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Décisions

CRE, cordis, 28 mars 2011, n° 02-38-11

COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉNERGIE

Arrêt

sur le différend qui oppose la société Voltalia Organabo Investissements à la société Électricité de France (EDF) relatif aux conditions de raccordement d’une installation de production photovoltaïque au réseau public de distribution d’électricité

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Racine

Rapporteur :

M. Stakowski

Avocats :

Me Meddeb, Me Moisson

CRE n° 02-38-11

27 mars 2011

Le comité de règlement des différends et des sanctions,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 17 janvier 2011, sous le numéro 02-38-11, présentée par la société Voltalia Organabo Investissements, société en nom collectif, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Cayenne sous le numéro B 508 765 591, dont le siège social est situé, 67, impasse du Chèvrefeuille, lotissement Ganty, 97351 Matoury, représentée par son représentant légal, Monsieur Robert DARDANNE, gérant, ayant pour avocat, Maître Elisabeth MOISSON, 54, avenue Victor Hugo, 75116 Paris.

La société Voltalia Organabo Investissements (ci-après désignée « Voltalia ») a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie du différend qui l’oppose à la société Electricité de France (ci-après désignée « EDF »), sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d’électricité d’un projet de centrale photovoltaïque situé sur la commune de Mana en Guyane (973).

Elle considère que, conformément à la procédure de traitement des demandes de raccordement de la société EDF, son projet de centrale photovoltaïque aurait dû entrer en file d’attente dès l’obtention d’une autorisation d’urbanisme.

La société Voltalia estime, en effet, que son projet nécessitait, au titre du code de l’urbanisme, une déclaration d’urbanisme ou un permis de construire pour le poste de raccordement qui accompagne les panneaux photovoltaïques de son installation de production.

Elle considère que les projets semblables aux siens qui ne disposaient pas de déclaration d’urbanisme ou de permis de construire n’auraient pas dû entrer en file d’attente de raccordement.

La société Voltalia estime que le décret du 19 novembre 2009 n’a pas fait évoluer les conditions d’entrée en file d’attente des projets photovoltaïques au sol comme le sien.

Elle considère que les dispositions transitoires édictées par la société EDF à la suite de l’entrée en vigueur du décret du 19 novembre 2009 ont maintenu volontairement les files d’attente existantes constituées initialement.

La société Voltalia soutient que la constitution de la file d’attente est irrégulière et en contradiction avec les principes de la décision de la Commission de régulation de l’énergie du 11 juin 2009 et avec le souhait des pouvoirs publics.

Elle estime, en outre, que la société EDF a méconnu le principe de traitement non discriminatoire de l’accès au réseau en offrant des conditions de raccordement différentes aux demandeurs de raccordement.

La société Voltalia indique que les déconnexions qui sont imposées à son projet au titre de la procédure de raccordement sont irrégulières dès lors qu’elles ne tiennent pas compte du fait que d’autres projets sont irrégulièrement entrés en file d’attente antérieurement.

Elle estime que la procédure de raccordement de la société EDF constitue une réglementation entachée d’illégalité.

La société Voltalia considère que l’utilisation de la file d’attente de raccordement pour l’affectation des découplages prévus à l’article 22 de l’arrêté du 23 avril 2008 ne repose sur aucun fondement objectif et concret permettant d’en établir la légitimité, constitue une rupture d’égalité de traitement effectif du réseau et ne peut lui être opposé.

Elle estime que la société EDF n’a donné dans sa proposition technique et financière aucun élément précis permettant d’apprécier le principe et le quantum de la durée des heures de déconnexion qui lui sont imposées.

La société Voltalia considère que la société EDF devrait en outre s’engager sur la quantité des effacements et la vitesse de leur résorption.

Elle estime que les projets de puissance inférieure ou égale à 100 kVA bénéficient d’une priorité de traitement sans raison objective qui engendre une inégalité entre demandeurs de raccordement.

La société Voltalia considère que les projets de puissance inférieure ou égale à 100 kVA ne devraient pas être pris en compte dans la file d’attente et dans le calcul des déconnexions issues de l’application de l’article 22 de l’arrêté du 23 avril 2008, dès lors qu’elles échappent à ces déconnexions.

La société Voltalia Organabo Investissements demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie de :

En premier lieu,

- constater que la société EDF a méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement au réseau public d’électricité ;

- constater que la société EDF a manqué à son obligation de non discrimination des demandes de raccordement pour le projet de la société Voltalia Organabo Investissements ;

- constater que la place du projet de la société Voltalia Organabo Investissements dans la file d’attente est irrégulière ;

En conséquence,

- ordonner à la société EDF de procéder à la modification de la place du projet de la société Voltalia Organabo Investissements dans la file d’attente en fonction des seuls projets régulièrement entrés en file d’attente préalablement à sa propre inscription dans la dite file ;

- ordonner à la société EDF de justifier de l’évolution de la place du projet de la société Voltalia Organabo Investissements, et de communiquer, dans le respect du secret des affaires, l’état des projets – puissance et date d’entrée dans la file d’attente – illégalement entrés en file d’attente antérieurement au projet de la société Voltalia Organabo Investissements.

En deuxième lieu,

A titre principal,

- constater l’illégalité du lien entre le nombre d’heures de déconnexion et la place dans la file d’attente instaurée pour l’accès au réseau ;

En conséquence,

- ordonner l’établissement d’un nouveau calcul des heures de déconnexion applicable au projet en fonction de la date de connexion au réseau public de distribution d’énergie électrique ;

A titre subsidiaire,

- constater l’illégalité de la corrélation entre la place dans la file d’attente et le nombre d’heures de déconnexion imposée au projet ;

En conséquence,

- ordonner à la société EDF de procéder à la modification du nombre d’heures de déconnexion imposé au projet de la société Voltalia Organabo Investissements en fonction de sa place reconstituée dans la file d’attente ;

- constater le caractère irrégulier de l’absence d’engagement de la société EDF sur les heures de déconnexion et leur durée d’application en fonction des améliorations à apporter au réseau ;

- ordonner à la société EDF de justifier de manière précise et circonstanciée des durées de déconnexions prévues et de s’engager sur ces durées annuelles et sur le nombre d’années au cours desquelles elles seront appliquées.

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Vu les observations en défense, enregistrées le 2 février 2011, présentées par la société Electricité de France (EDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 552 081 317, dont le siège social est situé 22-30, avenue de Wagram, 75008 Paris, représentée par son Directeur Juridique France, Monsieur Olivier SACHS, et ayant pour avocat, Maître Mounir MEDDEB, 23, rue d’Artois, 75008 Paris.

La société EDF affirme que la saisine de la société Voltalia n’est fondée sur aucune pièce mais uniquement sur des conjectures et doit donc être déclarée irrecevable.

Elle estime que la saisine de la société Voltalia est sans objet dans la mesure où les délais qui s’imposent à elle la conduiront à formuler une nouvelle demande de raccordement, suivant les dispositions du décret du 9 décembre 2010.

La société EDF indique avoir considéré lors de la demande de raccordement de la société Voltalia que le projet de celle-ci devait pour entrer en file d’attente disposer d’une copie du récépissé de déclaration d’exploitation ou d’une copie de l’autorisation d’exploitation.

Elle estime qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur le raccordement d’une installation pour des considérations relatives au respect des règles d’urbanisme.

La société EDF indique que la société Voltalia n’aurait pas pu entrer en file d’attente en date du 26 septembre 2008 sur le fondement de l’autorisation d’urbanisme dans la mesure où elle ne pouvait à cette date se prévaloir de ce document.

Elle indique que l’avenant à sa procédure de raccordement pris en application du décret du 19 novembre 2009 avait pour objet de garantir l’égalité d’accès des utilisateurs au réseau et ne visait pas à valider a posteriori la constitution de la file d’attente.

La société EDF indique avoir parfaitement respecté les obligations de transparence, de traitement non discriminatoire et d’objectivité concernant la constitution de la file d’attente de raccordement.

Elle considère que le référentiel technique constitue un acte administratif à caractère réglementaire, et que le comité de règlement des différends et des sanctions doit donc se déclarer incompétent pour en juger de la légalité.

La société EDF indique que le principe des heures de déconnexion qui pourraient être imposées ne résulte pas d’une décision arbitraire émanant de la société EDF mais est la stricte application de l’arrêté du 23 avril 2008.

Elle indique n’avoir jamais changé ses critères d’estimation ni modifié ses modalités de calcul des heures de déconnexion. En tout état de cause, la société EDF affirme que la demande de raccordement de la société Voltalia est intervenue alors que la version 3 du référentiel technique de la société EDF était déjà en vigueur.

La société EDF considère que l’ordre d’entrée en file d’attente permet d’estimer les déconnexions sur la base d’un élément objectif qui résulte d’un stade avancé du projet tant techniquement qu’administrativement.

Elle estime, en outre, que le critère de date de raccordement effectif proposé par la société Voltalia est, au contraire, inopérant dans la mesure où il conduirait la société EDF à n’informer les demandeurs de raccordement sur leurs déconnexions potentielles que lors de la mise en service du raccordement.

La société EDF affirme ne pas être en mesure de réaliser les études qui lui permettraient de s’engager sur les heures de déconnexion. Elle considère qu’aucune obligation n’est mise à la charge de la société EDF d’indiquer le nombre d’heures de déconnexion susceptible d’être appliqué à un projet d’installation photovoltaïque au stade de la proposition technique et financière.

Elle considère avoir informé l’ensemble des parties prenantes des méthodes utilisées pour le calcul des heures de déconnexions, y compris le président de la société Voltalia.

La société EDF estime par ailleurs que la société Voltalia entretient une confusion entre les déconnexions issues de l’application de l’article 22 de l’arrêté du 23 avril 2008 et les effacements dus aux besoins de renforcement de réseau.

Elle indique que la non application des déconnexions aux installations de puissance inférieure ou égale à 100 kVA découle des dispositions de l’arrêté du 23 avril 2008 et en aucun cas d’une décision de la société EDF.

La société EDF considère que la sûreté du réseau exige de prendre en compte toutes les installations de puissance inférieure ou égale à 100 kVA dans le calcul des déconnexions imposées en application de l’arrêté du 23 avril 2008.

La société EDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie de :

- déclarer la saisine de la société Voltalia Organabo Investissements irrecevable ;

- se déclarer incompétent pour examiner l’exception d’illégalité soulevée par la société Voltalia Organabo Investissements ;

- rejeter les demandes de la société Voltalia Organabo Investissements comme non fondées ;

- dire que la société EDF a respecté les dispositions de sa procédure et de la réglementation en vigueur ;

Par conséquent, de rejeter l’ensemble des demandes de la société Voltalia Organabo Investissements.

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Vu les observations en réplique, enregistrées le 2 mars 2011, présentées par la société Voltalia.

La société Voltalia considère que, dans la mesure où la société EDF refuse toute communication d’information sur les projets concurrents et leur contenu et sur la file d’attente de raccordement, il ne peut lui être opposé de défaut d’éléments probants tendant à légitimer le replacement de son projet de centrale photovoltaïque en file d’attente.

Elle soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour se prononcer sur l’exception d’illégalité qu’elle soulève.

La société Voltalia conteste que sa demande soit sans objet du fait qu’elle n’aurait pas le temps matériel de mener à bien la construction de son projet d’installation de production photovoltaïque.

Elle estime que le comité de règlement des différends et des sanctions est fondé à examiner si les règles d’entrée et de maintien en file d’attente ont été appliquées sans discrimination à chaque projet.

La société Voltalia soutient que les dispositions du code de l’urbanisme ont été de manière constante applicables à son projet de centrale photovoltaïque.

Elle considère que la société EDF n’a pas appliqué l’article 4.9 de sa procédure de traitement des demandes de raccordement en considérant que les porteurs de projets ne se devaient pas de lui transmettre une autorisation d’urbanisme ou une déclaration préalable.

La société Voltalia estime que la mise en œuvre de l’avenant de la procédure de traitement des demandes de raccordement à la suite de l’entrée en vigueur du décret du 19 novembre 2009 démontre que la société EDF était en mesure de vérifier si les projets étaient régulièrement composés avec une autorisation d’urbanisme.

Elle considère que le traitement par la société EDF de la file d’attente à la suite de l’entrée en vigueur du décret du 19 novembre 2009 a induit une discrimination entre producteurs.

La société Voltalia précise ne pas demander de bénéficier d’un reclassement en file d’attente de raccordement, mais demande que soit appliquée à l’ensemble des projets la même procédure de raccordement.

Elle considère que la société EDF est fautive de ne pas avoir mentionné les règles qu’elle appliquait en matière de déconnexion dans sa procédure de traitement des demandes de raccordement.

La société Voltalia estime que la procédure de traitement des demandes de raccordement impose à la société EDF de fixer les heures de déconnexion au stade de la proposition technique et financière.

Elle considère que l’absence de retour d’expérience sur le dépassement du seuil réglementaire de 30 % n’est pas opposable aux porteurs de projets.

La société Voltalia affirme que l’absence d’engagement de la société EDF sur la durée des déconnexions constitue un refus d’accès, dans la mesure où elle remet en cause l’existence des projets, dès lors que le financement de ces projets demande de connaître l’énergie que l’installation de production pourra injecter.

Elle estime que la méthode de calcul affichée par la société EDF ne lui permet pas de connaître l’évolution de ses heures de déconnexion, ni de vérifier la réalité des éléments communiqués par la société EDF.

La société Voltalia considère que la société EDF n’a pas respecté sa procédure d’entrée en file d’attente et les conditions de réservation de capacité accordées aux projets en file d’attente lorsqu’elle a pris en compte, dans la file d’attente, les projets de petite taille à la suite de la modification de l’arrêté du 23 avril 2008.

La société Voltalia persiste donc dans ses précédentes conclusions.

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Vu les observations en duplique, enregistrées le 9 mars 2011, présentées par la société EDF.

La société EDF estime que la saisine de la société Voltalia est irrecevable en ce qu’elle ne comporte pas de pièce à l’appui de ses allégations.

Elle considère ne pas pouvoir communiquer d’information à la société Voltalia concernant la file d’attente de raccordement dans la mesure où ces informations sont protégées par les dispositions du décret du 16 juillet 2001.

La société EDF affirme avoir transmis à la société Voltalia toutes les informations demandées.

Elle estime que le pouvoir d’instruction dont dispose le comité de règlement des différends et des sanctions renvoie au droit de communication reconnu notamment aux administrations pour le bon exercice des missions qui leur sont confiées et doit être exercé par le collège de la Commission de régulation de l’énergie.

La société EDF considère que le comité de règlement des différends et des sanctions n’est pas compétent pour se prononcer sur la légalité de son référentiel technique, dès lors que le juge administratif est seul compétent pour en connaître.

Elle indique avoir amendé sa procédure uniquement pour prendre en compte les dispositions du décret du 19 novembre 2009, et non pour modifier les critères d’attribution des heures de déconnexion en application de l’article 22 de l’arrêté du 23 avril 2008.

La société EDF conteste que l’avenant à la procédure de traitement des demandes de raccordement pris après l’entrée en vigueur du décret du 19 novembre 2009 soit illégal. Elle considère que cet avenant répond uniquement à des exigences en termes d’instruction et de gestion des demandes de raccordement.

Elle estime avoir traité la demande de raccordement de la société Voltalia de manière non discriminatoire, concernant les déconnexions.

La société EDF indique que l’autorisation d’urbanisme du projet de la société Voltalia lui a été communiquée, le 3 février 2010, après son entrée en file d’attente.

Elle considère que la société EDF ne peut invoquer l’article 4.7 de la procédure de traitement des demandes de raccordement sans entretenir une confusion entre le régime des effacements liés aux besoins de renforcement du réseau HTB et le régime de déconnexion prévu à l’article 22 de l’arrêté du 23 avril 2008.

La société EDF indique que la procédure de traitement des demandes de raccordement fait bien mention des règles relatives aux heures de déconnexion prévues en application de l’article 22 de l’arrêté du 23 avril 2008.

Elle rappelle que la distinction dans le régime d’attribution des déconnexions entre les installations de puissance inférieure ou supérieure à 100 kVA découle de la réglementation.

La société EDF persiste donc dans ses précédentes conclusions.

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Vu la lettre, enregistrée le 14 février 2011, par laquelle la société Voltalia a indiqué que la mention sur la première page de la proposition technique et financière de la commune de Matoury se réfère au siège de la société, ou alors révèle une erreur matérielle de la société EDF. Elle a confirmé que la localisation du projet de centrale photovoltaïque est bien située au Carrefour Organabo, sur la commune de Mana, ce qui a conduit la société EDF à proposer un raccordement au poste source « Organabo ».

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 modifiée, relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, notamment son article 38 ;

Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié, relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l’énergie ;

Vu la décision du 20 février 2009, relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie ;

Vu la décision du 17 janvier 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la désignation d’un rapporteur et de rapporteurs adjoints pour l’instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 02-38-11 ;

Vu la décision du 18 mars 2011 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la prorogation du délai d’instruction de la demande de règlement de différend introduite par la société Voltalia ;

Vu le décret n° 2009-1414 du 19 novembre 2009, relatif aux procédures administratives applicables à certains ouvrages de production d’électricité ;

Vu l’arrêté du 23 avril 2008 modifié, relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau public de distribution d’électricité en basse tension ou en moyenne tension d’une installation de production d’énergie électrique ;

Vu l’arrêté du 15 février 2010 modifiant l’arrêté du 23 avril 2008, relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau public de distribution d’électricité en basse tension ou en moyenne tension d’une installation de production d’énergie électrique ;

Vu la décision du 7 avril 2004 de la Commission de régulation de l’énergie, sur la mise en place des référentiels techniques des gestionnaires de réseaux publics d’électricité ;

Vu la décision du 11 juin 2009 de la Commission de régulation de l’énergie, sur les règles d’élaboration des procédures de traitement des demandes de raccordement aux réseaux publics de distribution d’électricité et le suivi de leur mise en œuvre.

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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, qui s’est tenue le 28 mars 2011, en présence de :

Monsieur Pierre-François RACINE, président du comité de règlement des différends et des sanctions, Madame Dominique GUIRIMAND, Madame Sylvie MANDEL et Monsieur Roland PEYLET, membres du comité de règlement des différends et des sanctions,

Monsieur Olivier BEATRIX, directeur juridique,

Monsieur Nicolas STAKOWSKI, rapporteur et Monsieur Jérémie ASTIER, rapporteur adjoint,

La société Voltalia représentée par Maître Elisabeth MOISSON,

La société EDF représentée par Maître Mounir MEDDEB.

Après avoir entendu :

- le rapport de Monsieur Nicolas STAKOWSKI, présentant les moyens et les conclusions des parties ;

- les observations de Monsieur Robert DARDANNE et de Maître Elisabeth MOISSON pour la société Voltalia : la société Voltalia persiste dans ses moyens et conclusions ;

- les observations de Monsieur Gilles LATARNUS et de Maître Mounir MEDDEB pour la société EDF  : la société EDF persiste dans ses moyens et conclusions ;

Aucun report de séance n’ayant été sollicité ;

Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 28 mars 2011, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.

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Les faits : 

Il ressort des pièces du dossier que la société Voltalia Organabo Investissements développe un projet de centrale photovoltaïque au sol, pour une puissance de production installée de 5,985 MWc, sur le territoire de la commune de Mana (Guyane) et localisé au Carrefour d’Organabo. La société Electricité de France (EDF) est le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité sur le territoire de cette commune.

Le 19 septembre 2008, la société Voltalia Guyane, agissant pour le compte de sa filiale, la société Voltalia Organabo Investissements, a demandé à la direction des Systèmes Énergétiques Insulaires (SEI) de la société EDF, une proposition technique et financière pour le raccordement de son projet de centrale photovoltaïque.

Le 26 septembre 2008, la société EDF a indiqué à la société Voltalia qu’il manquait, pour l’entrée de son projet de centrale photovoltaïque en file d’attente, l’autorisation d’exploitation délivrée par la Direction de la demande et des marchés énergétiques (DIDEME).

Le 4 décembre 2008, le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a autorisé, par un arrêté du même jour, la société Voltalia à exploiter une ferme solaire, d’une capacité de production de 5,985 MWc.

Le 31 décembre 2008, la société EDF a indiqué à la société Voltalia que les données techniques de son projet de centrale photovoltaïque étaient validées et qu’une proposition technique et financière lui serait communiquée pour le 9 mars 2009.

Le 6 février 2009, le Préfet de Guyane a accordé un permis de construire pour la ferme photovoltaïque.

Le 27 février 2009, la société EDF a communiqué à la société Voltalia une proposition technique et financière pour le raccordement du projet de centrale photovoltaïque « Organabo Exploitation » sur le réseau public de distribution par une liaison souterraine en HTA de 60 mètres, raccordée sur un départ dédié du poste source « Organabo ». Cette proposition technique et financière a évalué le montant des travaux de raccordement à 80.288,77 € HT et prévu une durée de 18 mois pour leur réalisation. Cette proposition technique et financière mentionnait que des limitations de production, estimées à environ 820 heures par an étaient nécessaires pour ne pas dépasser le seuil de 30 % prévu à l’article 22 de l’arrêté du 23 avril 2008. La société EDF a également rappelé que la société Voltalia disposait d’un délai de trois mois pour donner son accord et verser un acompte d’un montant de 12.028,88 € HT.

Le 30 avril 2009, le certificat ouvrant droit à l’obligation d’achat d’électricité a été délivré par la Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (DRIRE) des Antilles-Guyane.

Le 29 mai 2009, la société Voltalia a signé, avec réserves, la proposition technique et financière transmise par la société EDF et a versé l’acompte demandé. Les réserves concernaient l’article « B2 » relatif aux durées de déconnexion du projet de centrale photovoltaïque lorsque le seuil de 30 % était dépassé.

Le 2 juillet 2009, la société EDF a indiqué à la société Voltalia que compte tenu des réserves exprimées, elle ne pouvait pas accepter la proposition technique et financière.

Le 15 juillet 2009, la société Voltalia a signé la proposition technique et financière sans aucune réserve.

Le 20 octobre 2009, la société EDF a communiqué à la société Voltalia une convention de raccordement qui mentionnait que le projet de centrale photovoltaïque était susceptible de faire l’objet de 810 heures de déconnexion par an.

Le 19 janvier 2010, la société Voltalia a signé la convention de raccordement et a versé un nouvel acompte.

Le 28 janvier 2010, la société EDF a demandé à la société Voltalia la fourniture du document d’urbanisme pour l’installation de production photovoltaïque, conformément à l’avenant apporté à la procédure de traitement des demandes de raccordement à la suite de l’entrée en vigueur du décret du 19 novembre 2009.

Le 3 février 2010, la société Voltalia a communiqué à la société EDF une copie du permis de construire obtenu le 6 février 2009.

Le 17 septembre 2010, la société Voltalia a demandé à la société EDF une révision des durées de déconnexion.

Le 14 octobre 2010, la société EDF a indiqué à la société Voltalia que l’évolution de la file d’attente permettait de réactualiser l’estimation des limitations de production pour le projet de centrale photovoltaïque à environ 790 heures par an.

Estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution de son installation de production n’étaient pas satisfaisantes, la société Voltalia Organabo Investissements a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie d’une demande de règlement du différend qui l’oppose à la société EDF.

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Sur la place du projet de centrale photovoltaïque de la société Voltalia dans la file d’attente par rapport aux autres projets d’installation de production

La société Voltalia demande au comité de règlement des différends et des sanctions d’ordonner à la société EDF de justifier de l’évolution de la place du projet de la société Voltalia, et de communiquer, dans le respect du secret des affaires, l’état des projets – puissance et date d’entrée dans la file d’attente – qui seraient illégalement entrés en file d’attente antérieurement au 9 décembre 2008, date à laquelle son projet a été admis.

La société Voltalia demande également au comité de règlement des différends et des sanctions d’ordonner à la société EDF de procéder à la modification de la place de son projet dans la file d’attente en fonction des seuls projets régulièrement entrés en file d’attente préalablement à sa propre inscription dans la dite file.

Elle soutient que la file d’attente a été irrégulièrement composée et que le gestionnaire du réseau public de distribution a permis un accès privilégié à certains candidats et n’a pas respecté les obligations de transparence, de non discrimination et d’objectivité prévues par la loi du 10 février 2000.

Toutefois, la société Voltalia n’apporte aucune preuve ou n’avance pas la moindre pièce qui permette d’établir que la société EDF aurait irrégulièrement fait entrer en file d’attente ou maintenu transitoirement à leur place dans cette file après l’entrée en vigueur du décret n° 2009-1414 du 19 novembre 2009 des projets d’installation de production antérieurement au projet de centrale photovoltaïque de la société Voltalia.

Il n’appartient pas au comité de règlement des différends et des sanctions de faire peser exclusivement sur la société EDF la charge d’éléments de preuve qui incombe à la société Voltalia. Ces demandes ne peuvent donc qu’être rejetées.

Au surplus, la société Voltalia ne saurait contester la date du 9 décembre 2008 comme étant celle de l’entrée en file d’attente de son projet.

En effet, aux termes de l’article 4.9 de la procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d’électricité aux réseaux publics de distribution de la société ERDF, appliquée par la direction des Systèmes Énergétiques Insulaires de la société EDF pour les installations de production, dans sa rédaction en vigueur à la date de la demande de proposition technique et financière, la date d’entrée en file d’attente est fixée à la date de réception par EDF de la « fourniture par le producteur d’un des documents suivants […] :

- pour les installations soumises à permis de construire, une copie de la décision accordant le permis de construire (notamment le cas des projets éoliens de hauteur supérieure à 12 mètres) spécifiée à l’article R.421-29 du code de l’urbanisme, ou de l’attestation prévue par l’article R.421-31 du même code ;

- pour les installations soumises à la déclaration de travaux, une copie de la déclaration de travaux ou de la mention de notification de prescriptions comme indiqué à l’article R.422-10 du code de l’urbanisme ;

- pour les installations soumises à une autorisation administrative exigeant la fourniture d’une étude d’impact préalable avec enquête publique (notamment les installations hydroélectriques ou celles qui sont classées pour la production de l’environnement), une copie de cette autorisation ;

- pour les installations ne relevant d’aucun des cas ci-dessus, une copie du récépissé de déclaration d’exploitation ou une copie de l’autorisation d’exploitation, documents délivrés dans les conditions prévues par le décret n° 2000-877 du 7 septembre 2000, […] ».

Il ressort des pièces du dossier que la société Voltalia a demandé à la société EDF, pour son projet de centrale photovoltaïque, une proposition technique et financière le 19 septembre 2008, sans joindre à sa demande un permis de construire, permis qu’elle venait seulement de demander au Préfet de Guyane.

La société EDF a alors considéré que le projet de centrale photovoltaïque relevait de la quatrième catégorie de l’article 4.9 de sa procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d’électricité alors en vigueur, ce qui impliquait que le demandeur fournisse la copie de l’autorisation d’exploitation, laquelle a été produite par la société Voltalia le 5 décembre 2008.

En tout état de cause, si la société EDF avait estimé que le projet de centrale photovoltaïque de la société Voltalia relevait de la première catégorie de l’article 4.9 de la procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d’électricité, elle n’aurait pu faire entrer le projet en file d’attente qu’au vu de la copie du permis de construire. Or le permis de construire, obtenu le 6 février 2009, n’a été transmis à la société EDF, à sa demande, que le 3 février 2010.

Dès lors, la société Voltalia ne peut se plaindre de ce que son projet de centrale photovoltaïque ait été admis en file d’attente le 9 décembre 2008.

Sur le nombre d’heures de déconnexion appliquées au projet de centrale photovoltaïque de la société Voltalia

Sur le lien entre le nombre d’heures de déconnexion et la place en file d’attente et sur le calcul du nombre d’heures de déconnexion applicables au projet de centrale photovoltaïque de la société Voltalia 

La société Voltalia demande au comité de règlement des différends et des sanctions de constater que le lien entre le nombre d’heures de déconnexion et la place dans la file d’attente n’est pas approprié pour déterminer l’accès à la capacité d’accueil de la production sur le réseau.

La société Voltalia demande par conséquent au comité de règlement des différends et des sanctions d’ordonner à la société EDF l’établissement d’un nouveau calcul des heures de déconnexion applicables au projet en fonction de la date de connexion effective au réseau public de distribution d’énergie électrique.

Aux termes de l’article 1er de la loi du 10 février 2000, le « service public de l’électricité est géré dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité, et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d’efficacité économique, sociale et énergétique ».

Aux termes de l’article 2 de la même loi, « selon les principes et conditions énoncés à l’article 1er, le service public de l’électricité assure […] le développement et l’exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité ainsi que la fourniture d’électricité, dans les conditions définies ci-après. […] La mission de développement et d’exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité consiste à assurer : […] le raccordement et l’accès, dans des conditions non discriminatoires, aux réseaux publics de transport et de distribution ».

Suivant les dispositions des articles 19 et 22 de l’arrêté du 23 avril 2008, dans sa rédaction en vigueur le 19 janvier 2010, date de la signature de la convention de raccordement, toute installation de production dont la puissance Pmax atteint au moins 1 % de la puissance minimale transitant sur le réseau public de distribution d’électricité « mettant en œuvre de l’énergie fatale à caractère aléatoire telles les fermes éoliennes et les installations photovoltaïques peut être déconnectée du réseau public de distribution d’électricité à la demande du gestionnaire de ce réseau lorsque ce dernier constate que la somme des puissances actives injectées par de telles installations atteint 30 % de la puissance active totale transitant sur le réseau ».

Aux termes de l’article 3 du référentiel technique, relatif à l’insertion de production éolienne et photovoltaïque dans les réseaux publics des zones non interconnectées de la société EDF, la « règle de priorité à la déconnexion à appliquer est celle du dernier arrivé en file d’attente, premier déconnecté : l’installation de production la plus récente dans la file d’attente sera la première déconnectée, ensuite la deuxième plus récente si nécessaire, etc. ».

Le lien entre le nombre d’heures de déconnexion et la place en file d’attente ne contrevient pas au principe de non discrimination garanti par l’article 2 de la loi du 10 février 2000. En outre, l’estimation du nombre d’heures de déconnexion dès le stade de la proposition technique et financière est un élément pertinent pour permettre au porteur d’un projet d’installation de production d’intégrer, le cas échéant, dans son plan d’investissement, l’impact financier du nombre d’heures de déconnexion, ce qu’il ne pourrait faire utilement si de telles données ne lui étaient fournies qu’au stade de la connexion effective.

Dès lors, la corrélation entre le nombre d’heures de déconnexion et la place en file d’attente est conforme aux principes énoncés à l’article 1er de la loi du 10 février 2000.

La demande de la société Voltalia relative à l’illégalité du lien entre le nombre d’heures de déconnexion et la place dans la file d’attente ne peut donc qu’être rejetée.

Par conséquent, il en va de même, de la demande tendant à l’établissement par la société EDF d’un nouveau calcul des heures de déconnexion applicables au projet en fonction de la date de connexion au réseau public de distribution d’énergie électrique.

Sur l’absence d’engagement de la société EDF sur les heures de déconnexion et leur durée d’application 

La société Voltalia demande au comité de règlement des différends et des sanctions de constater le caractère irrégulier de l’absence d’engagement de la société EDF sur les heures de déconnexion et leur durée d’application en fonction des améliorations à apporter au réseau.

La probabilité de dépassement du seuil de 30 % mentionné à l’arrêté du 23 avril 2008 précité, est estimée par la société EDF, pour chaque projet d’installation de production dont la puissance Pmax est supérieure à la limite fixée par cet arrêté, à partir de la courbe de charge de consommation, de la puissance totale des installations de production éoliennes et photovoltaïques existantes, de la puissance totale des projets d’installations de production éolienne et photovoltaïque antérieurement en file d’attente et des projets d’installation de production non soumis à déconnexion.

Il ressort des pièces du dossier que, lors de l’établissement de la proposition technique et financière, la société EDF a évalué le nombre d’heures de déconnexion à environ 820 heures par an à partir de la courbe de charge de consommation de la Guyane pour l’année 2007, des productions éoliennes et photovoltaïques des parcs existants et des projets de production positionnés antérieurement en file d’attente.

La file d’attente ayant évolué, ce nombre d’heures de déconnexion a été par la suite ramené par la société EDF à 790 heures par an.

Dès lors que les paramètres pris en compte par la société EDF pour le calcul des heures de déconnexion sont évolutifs et que la société EDF n’a pas la capacité d’agir sur ces paramètres, il en découle que le gestionnaire de réseau public de distribution ne peut pas s’engager sur un nombre d’heures de déconnexion.

Au demeurant, les améliorations que pourrait apporter la société EDF sur le réseau public de distribution, notamment en matière de renforcement des ouvrages du réseau, ne peuvent pas contribuer à diminuer le nombre d’heures de déconnexion.

La demande de la société Voltalia relative à l’absence d’engagement de la société EDF sur les heures de déconnexion et leur durée d’application en fonction des améliorations à apporter au réseau est donc rejetée.

Sur la justification des durées de déconnexion prévues 

La société Voltalia demande au comité de règlement des différends et des sanctions d’ordonner à la société EDF de justifier de manière précise et circonstanciée des durées de déconnexion prévues et de s’engager sur ces durées annuelles et sur le nombre d’années au cours desquelles elles seront appliquées.

Il ressort des pièces du dossier que la société EDF a évalué en dernier lieu, à titre indicatif et prévisionnel, le nombre d’heures de déconnexion à environ 790 heures par an, à partir de la courbe de charge de consommation de la Guyane pour l’année 2009, des productions éoliennes et photovoltaïques des parcs existants et des projets de production positionnés antérieurement en file d’attente. 

Les pièces du dossier font également apparaître que, lors d’un comité de concertation des producteurs, la société EDF a précisé la méthode de calcul de cette estimation. Cette méthode a été rendue publique dans sa documentation technique de référence sur le site Internet de la société.

Ainsi, contrairement à ce que soutient la société Voltalia, les éléments produits par la société EDF pour estimer les déconnexions susceptibles d’être imposées au projet de centrale photovoltaïque de la société Voltalia sont suffisants pour les justifier.

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DÉCIDE : 

Article 1er. – Les demandes de la société Voltalia Organabo Investissements sont rejetées.

Article 2. – La présente décision sera notifiée à la société Voltalia Organabo Investissements et à la société Electricité de France. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.