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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re et 3e ch. réunies, 3 octobre 2019, n° 18/13024

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

IBS Construction (SAS)

Défendeur :

Dreamstones Limited (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fremont

Conseillers :

Mme Mars, Mme Tanguy

T. com. Fréjus, du 16 juill. 2018, n° 20…

16 juillet 2018

Le 1er septembre 2016 Mme Ioan C. a confié à la société Dreamstones Limited, société de droit anglais, la rénovation d'une maison d'habitation située à Samoëns (74340).

Le 20 Décembre 2016 la SAS IBS Construction a conclu avec la société Dreamstones Limited, entreprise principale, un contrat de sous-traitance portant sur les lots suivants : Electricité-Domotique, Plomberie, Cloisons et doublage, Revêtements, Cuisine, Menuiserie, moyennant le paiement d'une somme globale et forfaitaire s'élevant à 92 477 € HT.

L'exécution dudit contrat est subordonnée :

- à l'agrément de la société IBS Construction, sous-traitant, par le maître de l'ouvrage,

- à la remise des plans et documents nécessaires à la réalisatian des travaux par 1'entreprise principale à la société IBS Construction, avant le démarrage du chantier,

- à la mise d'une garantie de paiement pour toutes les sommes dues au sous-traitant au titre dudit contrat,

-au respect du règlement des situations du sous-traitant au comptant sous 14 jours à réception des travaux.

Les travaux ont débuté en janvier 2017.

Suite à des différends entre la société IBS Construction et la société Dreamstones Limited, les parties ont décidé de cesser leur collaboration en juin 2017.

Le 14 juillet 2017 la société Dreamstones Limited a mis en demeure la SAS IBS Construction de rembourser l'excèdent perçu de 19 652,46 €.

Le 19 octobre 2017 la société Dreamstones Limited a mis en demeure la société IBS Construction d'avoir à procéder au paiement de la somme de 54 952,13 € dû aux charges supplémentaires liées à l'arrêt du chantier par cette société.

Par ordonnance du 10 Avril 2018 le Président du tribunal de commerce de Fréjus a autorisé la société Dreamstones Limited à faire pratiquer la saisie conservatoire de la somme de 64 374,77 € TTC sur le compte de la société IBS Construction.

Autorisée par le Président du tribunal de commerce à assigner en référé d'heure à heure par ordonnance en date du 8 juin 2018, la société IBS Construction a fait citer par acte d'huissier de justice en date du 13 juin 2018 la société Dreamstones Limited pour voir rétracter l'ordonnance en date du 10 Avril 2018 autorisant la saisie-conservatoire, prononcer la mainlevée de la saisie-conservatoire en date du 18 Mai 2018 et condamner la société Dreamstones Limited à lui verser la somme de 10 000€ en réparation du préjudice subi du fait de cette saisie conservatoire, outre la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par ordonnance en date du 16 juillet 2018 le juge des référés du tribunal de commerce de Fréjus a :

CONFIRMÉ l'ordonnance du 10 Avril 2018.

DIT n'y avoir lieu à référé.

RENVOYÉ au fond devant Tribunal de Commerce de céans.

Dépens réservés

Liquidé les frais de greffe à la somme de 42,79 € TTC dont 5,13 € de TVA.

La SAS IBS Construction a relevé appel de cette ordonnance le 1er août 2018.

Dans ses dernières conclusions en date du 8 février 2019 la SAS IBS Construction demande à la cour de :

DECLARER la société IBS Construction bien fondée en son appel,

CONSTATER que les dispositions des dispositions de l'article 872 du code de procédure civile n'étaient pas applicables à la demande diligentée par la société IBS Construction et visant à obtenir la mainlevée de la saisie conservatoire en litige,

En conséquence,

INFIRMER l'ordonnance du 16 juillet 2018 rendue par le Président du Tribunal de Commerce de Fréjus,

Statuant à nouveau,

CONSTATER l'absence d'élément probant justifiant du principe de la créance de la société Dreamstones Limited à l'encontre de la Société IBS Construction,

CONSTATER l'absence de menace sur le recouvrement de la créance de la société Dreamstones Limited à l'encontre de la société IBS Construction,

En conséquence,

RETRACTER l'ordonnance en date du 10 avril 2018 autorisant la saisie-conservatoire,

PRONONCER la mainlevée de la saisie-conservatoire en date du 18 mai 2018,

En conséquence,

CONDAMNER la société Dreamstones Limited à verser la somme de 15.000 € à la société IBS Construction en réparation du préjudice subi du fait de la saisie conservatoire du 18 mai 2018,

CONDAMNER la société Dreamstones Limited à verser à la société IBS Construction une somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La condamner aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, représentée par Maitre Pierre-Yves I., avocat aux offres de droit.

Elle considère que le juge a fait une mauvaise application des articles L.511-1 et L.511-2 du code de procédure civile d'exécution en ce que la demande de mainlevée de l'autorisation d'une telle mesure conservatoire doit être portée devant le juge ayant autorisé ladite mesure, statuant comme juge du principal et non comme juge des référés, et que le juge des référés du tribunal de commerce n'a pas statué au visa des articles 872 et 873 du code de procédure civile mais en vertu des dispositions de l'article R. 512-2 du code de procédure civile d'exécution, c'est-à-dire comme juge des contestations de la mesure conservatoire qu'il avait ordonnée.

Elle en déduit qu'il revenait donc au Président du tribunal de commerce, et non au juge des référés, l'obligation de statuer sur la mesure conservatoire qu'il avait ordonnée.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance ayant autorisé la saisie conservatoire, elle met en avant l'absence d'élément probant justifiant le principe d'une créance de la société Dreamstones Limited et justifiant une menace sur le recouvrement.

Dans ses dernières conclusions en date du 22 février 2019, la société Dreamstones Limited demandait à la cour de :

CONFIRMER l'ordonnance rendue par le Président du tribunal de Commerce de Fréjus le 16 juillet 2018 en ce qu'elle a :

' Confirmé l'ordonnance du 10 avril 2018.

Au surplus,

DIRE ET JUGER que le Président du tribunal de Commerce de Fréjus a fait une bonne application des dispositions de l'article 872 du code de procédure civile,

CONSTATER que la créance de la Société Dreamstones Limited est fondée en son principe,

CONSTATER les menaces qui pèsent sur le recouvrement de la créance de la Société Dreamstones Limited,

Et en conséquence,

DEBOUTER la Société IBS Construction de sa demande de rétractation de l'ordonnance en date du 10 avril 2018 autorisant la saisie conservatoire,

DEBOUTER la Société IBS Construction de sa demande de mainlevée de la saisie conservatoire du 18 mai 2018,

DEBOUTER la Société IBS Construction de sa demande de dommages et intérêts formulée à l'encontre de la société DREAMSTONES,

DEBOUTER la Société IBS Construction de sa demande d'article 700 du code de procédure civile intérêts formulée à l'encontre de la société DREAMSTONES,

CONDAMNER la Société IBS Construction à verser à la société DREAMSTONES la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER la même aux entiers dépens de l'instance, dont distraction sera faite au profit de la SELARL PERSEA, représentée par Maître Claude DE V., avocat sur son affirmation de droit.

Par arrêt en date du 25 avril 2019, la présente cour a :

Ordonné la réouverture des débats et invité les parties à présenter leurs observations sur la compétence du Président du tribunal de commerce statuant en référé pour connaître d'une demande de main-levée de mesures conservatoires ;

Renvoyé l'affaire à l'audience du mercredi 26 juin 2019 à 14h ;

Sursis à statuer sur les autres demandes.

Dans ses dernières conclusions en date du 20 juin 2019 la SAS IBS CONSTRUCTION demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles L.511-1 et suivants, R. 511-1 et suivants et R. 121-11 et suivants du Code de Procédure Civile d'Exécution,

Vu l'article 76 alinéa 2 du Code de Procédure Civile,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu l'arrêt avant dire droit du 25 avrils 2019,

DECLARER la société IBS CONSTRUCTION bien fondée en son appel,

DIRE n'y avoir lieu à statuer sur la compétence du premier juge,

CONSTATER que les dispositions des dispositions de l'article 872 du code de procédure civile n'étaient pas applicables à la demande diligentée par la société IBS CONSTRUCTION et visant à obtenir la mainlevée de la saisie conservatoire en litige,

DIRE ET JUGER que le Président du Tribunal de Commerce de Fréjus statuait non pas en vertu de ses pouvoirs en matière de référé prévus par les articles 872 et 873 du code de procédure civile mais comme juge des contestations de la mesure conservatoire qu'il avait ordonné, et qu'il était donc compétent pour statuer sur ce point.

En conséquence,

INFIRMER l'ordonnance du 16 juillet 2018 rendue par le Président du Tribunal de Commerce de Fréjus,

Statuant à nouveau,

CONSTATER l'absence d'élément probant justifiant du principe de la créance de la société DREAMSTONES LIMITED à l'encontre de la société IBS CONSTRUCTION, CONSTATER l'absence de menace sur le recouvrement de la créance de la société DREAMSTONES LIMITED à l'encontre de la société IBS CONSTRUCTION,

En conséquence,

RETRACTER l'ordonnance en date du 10 avril 2018 autorisant la saisie-conservatoire,

PRONONCER la mainlevée de la saisie-conservatoire en date du 18 mai 2018,

En conséquence,

CONDAMNER la société DREAMSTONES LIMITED à verser la somme de 15.000 € à la société IBS CONSTRUCTION en réparation du préjudice subi du fait de la saisie conservatoire

du 18 mai 2018,

CONDAMNER la société DREAMSTONES LIMITED à verser à la société IBS CONSTRUCTION une somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La condamner aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SELARL LEXAVOUE AIX-EN-PROVENCE Avocats aux offres de droit.

Elle soutient que la cour ne pouvait relever l'incompétence d'office.

Elle ajoute qu'en l'espèce, c'est par une 'erreur de plume' que l'assignation s'intitule « assignation en référé d'heure à heure en mainlevée de saisie de conservatoire » et non « assignation d'heure à heure en mainlevée de saisie conservatoire », soutenant qu'elle n'a pas assigné la société Dreamstones Limited par devant le Président du Tribunal de Commerce de Fréjus statuant en référé mais statuant en matière de mesures conservatoires, saisi d'heure à heure.

Dans ses dernières conclusions en date du 21 juin 2019 la société Dreamstones Limited demande à la cour de :

Vu l'article R 512-2 du Code des Procédures Civiles d'exécution

Vu l'article 1193 nouveau du Code Civil,

Vu l'article 1217 du code civil,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces produites,

DIRE et JUGER que le Président du tribunal de commerce de FREYJUS a fait une bonne application des articles 872 et 873 du code de procédure civile en considérant qu'il n'y avait pas lieu à référé,

En conséquence,

CONFIRMER l'ordonnance rendue par le Président du tribunal de Commerce de Fréjus le 16 juillet 2018 en ce qu'elle a :

' Confirmé l'ordonnance du 10 avril 2018.

Au surplus,

CONSTATER que la créance de la Société DREAMSTONES LIMITED est fondée en son principe,

CONSTATER les menaces qui pèsent sur le recouvrement de la créance de la Société

DREAMSTONES LIMITED,

DEBOUTER la Société IBS CONSTRUCTION de sa demande de rétractation de l'ordonnance en date du 10 avril 2018 autorisant la saisie conservatoire,

DEBOUTER la Société IBS CONSTRUCTION de sa demande de mainlevée de la saisie conservatoire du 18 mai 2018,

DEBOUTER la Société IBS CONSTRUCTION de sa demande de dommages et intérêts formulée à l'encontre de la société DREAMSTONES,

DEBOUTER la Société IBS CONSTRUCTION de sa demande d'article 700 du code de procédure civile intérêts formulée à l'encontre de la société DREAMSTONES,

CONDAMNER la Société IBS CONSTRUCTION à verser à la société DREAMSTONES la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER la même aux entiers dépens de l'instance, dont distraction sera faite au profit de la SELARL PERSEA, représentée par Maître Claude DE V., avocat sur son affirmation de droit.

Elle réplique que la société IBS Construction a bien délivré une « assignation en référé d'heure à heure en mainlevée de saisie conservatoire » et lui a donné « ASSIGNATION D'AVOIR A COMPARAITRE LE 18 JUIN 2018 A 10H par devant Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de Fréjus, tenant l'audience des référés, au tribunal de Commerce de Fréjus.

Elle soutient que le Président du tribunal de commerce a donc statué en matière de référé alors qu'en application de l'article R. 121-11 et suivants du code de procédure civile d'exécution la société IBS aurait dû saisir le Président du tribunal de commerce au fond en en la forme des référés, et non en référé. Il en ressort que ce dernier n'avait pas compétence pour se prononcer sur la mainlevée de la saisie conservatoire, ce pouvoir étant réservé aux juges du fond.

ET SUR CE

Sur l'application des articles 872 et 873 du code de procédure civile

Contrairement à ce qu'affirme la société IBS Construction, la compétence du Président du tribunal de commerce de Fréjus statuant sur les dispositions des articles 872 et 873 du code de procédure civile a bien été évoquée par la société Dreamstones Limited avant toute défense au fond, et cette question de compétence était bien dans le débat puisque les deux parties avait conclu sur ce point, la société IBS Construction affirmant que le Président du Tribunal de Commerce de Fréjus statuait non pas en vertu de ses pouvoirs en matière de référé prévus par les article 872 et 873 du code de procédure civile mais en vertu des dispositions de l'article R. 512-2 du code de procédure civile d'exécution, c'est-à-dire comme juge des contestations de la mesure conservatoire qu'il avait ordonné.

La cour n'a donc pas relevé d'office cette incompétence mais n'a fait que redonner la véritable dénomination ou fondement juridique invoqué par l'une des parties en application de l'article 12 du code de procédure civile.

La compétence, attribuée au juge de l'exécution par l'article L.511-1 du code de procédure civile d'exécution, de donner à toute personne dont la créance paraît fondée en son principe l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, est étendue par l'article L.511-2 du même code, au Président du tribunal de commerce lorsque, demandée avant tout procès, elle tend à la conservation d'une créance relevant de la compétence de la juridiction commerciale.

En l'espèce, le Président du tribunal de commerce de Fréjus a par ordonnance du 10 Avril 2018 autorisé la société Dreamstones Limited à faire pratiquer la saisie conservatoire de la somme de 64.374,77 € TTC sur le compte de la société IBS Construction.

Cette saisie peut être contestée et en application de l'article R.512-2 du code de procédure civile d'exécution, la demande de mainlevée doit être portée devant le juge qui a autorisé la mesure. En cas d'urgence, le juge de l'exécution peut permettre d'assigner d'heure à heure.

Or pour contester cette autorisation, la société IBS Construction a saisi le Président du tribunal de commerce statuant en référé, sur autorisation d'assigner en référé d'heure à heure, et non pas le Président du tribunal de commerce ayant les attributions du juge de l'exécution. C'est d'ailleurs par ordonnance de référé sur le fondement des articles 872 et 873 du code de procédure civile que le Président du tribunal de commerce, constatant l'absence de trouble, a dit n'y avoir lieu à référé.

Le Président du tribunal de commerce statuant en référé sur le fondement des articles 872 et 873 du code de procédure civile et le Président du tribunal de commerce statuant en matière de mesures conservatoires prévues par les textes précités constituent deux entités distinctes en droit, qui ne connaissent pas la même procédure, notamment en ce qui concernent les voies de recours et ne disposent pas des mêmes pouvoirs.

Dès lors le Président du tribunal de commerce saisi en sa qualité de juge des référés ne pouvait pas statuer sur la demande de mainlevée de saisie-conservatoire de la société IBS Construction, qui relevait des pouvoirs du juge de l'exécution.

Sur les autres demandes

La demande en dommages et intérêts de la société IBS Construction sera rejetée puisqu'il n'est fait pas fait droit à sa demande principale.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Dreamstones Limited.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Par substitution de motifs,

Confirme l'ordonnance en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

Dit que la demande de mainlevée la saisie conservatoire ne relève pas de la compétence du juge des référés ;

Condamne la SAS IBS Construction à verser à la société Dreamstones Limited la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS IBS Construction aux dépens et fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL PERSEA représentée par Me Claude de V., qui en a fait la demande.