du code de l'environnement.
La saisine du comité est à l'initiative de l'une ou l'autre des parties ».
Il ressort des pièces du dossier que, le 30 août 2010, la société SFNL ENERGIE a adressé une demande à la société ERDF pour le raccordement de son installation de production d’électricité.
La société SFNL ENERGIE demande au comité de règlement des différends et des sanctions d’ordonner à la société ERDF la transmission de l’offre de raccordement sous forme de proposition technique et financière auquel elle a droit au titre de sa demande de raccordement qualifiée le 31 août 2010, et ce nonobstant les dispositions illégales du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010.
Ainsi, contrairement à ce que soutient la société ERDF, la demande de la société SFNL ENERGIE portant sur la transmission d’une proposition technique et financière pour le raccordement de son installation de production, il existe donc bien un différend lié à l’accès au réseau entre, d’une part, la société SFNL ENERGIE et, d’autre part, la société ERDF qui relève de la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions.
Sur la recevabilité de la demande de la société SFNL ENERGIE
Si la société ERDF fait valoir qu’aucun extrait du registre du commerce et des sociétés n’a été produit par la société SFNL ENERGIE, un tel extrait ayant été produit à la suite de la mesure d’instruction du 4 avril 2013, la demande est recevable.
Sur l’application du décret du 9 décembre 2010
La société SFNL ENERGIE demande au comité de règlement des différends et des sanctions « d’ordonner à la société ERDF la transmission de l’offre de raccordement sous forme de proposition technique et financière à laquelle elle a droit au titre de sa demande de raccordement qualifiée le 31 août 2010, et ce nonobstant les dispositions illégales du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 ».
Le décret du 9 décembre 2010 susvisé, dont la légalité n’a pas été remise en cause par le Conseil d’Etat dans sa décision du 16 novembre 2011, fait obligation au producteur qui n’a pu renvoyer avant le 2 décembre 2010 au gestionnaire de réseau une proposition technique et financière signée, de renouveler sa demande de raccordement à l’expiration du délai de trois mois pendant lequel toutes les demandes de contrat d’obligation d’achat sont suspendues.
En l’espèce, la société SFNL ENERGIE n’a pas été en mesure de renvoyer une proposition technique et financière signée avant le 2 décembre 2010.
Il résulte de ce qui précède que le comité de règlement des différends et des sanctions n’est pas en droit d’enjoindre à la société ERDF de délivrer, à ce jour, à la société SFNL ENERGIE une proposition technique et financière aux conditions prévalant avant l’entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010.
La circonstance que le délai de trois mois suivant la qualification de la demande ait été dépassé ne permet pas de considérer que la société SFNL ENERGIE était titulaire, à l’expiration dudit délai, d’une proposition technique et financière implicite susceptible d’être acceptée et renvoyée avant le 2 décembre 2010.
Oralement, la société SFNL ENERGIE a sollicité du comité de règlement des différends et des sanctions qu’il constate la méconnaissance par la société ERDF de sa propre procédure de traitement des demandes de raccordement. Mais cette demande n’ayant pas été expressément formulée dans le dispositif de ses écritures, elle ne peut qu’être rejetée.
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DÉCIDE :
Article 1er. – Les demandes de la société SFNL ENERGIE est rejetée.
Article 2. – La présente décision sera notifiée aux sociétés SFNL ENERGIE et à la société Électricité Réseau Distribution France. Elle sera publiée au Journal Officiel de la République française.